■ ^ -■ m^^' !*,•**)•««*. ?p^'« "^^^^■■-îC '**k' . ?" ' ■^-m^^i.. ■^^ ♦ .é ^W..^'l«!&:'N■' £e ' C4C «ce ce eCC ce *^^ c ^c ^ c «^cc^ ^S^CCC-CC «^^ <^ "^SS^^^i^^ ^t^^ <-' T 'auteur de mémoires est toujours un avocat ; PRÉIACIL. m le pamphlétaire est un témoin qui souvent dépose contre lui-même. Cette utilité des pamphlets pour la critique histo- rique a été sentie dès les premiers jours de leur appa- rition. Charles IX n'était pas à la moitié de son règne que déjà Pierre Estiart imprimait à Strasbourg le Bc- ciieil des choses mémorables faites et passées pour le faict de la religion et estât de ce royaume depuis, la mort du roy Henrj II jusqu'au commencement des troubles. Quatre ans après , le protestant La Popelinière ter- minait au bruit des joyeuses acclamations de la paix de 1 570 et pubhait à la Rochelle V Histoire de notre temps ou Recueil des choses mémorables passées en France depuis ledit de mars 1568. Ce sont en quel- que sorte les pièces justificatives de sa grande histoire des guerres de religion. Puis vinrent les Mémoires de lestât de France sous Charles neuvième en 1 576 ; les Mémoires de la Ligue ; le Recueil des pièces les phis curieuses qui ont été faites pendant le règne du connestable M. de Luyne^ dont la première édition est de 1622; en 1637, Diverses pièces pour la défense de la rejne mère du roy très- chrétien Louis XI JJ , faictes et revues par Mathieu de Morgues; enfin en 1640 le Recueil de diverses pièces pour servir à F histoire que Duchâtelet a publié pour la défense du cardinal de Richelieu. Vers le milieu du xvui' siècle, le premier de tous ces recueils fut refondu et augmenté par Secousse, continué par Lenglet Dufresnoy sous le titre de Mé- IV PRÉFACE. moires de Condë ; et les Mémoires de la Ligue repa- rurent avec des augmenlations considérables de l'abbé Goujet. Ainsi depuis Henri II jusqu'à Louis Xllï inclusive- ment, nous avons une suite à peu près non interrom- pue de recueils de pamphlets qui touchent à tous les grands événements de ces règnes successifs. Sans doute ce n'est pas tout ce que la passion politique a écrit ou publié ; il y manque beaucoup de pièces et des meilleures. Pourtant les recueils sont à ceux qui veulent étudier sérieusement Fhistoire , d'une très- réelle utilité. Pour continuer à suivre l'ordre des temps, il y avait a recueillir dans la volumineuse collection des Maza- RîiN'ADEs un certain nombre de pièces les plus curieuses par les faits qu'elles contiennent, les meilleures par 1 habileté de la composition ou par l'éclat du style. C'est ce que j'ai essayé de faire. Dès \ 649 , après la paix de Saint-Germain , des li- braires réunirent sous un titre général les pamphlets que le public avait semblé recevoir avec le plus de fa- veur ; et on vit paraître presque en même temps le Recueil de touies les pièces faites contre le cardinal Mazarin sur ï enlèvement du roi ^ le Recueil de ce qui s est passé contre le mauvais gouvernement de Jules Mazarin , le Recueil de plusieurs pièces curieuses tant en vers (pi en prose , le Recueil des pièces imprimées durant les mouvements de Vannée 1649 et d'autres en- core ; mais tous ces recueils ont été faits sans intelli- gence, sans critique ; ils ne comprennent guère d'ail- PRÉFACE. T leurs que les trois premiers mois de la Fronde ; enfui ils sont très-rares. Obligé de me renfermer dans un cadre «issez étroit, j'ai d'abord écarté toutes les pièces officielles : arrêts, édits, ordonnances, déclarations. On les trouve dans Y Histoire du temps de Du Portail et dans le Journal du parlement. Je me suis ensuite attaché aux pamphlets qui font plus particulièrement connaître les opinions et les intérêts des partis, les caractères et les situations des personnages. Quand à l'intérêt historique ou politique ils n'ont pas joint un certain mérite littéraire , je me suis contenté de les publier par extraits. C'est à l'année 1649 que j'ai emprunté le plus grand nombre de pièces par deux raisons : la première est que les griefs de l'opinion contre la personne et l'ad- ministration du cardinal Mazarin sont exposés d une manière plus complète et plus détaillée dans les pam- phlets de cette date ; la seconde que pendant le blo- cus de Paris les intérêts individuels se sont plus effacés devant les intérêts collectifs et que la fronde y a con- servé mieux un caractère apparent d'unité. On sait comment les partis se sont divisés après la paix de Saint-Germain. La Fronde n'a certes pas inventé le pamphlet en vers. Elle ne Fa pas même perfectionné ; il est constant qu'elle n'a rien de plus hardi, de meilleur, de plus fa- meux que la Miliade de 1638 ; mais elle lui a donné un développement qu'il n'avait pas eu auparavant, qu'il n'a plus eu après. Tout alors s'écrivait en vers : les controverses comme les récits. îi s'est rencontre Ti PRÉFACE. des poètes pour traduire en vers le Courrier françois et le Théologien cl estât. C'est le titre d'un pamphlet en vers (la Mazarinade)^ qui est devenu le nom géné- rique de toutes les pièces qui pendant quatre ans ont été publiées pour et contre le cardinal Mazarin. Cet usage, je dirais volontiers cet abus de la poésie, est un des caractères extérieurs de la Fronde ; et à son tour la poésie de la Fronde a un caractère propre : elle est burlesque. Par cette double raison j'ai cru que je devais donner aux vers burlesques une large place dans le recueil des Mazarinade . J'ai la confiance que, même réduit aux proportions sur lesquelles j'ai du le mesurer, ce recueil suffira. Après tout on pourra toujours recourir à la Bibliogra- phie des Mazarinades où j'ai réuni tous les titres de ces pamphlets , autant que les recherches les plus pa- tientes m'ont permis de le faire , et qui contient des citations plus courtes , il est vrai , mais plus nom- breuses et plus variées. Je ne puis qu'y renvoyer le lecteur désireux de pénétrer plus avant dans les secrets de la Fronde. La Bibliographie des Mazarinades a été conçue de manière à suppléer au dépouillement des collections les plus volumineuses pour ceux qui n'ont pas besoin de se livrer à une étude approfondie de cette époque. Pour les travailleurs qui sont jaloux de remonter aux sources, elle sera un guide fidèle, je l'es- père, nécessaire, j en suis certain. AVERTISSEMENT Les numéros qui suivent les titres entre crochets, tant dans le texte que clans les notes, sont ceux des pamphlets dans la Bibliographie des Mazarinades . Les dates exprimées à la suite des titres ne sont pas exactement celles des pièces. J'ai mieux aimé rappeler les dates des groupes dans lesquels les Mazarinades sont rangées dans la liste chronologique à la fin du troisième volume de la Bibliographie . Il m'a semblé qu'en renvoyant ainsi le lecteur à cette liste, je lui fournirais un moyen utile de diriger et de compléter ses recherches, s'il en avait le désir. CHOIX DE MAZARINADES Agréable récit de ce cjui s'est passé aux dernières bar- ricades de Paris ^ descrites en vers burlesques [56]*. (1648.) le veux chanter les barricades ^ Et les populaires boutades Dont tout Paris fut alarmé , Alors que le badaud armé Donna de si belles vezardes Au braue régiment des gardes , Et fit voir que le batelier Est dangereux sur son paillier. Raconte-moy, muse grotesque, D'où vient cette humeur soldatesque. Apprens-moy de ces mouuemens ' Cette pièce est attribuée au baron de Verderonne, un des gentils- bommes du duc d'Orléans. Naudé la met au-dessus des meilleures poésies burlesques de Scarron. La version que j'en donne a été établie sur la comparaison des trois éditions de 1649. *Du26 août 1648. I 1 CHOIX Quels furent les commencemens , Et quel succès eut la furie De la nouuelle laquerie. Depuis tantôt cinq ou six ans L'auarice des Partisans, Traitans, soutraitans, gens d'Affaire, Race à notre bonheur contraire, Pilloit avec impunité Les biens du peuple en liberté; Et sous prétexte du Tariffe * Rien ne s'échappoit de leur griffe. Ce mal nous alloit deuorant; Et comme l'on voit vn torrent Tombant du sommet des montagnes, Se répandant sur les campagnes, Etendi'e partout sa fureur, Porter la crainte et la terreur Dans les villes , dans les villages ; Ainsi l'excez de lem^s pillages, Gomme celuy de leur pouuoir, Nous réduisoit au désespoir, Quand le bon Démon de la France , Touché de voir nostre souffi^ance, Fit que , perdans le jugement , Ils se prirent au Parlement, Se promettant que leur malice Triompher oit de la Justice , Et que ce grand corps atterré, Leur repos seroit assmé. La Polette fut la machine ^ ' D'octobre 1646. Il comprenait toutes les marchandises qui entraient à Paris, soit par eau, soit par terre. ^ On appelait ainsi le droit du soixantième , que Charles Paulet, secré- taire de la chamljre du roi, avait, au commencement du siècle, imaginé de faire mettre sur le prix des offices de justice et de finance. Moyennant DE MAZARINADES. 3 Destinée pour su ruine; Et le piège que Von tendit Aux officiers , certain edit Lequel mettoit en apparence Leurs Offices en asseurance * . On demandoit par cet Arrest, Comme par manière de prest, Quatre années de tous leurs gages. Mais lorsque Ton vint aux suffrages , Il parut , et non sans raison , Dessous ce miel quelque poison, Dont la liqueur estoit mortelle A la santé de rescarcelle. En mesme temps de tous costés, Des autres corps les Députés^, Attaquez de pareilles craintes, Arriuent , parlent , font leurs plaintes Contre la persécution , Implorent la protection De ceux qu'ils appellent leurs Pères, Disent Testât de leurs misères Et que sans doute ils sont perdus Si par eux ne sont def fendus , Demandant que chacun sVnisse Pour résister à l'iniustice, Et remonctrer conioi,ntement A la Reyne ce traitement. le payement annuel de ce droit , les officiers pouvaient , durant l'année, vendre leurs charges aux successeurs qu'ils se choisissaient , avec l'agré- ment du roi cependant. ' Le droit du soixantième se renouvelait tous les neuf ans. Cette fois l'édit de renouvellement portait que les compagnies souveraines autres que le parlement abandonneraient au roi quatre années de leurs gages par manière de prêt. Il est du commencement de mai 1648. ^ De la chambre des Comptes, de la Cour des Aides, et du Grand Conseil. CHOIX Cette affaire mise en balance Fut troimée de conséquence ; Et comme il ne faut sottement S'embarquer, ni légèrement , L vnion très-fort balottée Ne fut pas d'abord arrestée. Les registres sont apportez Et soioneusement consultez. a On lit , on voit , on examine La loy ciuile et la diuine ; Mais enfin pour conclusion Les voix furent à Tvnion * . Les partisans , par cette voye , Voyant éuanouyr leur proye Et leur fonds estre diuerty, Duquel ils auoient fait party, Et, s'il faut dire, quelque auance, Baptisent cecy d'insolence , Qui fait brèche à Tauthorité De la Royale Majesté , Ainsy qu'aux droits de la Couronne. De tous costez cecy résonne ; Et le Conseil faict vu Édict Oui Tvnion leur interdit^. Le Parlement demeura ferme. Et la chose estant en ce terme , On mit par auis du Conseil Au mal vn second appareil. Et, pour dissiper cet orage, Quelques-vns furent mis en cage * . » Le 13 mal 1648. * Du 12 juin. 5 On avait enlevé , le 28 mai, Turgot et dArgouges du Grand Conseil, qui furent conduits à Mézières. Le surlendemain deux consedlers de la Cour des Aides, Guerin etCheselier, furent exilés à Nancy ; Lottin, prési- dent du Grand Conseil, et Dreux, conseiller, à Pont-à-Mousson. DE MAZARINÂDES. Si l'on fit mal , si Ton fit bien, le m'en rapporte et n'en seay rien ; Et , pour dire vray, ne me pique De me connoistre en Politique ; Car en ce mestier le hazard A souuent la meilleure part. Aux nouuelles de cette prise , La Bazoclie fut fort surprise. Le mal, au lieu de se calmer. Parut de nouueau s'allumer. On s'assemble, on crie, on proteste; Qui iure, qui gronde, qui peste. Quelqu'vn parle plus hautement Et se plaint du gouuernement , l'entends celuy de la finance ; Pour l'autre on garde le silence. C'est bien assez de le penser, De peur de se trop auancer. Cependant la Reyne Régente , Comme elle est sage et très-prudente , Voulant à cecy promptement Trouuer quelque tempérament, Remit, pensant calmer l'affaire, La Polette à son ordinaire, Fit reuenir les exilez, De la frontière rappelez; Mais deffendit aux Compagnies De se tenir encore vnies, Puisque leur remettant le prest , Elles estoient hors d'intérest. Maintenant Messieurs des Enquestes, Dont aucuns sont de fortes testes , Et d'ordinaire, à dire net. L'ont assez proche du bonnet , Furent d'opinion contraire . CHOIX L Vil dit : ' Messieurs, c est vu mystère. Si nous cessons d'estre assemblez, Dans trois iours nous sommes sanglez. Nos biens , de mesme que nos vies , Releueront de ces harpies. Enfin ce n'est pas d'auiourd huy Qu'on dit : Ce qu'il te fait, fais-luy. Machiauel , grand politique , Qui des Cours auoit la pratique , Dans son damnable art de régner Ne l'a sceu que trop enseigner. Toutes ces faneurs apparentes Sont des marques très-éuidentes Du venin caché là-dessous. Hélas! Messieurs, souuenez-vous De Sinon, du cheual de Troye, Comme Ilium fut mis en proye Et le vieil Priam peu rusé Sous vu faux cheual abusé. Permettez que ie vous le die : Tout cecy n'est que comédie. Les biens receus hors de saison , Les récompenses sans raison, Ainsi que les chants des Sii'ènes , Marquent les tempestes prochaines Le salut dans vn mauuais pas Consiste à ne relâcher pas. Souuent c'est proche du riuage Que les matelots font naufrage. En deux mots voicy mon advis : Si mes sentiments sont suiuis , Messieurs , auant toute autre chose , Afin d'affermir nostre cause. Qui n'est pas sans besoin d'appuy. Nous conchu'ons tous auiourd'huy DE MAZARINADES. Que Ion soulage les canailles. Que l'on remette vn quart des tailles , Que de nos pais désolez Les Intendans soient rappelez, Que les Eleus , bien que vermine , Exercent au moins pour la mine Et soient mis en leurs fonctions. C'est par telles inuentions Que le peuple prompt et volage Se meut, se conduit et s'engage. Quand le peuple sera pour nous , Sans doute on filera plus doux. Mais si nous manquons cette voye, Quelque temps calme que ie voye , l'appréhende fort l'interdit. Songez-y bien , Messieurs. l'ai dit. >' Lors chacun parlant à l'oreille Auec son voisin se conseille. Faut-il le croire, ce dit-on. , L'vn dit qu'ouy, l'autre que non. Tout est d'opinion diuerse. L'vn la suit; l'autre la trauerse. L'vn dit que c'est trop attenté ; L'autre la seule seureté. Cette vénérable consulte Auoit fort de l'air d'vn tumulte. Et comme nous voyons sonnent, Lorsque l'on chasse à mauuais vent, Que des voix de diuers meslange Font aux vieux chiens prendre le change, (3u confus dans vn si grand bruit , Ne suiure les voyes, la nuit; Encor' que parmy cette émeute , Les Présidens , clefs de la meute , D'abord ne donnassent les mains, CHOIX Tous leurs obstacles fuient vains. Sans fi'uit les vieillards résistèrent. Enfin les frondeurs l'emportèrent. Et, suiuant leur intention, L'on se tint à la ionction *. D'Emery*, contre son attente, Trouua la fortune changeante. Par des conseils accommodans On réuoqua les Intendans. La Reyne mesme, à ce qu'il semlile, Trouue fort bon que l'on s'assemble. Gens de Palais et gens de Cour Ont conférence à Luxembour ' . Le Duc d'Orléans , fils de France , Au Parlement prit sa séance ; Et le feu loin de s'embraser, Paraissoit quasi s'appaiser, Alors que la prison nouuelle Du bon-homme Monsieur Bruxelle , Riche d'honneur, paume de biens, Arma tous ses concitoyens. Ce fut au temps que la victoire. Amoureuse de nostre gloire. Fit à Lens, ainsy qu'à Rocroy, Triompher nostre ieune Roy De ces redoutables cohortes Qui sembloient menacer nos portes. L'illustre Prince de Condé, Par son courage secondé , Auec ses troupes , comme vn foudre , Réduit leurs escadrons en poudre , Et les suiuant iusqu'à Douay, ' Arrcl du V6 juin. ' Surintendant des finances. ^ Le 21 juin eut iieu la première conférence. DE MAZARINADES. Venge la perte de Courtray * . Chacun bénissoit sa prouesse. Tout estoit reniply d'allégresse ; Mais comme en vn beau iour d'Esté , Plein de lumière et de clarté, Le Ciel se coum-ant de nuage Change le beau temps en orage , Et des ruisseaux font vne mer Qui ne peut pourtant pas durer, La ioye en nos cœurs préparée Ne fut pas de longue durée. De tout temps nos Roys très-pieux Par vn zèle déuotieux , Quand le Ciel a bény nos armes , Et la valeur de nos gendarmes , Vont en cortège solennel Rendre grâces à l'Éternel , Deuant le temple où l'on réuère Le nom de sa très-chaste mère. Les Gardes dès le point du iour Assemblez au son du tambour Dessus le Pont-neuf se logèrent Et par les rues s'arrangèrent , Quand, la Reyne estant de retour, Vn bruit s'épand tout à l'entour Que l'on auoit pris le bon-homme Que le peuple son père nomme ^ . L vn dit : « On l'emmène par là; » L'autre cecy, l'autre cela. Le murmure eschauffe la bile Des batteliers, gent mal docile. Et chacun s'arme aux enuirons * Courtray, pris en 1647 par los Espagnols pendant que le prince de Condé faisait le siège d'Ypres. "^ Pierre Broussel, conseiller au parlement. 10 CHOIX Qui de crocs et qui d'auirons. De cailloux , de pics et de pelles , De bans, de tieteaux, d'escabelles , De barres de fer, de leuiers , De grez que l'on prend aux euiers. Le peuple farouche et fantasque lure, maudit, peste et renasque. Tout est plein de confusion D'horreur et de sédition. Des plaintes on vient aux murmures, Aux cris, aux fureurs, aux iniures; Et les soldats du Régiment * , Repoussez assez brusquement , Voyant leur partie mal faite , Firent vue prompte retraite ; Et dans ce bizaiTC combat , Quelques-vns sont mis au grabat ; D'autres suiuis avec brauades. Le peuple fait les Barricades. De tous costez on fait grand bruit ; On court, on s'auance, l'on fuit. Maçons , Charpentiers , Estuuistes , Imprimeurs , Relieurs , Copistes , Garçons de Postes et Relais , Colporteurs et Clercs du Palais , Tailleurs, Pages d' Apotiquaires , Maquignons , Ecorcheurs , Libraires , Fourbisseurs , Charrons, Batteliers, Crocheteurs, Doreurs, Ecoliers, Crieurs de noix et d'eau de vie , Moutardiers et vendeurs d'oubUe , Crieurs de passement d'argent , Assistants, Recors et Sergent, ' Le régiment des gardes , appelé par excellence le Régiment, DE MAZARINADES. H Meiieuis de hacquets et brouettes , Marqueurs, entants de la Raquette, Porte-chaires, passeurs de Bac, Vendeurs de pipes et tabac , Cureurs de puits et de gadoue , Charetiers qui mènent la boue » Mareschaux , Forgerons , Selliers , Partout s'epandent par milliers. Aux Halles les Fripiers s'armèrent; Et les Bourgeois se cantonèrent, Au près aussi bien comme au loin , Sur le Quay, sur ie port an Foin. Chacun son compagnon réclame, Fourbit son mousquet et sa lame Et iurant sans cesse morbien Prend Thallebarde ou quelque èpieu. (Ilette martiale iournée Par la nuit ne fut terminée. On vit de moment en moment, Sans sçauoir pourquoy ni comment, Aux portes et par la fenestre, Peter fortement le salpestre. Et ces gens, à n'en mentir point, Estoient braues au dernier point. Le lelidemain la belle Aurore Les trouua tous armez encore ; Et comme ils n'auoient pas dormy, Pvemplis de vin plus qu'à demy, De ce vin leur àme eschauffée Se promettoit quelque trophée. Le Chancelier, à ce matin, Conduit par son mauuais destin , Portoit à la Cour Souueraine Vn ordre envoyé par la Reyne. On luv crie : < Demeure là. » 12 CHOIX Luy, surpris de ce Quy va là , Qui est vn terme de milice Peu coo^nu des o^ens de lustice , Les ayant appelez mutins , Gagna le Quay des Augustins. Le peuple s'émeut dans la rue, Le suit, le clabaude, le hue. Son carrosse fendit le vent. La troupe le va poursuiuant; Et d'vne ardeur fière et mutine , f nuestit l'Hostel de Luyne , Rompt la porte de la maison. L'vn en sa main tient vn tison , Vn chenet , vue lichefrite , Le couuercle dVne marmite. Ils iurent tous qu'il en mourra , Que iamais sceau n'appliquera. Luy, réduit à cet accessoire. Et qui, pour auoir leu l'Histoire, Sçait fort bien comme d'autrefois , Sous le règne des anciens Roys, Vn chancelier fut mis en broche Par le noble écorcheur Caboche , Assisté de quelques mutins, Vulgairement des Maillotins, Crut sa dernière heure venue. A deux genoux, la teste nue. Dans ce péril rude et pressant. Il inuoquoit le Tout Puissant ; Et fit , comme on peut bien le craire , A TEuesque de Meaux, son frère. De ses péchez confession , Auecque protestation Que si du danger il eschappe , Iamais plus ou ne l'y attrappe \ DE MAZARINADES. 13 De ces angoisses oppressé, Aussi passé qii'vn trépassé. Les Gardes viennent à la file. D'abord la canaille fait gile. Et suruint à cet accident Le Mareschal Surintendant *, Tousiours fier comme son espée , Au sang des ennemis trempée , Dont il occit vn Grocheteur Qui n'estoit là que spectateur, Excitant sur luy mainte pierre Qui pensa le ietter à terre. Et d'Ortis arriuant soudain Prit le Chancelier par la main , Que la Cronique médisante Dit qu'il auoit froide et tremblante. Ce grand Ministre de l'Estat, Eschappé de cet attentat, Alla chercher sa seureté Au Palais de sa Majesté. La suite de cet heur extrême Pour les siens ne fut pas de mesme. Auprès de luy l'Exempt Picot A la mort paya son escot. Sa triste et funeste auenture , Sans qu'il soit besoin qu'on en iure , Fait voir que pour ne pas mourir, Il n'est rien tel que de courir Et qu'en de semblables affaires Les iambes sont fort salutaires ^ . Laissons ce ministre dispos Au Palais Royal en repos. Faisons vn tour parmy les rues. * Le maréchal de La Meilleraye. * Ces quatre vers rappellent le premier quatrain de l'épigramme bien 14 CHOIX Partout les chaisnes sont tendues; Des caues on sort des tonneaux ; On amène des tombereaux , Des chariots et des charrettes ; On appreste les escoupettes ; Et nos Bourgeois fort résolus , Vieux soldats tout frais esmoulus , Sont attachez aux Barricades, Gomme forçats à leurs rancades. Carmeline , l'Opérateur *, Vestu d'vn colet de senteur, Chausses de Damas à ramage, La grosse fraize à double estage , Bas d'attache , le brodequin De vache noire ou maioquin, Le sabre pendant sur la hanche , Et sur le tout l'escharpe blanche , Tenant en main bec de corbin , Monté sur vn chenal Aubin , Gardoit avec six cens et onze Le poste du Gheual de Bronze ; Et fit assez diligemment Vn bizarre retranchement. De cette belle architecture A peu près voici la peinture : De l'vn iusqu'à l'autre pilier On mit de dents vn râtelier. connue que Passerai a écrite contre le duc d'Aumale dans la Satire Me- nippée : A chacun nature donne Des pieds pour le secourir : Les pieds sauvent la personne ; Il n'est que de bien courir. • Carmeline, en vn coin reclus, Volt ses pélicans superflus. Le Mmisire d' Estât flamhé [2470]. DE MAZARINADES. 15 Sur les dents on mit des mâchoires , Des brayers, des suppositoires, Des pellicans , des bistoris , Des boetes de poudre d'Iris , Des châlits , des portes , des cruches , Des coquemars , des œufs d'Autruches , Quelques saloirs remplis de lard; Et sur ce solide rampart , On fit vn parapet de grilles , Par où guignoient deux crocodilles. Il est vray qu'ils ne viuoient pas ; Mais chacun ne le sçauoit pas. La forme estoit pentagonale , Trianaulaire ou bien ouale : Qui voudroit en leuer le plan , Ne le sçauroit en moins d'vn an. le le donne au grand Archimède , Aux compagnons de Diomède, A Vitruue , à Nostradamus , A feu l'ingénieur Camus , Gamorin , Targon et de Ville , A Roberual qui monstre en ville , Villedot*, Mercier, Mestrezeau, Sainct Félix , le Pautre , le Veau , lean Tiriot , qui fit la digue ^ , Et Trazor , du temps de la Ligue , Aux ingénieurs comme Alemans , Aux Italiens et Flamans, A Steuin comme au sieur des Cartes , A Blaeu qvii descrit tant de cartes , A Mercator, à Oudinet, Au géographe Bertinet, Avec compas mathématiques , ' Il a donné son nom à une des rues de Paris, ^ La digue de la Rochelle. 16 CHOIX Instiumens nouueaux et antiques, D'en faire la description Dans la iuste dimension ; Tant l'on auoit mis d'artifice A bastir ce noble édifice. A la Halle et aux enuirons On se retranche de marons , De citrouilles , pommes pourries , D'artichaux , foiu^mages de Brie , De choux , de concombre et naueaux , D'épinards, raues et porreaux, Prunes , brugnons , poires , oranges ; Les cabats traînent dans les fanges ; Et le cordon de ce trauail Estoit de fine gousse d'ail , Où l'on aiousta quelques bottes De très-puantes eschalottes; Ce qui faisoit vn bel effet Dont le peuple fut satisfait. Derrière , maintes Harangères , Plus affreuses que des Mégères, Mettant la main sur les roignons, Crioient : <• Par la teste aux oignons, Ces traîtres nous l'ont donné belle. Viue le Roy ! viue Bruxelle ! Yiue la Cour de Parlement ! Et sacre du Gouuernement ! » Elles adioustoient autre chose Qui ne se peut dire qu'en prose. Harangères certainement , A le dire confidamment, Mériteroient d'estre fessées, Et d'auoir les langues percées. Mais passons aux autres cartiers Où les garçons de tous mestiers , DE MAZARINADES. 17 Quittant le soin de la boutique , Prenoient rhallel)aide ou la picque , Le coutelas ou l'espadon, Le brin d'estoc ou le bourdon; Chacun saisissant à la liaste Ce qui se trouue sous sa pâte. Semantes au haut des orenieis o Portoient cailloux à pleins paniers. Les femmes estoient aux fenestres. Tout s'en mesloit , hormis les Prestres. Mais ceux qui n'estoient qiii/i sacris Animoient les gens par leurs cris. De barricade en barricade , Constantin iouoit sa boutade* Et par vn martial fredon Sonnoit l'alarme en faux bourdon. Au milieu de ce g^rand désordre L'on voit arriuer en bon ordre , A pas comptés et grauement L'Illustre Cour de Parlement. Tout le peuple leur fait grand feste. Messieurs baissant parfois la teste , Auec vn modeste sousris , Flattoient ces nouueaux aguerris. ' A leur abord la populace De tous costez s'ouure et fait place , Disant : « Allez , nos Protecteurs ; Abolissez les Collecteurs , Tous imposts ; et faites en somme Que vous nous rameniez nostre homme. » Cependant au Palais Royal On discouroit, qui bien, qui mal. L'vn disoit : c'est trop entreprendre. ' Voyez plus loin !;i chanson de Blot sur la plainte de l' Jmoiir confie la guerre parisienne. 18 CHOIX L'autre : ils font bien de se défendre. Enfin la Reyne les récent; Et les Huissiers ayant fait chut , Mole d'vn visasse assez ferme A peu près luy dit en ce terme : « Reyne, l'Image du grand Dieu, Si nos souhaits auoient eu lieu , Et que , pour le bien de la France , On eust pris 3n vous confiance , Tout ce tumulte hors de propos Ne troubleroit vostre repos. Quoy ! dans l'allégresse publique Par vne fausse politique, Mettre , hors de temps et de saison , Les bons Magistrats en prison Pour auoir auec asseurance Dit leur aduis en conscience ! Ce qui maintient les Potentats , Le plus ferme appuy des Estats Est de régner auec Justice. Mettre en vsage l'artifice , La fourbe et le déguisement. C'est en saper le fondement. Madame , les mauuais copistes Des conseils Machiauélistes Qui séduisent vostre douceur, Éloignent de nous vostre cœur Par des raisons imaginahes, Au bien de vostre Estât contraires ; Vous disant pour leur intérest La chose autrement qu'elle n'est. Mais las! il n'est plus temps de feindre. Tout s'émeut; le peuple esta craindre. Dieu quel peuple ! vn grand peuple armé, Do raw, de fiirein- animé. DE MAZARINADES. 19 Qui met son salut en ses armes ! » Lors quelques véritables larmes, Quoy que disent les enuieux, Parurent couler de ses yeux. Chacun peut en croire ce qu'il pense. Puis auec la mesme éloquence , Il poursuiuit : « Ne craignez pas, Madame , de faire vn faux pas , Cédant, comme il est nécessaire, A la fureur du populaire. Quand le vent agite les flots , Les plus habiles matelots , Pour se garantir du naufi^age , Par vn conseil prudent et sage , Au lieu de résister au vent , Calent la voile bien souuent , Et les yeux arrestés sur T Ourse, Nauigent d'vne oblique course. Ce que pratiquent les nochers Parmy les bancs et les rochers , Apprend aux Roys à se conduire Dans les troubles de leur Empire. Comme le perfide élément, Le peuple s'esmeut aysémentj Mais il s'appaise tout de mesme. Votre sagesse tout extrême , Madame , éloignera de nous Ce malheur dont ie crains les coups, En accordant à nos prières La liberté de nos confirères. Le peuple a le mesme désir. Il n'y a pas lieu de choisii\ le crains que , perdant l'espérance , Il n'en vienne à la violence. Ce sont des cheuaux eschappez. 20 CHOO^ D'ardeur et de fougue emportez , Dont la fureur choque et renuerse Tout ce qui vient à la trauerse , Faciles à s'effaroucher, Difficiles à rapprocher. Songez bien que cette iournëe Doit faire nostre destinée; Que pour le salut de l'Estat Il faut terminer ce débat, Et qu'à des troupes bien armées , D'vn iuste prétexte animées, Les canons tous prests à tonner, Refuser tout , c'est tout donner. » La Reyne , pleine de sagesse , Dissimulant auec adresse , Luy repartit et accorda, Non pas tout ce qu'il demanda , Mais seulement vue partie; Dont la populace auertie, Quand ils sortirent, les poursuit. Se plaint , murmure et fait grand bruit. Quelqu'vn plus hardy que les autres * : << C'est vous qui , comme chef des vostres , Dit il au premier Président , Respondrez de l'éuènement. » Et luy présente Thallebarde. Mais est bien gardé que Dieu garde. Il conserua le magistrat; Car l'hallebarde prit vn rat. La rumem- se faisant plus forte , Il fut poussé aans vne porte. * Tout le passage qui commence par ce vei^s et finit à celui-ci : Mais reprenons nostre brisée, ne se trouve que dans la troisième édition. DE MAZARINADES. 21 Tout le peuple en confusion Crioit auec émotion : « Retournez; dites à la Reyiie Que nous voulons qu'on nous l'amène. Il n'y a point à barguigner. Depeschez vous sans tant lorgner. » Les autres , force réuérence , Néantmoins auec doléance : «' Quoy, disoient-ils , Pères Conscrits , Ces gens demeureront proscrits ! Souffrirez vous que l'on vous berne ? Quoy, vous payer de baliuerne ! Nous les voulons présentement. » — Ah! mes amis, tout doucement. Pour Dieu, de grâce, patience! Nous marchons et en diligence. » — « A quoy bon tant de façons? » Cecy donna de grands soupçons A quelques vus de l'Assemblée, Qui, l'âme de frayeur troublée, Se figurant comme ces gens Ne sont tous rien moins que prudens , Craignant de rudes accolades , S'escartant de leurs camarades , S'écoulèrent à petit bruit. D'autres attendirent la nuit. j Vn Officier craint que sa trongne Ne fasse passer sa personne Pour vn des illustres patrons , Met sur son dos vn corbillon , A ses pieds pantoufles de natte , Entre ses iambes vue latte , Sa teste dans vn chaperon , Plumes de cocq à l'enuiron , Vn garde rob« d'élaminw, 22 CHOIX Et tout barboviillé de farine , Tout semblable à Dame Alizon , Enfin regaigne sa maison; Ce qui ne fut pas sans risée. Mais reprenons nostre brisée. Le Parlement très effaré De ce succès inespéré , Voyant que ces âmes vulgaires Traitoient ainsi leurs Tutélaires , Fait de nécessité vertu, Et de diuers soins combattu, Deux à deux en belle ordonnance Vers le Palais Royal s'auance. Le peuple redouble ses cris Les plus hardis se trouuent pris Pesle mesle auec la canaille. Le soldat se met en bataille. On murmure , on parle , on discourt Dans r anti-chambre et dans la cour. Ainsi ces Messieurs arriuèrent Et par le grand degré montèrent. Chacun se rangeant à l'entour S'enquiert d'où vient ce prompt retour, L'vn disoit , faisant grise mine : a Le retour vaudra bien mâtine. » L'autre d'vn gracieux maintien : « Croyez moy; ce ne sera rien. » Et chacun , suiuant son génie , Ou rioit ou n'en rioit mie. Comme le mal estoit pressant, Que le danger alloit croissant , On résolut, sans plus attendre, De relâcher et de les rendre. Cheuaux et coches atteliez Et proches parents appeliez , DE MAZARLNADES. 23 On s'aclieiiiiiie en Jilliience Droict au Mesnil Madaiiie ilaiioe * Où Bruxelle estoit arresté. Ceux qui furent de ce costé , Passèrent auec peu de peine. Ceux qui allèrent à Vincenne; Après auoir fait maint détour, Quand la nuit eut chassé le iour, Sentirent sur eux pesle mesle Tomber de cailloux vue «resle Qu'en la rue des Chiffonniers On lançoit du haut des greniers. Toute la populace émeue Crioit : demeure ! tue ! tue ! tue ! Et dans ce populaire effort Tout leur reprësentoit la mort. Demeurer, c'est chose mortelle; De reculer, point de nouuelle. Mais Le Couldray se résolut, Ainsy que le bon Dieu voulut, De leur faire vue tentative. On lui crie de loin : Qui viue ? — Viue le Roy! — Ce n'est assez. — Viue le Parlement! — Passez. Qui estes-vous? — Gens des Enquestes, Fauorables à vos requestes, Amis qui , pour vous secourir, Hazarderont iusque au mourir. Tout de bon, n'en faites nul doute. ' « Quelques troupes ennemies de la Garnison de Sainct-Deny s . . . . ont esté piller plusieurs Bourgs des enuirons, et entr'autres le Menil Madame Ranse, où ils ont fait plusieurs desgats en haine de ce que de ce lieu Mon- sieur de Brousse!, Conseiller au Parlement,... auoit esté remmené glorieu- sement dans la ville de Paris. » Quatrième arriuée du courrier français 24 CHOIX — Messieurs , de nuict on ne voit goutte ; Et d'aller ainsy sans flambeau , Moi bieu , cela n'est bon ni beau ; C'est affronter le corps de garde. Pour vous nous n'y prenons pas garde. A Nosseigneurs tout est permis; Et vous estes de nos amis. Eux échappez àe la déroute , Suiuent pareillement leur route , Et firent si bien leur deuoir Que Blanc Mesnil vint dès le soir * . Cependant nos nouueaux gendarmes Ne voulant ny poser les armes, Ny rentrer dans leurs maisons , Ils allèguent mille raisons , Disant que l'on les veut surprendre , Qu'il se prépare vn grand esclandre , Que l'on prétend les renfermer Dans Paris pour les affamer, Vser enuers eux de finesse Boucher le chemin de Gonesse , Qu'il n'y a rien pour le certain De si long comme vn iour sans pain , Et qu'ils y donneront bon ordre. Tout Paris est plein de désordre , De teneur, de crainte et d'effroy. Sans néantmoins scauoir pomquoy. La nuict se passe de la sorte , Sans souffrir que personne sorte De la ville dans le faux bourg. Quand le Soleil fut de retour. Quelques gens arriuent en foule Qui disent que proche du Roule, ' Potier d- Blancmesnil , président à mortier, arrêté en même temps que Broussel. DE MÂZARINÀDES. 25 A Boulogne et aux enuirons Paioist quantité d'escadrons, Qu'ils en ont veu bien près de mille. Le peuple à s'alarmer facile Prend cela pour argent comptant, Et s'en trouble tout à l'instant , Gronde, tempeste, s'effarouche. Dit ce qu'il luy vient à la bouche , Et tout lui deuenant suspect , Parlant sans crainte et sans respect , Que ce malheur est sans remède , Et que la Reyne de Suède Erlac * ou bien le Loup garou Ont pris leur quartier à Saint Clou. Quelqu'vn dit qu'il a veu la Seyne De monstres marins toute pleine , Conduits par le poisson Colas , Qu'ils ont en mains le coutelas, Et que les ayant veu parestre , S'approchant pour les recognoistre , Soudain les ayant veu plonger De leur nombre il n'a pu iuger ; Que néantmoins la troupe est grande Et qu'ils sont bien plus d'vne bande ; Que l'on doit à son sentiment Craindre vn funeste èuènement , Et qu'il y a parmy ces bestes Quelques Chimères à cent testes. Le peuple qui croit de léger. Et qui ne craint que le danger, Dit que cela pourroit bien estre , Que mesmement deuant Bissestre Il paroist des magdaléons ' Jean-Louis comte d'Erlach, général dv Farmée weymarienne. Voyez entre autres la Champagne désolée par l'armée d'Erlach [677]. 26 CHOIX Montez sur des Caméléons, Que l'on y voit des liypogrifes Des Caualiers ou Hiéroglyfes , Qu'entr'eux mesme sur vn dragon On recognoist le ïVoy Hugon Qui , pour leur ruine certaine , Est party de Tours en Touraine , Que cecy n'est point vision Et qu'ils sont plus dVn million , Qu'ils iettent le feu par la gorge , Qu'il faut mander M. Saint George Lequel depuis plus d'an et iour Au sépulchre fait son séiour, Faire en sorte que la Pucelle , Ainsy qu'il combattit pour elle. L'engage en ce malheur pressant Au secours d'vn peuple innocent. La ville, à cette renommée, De nouueau se voit rallumée Et quelque vin dessus le ieu , Dont ils auoient pris plus qu'vn peu . Faisoit que les gens vénérables Estoient de raison peu capables Quand à neuf heures du matin On vit au faux bourg Saint Martin Arriuer par bonne aduenture Monsieur Bruxelle et sa voiture. Ce retour fut vn coup du Ciel. Le peuple dépose son fiel , De deux costez se range en baye; Mais pourtant , craignant vne baye , Veut voir le bon homme chenu Qui de force gens n'est cognu. Aussitost qu'il monstre sa teste , Cihacuu , son arquebuze preste, DE MAZARINADES. 27 Son mousquet et son poitrinal , Fait vne salue en général. Partout le ciy se renouuelle Viue le Roy ! viue Bruxelle ! Quatre cents hommes à T instant Le conduisent tambour battant Et le promènent par les rues. Les chaisnes furent détendues Tous les tonneaux sont renuersez , Mais non les soupçons effacez. Il est conduit en la Grand' Chambre. Ses Compagnons furent le prendre. Ensuite vn Arrest est donné Par lequel il est ordonné A chacun d'ouuru- sa boutique , Les Clercs reprendre la pratique ^ Mousquets remis au râtelier, Maçons iront à l'atelier, Les charretiers à leurs charrettes , Les Vinaigriers à leurs brouettes , Les Mareschaux à leurs marteaux ; Les Porteurs d'eau prennent leurs seaux ; Les Charpentiers la besaguë 5 Et la magnifique cohue Tout doucement se sépara ; Chacun chez soy se retira A la Cour ainsy qu'à la ville Tout parut remis et tranquille. Chacun reprit sa belle humeur. Ainsy finit cette rumeur. le ne sçaurois, pour moy, comprendre S'il y a du feu sous la cendre ; Mais sans pousser l'affaire à bout, Nostradamus et Dieu surtout. 28 CHOIX Reqveste des trois Estats présentée à Messievrs du Parlement [3494] ' . (1648.) Supplient humblement !es trois Estats du gouuerne- ment de Tlsle de France, joinct auec les bourgeois et habitants de la bonne ville de Paris^ se faisant forts du consentement et vnion des treize prouinces et gouuerne- ments du Royaume, et spéciallement de toutes les grandes villes, de la bonne volonté et intention desquelles lesdits Estats sont associés , tant par parolles que par escrit , comme aussi par la conionction de l'intérest commun. DisANS que depuis la mort du Roy Louys XIIî, d'heu- reuse mémoire, quoy que les Princes, grands Seigneurs et Officiers, de resouuenance des énormes injustices et maux intollérables qui leur ont esté faits et à tout le Royaume par ceux qui s'estoient emparé de la puis- sance absolue près du Roy, sous le nouueau nom de premier ministre d'Estat , eussent protesté hautement de ne plus souffrir qu'vn particulier s'eslevast ainsi sur les espaules des Roys, et à l'oppression de tout le monde, néantmoins par le trop de bonté qu'ils ont eu , il est auenu qu'vn estranger nommé lulle Mazarin s'est installé dans ce souuerain ministère, où il n'a esté esleué par sa naissance ny par aucun seruice notable rendu à cet Estât ny par auciui mérite, veu que l'on sçait qu'il est Cicilien d'origine et naturel suiet du Roy ' Naudé dit do ce pamphlet qu'il faut lui douucr litu entre les bonnes pièces; et Orner Talon nous apprend que l'impriaicur, qu'il ne nomme pas, fut aiTcHé et condamné par le Châtelet à faire amende honorable et à être banni. DE MAZARINADES. 20 d'Espagne, de très sordide naissance, qui a esté vallet en diuers endroits à Rome, après y auoir seruy mesme dans les plus abominables desbauches de ce pays-là , et s'es- tant poussé par ses fourbes ^ plaisanteries et intrigues , de tel action est venu en France , où il s'est introduit par les mesmes moyens dans l'esprit de ceux qui gouuer- noient , lesquels l'ont auancé pour leur seruir d'espion et de ministre pour leurs intrigues particulières, et auec le temps s'est rendu fort puissant sur l'esprit et sur le conseil de la Royne , tenant hautement tous les grands du Royaume , sans qu'on ayt recognu pendant ce temps d'autre autorité à la Cour et dans toutes les affaires du dedans et du dehors que la sienne, au grand scandale de toute la maison Royalle et de toute la France, et à la dérision mesme des nations estrangères ; qu'ainsi depuis six ans il a plus fait de mal, de dégast et de rauage que les plus cruels ennemis ny scauroient faire, s'ils y estoient venus à main armée et vainqueurs; car il a disgracié, banny et emprisonné sans suiet ny forme de iustice les Princes, Officiers de la Couronne et Cour de Parlement, les grands Seigneurs et les plus seruiteurs des Roys et des Princes, faict mourir quelqu'vns d'iceux par poison, entre autres le président Barillon^ faisant pour crime d'estre trop affectionné au seruice du Roy; il n'a auprès de lui que des gens très meschants, sans honneur et sans foy, traistres, concussionnaires, impies et athées; il s'est attribué la charge de gouuerneur du Roy, pour le nour- rir à sa mode et l'empescher de la compagnie des choses nécessaires à bien régner, afin de demeurer tousiours son maistre , luy insinuer des sentiments d'auersion • On peut voir les Dernières actions et paroles de monsieur le président Barillon décédé à Pignerol le 30 août iGio, etc. [1030.] 30 CHOIX contre les gens de bien , contre ses Parlements et contre ses bonnes villes, de peur qu'ils ne s'approchent vn iour pour luy faire cognoistre la vérité du malheureux estât où il les veut réduire; il a corrompu ce qui estoit de candeur, de foy, de bonnes mœurs dedans la Cour, par des artifices , fourbes et perfidies ; y a par son exemple mis en règne les berlans et ieux de hazard , qui sont les ruines des plus grandes maisons, et autorisé l'impudicité et rauissement, dont il s'est plus veu d'exemples notables depuis qu'il ne s'en estoit veu depuis cent ans; a osté les charges sans cognoissance de cause à des personnes de mérite pour les donner à d'autres, afin d'en faire ses créa- tures; a violé et renuersé lalustice, empeschant que l'on en puisse auoir aucune contre ceux qui lui appartiennent, arrestant les iustes poursuites contre des crimes atroces, cassant et elludant à tous moments les Arrests des Cours souueraines par des euocations et des Arrests de Com- missaires d'en haut; qui pis est, il a pillé et raui toutes les Finances du Rov et réduit sa Maiesté en vne indi- gence extrême , et tous les suiets dans vne misère pire que la mort; car non seulement il a espuisé tout ce qu'il y auoit de deniers liquides par des comptans qui mon- tent par an à des cinquante et soixante millions ; mais encore il a consommé par auance 3 années de reuenu du Roy, pour embrouiller et confondre à iamais l'ordre des finances; il a auctorisé et amplifié estrangement cette maudite engeance de Partisans, qui, la plus part venus de laquais et palferniers, gourmandent toute la France à coups d'estriuières, ont mis les Tailles en partis, les fai- sant leuer par le moyen des compagnies de fuzeliers qui sont autant de Démons dechainez , ont créé grande quantité d'Officiers de toute sorte, et fait de iour en iour DE MAZÂRlNADiiS. 31 des imposts insupportables, pour l'exécution desquels ils se sont seruy de cruauté, et de tortures capables de ti- rer de la moùelle des os des malheureux François, qui eussent esté bien aises d'en estre quittes pour leur aban- donner tout leur bien et paistre l'herbe comme de pau- ures bestes, s'estant veu tout à la fois 23 000 prisonniers dans les Provinces du Royaume pour les taxes des Tailles et autres imposts, dont il en est mort cinq mile hommes dans cette langueur l'an mil six cens quarante-six, ainsi qu'il se vérifie par les escroues et registres des Geolliers. Néantmoins quoiqu'il ait consommé tous les ans plus de cens ou six vingts millions , ainsi qu'il est aisé de iusti- fîer par les Comptes, en deniers provenus tant des Tailles, des Fermes, des Parties Casuelles , des gages et droicts , il n'a payé ny les gens de guerre , ny les pensions desquelles toutefois il monstre de grands estats pour couurir ses pilleries , ni pourueu les places fron- tières d'hommes ny de munitions , ny satisfait aux estats de la Marine et de l'Artillerie, dont il est deub plus de quatre années; n'a fait aucun bien aux gens de vertu et de mérite, ny donné aucune récompense à ceux qui ont prodigué leur bien et leur sang pour le seruice du Roy ; au contraire il a fait périr de mal faim et de nécessité presque toutes les armées du Roy, lesquelles n'ayant tou- ché depuis cinq années que deux monstres par an, il est mort plus de six vingts mil soldats de misère et de né- cessité et horrible pauureté ; si bien qu'il est certain, et se peut prouuer par plusieurs tesmoings irrépro- chables, qu'il a partagé des grandes sommes de deniers auec ceux qu'il a auctorisé , et en a englouti la plus grande partie, qu'il a fait transporter, tant par lettres d'eschange qu'en espèces et pierrei'ies, et ce sous pré- 32 CHOIX texte de faire la guerre en Italie et de conquérir quel- ques places comme Piombino et Poj'tolongone\ Donc partant on sçait bien qu'il a laissé les garnisons mourir de faim, leur estant deub encores à présent huict mons- tres, et qu'il n'a point fait faire les réparations néces- saires de sorte qu'elles ne peuuent résister à la moindre attaque de l'ennemy ; de plus, pour auoir suiet de conti - nuer tousiours la guerre et par mesme moyen les pré- textes de sa tyrannie et de ses volleries , il a esloigné la paix lorsque la France la pouuoit auoir la plus aduanta- geuse; toutes les armées victorieuses ont esté sur le point de faire de grands progrès; il a rompu et des- tourné par des malices secrettes et n'a point eu de con- science de les perdre et dissiper, et mesme d'exposer les Princes qui les commandoient , comme l'on a veu en Catalogne par deux fois au siège de Lérida , à la surprise de Courtray et aux affaires de Naples-; qu'il a laissé dépérir non sans beaucoup d'apparence qu'il s'entend auec les ennemis de l'Estat, afin de trouuer refuge chez eux, si la France ennuyée de sa tyrannie vient a le chasser. Ce considéré , Messieurs , et de plus qu'il est estran- ger, et establi naturel suiet du Roy d'Espagne , partant incapable d'auoir charge en France par les loix du royaume, par les Ordonnances des Roys, qui ont si sou- uent banny les Italiens , et par l'Arrest autentique et célèbre de l'année mil six cens dix sept, ensuiîte de la ' Sllhon donne la raison de cette conquête dans la pièce intitulée : Eclaircissement de. quelques difficultez touchant P administration du cardinal Mazarin[\\{)^]. *Les deux sièges de Lérida, par le comte d'Harcourt en 1646, et par le prince de Condé en 1647; Courtray pris en 1646 par les Espagnols, pendant que le prince de Condé assiégeait Ypres ; l'expédition de Naples par le duc de (^ulse. t DE MAZARINADES. 33 mort du Mareschal d'Ancre, il vous plaise faire re- nionstrance à la Royne sur les grands malheurs et dés- ordres que ledit Mazarin a causez, et sur ceux qu'il cau- seroit à l'advenir s'il demeuroit plus longtemps dans cette domination illégitime et violente ; Comme aussi de faire entendre et remonstrer aux Princes du Sang la captiuité oii les premiers Ministres de PEstat ont mis eux et tout le Royaume depuis si longtemps, les extrêmes dangers oii ils les ont mis par plusieurs fois ; leur re- monstîer deuant les yeux les reproches que leur feront la postérité de s'estre laissé surprendre, et de ne souffrir plus qu'vn estranger mette en seruitude pour iamais le Roy et toute la Maison Royale. Partant que Sa Majesté et lesdits Princes , preuenant les dangers inéuitables qui en arriueront s'ils n'y pouruoyent promptement, veulent faire arrester ledit Mazarin sous bonne et seure garde, repéter de luy les finances du Roy qu'il a voilées, et le chastier exemplairement de tant de crimes énormes qu'il a commis. Et afin que la France et les Roys , Princes et peuples ne retombent plus à l'aduenir dans vne mesme seruitude, que les Princes veulent se donner la peine, comme enfants de la Maison , et leur intérest conioint auec ceux de l'Estat, et que ceux des François fauoris y sont tousiours contraires, de manier lesdites affaires par leurs propres mains, non plus par celles des fauoris qui les trahissent et les vendent, et de vouloir gouuerner eux mesmes par l'advis des Seigneurs et des personnes de qualité, d'expérience et de probité irréprochable, sans plus permettre l'entrée du Conseil à des gens de néant, corrompus et tels que ledit Mazarin y a intro- duits ; afin qu'ayant exterminé tous les imposts et les ruines de la tyrannie passée , et remédié aux désordres I 3 34 CHOIX infinis qui en sont prouenus, ils puissent gouuerner la France sous les loix de Dieu et celles du Royaume, con- clure vne paix aduantageuse, faire respirer les peuples qui n'en peuuent plus , et enfin rendre cet Estât si puissant et si heureux au dedans et au dehors qu'il ne craigne plus l'oppression des meschants Ministres, ny les efforts des ennemis, protestant les Estats et les antres bons François qui, Dieu mercy, sont encore en grand nombre, que, s'il n'y est pourueu promptement et comme il est né- cessaire, ils y employeront, s'ils y sont contraints, tout leur bien et leur sang pour y remédier, et se seruiront de tous les moyens que la nature et le deuoir enseignent pour deffendre son Roy, son pays, sa liberté et sa vie. Reqveste bvriesque des partisans au Parlement [um\ ^ (1648.) Vous remonstre nt les partisans De toutes espèces , Disans : Qu'ils ont appris à la mal heure Que Maiesté , quoique mineure , Sans réfléchir par elle assez Dessus leurs seruices passés, A créé chambre de lustice Pour que financiers on punisse ; Mais pourtant c'est vu à sçauoir Si Régente auoit le pouuoir De fulminer des bulles telles * Contre la Déclaration du 16 jiiillot 1648, portant établissement «l'une chambre de justice. DE MâZâRINADES. 35 A ses bons suiects si mortelles, Car c'est en purs termes de droit Tout ce que le maieur pourroit , Ne tenant lieu que de tutrice Et de simple administratrice Qui ne peut rien sans nullité Changer durant minorité * . Or, ce faisant , la bonne Reyne Sans doute le fonds aliène Au Roy, nostre maistre, son fils, Qu'on sçaitestre au rang des pupils, Et qui est dans son indigence Secouru de nostre finance ; Si que sans nostre crédit prompt L'Estat eust reçu maint affiont. Cependant nous donnant la chasse Comme à quelque maudite race , De nous outrager on permet; Et par tel édit on nous met , Nous dont l'argent soustient la France , Dans le danger de la potence. Nos seigneurs , ce considéré , Il vous plaise de vostre gré Nous receuoir par ces présentes Appellans de telles patentes Tout comme d'abus bien constant, » Qu'aussy de iuge incompétent , Mais d'incompétence notoire , Ainsy qu'en auons bon mémoire; Et de tel enregristrement Comme fait précipitément, Sans pièce \'ue , à la volée , Sans parties ouyes ou appelées , C est une thèse que les partisans des princes ont fortement soutenue et longuement développée en î6ol et 1632. 36 CHOIX Sur des défauts mal obtenus Et dires de nouueaux venus De peu d'aage et d'expérience Dans les matières de finance Qui ne peuuent encor sçauoir Combien il fait bon en auoir A titre de pensionnaire Ou bien en quelqu' autre manière ; Tant y a que nous soustenons Que nos moyens d'appel sont bons , Et soit au fonds , soit en la forme Y a vice en telle réforme : En la forme , bas iusticiers Ne sont iuges de financiers. Or Parlement (c'est vostre grâce) A seulement iustice basse ; Et si chastier il nous faut , Ce doibt estre chambre d'en haut. Au fond , voler prince et patrie N'est pas vn crime qu'on chastie ; On le souffre , pour faire court , Aux Prouinces comme à la Cour : Et loing de le punir en France , Au contraue on le récompense. Encor d'autres moyens auons Que , bien conseillez , réseruons , Puisque celuicy Ton dédaigne , Aux assises dVn autre règne Où connoistra postérité Qu'en ce trop viste on a esté Et qu'on fit Chambre de Iustice Pour manger nouueau pain d'espice Et non point pour aucuns subiects Utiles à prince et subiects, Ainsy comme chacun conte DE MAZARINADES. 37 Qui est pourtant vu grand méconte. Donc sur nostre appel droit faisant, Faut , Nos Seigneurs , dès à présent Déclarer cette belle bulle Vitieuse , abusiue et nulle Pour les cas touchés cydessus Et bien d'autres qui ne sont sceus ; Du moins nous donner surséances Ou plustost de bonnes deffenses , Faisant sur peine d'attentat Demeurer choses en estât. Que si, par vn coup qui nous outre, Nonobstant l'appel , on passe outre , Sans nullement y déférer, Affin de nous désespérer , Non plus que Requeste Ciuile, De chicane dernier azyle , Ou propositions d'erreur, Voyes de droit et de douceur, Du moins ayant esgard aux offres Que faisons de vuider nos coffres De la finance qu'auons pris. Vertu de légions d'édits, Plains de cire de mainte sorte Mais non pas pourtant assez forte. Ayant , pour durer longuement , Besoin du sceau du Parlement, Et de ces plumes souueraines Qui rendent patentes certaines Et sans quoy n'y a seureté D'aduancer à sa Maiesté, Donnez vne ordonnance prompte Que parties viendront à compte. Si deuons , voulons en ce cas Payer comptant les reliquas ; 38 CHOIX Que lustice qui nous lanterne, Contre seule bourse décerne Veniat ou prise de corps , Si bien que corde en soit dehors. Assez ce nous est d'infortune De donner tout nostre pécune Sans estre encor, comme lobetz , Pendans d'oreilles de gibetz. Et vous, Nos Seigneurs des Enquestes, Qui grondez comme des tempestes , Songez , sans ruer plus grands coups , Que sommes hommes comme vous ; Que vostre corps qui si haut clame , Cesse de chanter nostre gamme , Suiuant l'exemple du Seigneur Qui ne veut la mort du pécheur. Ayez compassion de toute La famille de Maletoute. Aucuns de vous bien piaffants Ont l'honneur d'estre ses enfants. Du ciel n'attirez la colère En faisant mourir vostre mère ; Et, sans délibérer, sauuez La vie à qui vous la deuez. Pour vostre sang fermez la bouche ; Et qu'autre intérest ne vous touche. Faisant ainsi, vous ferez bien; Et mieux encor n'en faisant rien. DE MAZARINADES. 39 Contract de mariage dv Parlement avec la ville de Paris [783] ^ . (8 janvier 1649-) Av nom de Dieu le Créateur; A lous présens et à ve- nir : Furent présens en leurs Augustes représentations , Illustre et sage Seigneur le Parlement de Paris, tant en son nom que stipulant pour l'Ordre , !a Police et la Tus- tice et pour toutes les Loix, Ordonnances, Coutumes, Pratiques et Maximes de la France, dVne part ; et Puis- sante et bonne Dame la Ville de Paris , aussi tant en son nom que stipulante pour tous ses Bourgeois et Habitans dans l'enclos de ses Murailles, de ses Fauxbourgs et Banlieue , et généralement pour tous les bons François , d'autre : Lesquelles parties volontairement, en la présence et par l'induction de très hauts et puissants Princes et Princesses , le deuoir, l'amour, la raison et la néces- sité , Reconnurent et confessèrent auoir fait entre Elles de bonne foy lesTraicté, promesses et conuentions de Ma- riage et d'vnion qui ensuiuent : C'est à sçauoir que ledit Seigneur Parlement prend ladite Dame Ville de Paris pour sa femme et légitime Espouse, comme pareillement ladite Dame prend ledit Seigneur Parlement de Paris pour son mary et légitime Espoux, pour estre lesdits Seigneur et Dame Parlement et Ville de Paris ioints et vnis perpétuel- lement et indissolublement , s'entr'aymer et s'entr'ayder * Naudé classe ce pamphlet parmi les pièces soutenues et raisonnées . Ma- zarin croyait que le coadjuteur (cardinal de Rftz) y avait eu quelque part. On trouvera plus loin une réponse au Contract de mariage dans le Ban- deau levé de dessus les yeux des Parisiens, etc. 40 CHOIX cordialement et sincèrement; à cet effet seront iesdits Seigneur et Dame présens, Espoux et conioints vns et communs en tous leurs désirs, actions, passions et inté- rests généralement quelconques, suiuant le bien del'Estat et la conseruation du Roy et du Royaume ; au désir des- quels le présent Mariage et vnion sera régi, et auquel apporteront leur consentement tous les autres Parle- ments de France, frères puisnez de celui de Paris, comme ils en sont conuiez et priez, et pareillement toutes les autres Villes de France, sœurs puisnées de celle de Paris, qui en sont aussi conuiées et priées , et entreront tous , s'il leur plaist , en la présente alliance pour le bien vni- versel du Royaume et à la gloire de Dieu. Se prennent Tvn l'autre desdits Seigneur et Dame pré- sents Espoux et conioints auec tous leurs droits, noms, raisons et actions, deuoirs et obligations qui leur peu- uent compéter et appartenir, toucber et regarder, géné- ralement quelconques et spécialement aux charges et con- ditions qui ensuiuent : Que Dieu sera tousiours seruy et honoré , craint et aymé, comme il se doit ; Que les Athées , impies , libertins et sacrilèges seront punis exemplairement et exterminez incessamment ; Que les vices , les péchez et les scandales seront cor- rigez autant qu'il se pourra ; Que la Religion sera maintenue et deffendue iusques au dernier soupir de la vie ; Que le bien de l'Estat et la conseruation du Roy et du Royaume seront tousiours soigneusement embrassez et pourchassez ; Que le soulagement du pauure peuple sera de mesme procuré autant qu'il sera possible ; DE MAZARINADES. Ai Que le Roy donné de Dieu au Royaume de France sera seruy et honnoré, aymé et obéy de tous ses suiets ; et afin qu'il leur sçache vn iour dignement commander, que les Loix de Dieu et celles de son Royaume, auec les autres sciences et vertus nécessaires aux Princes, luy se- ront enseignées par des personnes doctes, vertueuses et sainctes, telles que ledit Seigneur Parlement de Paris iu- gera plus propres et nommera, auxquels Téducation et l'instruction sera particulièrement commise et chèrement recommandée ; Qu'en la tendresse de l'aage en laquelle Sa Maiesté se trouue maintenant , qui est foible pour le gouuernement de son Estât , ledit Seigneur Parlement présentera des personnes Illustres et de suftîsance requise à vne si im- portante fin , lesquelles seront prises des Ordres du Clergé, de la Noblesse et de la Magistrature; Que ces sages et vertueux personnages seront après les Princes du Sang comme Conseillers naturels et Minis- tres nécessaires au soulagement de la Régence; Que toutes les matières d'Estat et de gouuernement se résoudront par l'aduis des Princes du Sang et des Conseil- lers et Ministres d'Estat et par la pluralité des voix , comme il est conuenable es minoritez des Roys; Que ces Conseillers et Ministres , proposez par ledit Seigneur Parlement , acceptez et establiz par le Roy, pourront estre destituez ou changez selon que leurs dé- portemens ou incapacitez y donneront lieu; Que le Parlement demandant formellement la desti- tution de ceux qui pourront en auoir donné subiet, il n'y sera apporté aucune contradiction, et ceux qui seront nommez en leur place, y seront receus sans difficulté ; Que tous les Conseillers et Ministres d'Estat feront le 42 CHOIX serment requis et nécessaire au Roy et en piain Parle- ment pour la particulière confiance et satisfaction de tout le Koyaunie; Que ceux qui se trouuent maintenant près du Roy, s'ils sont soupçonnez et accusez de s'estre mal compor- tez dans leurs fonctions, respondront de leurs actions suiuant les Loix du Royaume , seront iugez et traittez ainsi qu'il se deura en Justice ; Que les autres Conseillers et Ministres d'Estat qui se sont retirez de quelque façon et pour quelque cause que c'ait esté, respondront et seront iugez et traittez de mesme ; Que les veufues , enfans , héritiers et ayant cause des Ministres d'Estat qui sont morts depuis vingt années, se- ront aussi tenus de respondre ciuilement des déporte- mens de ces Ministres, et subir aux iugemens qui seront donnez à leur esgard , si mieux lesdites veufues, enfans , héritiers et bien-tenans de ces défuncts Ministres n'ay- ment à renoncer à leurs biens et successions ; Que pour la distribution des Bénéfices qui viendront à vacquer, et particulièrement pour la nomination aux Eueschez , l'aduis et consentemant des Princes du Sang et des Ministres d'Estat sera absolument nécessaire , et sans iceluy ne sera disposé d'aucun Éuesché ny Abbaye de grand reuenu; Que pendant la minorité du Roy il ne sera estably aucune coadiutorerie aux prélatures et dignitez, ny ac- cordé aucune suruiuance de gouuernemens et d'offices de iudicature et de finances: Que toutes les suruiuances des Gouuerneurs et des Offices qui peuuent auoir esté accordées depuis l'aduène- ment à la couronne du Rov, seront reuocquées et de- meureront nulles; DE MAZâRINADES. i3 Qu'aux charges principales des Parlemens et autres Compagnies souueraines, quand elles viendront à vac- quer , il y sera procédé comme à la nomination des Éueschez, et que l'approbation et consentement de tous les Ministres d'Et,tat y sera nécessaire après celuy des Princes du Sang ; Qu'il ne sera donné aucune dispense d'aage pour te- nir office de iudicature et de finances , et que pour les prouisions d'offices et réceptions d'officiers les formes prescrites par les Ordonnances seront exactement suiuies ; Qu'en matière de gouuernemens de places fortes et des frontières il sera plustost regardé le bien et la seu- reté de l'Estat et la capacité de la personne pour cet employ que pour récompense de mérites ou de seruices ; Qu'aucun fils ou gendre de Gouuerneur, de quelque qualité et mérite qu'il soit , ne pourra succéder au gou- uernement de son père ou beau père , pour déraciner vn pernicieux usage de succéder aux gouuernemens comme aux patrimoines ; Que la foy publique si scandaleusement violée depuis certaines années sera restablie autant que faire se pourra, et à l'aduenir tenue sacré-saincte ; Que les finances du Royaume seront doresenauant ad- ministrées par personnes de probité et intégrité, con- nues et choisies entre ceux que le Parlement de Paris nommera et présentera au Roy ; Que la charge de Controlleur général des finances sera suprimée et exercée doresenauant en commission et par deux personnes du Corps du Parlement qui seront par ledit Seigneur Parlement nommées et changées tous les ans ; Que l'vsage du comptant sera restraint à vue somme 44 CHOIX raisonnable, puisqu'il ne doit estre composé que de par- ties secrètes; Que le fonds nécessaire à la despence et entretien des maisons royalles sera fait dès le commencement de cha- cune année, et néantmoins ne pourra estre leué par ad- uance; mais au temps que les receptes ou les fermes qui y seront destinées, le deuront produire, et qu'il ne sera di- uerty pour quelque cause ou occasion que ce puisse estre ; Que les charges de l'Estat seront payées chacune année, suiuant ce qui a esté réglé par la dernière Déclaration du mois d'Octobre 1648, et que les rentes publiques, de quelque nature que ce soit, et les gages d'Officiers, de quelque qualité qu'ils soient, seront payez ainsi qu'il est spécifié par ladite Déclaration, et pendant la guerre seulement , après laquelle lesdites rentes et gages d'Offi- ciers seront entièrement payez ; Que ladite Déclaration du mois d'Octobre 1 648 sera ponctuellement et diligemment exécutée en tous ses poincts et selon sa forme et teneur, ensemble les précédentes du mois de luillet de ladite année'; à cet effet que du Corps du Parlement de Paris et de tous les autres du Royaume et à leur particulière nomination et eslection, chacun en droit soy, il sera composé vne Chambre de lustice pour la connoissance et punition des abus et maluersations commises au faict des finances, tant par les ordonna- teurs, de quelque qualité qu'ils soient, que par les Comp- tables, commis, et parties prenantes, ensemble des vols » Du 13 juillet, du 16 et du 31, portant révocation de toutes commis- sions extraordinaires, même de celles des intendants de justice, décharge des restes des tailles avant 1647, remise d'un demi-quortier pour 1648 et 1649, établissement d'une chambre de justice, promesse de ne plus faire aucune imposiiioii à l'avenir qu'en vertu d'édits vérifiés. DE MAZARINADES. 45 publics , concussions , pëculats et autres violences et crimes commis dans toutes les prouinces du Royaume ; Que conformément à la susdite Déclaration du mois d'Octobre 1648 , le Parlement trauaillera incessamment à l'exécution du contenu au sixiesme article pour la res- titution des sommes receues des rentes racheptées et finances remboursées par le Roy et nouuelle constitution au denier quatorze desdites rentes, ainsi qu'il est spécifié audit article; Que sur les restitutions des deniers qui se feront , le Parlement interuiendra dans la nouuelle constitution de rentes, et fera laisser le fonds d'icelles pour les quatre quartiers et les payer entièrement et perpétuellement sans aucun retranchement, diminution ni diuertisse- ment; Que ceux qui ont acquis des rentes , de quelque na- ture que ce soit , des premiers et originaires proprié- taires audessous de la véritable finance d'icelles pour les bas prix auxquels la mauuaise conduite des Ministres du Conseil des finances les auoient réduites, et qui ne se trouuent racheptées , seront obligez d'en faire leur dé- claration sincère et véritable pour estre pourueu tant à la conseruation de leurs acquests légitimes que d'une iuste et proportionnée iouyssance aux sommes payées pour iceux; Que les deniers de la Taille, Taillon et Subsistance lesquels pour faire la substance de l'Estat, sont tirez de celle du peuple , seront imposez et leuez par l'authorité et ministère des Officiers préposez à ces fîns^ payez par les contribuables en quatre diuers payemens , et portez es Receptes générales et à l'Espargne quatre quartiers de l'année , ainsi qu'il est prescrit par les Ordonnances 46 CHOIX et Réfflemens sur ce fait . bien et cluement vérifiez et approuuez ; Qu'il ne sera iamais fait ny souffert aucun party des deniers de la Taille, Taillon et Subsistance, pour éuiter les désordres et les maux qui en sont cy deuant arriuez et en arriueraient cy après , attendu que toutes les con- tributions du peuple sont de leur nature et origine vne concession volontaire plustost qu'vne debte d'obligation; Que s'il est fait quelque party de ces deniers, sous quelque titre, forme et nom que ce soit, l'action sera tenue pour vn crime capital d'offense publique et punye du dernier supplice ; Qu'il ne sera non plus fait aucun traitté ny party des rentes des particuliers et des gages et droicts d'Officiers , estant notoirement le bien d'autruy, à la prise duquel tels traittés et partis ont cy deuant donné lieu auec tant de scandale et de dommage ; Que ceux qui ont exercé des commissions d'Intendans dans les prouinces, ne pourront présentement ny à l'ad- uenir exercer aucune charge qu'ils ne se soient plus tost purgez en plain Parlement ou en plaine chambre de lustice de leurs déportemens et conduite et qu'ils ne soient deschargez de toutes accusations et imputations; Que lesdits Intendans des prouinces seront tenus de restituer les sommes qu'ils ont receues pendant le temps de leurs fonctions ou de la part du Roy ou dt? la part des Partysans et ïraittans , attendu qu'ils n'ont pu seruir deux maistres, ny d'en prendre double salaire , et pour cet effet qu'ils se purgeront sincèrement et véritablement quelles sommes de deniers ils ont touché pendant leur intendance , et se sousmettront à toutes peines en cas de faux serment :, DE MAZAKiNADES 47 Qu'il sera fait vn estât véritable des sommes deues par le Roy aux Partysans , Traittans et Presteurs pour les partis, Traittez et prests qu'ils ont fait, lequel estât sera de la part des Ministres du Conseil des Finances mis au Greffe du Parlement auec affirmation de vérité et sincé- rité et soumission à toutes peines en cas du contraire; Que cet estât des debtes du Roy contiendra le véritable nom des créanciers, les sommes principales qui ont esté effectiuement prestées , et les intérests ou remises qui y ont esté ioints, afin que la liquidation et réduction con- uenable soit faite en lustice et en conscience; Que le payement des sommes qui pourront estre deues par le Roy, aux Partisans, Traittans et Presteurs sera sursis généralement iusques après l'establissement de la Chambre de lustice , et alors ne pourra estre fait que des sommes de deniers qui prouiendront des amendes et confiscations qui seront adiugées au Roy par les Arrests de condemnation de la Cham.bre de lustice; Que ledit remboursement ou payement des sommes deues par le Roy aux susdits Partysans, Traittans ou Pres- teurs se fera en contribution, en esgale distribution pour les personnes, et au sol la liure pour les sommes deues; en sorte que tous généralement touchent à mesme temps ce qui leur deura proportionnément reuenir, sauf pour ceux des Partysans, Traittans ou Presteurs qui dénonce- ront et vérifieront des mal-versations et forfaitures et fourniront des preuues des concussions, péculats et vols, lesquels par préférence à toutes personnes et debtes, de quelque qualité et condition qu'ils soient, seront payez de leurs debtes entièrement des confiscations qui se feront sur leurs dénonciations et preuues ; Qu'il sera fait vne exacte recherche et punition des 48 CHOIX crimes de fausse -monnoye , rongiieures , hillonnemens d'espèces d'or et d'argent et transport d'icelies hors du royaume depuis et compris l'an trente cinq, et que les lettres d'abolition ou remission de tels crimes ne seruiront à ceux qui les ont nëgotiëes depuis ledit temps, que pour la peine instituée et la confiscation de corps , attendu qu'en l'expédition , distribution et entérinement de ces abolitions et rémissions il a esté mal vsé et indignement procédé, ayant esté expédiées en blanc sans connoissance de cause ny de personne et entérinées sans raison ny Jus- tice ; Que tous autres crimes commis depuis la guerre et qui sont demeurez impunis à cause d'icelle , seront re- cherchez pour estre le procez fait et parfait aux cou- pables, et iceux chastiez selon leurs démérites; Que le pauure peuple sera soulagé réellement et effec- tiuement , ainsi qu'il est porté par la susdite dernière Déclaration du mois d'Octobre 1648, qu'il sera protégé et deffendu de toutes oppressions, que l'ordre en toutes choses sera remis et le règne de la lustice plainement restabli dans toutes les prouinces du Royaume; Et parceque toutes ces bonnes choses ne peuuent ar- river tant que le Cardinal Mazarin commandera à cet Estât auec l'insolence et la tyrannie auec laquelle il se comporte, lequel après auoir peruerti toutes les bonnes règles d'vn légitime et raisonnable gouuernement par vne extrême ignorance et malice, et fait des voleries ex- horbitantes des Trésors du Royaume, a enleué scanda- leusement et périlleusement la sacrée personne du Roy et de Monsieur son frère, séduit les autres Princes du Sang et impudemment et faussement accusé des Membres de cet Auguste Corps du Parlement d'intelligence auec DE MAZARINADES. 49 les ennemis de l'Estat, à cause de quoy ayant esté par Arrest solemnel^, déclaré Perturbateur du repos public et ennemy du Roy et de son Estât, il sera incessamment pour- suivy iusques à ce qu'il soit mis entre les mains de la Jus- tice pour estre publiquement et exemplairement exécuté; Que le Pape, les Républiques de Venise, de Gênes et de Lucques et autres Princes d'Italie seront requis et priez que recherches et saisies soient faites dans leurs Terres des biens meubles, pierreries et deniers qui y ont esté enuoyez par ledit Mazarin, pour estre restituez à la Couronne et au Royaume auquel ils ont esté volez ; Qu'il sera fait vne authentique Déclaration qu'aucun Estranger ne pourra iamais posséder Office ny Rénéfice dans le Royaume, sauf des charges de guerre seulement, pour ceux qui s'en seront rendus dignes ; Que les Cardinaux François qui sont maintenant et seront cy après, seront tenus de faire leur résidence or- dinaire à Rome , remplir leurs places dans le Sacré Col- lège auquel ils auront esté admis, sauf pour les Princes de naissance auxquels sera permis de résider en France ; Que les Gouuernemens des Places et des Villes de dix lieues à la ronde de la bonne Ville de Paris seront à perpétuité à la nomination et prouision dudit Seigneur Parlement pour les faire tenir en son nom pour le bien et seruice de ladite Dame son Espouse, si mieux on n'ayme en faire démolir et raser toutes les fortifications; Que la Lettre enuoyée par le Cardinal Mazarin sous le nom du Roy aux Prévost des marchands et Escheuins de Paris"^, sera déclarée calomnieuse, et tout le Parle- ment auec tous les Officiers qui le composent, reconnu 'Du 8 janvier 1049. '^ Du 6 janvier 1649. 50 CHOIX et déclaré plein de fidélité, d'affection et de sagesse, comme il est ; Que le Roy sera très humblement supplié de reuenir dans son Trosne et le plus asseuré siège de son Empire, ([ui est Paris , pour de là ordonner de la paix ou de la guerre, donner cellelà à ses sujets et porter cellecy chez ses Ennemis, s'il est conuenable; Que le présent Mariage ne pourra iamais se dissoudre moyennant la grâce de Dieu et qu'aucune des parties ne pourra iamais prétendre et demander ny consentir à aucune séparation et désvnion pour quelque cause et occasion qui puisse estre ; Car ainsi l'ont promis et iuré ledit Seigneur Parle- ment et ladite Dame Ville de Paris sur les Saincts Euan- giles deuant l'Eglise de Nostre Dame au mois de Janvier l'an mil six cens quarante neuf; et ont signé. Le passe-port et r adieu de Mazarin en rers hurlesqiies. [27^0.] (8 janvier 1649,) Adieu donc, panure Mazarin. Adieu, mon pauure Tabarin. Adieu, mon Conseiller supresme. Adieu, destructeur de caresme. Adieu, peste du Garnaual. Adieu, beau mais meschant cheiu'.L Adieu, ronde aux Mazarineltcs . Adieu, père aux marionnettes. Adieu, Tauteur des Théatins. DE MAZARINADES. 51 Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu Adieu maistre des Tiiuelius. grand faiseur de macliines. cause de nos ruines, grand remueur de glands, le plus beau des galands. beuueur de limonades, l'inuenteur de pommades '. l'homme aux bonnes senteurs, l'ami des sénateurs, l'abbé à vingt chapitres, seimieur à mille titres, des Ministres le chef, gouvernail de la nef. timon de ma brouette, ma plaisante chouette, grand inuenteur du hoc. frère iadis d'vn froc^. la moustache collée. braue teste pelée. Calotte. Adieu, Bonnet. pièce de cabinet. bastisseur d'escuries. l'esprit à fourberies. gentil Sicilien. phorphante Italien. qui ne veux estre éuesque. l'homme à bibhothèque. tout, si ce n'est pédant. Adieu donc, supresme Intendant De l'éducation royale. Adieu, teste à nulle autre égale. ' Voyez la Lettre cVun religieux envoyée à monseigneur le prince de Conc/é, etc. ^Michel Mazavini, cardinal de Sainle-Cccile, archevêque de Lyon» avait été jacobin. 52 CHO?X Vraiment c'est bien vous faire grâce Que de vous laisser quelque place , Permettant qu'eu autre pays Vous disposiez de nos Louys. J'ai souuent ce mot à la bouche; Mais c'est leur perte qui me touche. Pardonnez-le-moi, s'il vous plaist; Et, sans iazer, venons au fait. Ne serez-vous pas bien à plaindre, Lorsque, n ayant plus rien à craindie, Dans quelque lieu de seureté , Vous viurez dans la volupté Et ferez de belles despenses Soit en parfums , soit en essences , Sans enuieux et sans ialoux , Tenant singes sur vos genoux ? Car icy tousiours quelque affahe De vos plaisirs vous vient distraire. Tousiours courrier dessus courrier Vous prie de T expédier. Quelque rencontre , quelque attaque , Quelque bénéfice qui vaque , Quelque aduis par vos espions Des estrangères nations , Quelque partie casuelle Vous tiennent tousiours en ceruelle ; Et tenant cartes ou cornet , Vous font entrer au cabinet. Mais, direz-vous, Taime la France; Et les grands soins de la Régence Me diuertissent seulement; Car la Cour est mon élément. 11 est bien doux de von^ des princes Et des gouuerneurs de prouinces , DE MAZARINADES. 53 Des ducs et pairs, des mareschaiix Louer mon hostel à cheuaux Et dire que mon Eminence Sçait mieux iouer qu'homme de France. le l'auoue : c'est grand plaisir ; Mais parlons vn peu à loisir. Respondez-moi , Messire Iule , Qui passez pour parent d'Iule, Parce que nous sommes tous venus , Nous et luy , de dame Vénus , Si cette gloire vous agrée D'auoir l'autorité sacrée , Quoique vous ne le soyez pas *, Que regarder de haut en bas , Nous commander à la baguette Soit ce que vostre cœur souhaite , Donnant pensions et breuets Jusqu'au moindre de vos laquais, Ce n'est vn ergo nécessaire Qu'aussi cela nous doiue plaire; Et c'est assez qu'en bons François Nous obéyssions à nos Rois; Car enfin nous sommes trop braues Pour deuoir estre vos esclaues. Si vous vous fussiez contenté De quelque médiocrité, Si, sans usurper la couronne Ou du moins le droit qu'elle donne , Vous eussiez , en homme d'Estat , Serui nostre bon potentat , Vos défauts et vostre naissance N'eussent pas tant choqué la Fraiice; ' L'autPur de la Lettre à monsieur le Cardinal^ burlesque y dit : Quoy qwe ne soyez in sacris^ N'ayant ordres donnez ny pris. 54 CHOIX Et d'vii accès de charité Elle eust encor patienté ; Mais à présent , mon cher Compère , Vostre dépai t est nécessaire ; Car il est certain que Paris Vn jom* reuerra son Louys , Que vous n'auez pas espérance De transporter hors de la France , Ainsy que le rouge métal Pour vous fort bien , pour nous fort mal Or le Roy reuenant en ville , le vous crois homme trop habile , Et pourtant ne Testes pas trop , j Poiu" y reuenir au galop , Au trot, au pas ou d'autre sorte; Car eussiez-vous meilleure escorte Que n'auiez dans vn autre temps Allant au palais d'Orléans , le vous iure par ce Burlesque Qu'vne meschante soldatesque Iure tous les iours par sa foy De vous couper ie ne sais quoy Qu'on coupa iadis à vn autre Dans vn pays fort voisin du vostre Et qui mesme estoit , ce dit-on , Vn peu de meilleure maison. Les femmes sont encore en vie Qui de vous traitter ont enuie Comme Conchino Conchini, luste rime à Mazarini. C'est pourquoy, si vous estes sage, Allez faire vn petit voyage lusqu'au climat sicilien , Si mieux n'aimez l'italien Que deuez aimer dauantage; DE iMAZARlNADES. 55 Car il me souuient d'vn passage Qui dit que le cœur et l'argent Vont tousiours ensemble logeant. Vous respondrez qu'auez en France Encor beaucoup plus de cheuance , Que derechef Partis et Prests Doiuent grossir vos intérests; Mais c'est iustement l'encloueure ; Et c'est pour vous à la malheure Que , pour empescher tels desseins , Paris en veut venir aux mains. On crira tousiours : guerre ! guerre ! Si vous ne quittez cette terre ; Et nous serions soudain d'accord Si vous estiez absent ou mort. Ainsy donc par vos limonades , Par vos excellentes pommades , Par la bonne odeur de vos gands , Par le mouuement de vos glands , Par vostre petite calote, Par vostre teste vn peu falote , Par les singes que tant aimez Qui comme vous sont parfumez , Par les belles Mazarinettes , Par toutes les marrionnettes , Par la robe des Théatins , Par les grands Mânes lacobins , Par Beautru, par Tubeuf, par Lopes*, Par les masses et par les topes , Par point , séquence et par fredon , Par tout ce que vous trouuez bon , ' Guillaume Bautru, un des courtisans du cardinal; Charles Tubeuf^ président à mortier au parlement de Paris; Lopès, marchand portugais, qui avait été fort avant dans la faveur de Richelieu, et que Mazarin receva:t familièrement. On peut voir son Utstoriettc dans Tallemant des Réauv, 56 ' — ^ CHOIX Par tout ce que dire ie ii oze , Ni dans les vers ni dans la prose , Surtout'par la feste des rois , Par vu blocus depuis deux mois , Par la cherté de la farine , Par la crainte de la famine , Par la perte de nos traffics, Par la réforme des tarifs , Par la discorde des deux frères * , Enfin par toutes nos misères Dont nous gardons le souuenii, Allez sans iamais reuenir. Raisons d' estât contre le ministère estranger [2962] 2. (11 janvier 1649.) Vous me demandez ce qu'on pensoit de mon temps de la confiance que la Reine Mère , Marie de Médicis^ auoit establie au Maréchal d'Ancre. Moy qui, sans m'in- téresser beaucoup à ce qu'on faisoit à la Cour, i ai tous- iours trauaillé et pris soin pour m'instruire de ce qu'on y deuoit faire , ie vous aduoue que ie suis beaucoup em- pesché de quelle façon ie vous dois obéir. Mon aage ny mes occupations ne me permettent pas de composer vn volume sur cette matière; et pourtant ie sçay bien qu'il y a suffisamment pour en faire vn ; de sorte que ie * Le prince de Condé et le prince de Conty. * C'est une des bonnes pièces , suivant Naudé. Elle se continue en quelque sorte dans VAnathème et l'excommunication d'un ministre d'Estat estranger qui suit. DE MAZARINADES. 57 vous satisferay sans doute imparfaitement. Cependant il ne faut pas consulter de faire ce que vous m'ordonnez ; et tout ce que ie puis dire, est de vous escrire en abrégé les sentimens de nostre vieille Cour et d'y ioindre vn extrait des temps et des Histoires pour vous monstrer que les Estrangers ne doiuent point estre admis au ma- niement des affaires publiques. C'est vue maxime politique receue de tout temps, que les Estrangers introduisent les mœurs et les vices de leurs pays dans celuy qu'ils viennent habiter, qu'ils y corrom- pent toutes choses, et que de cette corruption naissent les vices , qui donnèrent autrefois suiet au prophète Eze- chiel de s'écrier contre Hiérusalem ; « Ta souche et ta ge'nération est de la terre de Chanaan; ton père est Amorrhéen, et ta mère Céthéenne, » C'est pourquoy le Sage défend absolument d'admettre les Estrangers aux honneurs qui sont deus aux véritables Citoyens. « Ne transfère point aux Estrangers les honneurs qui te sont deubs^ et ne commets point tes iours à V homme cruel ^ de crainte que les Estrangers ne se fortifient de tes forces , et que les fruits de tes trauaux ne passent dans çne main estrangère, » Ce mesme fondement a seruy au Philosophe dans sa Politique pour luy faire dire hardiment que le moyen de destruire vn Estât est d'y appeler des Estrangers. Ce qu'il fortifie par vne longue suite d'exemples, faisant voir que tous les Estats qui les ont receus, ont été ren- uersez par eux ou par les diuisions ausquelles ils ont donné naissance, parceque tout ce qui n'est pas de mesme nature que le reste, est vn principe de diuision , et tovite diuision emporte auec soy la ruine de la chose diuisée. C'est pourquoy en toutes K^s Républiques bien policées, 58 CHOIX les Estrangers n'ont point esté admis. Vous ne sçauriez douter de celle des Hébreux , puisque ie vous ai ?désia fait voir l'auersion qu'ils y auoient, et le conseil de leurs Sages sur cela. Ou s'il reste encore quelques scrupules, escoutez la défense qui en fut faite au peuple , lorsque Dieu luy promit vn Roy : Tu ne pourras ^ dit le Sei- gneur, élire vn Roy cVvne nation estrangère ; mais tu le choisiras parmj tes frères. Les Parthes ont tousiours eu de l'auersion pour les Estrangers; et les Athéniens n'ont pas mesme voulu leur donner l'entrée de leur ville. Et à cette loy de Solon , Périclès adiousta que ceux-là seulement fussent faits Ci- toyens d'Athènes , qui seroient nez de père et de mère Athéniens. De sorte que Negoras eut de la peine, après beaucoup de bienfaits et de seruices rendus à la Répu- blique, d'y être admis au rang des Citoyens. Après quoy il enchérit sur les autres et fit vne loy par laquelle les Bastards estoient priuez des droits de la Bourgeoisie. Voyez iusqu'oii alloit la délicatesse des Anciens quand il falloit estre estimé Citoyen de leur République. Les Lacédémoniens et les Thébains , par ordre de Lycurgue , donnèrent l'exclusion des charges de leur Ré- publique aux Estrangers. Les Spartes obseruèrent si exactement cette loy qu'ils furent appelez Dirinaxènes^ c'est-à-dire, comme vous sçauez, Inhospitaliers. Et si quelques Citoyens sortant de Sparte séiournoient chez les Estrangers, ils estoient punis de mort, pour ce qu'ils s'estoient exposez et mis en danger de s'infecter de leurs vices et de les rapporter parmy leurs Concitoyens. Les Égyptiens ne vouloient point auoir de commerce auec eux. Et les Romains enfin les considéroient tous- iours comme indignes de porter les marques de leurs Ci- DE MAZARINADES. 59 toyens. C'est pour cela qu'vne de leurs anciennes loix leur défendoit de monter sur la muraille de la ville. C'est pour cela que Marcellus , Consul , ne put souffrir qu vn Estranger, à qui Iules César auoit donné le droit de Bourgeoisie, fust esleu à la charge de Décurion, et qu'il le fît prendre et fouetter dans la place publique, afin de luy oster l'impression qu'il auoit eue qu'on le deust traiter comme Citoyen Romain. Et c'est pour cette mesme rai- son que Claudius César défendit aux Estrangers, sur peine de mort, de prendre des noms de familles romaines, de peur qu'ils ne confondissent entr'eux ce qui n'estoit deub qu'aux Citoyens de Rome. Vous auez leu comme moy les plaintes quon faisoit contre Iules César : César, di- soit-on, triomphe des Gaulois et les amène captifs en cette ville ; et les mesmes Gaulois quittent dans le Sénat leurs robbes courtes et en prennent de longues , au rap- port de Tacite, Hure IV de ses Annales, L'Empire d'Alemagne s'estant composé des débris du Romain, en a gardé beaucoup de loix fondamentales, en- tre lesquelles est celle-cy : que la dignité de l'Empire ne puisse estre transférée à celuy qui n'est pas originaire Alemand. Ce qui fit que Charles Quint, lorsqu'il fit le serment que les Empereurs sont obligez de faire , iura qu'il n'admettroit point aux affaires publiques les Es- trangers , mais seulement des personnes choisies dans la Noblesse d'Alemagne. La République de Venize ne souffre point les Estrangers dans son Estât. Les Suisses n'admettent dans les charges que leurs Compatriotes. Et les Princes des Pays Bas trou- uent entre les loix , sur l'obseruation desquelles ils sont obligez de iurer, quand ils entrent dans le Gouuernement, celle de ne donner aucune charge publique aux Estrangers. 60 CHOIX Que vous (liray-ie dos anciens pays de l'Europe ? Les coustumes en sont diuerses. Mais partout l'inclination a esté de tout temps égale. laniais les suiets naturels n'ont pu souffrir la domination estrangère. Les Polonois qui , par le droit d'Élection, prennent des Rois où bon leur semble, ne purent souffrir que Casimir donnast les charges de Magistratures à des Alemands. Ils chassèrent pour cela Boleslas le Chauue et le vieil Mizelas du Royaume. Les Escossois aimèrent mieux donner leur foy et ren- dre obéissance à vne femme A.ngloise qu'à François le Dauphin. Et les Anglois, voyant qu'ils ne pouuoient em- pescher que Marie, leur reine, espousast Philippe de Cas- tille, fils de Charles Quint, dont elle achepta la possession avec vne somme immense d'argent, entre les conditions moyennant lesquelles ils consentoient au mariage, celle-là fut la première : qu'aucun Estranger n'auroit la Magis- trature ny ne seroit receu aux honneurs publics. Et bien qu'il yeustvne parfaite vnion alors entr'euxet les Espa- gnols, la ialousie pourtant qu'ils en conceurent , lorsqu'ils appréhendoient de leur voir tomber le Ministère entre les mains, fut si grande qu'ils commencèrent leur capitulation par-là, comme l'endroit qui leur estoit le plus sensible. Les François, qui ont tousiours voulu viure selon leur ancienne liberté, n'ont iamais pu souffrir le Ministère des Estrangers, non-seulement pour l'appréhension qu'ils ont de se voir deuancez par eux dans les charges et dans les honneurs dont ils sont très ialoux, mais pource qu'il leur a presque esté impossible de s'accoustumer à la lé- gèreté des Anglois, à la pesanteur des Alemands, au faste des Espagnols, et à la longueur des Italiens tant à bien résoudre qu'à bien faire. Les nouuelles façons d'agir qu'on a voulu introduire parmy eux , et surtout dans les DE MAZARiNADES. 61 choses oit il y a de Tintérest des particuliers, leur ont esté insupportables. Et notre Histoire nous en remarque peu qui ayent remporté tout l'auantage qu'ils s'en es- toient promis. Charlemagne eut beaucoup de peine à étouffer par adresse ou par force les conspirations que les Lorrains firent contre luy, parce que, pour la iustice et pour les armes, il se seruoit plustost des Estrangers que de ceux du pays. Charles, Duc de Bourgogne, après auoir essuyé les plaintes que ses suiets firent contre luy, parcequ'il auoit esleué le Comte de Campobacho, Napolitain, iusques à sa faueur et à son Ministère, trouua qu'il auoit donné son affection à vn traistre , et que son Estât estoit en danger par l'infidélité de celuy à qui il en auoit confié la conduite. Charles le Simple, ayant voulu, au mépris des Fran- çois, remettre les principaux soins de ses affaires à des Alemands, fut enfin dépouillé de sa Couronne, et finit sa vie en prison. Et Lothaire, son petit-fils, ne s'estant point rendu prudent par le malheur d'autruy, laissa l'Empire si foible et si fragile à son fils, qu'il fut le dernier de la race de Charlemagne qui y commanda. L'Empereur Louys mesme ne se put garantir qu'auec beaucoup de peine des conspirations faites contre sa personne par ses propres enfants et par les Princes de l'Empire, parcequ'il avoit fait venir dans sa Cour Ber- nard, Comte d'Espagne, et qu'il luy auoit donné le se- cret de ses affaires auec la charge de son Maistre de Chambre. Enfin, pour abréger tous nos exemples en vn seul, rappelez en vostre mémoire la fin tragique du Mareschal d'Ancre et l'Arrest de la Cour de Parlement contre les 62 CHOIX Estrangers pour les exclure du Ministère*; et prestez l'oreille aux murmures publics et particuliers de tous les gens de bien qui s'esleuent si hautement contre le Car- dinal Mazarin, dont on ne peut plus supporter la façon d'agir entièrement contraire à celle de nostre nation. le ne touche point à sa vie et ne m'amuse point à exaggérer les reproches que quelques vus font contre la pureté ou l'impureté de ses mœurs. le diray seulement qu'il s'est gouuernë auec nous en sorte que s'il continuoit plus longtemps, la rage mesme ne trouueroit pas de quoy mordre; outre que la dignité qui le met à couuert contre toute sorte d'atteintes, m'empesche d'en exaggérer da- uantage. Mais s'il faut parler des choses qui ont esté visibles^ ie vous prie d'examiner sans passion chaque Courtisan en particulier. Et au cas que tous ne crient et ne pro- testent qu'il a espuisé par ses longueurs la bourse de tous ceux qui luy faisoient la cour, et la patience des plus sages, dites que ie suis vn meschant. Ils vous aduoueront (et ie n'en excepte pas ses plus intimes amis) que la len- teur auec laquelle il faisoit du bien, rendoit ses ennemis ceux qui le receuoient, parcequ'ils le payoient au double ayant que de le receuoir; et que la difficulté qu'il y auoit de le voir et de luy parler, a ruiné dans les cœurs de toute la noblesse l'affection qu'on auoit au commencement pour luy ; parceque les François croyent qu'on les oblige deux fois quand on leur donne promptement et de bonne grâce ce qu ils croyent leur estre deu , estant accoustumez à la façon de viure des Ducs de Luynes et de Richelieu , qui enuoyoient chercher les honnestes gens chez eux pour 'Arrêt (11- la cour de parlomciit, du 8 juilUt 1617, donné contre le défunt niarqul?. fV Ancre et sa femme [204]. DE MAZâRïNADES. 63 leur faire du bien, qui prëuenoient les désirs et les néces- sitez de ceux qui le méritoient. En vn mot, les promesses générales qu'il faisoit à tout le monde, et l'inexécution dont tout le monde se plaignoit, sont les raisons qui l'ont dépourueu d'amis et de créatures. Hé! d'où vient tout cela, sinon des mœurs de son pays, auxquelles vou- lant tousiours se tenir ferme, il se conduisoit par des voyes entièrement opposées aux nostres? Te vous ay iustifié par les Loix et par les exemples comme les Estrangers ont esté bannis du maniement des affaires publiques. Maintenant ie m'en vais dire succinc- tement les raisons sur lesquelles on leur donne l'exclusion. La première, si ie ne me trompe, a esté celle qu'Aris- tote et saint Augustin après luy ont rapportée , que la différence des mœurs et du langage met la discorde en- tre les cœurs. Le Prince estranger (dit vn de nos Docteurs) voulant conformer le peuple aux mœurs et aux coustumes de son propre pays et croyant que ce qui est honneste parmi les siens, le soit et le doit estre dans l'Estat où il commande, non-seulement il ne le corrigera pas, mais il le perdra. Aussi c'estoit la plus grande louange qu'on donnoit à l'Empereur Probus , de ce qu'il connoissoit les natures de toutes les nations qui composoient son Empire. C'est pourquoy le meilleur de nos Historiens dit que quand vn Estranger gouuerneroit bien l'Estat, toutefois à cause de la différence qui sera entre son esprit et les nostres, sa ma- nière de viure et celle des François, il donnera tousiours quelque suiet de plainte, estant impossible qu'il connoisse particulièrement la République qu'il conduit, comme les Suiets naturels, cette connoissance luy estant absolument nécessaire auant toutes choses. 64 CHOIX La seconde raison est pour ce que iamais vn Estranger ne conduit l'Estat auec la niesme passion qui se trouue dans vn Suiet naturel. Le plus grand de ses soins est d'es- leuer sa maison, d'accumuler des thrësors, et de faire sa retraite quand il n'y aura plus rien à prendre dans vn Royaume. Les Conseillers, dit Thucydide, qui sont es- trangers, ne trauaillent iamais aux choses qui regardent le public ; ou ils ne sont passionnez que pour leurs af- faires particulières, ou s'ils résoluent quelque chose pour l'Estat, c'est sans y apporter vne meure délibération. C'est pourquoy les Politiques les appellent négligens et intéressez et croyent que les Suiets en receuront tous- iours bien moins de grâces et de bien-faits que des autres. V^n Prince , dit Tacite , instruit aux coustumes estran- gères plustost qu'en celles de son Royaume, sera non- seulement suspect au peuple, mais il passera tousiours pour fascheux et peu bienfaisant. Et ce que cet Autheur dit d'vii Prince , il le faut entendre également d'vn Mi- nistre , parceque , bien qu'il y aye de la différence dans le caractère, il n'y en a presque point dans le pouuoir. Cette authorité de Tacite me fait passer à la troisième raison, qui est qu'vn Estranger ne peut estre en seureté contre la défiance du peuple, ny contre la ialousie des grands, si premièrement il ne se fortifie de gardes, s'il ne dispose des meilleures places, s'il ne change les Ma- gistrats, s'il n'engloutit les charges séculières et les dignitez Ecclésiastiques, s'il n'arrache les Citoyens de leur bien, et s'il ne leur oste le crédit pour donner tous les deux à des Estrangers, en vn mot, s'il ne se fait diuerses créa- tures , pour l'agrandissement desquelles il faut abaisser tout le reste; et ces moyens sont insupportables au peuple. Enfin, c'est vne (hose honteuse à vn peuple qui ne DE MAZÂRINADES. 65 manque pas de personnes capables du Ministère, de se voir soumis à vn Estranger. C'est pourquoy, comme lors- que cette eslection vient du peuple, elle luy est dësauan- tageuse, parceque c'est vne marque de sa lascheté et de son ingratitude, puisqu'il ayme mieux se soumettre à vn Estranger qu'à vn de ses Concitoyens ; de mesme lors- que le choix d'vn Estranger pour Ministre vient de la volonté du Prince, il est honteux à celui qui le fait, et au peuple qui le soufre , parceque c'est vne marque presqu'infaillible que dans tout l'Estat il n'y a point d'hommes assez intelligens pour s'en bien acquitter; ce qui est la plus misérable condition et du prince et du peuple dans laquelle ils se puissent trouuer. Et les Scy- thes, quoique barbares, l'ont si bien recognu que mesme ils ne s'en purent taire, estant en la puissance du grand Alexandre. Bien que tu sois y luy dirent ils, plus fort que tous les autres ^ toutefois souuiens toy que personne ne i^eut souffrir la domination des Estrangers^ comme le remarque Hérodote en son liure VI. L'anathéme et F excommunication dvn ministre cV Estât estranger, tiré de U Écriture sainte [8i] ' . A LA REYNE. ( 11 janvier 1649. ) Madame, s'il est véritable, comme l'on n'en peut dou- ter, que les Roys sont les images de Dieu, puisqu'ils ' Bonne pièce , dit Naudé , qui est composée avec adresse , et dont le raisonnement est ingénieusement aiguisé et proprement assaisonné. I 5 66 CHOIX portent l'auguste caractère de sa grandeur en la souue- raineté de leur puissance, il faut de nécessite qu'ils l'imi- tent en son gouuernenient, et qu'ils estudient sa Politique pour ne point pécher dans la conduite des peuples. On en a monstre les moyens et les voyes* à Vostre Ma- iesté dans la nécessité que l'on luy a exposée d'exclure de son Royaume celuy qui ne s'y est introduit que pour le perdre; et comme c'en est vne agréable de donner vn libre consentement aux Oracles Sacrez , estant vray ce que dit la Vérité mesme : Qu'vn lien à trois nœuds ne peut estre rompu ^, on a estimé que pour entraisner vostre esprit, et le réduire à accorder à vos bons Su- iets le bien qu'ils demandent, moins pour eux que pour vous mesme , il falloit y employer vn lien de cette na- ture. On l'a fait, Madame; on a estably la Justice de cette demande commune sur vn triple fondement. On a produit tout à la fois et l'expérience, et l'exemple, et la raison; mais en vain, puisque vous n'en auez point esté persuadée. Vous auez creu vous garantir de telles es- preuues par les addresses d'vne prudence victorieuse : Que les exemples produits de tous les Empires et de tous les Royaumes ennemis de tels commerces vous estoient iniurieux, parceque vous soustenez vne authorité sans exemple, et que les raisons alléguées ne vous apparte- noient point, vous estant facile de maintenir la concorde dans la différence des mœurs et du langage, d'accommo- der la passion d'vn homme du dehors à celle du suiet naturel , et de le mettre en seureté contre la deffiance du peuple et la ialousie des grands par des moyens plus doux que ceux que nous remarquons ordinairement en * Dans les Raisons à'' Estât contre le ministère esti'an^er^ qui précèdent. * Fimiculus triplex difficile rumpitur. DE MAZARINADES. 67 leur conduite. Vos résistances, Madame, ont esté iustes, parce qu'on ne vous a rien produit de fort, 11 faut tous- iours prendre vn esprit par ce qu'il a de plus solide, et ne luy pas présenter de moindres lumières que celles dont il est esclairé. A vne âme Royale qui ne doit agir que par des motifs tous diuins, il ne faut point luy don- ner des raisons humaines. Il vaut mieux la battre par l'Escriture que par l'histoire , par les choses qui se font dans les Estats de Dieu, que par celles qui se sont pra- tiquées dans les Empires des hommes. C'est par là, Madame, que ie prends la liberté de vous faire voir la Justice des vœux et des plaintes de tous vos Suiets , dans la requeste et la très humble supplica- tion qu'ils vous présentent. le laisse toute sorte d'expé- rience sur cette matière ; ie passe sous silence , quoyque très conuainquantes et très bonnes, toutes les raisons de l'exclusion que l'on demande à Vostre Maiesté ; et au lieu des exemples que ie pourrois produire de Sparte, d'A- thènes, de Lacédémone, de Parthe, de Thèbes, d'Egypte, de Rome, d'Alemagne, de Pologne, d'Escosse, et de tous les anciens pays de l'Europe, ie ne m'arreste seule- ment qu'à l'Empire de Dieu, qui doit estre l'idée et la règle du vostre. Qui ne sçait , Madame , que Dieu a tousiours eu en auersion les Estrangers ( quoyque luy mesme l'ait paru à ses frères^), iusqueslà que d'ordonner de ne point pren- dre femme que de sa Tribu et de sa Nation ^, comme fît Abraham, donnant charge à Eliézer de chercher vne espouse à son fds Isaac. La loy en est couchée au liure des Nombres : Quelles se marient^ dit Dieu, à qui elles i^ou- ' Extraneus factus sum fratiibus meis. ® Infie accipias vxorem filio meo. Gen.^ xxiv. 68 CHOIX (Iront; mais que leurs alliances ne se fassent point hors de leur terre ^ de peur que leurs héritages et leurs biens ne soient ineslez et con fondus \ Ce fut le crime des Iiiifs, passant de Babylone enlérusalem, d'auoir désobëy à ces ordres", dont Esdras, qui les auoit pris sous sa conduite, ayant esté instruit , il descliira ses vestements , confessa leurs péchez et les pleura; et ayant appelle les infracteurs du précepte, il commanda aux rebelles de répudier les Estrangères^ les engageant à le faire par des promesses très solemnelles. Si Salomon, qui les viola, aymant celles qui estoient éloignées de son pays, eust obéy à cette loy, il eust esté plus innocent que malheureux; mais portant son cœur hors de ses terres, il deuint pécheur. C'est contracter vne espèce d'impureté que de se mesler et confondre auec des Estrangers. Pour cela Dieu deffendoit vn tel nipslange*; et Esther haïssoit vn tel commerce ^ Dans l'institution de l'Agneau Paschal , symbole de liberté, gage illustre d'vn double Sacrifice, non seulement le passant et le mercenaire estoient priuez de sa mandu- cation; mais encore l'Estranger ennemy du peuple de Dieu, désolateur de ses fortunes et perturbateur de son reposa Au lieu de ce mot Estranger, le Caldéen dit Apostat; le Cardinal Cajetan dit vn méchant et vn im- pie; quelques autres lisent vn impudique et vn volup- tueux; S. P>ernard l'entend d'vn superbe et d'vn inso- • Nuliant quihus voliint, tamen vt siiœ tribus honiinibus ne conimis- ceatur posscsslo. Niim., xxM. * Aflainaus mulicres alienigenas. III Regr., xi. 'Vos transgressi estis et duxistis vxores alienigenas; nunc sépara- mini. I Escir. Munclavi eos ab alienigenis. II Esdr., xiii. ^ Alienigc-na non niiscebitur. Nitm., xviii. " Nostl Dominum quia dctestet cubile oninis alienigen». Esther, xiv. ^ Oninis alienigena non comedet ex eo. Exod., xii. DE MAZARINADES. 69 îent*; S. Grégoire Tentend de celuy qui sème la guerre et la diuision parmy les peuples '; Jansënius et Rodolphe sont de ce mesme sentiment; le Paraphraste Caldéen en- tend le calomniateur; et tout cela se réduit à ce terme d'Estranger, que Dieu, par sa loy, rebute des choses sainctes et priue de la participation des victimes, aussi bien que de la manducation des pains que l'on offroit en la consécration des Prestres, auxquels il estoit expressé- ment deffendu d'en receuoir, ny toute autre chose de la main de l'Estranger pour l'offrir à Dieu , ces choses es- tant vitiées et corrompues , et par conséquent abomina- bles et indignes et de la grandeur de Dieu et de l'excel- lence du Sacrifice. Quel pensez-vous que fut le dessein de Dieu, Madame, aduertissant Eiéazar par son législateur Moyse de re- cueilhr les encensoirs enueloppez dans les fiâmes et les braziers qui venoient de réduire en cendres deux cens cinquante hommes, et de les pendre près de l'Autel à des lames de cuiure, sinon pour apprendre (comme dit le Texte) aux enfants d'Israël de ne permettre iamais qu'vne main estrangère , à moins de vouloir subir le mesme chastiment que Coré, fust si audacieuse que de fumer l'encens du Seigneur ^ Si l'expérience de tant de malheurs causez dans tous les Estats par l'ambition pernicieuse et fatale des Es- trangers n'est point capable de nous faire comprendre iusques à quel point doiuent aller les horreurs que nous deuons auoir pour eux , escoutons celuy qui doit régler ' D. Bernard.^ Lib. de gradibus bumanls. * D. Greg., p. 3., Curse pastoralis adj. xxiv. * Ne quis accedet alienigenaad offerendum incensum Domino, ne, etc. iVuw., XVI. 70 CHOIX nos sentimens et former nos amours et nos haines : Ad- mets chez toi rEstranger ; et il ne manquera pas de f emporter comme vn tourbillon de vent et de fesloi- gner de tes amis et de tes proches^. 11 semble que le bien lui soit impossible ; et pour cela le Fils de Dieu ne tient pas pour vn moindre miracle que celuy qu'il venoit d'opérer, qu'après auoir guéry dix lépreux, vn seul (et encore Estranger) luy en rende ses remercîments ^, pen- dant que les autres ne payent que d'ingratitude la gué- rison qu'ils ont receue. Ce doit estre, Madame, vne aussi grande abomina- tion à vn bon François qu'à vn luif de se ioindre ou d'auoir intelligence auec vn Estranger^; et si le Dieu que nous adorons, l'estoit, nous pourrions légitimement luy refuser nos hommages , cesser de luy offrir nos vœux et discontinuer nos Sacrifices, puisqu'en tous lieux de l'Es- criture, il nous deffend de rendre nos adorations à des Diuinitez estrangères*, qui estoient si méprisées chez les Payens, qu'aymant mieux en auoir de prochaines que d'esloignées, ils en faisoient à leur mode en leur nation, se souciant fort peu de la vérité de leur estre, pourueu qu'ils fussent assurez qu'elles estoient de leur pays. Et de fait , quel auantage peut on espérer d'vn suiet qui est hors de ses terres ? Le peuple d'Israël est en Babylone ; et s'il change ses chants en soupirs, ses ioyes en larmes, suspendant aux arbres leurs orgues et leurs instruments de musique, au lieu de s'en seruir pour charmer leurs * Admittc ad te alienigenam , et subuertet in turbine et abalienabit te a tuis propriis. Ecclesiast., xi, ^ Non est inueutum qui rediret et daret gloriam Deo, nisi bic abeni- gena. Luc, xvn. * Abominatio est ludseo coniungi aut accedere ad aUenigenam. Act.^ \ * Nob adorare Deum abenum. Exod., xxxiv. DE MAZAHINADES. 71 douleurs, ils n'en attribuent point la cause à leurs chais- nes età leur captiuitë, mais à leur esîoignement^; comme si c'estoit vne chose impossible d'estre bon hors de chez soy et de continuer chez les autres de rendre à Dieu auec fidélité toutes les choses dont nous luy sommes redeua- bles et tributaires ^ Les Sages, Madame, ne souffrent iamais les Estran- gers; leurs paroles ne sont que mensonges; leurs pensées ne butent qu'à leur intérest particulier et à la ruine com- mune; et s'ils se portent à agir, leurs actions ne sont que des semences de diuisions et des ouurages de fureur. Et pour cela le Prophète, s'abandonnant au gré d'vne iuste cholère contre cette sorte d'engeance, contre la- quelle Dieu a tousiours fulminé l'Anathême en ses Estats, après auoir formé quelques plaintes de leur tyrannie et de leur oppression , il en demande la perte et croit ne pouuoir mieuK souhaiter à ses oppresseurs domestiques, pour punition des maux dont ils l'accablent, rien de plus rude et de moins supportable que la désolation de leurs fortunes, acquises auec tant de sueurs, par des personnes estrangères^ C'est à la rage de ces peuples que Dieu aban- donne le Royaume de luda et de lérusalem, dans le des- sein de chastier leur ingratitude auec leurs autres péchez, ,et de les soumettre par la verge, puisqu'il ne l'a pas pu faire par ses bienfaits : MaUieuî' à toy^ nation infideUe^ peuple ingrat^ engeance malheureuse l quels supplices peuuent esgaler tes înéconnoissances et tes reuoltes ? Quelle séuérité puis ie adiouster maintenant à mes * Quomodo cantabimus canticum Domini in terra aliéna? Psalm. xvii, * Filii alieni mentiti sunt milii. Psalm. wii. Alieni insurrexerunt in nie Psalm. LHi. ' Diripiant alieni labores illius. Psalm. cxxvur. 72 CHOIX anciennes rigueurs , trop douces pour la grandeur de tes crimes, mais trop fascheuses pour l'excez de mes hontez. Il semble que ma lustice ait tiré des magazins et des trésors de son Ire ce quelle auoit de plus aus- tère pour £ adoucir. Que puis ie faire dauantage^ après auoir esté mesme iusques à ce point que de te faire la proye et la curée d'vn Estranger^l II semble par ce langage que Dieu ait déployé toute sa fureur quand il a réduit son peuple à cette extrémité. Israël l'oublie. Cette oubliance ne peut estre expiée par vne peine qui l'esgale. Quelle sera elle ? La voicy : Tu m'as oublié, dit Dieu, et pour cela tu sèmeras le germe d\n Estranger^. Le Prince de Tyr, esleué auec tant de pompe et de si su- perbes appareils au faiste d'vne grandeur Royale, esblouy de Tesclat de son sceptre, rendu malheureux par sa pro- pre félicité, pour auoir porté son cœur au dessus de son throsne , et auoir voulu ioindre vne éléuation insolente à vne autre plus légitime, ne reçoit pas vn moindre chas- timent : D'autant , dit le Prophète de la part du Sei- gneur, que tu as esleué ton cœur et t'es estimé vn Dieu n'estant qu'vn simple homme, i'amèneray l'Estranger sur toy et te feray mourir entre ses mains ^ L'Egypte, le plus florissant des Royaumes , ne fut pas autrement désolé que par ces voyes extrêmes, qui sont les dernières et les plus grandes calamitez que le ciel puisse introduire parmy nous. Celuy qui en fut le Prince, cruel à ses su- iets et tyran à ceux dont il deuoit estre et le Roy et le Père, Pharaon, dont l'orgueil et la superbe marchoit d'esgal auec celle d'Assur, semblable en son esléuation à ' Regionem vestram coram uobis alieni dévorant. Isajas, xvn. ' Oblita es Dci tui ; germen alienum seminabis. Isajas, xvii. * Adducam super te alienos; in manu alienorum morieris. Ezech., xxMii. DE MAZARINADES. 73 vn Cèdre du Liban, beau en ses rameaux, touffu en son feuillage, admirable en sa hauteur, profond en sa ra- cine, bien nourry par ses eaux, ne se voit, selon la Pro- phétie, couppé, abbatu, sa pompe ruinée et sa gloire obs- curcie que par des peuples qui n'estoient point suiets à sa couronne et ne releuoient aucunement de sa puissance et de son authorité ^ C'est là. Madame, le dernier de tous les malheurs d'auoir affaire aux Estrangers; c'est le dernier ressort de la Diuine lustice , préparée à punir son peuple de son auarice et de son idolâtrie , que de l'abandonner à leur volonté et ses femmes à leur fureur ^ Si Yostre Maiesté preste l'oreille à leurs plaintes, elle recognoistra qu'ils se plaignent particulièrement de cette misère comme de la plus extrême; que c'est la principale qui les fait gé- mir^; et que, comme s'ils n'estoient sensibles qu'à celle- cy, ils ne disent rien de toutes les autres; ou au contraire c'est la plus grande grâce qui nous puisse arriuer de la part de Dieu, dans le sentiment de Dieu mesme, que de nous en déliurer. Il a infiniment obligé ceux qu'il a choi- sis pour son lot et pour son héritage ; les bienfaits qu'il leur a communiquez, sont sans nombre ; et néantmoins, comme s'il n'estimoit rien tous les autres et les auoit oubliez, il ne leur parle (que) de celuy qu'il leur a fait, les déliurant de la domination et de la puissance de l'Estranger*. Le plus grand bonheur qu'il leur peut promettre, les reti- rant de la seruitude, c'est de leur faire secouer pour tousiours cette sorte de ioug, ne leur donnant pour Sou* * Dissipabo terram et plenitudinem eius manu alienorum. Ezech., xxx. Succident eum alieni crudeles. Ezech., xxxi. * Dabo mulieres eorum exteris. lerem.^ vni. ' Non erit in vobis alienus. Isayas, xliii. * Non dominabuntur amplius alieni. lerem., xxx. 74 CHOIX verains et pour Ministres que ceux de leur patrie , leurs proches et leurs concitoyens. Et quand il nous veut four- nir vne idée de la beauté de lérusalem dans son renou- uellement, après son débris et sa ruine, il ne dit pas qu'il relèuera ses Palais, qu'il réparera la pompe de ses plus superbes édifices, qu'il rétablira ses tours si esleuées et ses chasteaux si magnifiques dans leur première esléua- tion; mais réduisant tout le restablissement à vne seule chose, comme si en celle là seule consistoit toute sa ré- paration et sa gloire, opposant contraires à contraires, il leur promet seulement qu'il n'y aura point d'Estranger en cette ville \ C'est donc, Madame, vne souueraine misère qu'vn Estranger en vne domination dont il n'est point le suiet. Nous n'en pouuons douter; et Vostre Maiesté ne peut tenir ce sentiment pour suspect et digne de réplique , puisque c'est celuy de Dieu qui n'en souffre point, mais qui veut estre receu dans vostre âme Royale auec toute sorte de soumission, et graué dans vostre cœur d'vn ca- ractère ineffaçable aussi fortement que sur le marbre et sur l'airain. Et si auiourd'huy vous voyez prosternez humblement à vos pieds tous vos bons et fidèles suiets pour demander à ^^ostre Maiesté de les déliurer de celuy qui les oppresse , improuuerez vous vne requeste si iuste et qui ne tend qu'à la déliurance d'vne souueraine mi- sère? Vous ne le pouuez^ Madame, sans commettre vne souueraine iniustice. Il n'est pas raisonnable, dit la Vé- rité mesme, de prendre le pain des enfants^ pour le don- ner aux Estrangers; il les faut séparer d'IsraëP. Les plus * Alieni non transibunt pcr eam. loel, m. * Non est honum suniere paneni filiorum. ^ Separauerunt oranem alienigenam ab Israël. Il Esdr., xni. DE MAZARINADES. 75 saintes alliances leur sont deffendues; ils ne peuuent, sans impiété et sans crime, entrer dans le sanctuaire, ny mesme approcher du Tabernacle à moins que de perdre la vie* et de subir vne mort honteuse pour chastiment de leur désobéissance et de leur témérité. Et néantmoins nous voyons en ce poinct toutes les Loix violées, et Di- uines et humaines. Vn homme de cette estoffe s'est intro- duit parmy nous, prétend aux alliances les plus illustres, s'eslèue insolemment sur le trosne du premier des Mo- narques, se fait iour iusques dans le fonds du Sanctuaire, ie veux dire iusques dans le cœur du Prince, pour dis- poser en la charge qu'il soustient auec iniustice, et à la honte des plus capables, de ses voîontez par vne admi- nistration illégitime. Eh! nous ne dirons mot? Pardon- nez nous , Madame , la douleur est trop grande pour se taire, et le mal trop violent pour le dissimuler. Il est iuste , et la nature l'exige aussi bien que la rai- son, que la mère nourrisse ce qu'elle a engendré. La France a produit son Monarque ; c'est à elle à luy don- ner l'éducation et les conseils ; c'est à elle à luy fournir des Ministres , à moins que de se rendre suiette aux re- proches du Prophète et de contreuenir à ce conseil qu'il nous donne : Ne donne point ta gloire à vn autre; et ne cède point la dignité qui t'appartient, à vne autre na- tion quà la tienne^ '^ ou bien h celuy du Sage, expri- mée en ces termes : Ne donne point Vhonneur que tu mérite, à des Estrangers^ de peur qu'ils ne se remplis- sent de tes forces , moissonnant auec facilité les fruits que tu as semez auec tant de peine, et que tu naje * Quisquis alieniis accesserit, morte morietur. Num., iir. * Ne tradas alteri gloriam tuam et dignitatem tuam aliense genti Baruch, rv. 76 CHOIX (Vautre consolatioîi que tes larmes en ton extrémité. Pourquoy^ mon fils, te nourris tu dans le sein cl\n autre? que Von voje couler dehors tes fontaines ; boj Veau de tes cisternes et de tes puits, sans en aller cher- cher si loin ; diuise les dans toutes tes places ; possède les tout seul^ sans les partager auec d'autres; et ne per- mets aucunement que des Estrangers te possèdent et te gouuernent^. Si cet aduis est iniuste^ Madame, nous auons tort de le suiure; mais s'il est saint, comme il en faut demeurer d'accord, puisque c'est la Sagesse Eter- nelle qui nous le donne, nous serions tout à fait cou- pables de ne le pas exécuter. C'est agir sur bonne et valable caution que de le faire sur sa parole et l'infailli- bilité de ses oracles. Quelle honte nous seroit ce que l'on nous vînt dire, comme autrefois à Tuda : Tu as disperse' tes vojes ci VEstranger'^, ou comme à Éphraïm : Que des Estrangers ont déuoré nostre force^ . Toutefois nous sommes en ce hazard , Madame , si Vostre Maiesté ne nous en relire. Nous voj^ons auiourd'huy en vérité le malheur que le Sage ne vit autrefois qu'en figure : Vn homme ci qui Dieu a donné des richesses ^ de grandes et de nom- breuses fortunes , qu'il a esleué au comble de tous les honneurs imaginables^ cpii possède tout ce cju^il peut désirer, et cpii pourtant est comme vn Tantale au mi- lieu de tant de biens, nen ayant ny V usage ny la * Ne des alieno honorem tuum, ne forte impleantur extranei viribus tuis, et labores tui sint in domo aliéna et gemas in nouissimis. Bibe aquam de cisterna tua; quare, fili mi, faueris in sinu alterius? Deriuen- lur fontes tui foras; habeto eas soins; née sint alieni participes tui. Prou., III. "^ Dispersisti vias tuas alicnls. lerem., m. * Comederunt alieni robur eius. Oseœ, vu. DE MAZ4RINADES. 77 iouissance^ parceqiCi>n Estranger, par çn malheureux pillage, les usurpe impunément^ , Et c'est, dit le Sage, le plus grand de tous les malheurs, qui nous doit donner suiet en nostre foiblesse et en notre impuissance de pous- ser nos plaintes vers le Ciel , et implorant son secours (si celuy de la terre nous manque), de dire à Dieu : Res- souuenez vous. Seigneur, de ce qui nous est arriué ; re- gardez , s'il vous plais t , nostre opprobre; nos biens et nostre héritage ont passé en des mains estran gères ; et nos maisons sont tombées en leur possession^. C'est le langage de lérëmie, déplorant le sac et la ruine de la plus belle et de la plus fleurissante de toutes les villes. Et ce sont les paroles , Madame, que forme auiourd'huy vostre peuple sur la destruction de la plus superbe de vos Citez et de la Métropolitaine de vos Estats. Escoutez ses iustes clameurs. Madame, et vous laissez vaincre a ses gémissements et à ses larmes , plus iustes et raison- nables que celles qu'vn ressouuenir funeste et malheu- reux des anciennes beautez de Sion tira autrefois de tant d'yeux affligez sur la perte et la destruction de cette ville. Ou bien si Vostre Maiesté persiste encore dans le dessein de ne pas fléchir à nos vœux et de ne rien accorder à nos soupirs, qu'elle ne nous oste pas tout du moins la liberté de laisser conduire nos langues au Saint Esprit, et de nous rendre comme son truchement et ses Echos en nostre malheur et en nostre affliction , répétant cette prière en ces paroles qu'il nous a laissé comme en dé- * Aliud malum vidi : vir cui Deus dédit diuitias et honorem; et nihil deest animse suse ex omnihiis quœ desiderat; nec trjbuit ei Deus potesta- tom ut coinedat ex eo ; sed honio extraneus vorauit illud. Eccles.,\i. • Recordare , Domine , quid acciderit noliis ; intuere et respice oppro - brium uostrum; hereditas nostra versa est ad aliénas. lerem,^ v. 78 CHOIX post : Leuez vostre main sur rEstranger, ô Seigneur^ afin qu'il recognoisse vostre puissance; renouuellez i^os prodiges; redoublez vos nierueilles ; excitez vostre fu- reur; respandez vostre Ire; ostez nostre aduersaire et le vostre ; affligez nostre ennemj; en vn mot, ayez pitié de nous^. Nous oster cette prière de la bouche est faire taire le Saint Esprit et luy imposer silence. Nous ne croyons pas, Madame, que Vostre Maiesté veuille entreprendre de faire taire celuy qui la doit faire parler. Bien loin de ces sentiments, nous nous persua- dons par la grandeur et la solidité de sa vertu qu'incli- nant les oreilles à ses douces semonces et soumettant son cœur à ses mouuements sacrez, elle fléchira aux vœux et aux prières communes, et que chassant de ses terres le ïébuséen^ qui y habite, elle dispensera les siècles futurs des reproches qui furent autrefois imputez à nos pères par leurs enfants, et que les Roys de luda reçoiuent en- core auiourd'huy de leur postérité : Ils ont donné leur o'ioire à vn Estranger^. C'est le reproche; mais ne per- mettez point. Madame, que ce soit nostre honte et nostre confusion. Vne Dame fut autrefois blasmée d'auoir aban- donné son espoux à la mercy des Philistins ; et Dieu par son Prophète condamne du crime d'adultère celle qui , violant la foy qu'elle a promise, abandonne le sien pour entretenir auec d'autres des intelligences secrettes et illi- cites \ Vostre Royaume, Madame, est vostre espoux j ' Leua manuin tuam super alienigenam vt videat potentlam tuam; in nova signa excita furorem ; et effunde iram ; toile aduersariuin et afflige inimicum; miserere nostri. Ecoles., xxxvi. * lutra fines tuos habitat lebusaeus. ' Dederunt gloriam suam alienigenœ genti. Ecoles.^ xlix. * Quasi mulier adultéra quae super viruin suum inducit alienos Ezech.y XM. DE MAZARINÀOES. 79 et c'est le crime que ie viens de nommer, et que Vostre Maiesté, pour le respect que ie luy dois , me deffend de répéter encore, que d'en abandonner à vn Estranger l'administration et la conduite, laquelle ne peut auoir qu'vn succez malheureux , s'il est vray qu'elle suppose la cognoissance parfaite de la volonté du Prince , dont le cœur est tellement et précieux et profond qu'il faut estre vn Dieu' (c'est à dire sans intérest et non pas sans lumières, puisqu'il en faut d'infinies) pour en diriger les mouuements et en sonder les abismes ; et cette cognois- sance des secrets et des conseils du Roy n'appartient pas à l'EstraDger^, puisque Dieu l'en exclut et deffend au Souuerain de luy en donner lumière, de l'introduire en son conseil, ny mesme de le tenir en sa présence ^ On ne doute point, Madame, que Vostre Maiesté n'ait des lumières très esclatantes pour faire vn iuste discer- nement des esprits et cognoistre ceux qui luy sont vtiles et nécessaires en ses conseils. Nous le sauons : Dieu ne manque iamais d'en donner de très grandes à celles que la vertu ne couronne pas moins aduantageusement que la naissance; mais icy il n'est point question de co- gnoissance et de lumière , puisque Dieu parle générale- ment et ne met point d'exception en cette Loy qui fait, autant que nostre propre intérest, le fondement de nos plaintes et la continuation de nos requestes. Nous vous aymonstrop. Madame, pour permettre en vostre per- sonne Royale l'expérience du chastiment dont nous auons la menace aux Prouerbes : La personne^ telle qu'elle ' Cor régis in manu Domini. * Secretum extraneo ne reueles, Piou., xxv. ■' Coram extraneo ne facias concilium ; ncscis enim quid pariet, Eccles., vîii. 80 CHOIX soitj qui prendra en tnain la cause de VEstranger^ s'en trouuera mal et en receura le chastiment^ \ chas- timent qui semble , au langage du mesnie , ne deuoir estre autre que la nudité et la dépouille : Ostez le leste- ment à celuy qui se porte piège et caution pour l'Es- tranger-. C'est vn Dieu qui parle , Madame, et qui nous autho- rise dans nos demandes et dans nos plaintes, auxquelles vos propres intérests vous obligent autant d'estre fauo- rable que nostre propre vtilité. Nous ne vous assiégeons plus par des maximes politiques et des raisons d'Estat, mais par la parole, la Loy et la volonté de Dieu, qui en a moins pour nous le dire que pour se faire obéyr. Obéyssez donc , Madame , à celuy qui vous a donné en main de quoy vous faire des suiets et des obéyssans ; re- iettez du Tabernacle ce profanateur des choses sainctes ; exterminez du Sanctuaire ce perturbateur du repos pu- blic; mettez hors de vostre Royaume cet ennemy com- mun et du Prince et du suiet. Nous sommes semblables à ces ouailles dont il est parlé dans S. lean : nous ne suiurons pas le mercenaire et l'Estranger^; nous ne co- gnoissons point ses voyes; et nous n'entendons point sa parole*. Nous voulons bien des Ministres, mais qui relè- uent auec nous d'vne mesme Couronne, qui soient auec nous suiets d'vn mesme Prince, et que le droict naturel engage si fort dans les intérests du Royaume qu'ils ne fassent rien qu'à l'aduantage de celuy qui en est le Souue- rain; ce qui n'est pas naturel à ceux qui ne sont pas Fran- * Affligetur malo qui fidem facit pro extraneo. Prou., xi. * Toile vestiinentuni oins qui fîdeiussor exlitit alieni. Prou., xx. ' Alienum autem non sequuntur. loan., x. * Non audimus vocem ^^■«"'^^nrn. Inan.. t. DE MAZARINADKS. 81 cois; car si cela cstoit, celui-cy dont nous demandons l'exclusion, auroit-il fait tant de mal sans de'partir aucun bien ? auroit-il emprisonné les grands , banny les gens de bien, abaissé les vertueux, esleué les meschans, au- tliorisé les vices, protégé les Athées et les impies, ensei- gné les trahisons , semé la ialousie entre les Princes , re- fusé les aduantages de la paix^, désolé les familles, estably des partisans et des traistres, empoisonné nos Sénateurs, gourmande nos Parlemens, anéanty Fauthorité Royale, ruiné ses fondemens et ses appuis, mis en proye tout le Royaume et confondu également et la Religion et l'Estat, pour s'esleuer aux dépens de tous les deux sur la dé- pouille de nos Temples et les débris de nos fortunes Et partant, Madame, que vostre Maiesté, puissam- ment éclairée du malheur qui nous arriue de l'éléuation dVn tel homme et de la nécessité qu'il y a de l'exclure par TArrest et TAnathème que Dieu a fulminé mesme contre les Estrangers indifférens, suiuant l'exemple de ses ancêtres, dont elle porte et le Sceptre et la Couronne, se réglant aux maximes et aux pratiques de sages maieurs (qu'elle ne dira pas auoir manqué en ce poinct), de Chil- déric premier, de Charles le Sage , de Charles six , son fils , de Louys second , et de Charles septiesme , obéys- sant aux Edits de ses pères, qui luy ordonnent expressé- ment ce que nous luy demandons ; mais surtout se sou- mettant auec respect au Dieu de ses pères et rendant vne obéissance autant aueugle que raisonnable à ses volontez et h ses ordres, accorde à nos humbles supplications, accompagnées de nos gémissements et de nos larmes , ' Il a été répondu à ce reproche par la publication do plusieurs pièc^ dont la liste se trouve à l'article des Causes du retardement de la paix, etc [657.] 1 6 ices 82 CHOIX cette grâce dont elle est redeuable à ses propres iutérests, si elle ne veut que Dieu se fasse luy-mesme Justice et n'exécute l'Arrest couché dans le Liure des Nombres : Si quelque Estranger, dit-il , prend en main le Minis- tère, il périra; ie le fera/ mourir\ C'est ce qu'appré- hendent dauantage , De Vostre Malesté , Ma^dame , Les très- humbles, très-obéissans et très-fidelles serui- teurs et Suiets. Les souhaits de la France à Monseigneur le duc d Angoulesme [3700]^ (11 janvier 1649.) Grand Prince , ie sçay que vous compatissez à ma dis- grâce, et que vous meslez de bon cœur vos larmes auec les miennes; et puisqu'il vous fasclie extrêmement de me voir auiourd'huy réduite au plus déplorable estât oii ie pouuois iamais estre, ie m'adresseray à Vostre Altesse pour l'entretenir de ma douleur, et pour luy demander quelque remède aux maux qui m'accablent et qui infailli- blement me vont faire périr si vous n'accourez à mon secours. Vous auez vne longue et triste expérience des calami- tez que i'ay endurées ; et sans vous obliger de relire les guerres que i'ay eues auec les Anglois et contre Charles ' Externus qui ad minislrandum accesserit, raorietur. Num., ni. * Naudé signale cette pièce comme nne des meilleures. DE MAZÂRÏNADES. 83 le Quint et Philippe II, il me suffît de vous dire que vous estes venu au monde durant les troubles des Religion - naires et dans la plus fascheuse saison de eette monar- chie. Vous auez veu naistre la Ligue et les autres guerres qu'elle a produites; et ie m'asseure que vostre esprit fn''- mit encore des spectacles d'horreur qui ont paru en ce temps -là sur mon théâtre. La félicité du Règne de Henry IV en auoit réparé toutes les pertes ; et les Fran- çois ne se souuenoient plus des maux soufferts et des disgrâces passées. Sous Louys XIII, les misères publi- ques ont repris de si profondes racines qu'elles subsistent encore. Et les peuples, extrêmement lassés et autant af- foiblis par les victoires que par les pertes, estoient à la veille de respirer et de iouir dVn bienheureux repos. Vn malheur qui n'a point d'exemple dans l'Histoire, va r'ouurir toutes mes blessures et mettre en pièces mes panures entrailles ; va auec le fer et le feu se répandre par toutes mes Prouinces, et va causer le plus grand em- brasement qui ait iamais paru dans le monde. Et ce qui m'estonne et me surprend, est qu'on n'a point veu de guerre qui n'ait eu quelque fondement ou du moins vn légitime prétexte, et dont la fin n'ait regardé l'intérest de quelques particuliers. Les troubles de la Religion ont fomenté l'ambition des Princes qui vouloient, à quelque prix que ce fust, gouuerner l'Estat et posséder par force et par violence les bonnes grâces des Roys, La Ligue auoit pour but l'vsurpation de la monarchie ; et elle vouloit esteindre et coupper la racine de la Maison Royale. Mais dans cette fatale et cruelle conioncture, on ne respire que le bien général; on ne trauaille qu'à main- tenir l'authorité souueraine; on ne cherche que la féli- cité publique; et on ne demande au Ciel que le bonheur 84 CHOIX dé tous mes suiets ; et la Cour est en cela d'accord auec le Palais ; et tous les François crient vnanimement : Vive le Roy ! Il n'y a pas mesme quasi lieu de se plaindre; et si les désordres ou les nécessitez publiques ont déuoré plusieurs millions, et si les dispensateurs des deniers publics ont eu des mains , ils ne seront pas exempts de la répétition et recherche qui s'en doit faire. Vn bon règlement fer- mera la bouche à tout le monde et réunira tous mes en- fans. Et après tout, Grand Prince, est-il iuste que pour réparer vue faute, il faille employer vn remède pire mille fois et plus fascheux que le mal mesme, et que les Fran- çois versent tout leur sang les vus contre les autres pour puis après deuenir les esclaues de leurs ennemis et faire changer de face à la plus redoutable et la plus florissante de toutes les monarchies. Que diront les amis et les al- liez de cette Couronne? Que ne feront point les ennemis? Quelle gloire et quelle réputation produira vne telle le- uée de boucliers? Quel iugement en feront les autres nations? et qu'en croira la postérité? Estrange aueugle- ment! que ceux qui sont auiourd'huy les Maistres et les Arbitres de la Chrestienté soient peut-estre obligez de- main de se soumettre, et que des victorieux ayent la honte et la confusion de receuoir la loy des vaincus ! La Reine ne demande que de l'obéissance; et ceux de Paris n'ont point d'autre pensée que de luy en rendre ; et sans entrer plus auant dans de grandes irruptions, ny faire des actes inouïs d'ostilité , ne vaut-il pas mieux se réconcilier de bonne heure et n'attendre pas que le dés- ordre soit monté à vn excez qui le rende irréparable? Faites, Grand Prince, qu'vn fauorable accord ou vne heureuse Amnistie préuienne vne infinité de pillages. DE MAZARINADKS. 85 d'incendies, de sacrilèges, de violemens, de meurtres, de larcins et de tant d'autres meschancetez qui sont en vsage et que la guerre ciuile pratique. Et dans les malheurs dont l'auemr nous menace, faites voir qu'il est aussi dan- gereux de vaincre que d'estre vaincu, puisque les victo- rieux ne remporteront que de funestes trophées et des déplaisirs mortels d'auoir comhattu les vns contre les autres. Vostre Altesse, qui est issue de l'illustre tige des Va- lois , et qui a porté les armes et trauaillé puissamment à soustenir la gloire et l'establissement des Bourbons, vous n'ignorez pas combien la guerre fait de misérables, et iusquesoii peut aller la licence et l'impunité du soldat; et encore en cette pitoyable occasion , où le père est contre le fils, où vn frère médite la mort de l'autre, et où tous les parens ne pensent qu'à se défaire de leurs plus proches. Enfin que reuiendroit-il du sac et de la ruine de la plus belle et florissante Ville du monde? et qui est celuy qui n'en détesteroit point la solitude? Perdre les Pari- siens, n'est-ce pas perdre les plus fidelles et passionnez suiets de ce royaume ? Dans vn malheur général ne sont- ils pas capables de seruir vtilement? Et il n'y en a peut- estre pas vn qui n'ait assez de force et de courage pour prodiguer sa vie et répandre son sang pour vn Roy, s'il estoit attaqué auec perte ou désauantage; comme il ar- riua lorsque les ennemis s'emparèrent de Corbie et des autres villes frontières, lorsqu'ils portèrent le fer et le feu dans toute la Picardie, et lorsqu'ils donnèrent l'es- pouuente et la terreur à tous les François, C'est cette puissante et superbe Ville qui fit vn effort digne d'elle, et (jui donna moyen au feu Roy de couurir vne faute et de réparer l'imprudence du Cardinal de Ri- 86 CHOIX chelieu, qui aiioit laissé cette partie de l' Estât trop à dé- couuert. En effet, les Espagnols mesme, parlant de cette Ville, se sont assez fait entendre quand ils ont publié hautement : Frbs praeualet orhi ^ que c'estoit vn pro- dige et vne merueille de la nature , par le moyen de laquelle mes Roys peuuent à meilleur tiltre se dire Mo- narques, que non pas les Assyriens, les Mèdes, les Perses, les Grecs et les Romains, puisqu'elle est capable de leur ouurir le chemin et la conqueste de l'Vniuers. Mais ce qui est admirable, elle ne veut point faire con- noistre sa force et sa puissance que pour le seruice de son Prince et de sa Patrie ; et quoy qu'il kiy puisse ar- riuer, elle veut demeurer ferme et constante dans le de- uoir et Tobéissance qu'elle doit à son Souuerain. C'est là toute l'ambition de Messieurs du Parlement. Ils dé- testent et condamnent toutes les vsurpations, soit qu'elles ayent esté heureuses, soit que le succez en ait esté fu- neste. Ils ont mesme en horreur l'estanlissement de la République Romaine , qui n'a pas commencé si heureu- sement qu'eux; comme aussi les Suisses, qui ne se sont pas liguez auee tant d'auantage, et mesme les Estats de Hollande et les Parlementaires d'Angleterre, qui n'ont pas agy auec tant de force ny auec vne conduite pareille a la leur. Ils ne trauaillent que pour soustenir la gran- deur et la dignité de cette Couronne et pour rendre éter- nelle la Monarchie Françoise, qui est si bien establie qu a vray dire, elle ne peut périr que par elle-mesme et par la diuision du peuple. Grand Prince, agissez donc noblement et de toute vostre force, comme ie vous en coniure, par les cris, les larmes et le sang d'vne infinité de misérables ; et faites en sorte qu'il arriue la mesme chose aux François qui DE MÀZAHliNADES. 87 arriua autrefois aux Espagnols. Ils estoieut diuisez et auoient peine à supporter la domination des AUemans et à souffrir Phumeur de Charles le Quint. Vne guerre ciuile s'estoit cruellement allumée en Castille , et à dire vray, elle y eust causé vne espouuentable désolation , si l'armée Françoise qui fut enuoyée pour la conqueste de Nauarre, se fust contentée d'auoir pris Pampelune et triomphé en quinze iours de tout le Royaume; mais l'im- prudence et l'auarice de ceux qui commandoient, les porta à entrer hostilement en Espagne, où ils ne firent autre progrez que de réunir les Espagnols diuisez, estein- dre des animositez domestiques et mettre fin à vne guerre sanglante, qui sans doute eust ruiné les affaires de l'Em- pereur et donné en proye toute l'Espagne , qui en vn iour victorieux reconquit tout vn Royaume et donna vne chasse honteuse aux François. Et après que tous les esprits se seront réconciliez , et la Cour et le Palais estant bien d'accord, toutes les trou- pes Françoises iront fondre en Flandre et forceront l'Es- pagne mcsme de redemander vne seconde fois la Paix ; et vous aurez le contentement d'auoir essuyé mes larmes et mis fin à mes desplaisirs, et la satisfaction d'auoir beaucoup contribué au repos public et rendu la seureté et l'abondance à tous les François, qui auront tout le ressentiment qu'on peut auoir d'vne si parfaite obliga- tion. 88 CHOIX Dialogve de deux Gvépeins sur les affaires du temps [i078j \ (11 janvier 1649.) Louet : Ha, ha, hé Dieu te gare, mon cousin Brase. Brase : Ho, ho, bon iordon, mon cousin Louet. — Mordié , que ie te voy le vesage chagrigneux et maussade. — Asseuzcment que tu as quioque dafficusté dans ton intesieur. — larnidié, ie le cray bian ; car tôt est pardu. — Testedié, tu es tréjours aussi affaizant que de cous- tume . — Là, là, i'ay bian raison de m'affaizë. Si tu auas ouy de tes proupres ozilles cela que i'ay entendu, tu n'en fezais pas mins. — le ne sçay pas quelque tu veux dize ; mais en m'a dit que i'azin diminution, stannée, du qu'art de nos Tailles. — Est-ce là ce que tu en sçay? Y nia bien d'autres nouuelles ; c'est qu'in nommé Margazin veut tôt déman- ché et dapsé ce que nos bons Monsieurs du Parlement auint prin grand peine à faize. — Et qu'est donc cet ouuriais-là? — C'est in qui est venu de l'Estallye. — De l'Estallye! tan pis. Ces Estallians n'ant fait que des trëbouillemens dans la France. Lay beau mémoize * Naudé le qualifie d'un des plus agréables et ingénieux livrets que l'on ait faits contre le cardinal. On a])pelait alors guépe'ms les habitants de ''Orléanais DE MAZARINADES. 89 d'iune qu'on appelet la Roene Catelene. i'attas eiicoze ieune verdlouzio; mais iarnidié , a fît beau du mau. Pis après auons eu Mazie, la mèze du défunct Roe. A l'attet assë bonne fanne; mais a lamenit le Marquis d'Ancre. Y velet estre le maistre. Y chassit et accartit tôt nos bons Princes, comme sticy veut faize. — Mais que ly dit donc noutre Roene ? — A n'en dit rean; a ly lasche tôt faize. — Y veut rebailler encoze les Tailles aux Maltoutiers et faize reuenir Bar: : : : — O teste die, si y fait reueny ce vouleux-là, tôt est pardu; iamais ie n'en releuezon. Asteuze qu'il a tôt mangé et accorché tôt ces panures gens de la Biaucc, et qui sont tôt ruiné, y se ietteza sur nous. — Va, ie trouuezon des amis. — - On fait Bar : : : : si meschant ; mais il ne les pas , non. Nan m'a dit qu'y n'attet que le valet des Maltoutiez qui auint prins la Taille et qu'il fallet qui fîst tôt ce quy velint; autrement y l'eussint chassé. Aussi y ly baillint bon gage; mais nan dit qu'il a tôt manche ses seruices à leux baillé des carluzes de vantre et qu'il est gueux as- teuze. — Y n'y a que son bon voleux deSécrétaize qui a esté le pus fin. Possible aussi nourrira il son maistre. — Lasclîons là tote cette canille de Maltoutiez. Le bon Dieu les puniza tou ou tard. Il ont trop fait de ma- lusion. Mais conte moï ce qui se passe. — Pardié , men enfan , il ont fait emporté noutre bon petit Roë à sainct Germain , la nué des Roés, le pouuro enfant ! et pis il ont enuoyé des soudars à Pentor de Pazis pour empesché qu'y ne leux vint des harnas de geide. -— Mourdié , cela lez a bian aponté; et ie panse que 90 CHOIX nous pouures Monsieux du Parlement attin biaii ana- lobez. — Pas tant; car il auint encoze in petit de pain et de vin qu'an ne se doutet pas; et pis après , il ont leuë des soudars por en faire venir tôt leur sou. — A tou hasards, i'auon poussible bian deux cens poinsons de vin tôt peur d'auuarna, nioé, mon frèze Ci- dras et mon frèze Marcoux. le vouras qu'il en tinsint chaque nan et qui ne leuinssint point de soudars; autre- ment tôt est pardu, si le bon Dieu^ la bonne Vierge Ma- zie, Monsieur Sainct Loup et Monsieur Sainct Ambrase, nos bons Patrons, ny boutte la main. — Mais ny auet pas moujan de les bouté d'ëcord au- parauant qu'y s'enharnachissint pus auant dans ce tré- bouillement là. Que n'assembloint y tou leux bons émys? — Mourdié, c'est dommage que nos deffuncts bons parassians et vartuzeux personnages ne san en ce monde : Braze Vaillant, lean Démouseux, Loup Faucheux, Tho- mas leunssin, Sidiac Vaillant , Dauid Gigot, Fiacre Sor- nicle , Bastian Poiulane , lacob l'Auesque , Pasquë le Groux, Thomas Barbé, Gentian lauoy, Fiacre Malesio , Toussaincts Panasse et tant d'autres hébilles gens qui sont morts. — Hé, où sont-y asteuze? Jarnidié, y ne lascherint pas ça d'emparla. Ils en viarint bien à bot, eux; ils en ont bian dabrouillé d'autres en leu temps, d'aussi plan- luzeuse importation qu'eux. — Par la morgoué , y faut y bouté ordre auant que cela sat pus auancé; autrement y nous fezint inné guairre qui nous reineret de fon en comble. — Quant i'y pensé, i'auon encoze bian pardu à la mort de l'Euccat Boudin. La morgoué, qu'il auat mip DE MAZARINADES. 91 beile ioquence et eust bian débagoulé tôt noustre fë. le l'eussins habillé d'vne belle laqiiette à ruejos d'orgues, les clezons à point luezans; et si i'en eussins esté quettes à bon marché; car ie m'assuze qui se fust contenté d'vn quart de vin. - — Il en fauret d'abauché quéqu'autre. — Mordié, quand y sont vn petit sauan, y font trop les fiollans. Hé, y faudret prendre queuque fort Pour- cuzeux qui sceut le tran tran des affezes; car n'y en a qui ont si bonne gueule. — - Ouy, mais y n'auon point de Latein dans le corps. — Ho , il n'en peut chaloué pou le Latein ; car cela sent l'Estallian; et en n'en veut pas ouy parlé. — Pardié, si n'en me veut crézé, i'iray bian, moue, et fezay vne harlangue à la Roene , pourueu que sas ac- cotté d'vne douzaine des pus appazans des Parrasses d'au long de nous. — En connas-tu bian quéquVn en chaque Parrasse ? cela soulageret nos frais. — Aga, depez que ie n'allon pus au Corsaincts, ie ne quenasson pus personne de nos voisins. — O bian, y ny a remède. Quand tôt cela se feza à nos despens, ie n'en mouzon pas; et si ie fezon grand bian por tote la France et por noute Parrasse ; i'y vauras desià estre. le diras à la Roéne : « Madamoiselle la Roéne, si vous voulez bouté le dafinement à tous ces trébouille- mens illec , y faut que vous boutiez dehors de la France ce Margazin qu'en est cause, qui no baille tant de ches- mement, et que vos remené nostre petit Roé dans son Louure et qu'où si mandez Monsieur nostre Du et tous nos bons princes et nos bons Monsieurs du Parlement, et qu'a leus dizes à tretous : w Messieurs, le ne me veux plus 92 CHOIX mesler de rian que de prier Dieu. Faites les affaizes de mon Fils en sen Réaume, et la paix aussi auec mon Frèze, le Roé d'Espagne; et pis tous nos soudars et les siens iront contre le Teur. » — Mordié, Garçon, que ta goulle pette bian ! larni- dië, ([ue ie serin aize, et elle aussi; car après ça, ie leu diras tôt ce qui fauret qui fîssiens por rebouter tôt en ordre; mais le principal seret d'apprendre bian le mettié à nostre petit Roé, per à celle fin qui ne laschit pas faize vn autre ; car quand in maistre lasche faize sa breugne à son valet, cela ne va pas bian. Pren le par toué mesme. — Tu dis la vésité ; mais agatean , ceux-là qui sont auprès de ly, ne ly aprenron pas, por qu'il ayt tousiours affaize d'eux. Lettre duti Religieux etiuojée à Monseigneur le Prince de Condé, à Saint-Germain-en-Laje, contenant la mérité de la vie et mœurs du Cardinal Mazarin. Auec exhortation audit Seigneur Prince d abandonner son party [1695] \ (18 janvier 1649.) MoNSEiGNEVR , les faucurs , et les insignes bienfaits par lesquels vous vous estes acquis les cœurs, les affec- tions et les vœux de tous ceux de nostre Ordre, en quel- que endroit qu'ils soient dans toutes les parties du monde , obligent à présent , par vn malheur inopiné , ' Nuudé et Guy-Patin l'estiment à l'égal de la Lettre du chevalier Geor- ges de Paris ^ qu'on trouvera plus loin. T.'auteur est M. Brousse, curé de Saint-Koch. DE MAZARINADES. 93 Tvii de ses moindres religieux de mettre la main à la plume pour vous parler sur du papier , ne luy estant pas permis de le faire de bouche , comme il auoit cy-de- uant accoustumé, lorsqu'il auoit l'honneur de trouuer l'accès libre auprès de vostre personne. Et ie prends cette liberté d'autant plus hardiment , que c'est en vn suiet où il y va del'intérest de votre gloire, et de cette grande estime que vous vous êtes acquise par vostre générosité incomparable , pour la conseruation de laquelle nous voudrions sacrifier tout ce qu'il y a de bien , de crédit et de pouuoir dans toute nostre Congrégation. Car, Mon- seigneur, personne n'ignore que vous estes de trop illustre naissance , trop bon François , trop seruiteur du Roy , trop vigoureuse branche de la maison de Bourbon . trop sage dans votre conduite, et trop généreux dans vos ac- tions , pour soustenir le party , où il semble d'abord que vous vous engagiez. Tout Paris a de la peine de croire (et sans doute, non seulement toute la France, mais toute l'Europe sera dans ce mesme sentiment ) que vous veùilliez fauoriser de vostre protection , contre le bien du Roy et de l'Estat , vne personne que tout le monde sçait estre le Perturbateur du repos public , l'Ennemy , le Destructeur , la perte et la ruine de toute la France. Et chacun demeure d'accord , qu'il faut qu'il se soit seruy de quelque puissante magie pour vous char- mer les oreilles , et siller les yeux , afin de vous empcs- cher de voir l'excès de ses voleries , et d'entendre les plaintes de la misère publique , qui sont montées ius- ques au ciel , et ont attiré la miséricorde de Dieu sur eux, et prouoqué la Justice à en faire la punition sur l'autheur de tant de maux. C'est dans cette déplorable conioncture que nous sommes contraints de reconnoistre, 94 CHOIX par cette expérience funeste, que tout ce que nous auons enseigné iusques à présent avec tant de contention et d'opiniastreté, est notoirement faux; et d'auoûer que la grâce de Dieu est nécessaire à toutes les actions des hommes pourestre bonnes; qu'il ne la doit à personne, et ne la donne qu'à ceux qui luy plaist; et que la refu- sant aux meschans, il les abandonne dans la licence de leur vie, les aueugle dans leur conduite, et les laisse dans l'endurcissement pour y finir malheureusement , qui est le sceau et le dernier caractère de la réprobation. Car quel autre iugement peut-on faire du Cardinal Mazarin après tant de désordres causez , fomentez , et entretenus dans toute l'Europe , par ses brigues et par ses fourberies ? Après auoir souleué les suiets contre leurs princes , et fait assassiner vn million d'ames dans la rage et la furie des rébellions ? Après la persécution de plu- sieurs personnes de toutes conditions? après le violement de toute iustice , tant diuine qu'humaine ? après le vol de toutes les finances? après auoir succé le sang du peuple iusques dans les moûelles ? s'estre porté dans cet excez de hardiesse et d'insolence que d'entreprendre sur la personne du Roy? le faire comme son prisonnier? l'enleuer en pleine nuict , sans considérer le péril de sa vie dans la tendresse de son âge ? le tirer de son Palais et du centre de la seureté de sa personne, pour le con- duire où bon luy semblera , dans la créance qu'il a que Monsieur le Prince luy seruira de Bouclier, ou plustot de Préuost , d'archer, de concierge et de sergent ? Peut-on s'imaginer vn plus grand aueuglement ? Et faut-il douter que Dieu voyant la mesure de ses crimes à son comble , n'ayt permis qu'il l'ayt surchargée de ce dernier attentat, qui seul mérite l'exécration du ciel et de la terre, afin DE MAZÂRINADES. 95 (l'eu faire vn exemple de punition pour les siècles futurs, h tous ceux qu'vn orgueil furieux comme le sien pourroil solliciter à des desseins si estranges et si inouis. Si vous n'estiez pas tant clair-voyant comme vous estes; ou si vous auiez moins d'expérience de sa conduite et de ses actions que vous n'auez pas, ie vous dirois vne partie de ce qu'il est , et ce qu'il a esté ; et il seroit aisé d'en tirer la conséquence certaine et démonstratiue de ce qu'on se doit promettre d'vne personne de sa nais- sance et de son tempérament. Son origine n'est pas de ces illustres et de ces conquérants qui ont esté autrefois la terreur de tout le monde , cependant que les Aigles Romaines commandoient à tout l'Vniuers. Sa noblesse n'est pas de plus vieille datte que les honneurs qu'il a re- ceus en France, sans les auoir méritez : Et quoy qu'il prenne les haches auec le faisceau de verges pour ses armes, il ne faut pas s'imaginer que ce soient celles qui seruoient de marque d'authorité aux anciens Sénateurs de cette florissante République, mais bien les haches dont son ayeul fendoit du bois, et les houssines dont son père foùettoit les cheuaux. Car on sçait que son ayeul estoit vn pauure chappellier , Sicilien de nation , qui eut la fortune si peu fauorable qu'il fut contraint de faire banqueroute et de quitter son pays. Son père es- tant ièune et dans cette indigence, commença ses ser- uices à Rome dans vne Escurie à penser des cheuaux ; et peu après s'auançant , deuint Pouruoyeur et Maistre d'Hôtel de la maison d'vne personne de condition ; où faisant valoir auec industrie ses petits profits, qu'on ap- pelle en France les tours du baston, il eut enfin de quoy payer en partie l'office de Maître des Postes de Rome à Naples , sa fortune estant encore si foible , que de deux 96 CHOIX enfans qiril auoit ^ il fut contraint d'en faire vn lacobin, afin de soulager sa famille. Cependant cet autre fils qu'on appelait Iules, estant encor ieune, senioit de lacquais ou d'estafier, pour ne dire pas dans les plus honteuses et sales voluptés que le Démon ait pu inuenter pour perdre les hommes par la corruption et concupiscence de la chair. Tout Rome sçait ce qu'il estoit, et le rang qu'il tenoit pour lors dans les maisons des Cardinaux Sachetti et Antonio \ Chacun sçait aussi que son esprit formé sous l'astre de Mercure , et né au larcin et à la fourberie, ne s'employoit qu'à Testude de son inchnation; qu'd feit voyage à Venize et à j^aples pour apprendre les piperies qu'on pratique dans les ieux de hazard , dont il deuint maistre si par- fait en peu de temps , qu'on luy donnoit par excellence le nom de pipeur : De quov toute la France sçait la vé- rité, et plusieurs ont fait expérience à leur très-grand préiudice et de toute leur famille. Mais pour passer sous silence toutes ces choses qui feroient la matière d'vn gros volume, il suffît de considérer ce qui s'est passé en sa personne depuis qu'il est en France, ce qu'il estoit au temps qu'il v est venu, ce qu'il v est, et qu'il y a fait iusques à présent. Lors de son arriuée, de petit pos- tillon qu'il estoit , pour s'estre signalé par vue fourbe , qui noircissoit et la conscience et l'honneur du Pape , et qui fut comme l'allumette des flammes qui par la guerre déuorent la chrestienté , n'osant plus retourner à Rome, il fut recueilly par le Cardinal de Richelieu, qui le trou- uant d'vn esprit assez conforme au sien, et propre aux intrigues dont il auoit besoin pour la conduite des des- ' Antonio Rarlierini, rainé des noveiix dn papo Urbain VIII. Ï)E MAZARÏNADES. 97 seins desquels la vanité luy aiioit remply le cerneau, l'employa auprès de luy, luy donna plusieiu\s commis- sions pour tromper les vns et les autres^ principalement le prince de Monaco; et outre les dëpences de ses voyages, luy faisoit donner tous les ans vue pension no- table par le Roy , sans parler de ce qu'il auoit sous main en qualité d'espion. Mais parce que tout cela n'estoit pas suffisant pour ses desseins, et qu'estant fort adroit, il sça- uoit bien par ou il falloit s'insinuer dans l'affection des Grands, connoissant Tbumeurdu Cardinal de Ricbelieu d'vne superbe sans pareille, qui comme vn Dieu ne vou- loit pas estre abordé , ny adoré les mains vuides , il em- plojoit tout ce qu'il auoit de pensions en acliat de pré- sens qu'il luy faisoit , afin de se conseruer dans ses bonnes grâces; si bien qu'il estoit contraint de pouruoir d'ailleurs à vne partie de sa dépence et de son entretien. Et pour cet effet , suiuant la profession de son ayeul , il faisoit trafic, par l'entremise d'vn sien domestique, de li- ures qu'il faisoit venir de Rome, de tables d'ébène et de bois de la Chine, de tablettes, de cabinets d'Alle- magne , de guéridons à teste de More , et autres cu- riositez, qui se vendoient publiquement dans vne salle de PHotel d'Estrée, en la riie des Bons-Enfants, qu'il auoit louée pour ce suiet : Et de l'argent qu'il en ti- roit , acheptoit des montres et quelques pierreries qu'il enuoyoit à Rome , afin que de tous costez , il tirast ce qui estoit nécessaire à sa subsistance. Et cet esprit mer- cenaire et de trafic luy est tellement naturel, qu'à pré- sent qu'il est Cardinal, gorgé de biens, et suffoqué pres- que de toutes les richesses de l'Estat, il ne scauroit se retenir d'en vser; car l'on sçait qu'il fournit à la maison du Roy et de la Reyne, toutes sortes d'estofes, de tapis- 7 98 CHOIX séries, de vaisselle, de pierreries, par Tentremise de IVn de ses petits émissaires, l'Abbé Mondin*, qui de Lacquais Piedmontais est deuenu Prélat de trente mil Hures de rente; et par cet auare, mais infâme commerce oste la vie à cinquante familles de Paris, qui la gai- gnoient légitimement sur les choses qu'elles fournis- soient à la cour, chacune selon sa condition. O Dieu! qui auroit creu en ce temps là qu'il fust iamais paruenu en Testât auquel nous le voyons au grand malheur de toute la France? Qui se le seroit persuadé , mais qui le croira iamais dans les siècles futurs , le lisant dans l'his- toire , qu'en moins de six ou sept années, il se soit elleué sur le faiste de l'auctorité , des richesses , de la grandeur et du luxe, au delà de ce que , non les histoires, mais les romans et les fables nous racontent de plus inconce- uable dans l'antiquité ? Qui croira iamais , qu'vn petit estranger, sorti de la dernière lie du peuple, subiet né du Roy d'Espagne, soit monté dans six ans iusques sur les espaules du Roy de France ? ait fait la loy à tous les Princes, banny les plus zélez au bien de l'Estat, ache- pté à Rome vn superbe Palais, où il a fait conduire plus de trois cents ballots de meubles des plus précieux de toute l'Europe, fait des profusions et des dépences in- comparables pour l'entretien de sa vanité et de son luxe , et tout cela au prix du sang des panures François; et que cette nation généreuse qui autrefois auoit de la peine à supporter le ioug de ses Princes légitimes , se soit, comme vn mouton , laissé non pas tondre , mais escor- * « Il sait fort bien — composer des pastes et des eaux luxurieuses, telles que celles qu'il donnoit à garder à son fidèle dépositaire, Mondini, et qui, ayant esté trouuécs à l'inuentaire de cet honneste ecclésiastique, causèrent vn estrange scandale à tous ceux qui eurent la curiosité d'en gouster. » Réponse au libelle intitulé :'hon% aduis sur plusieurs mauuais aduis[3377]. DE MÂZAHINADES. 99 cher, sans oser mesme se plaindre? que les Princes l'ont sceu , l'ont tollëré et approuué ; et à présent que l'on s'efforce à secouer le ioug de ce Tyran, vous , Monsei- gneur, luy vouliez seruird'appuy et de soustien , pour le maintenir dans ses voleries , auec la perte peut-estre du Roy , d'vn million d'ames innocentes , et le péril et la ruine de toute la PVance ? Car, Monseigneur, y a t'il rien en tout cela que vous ne sçachiez et que vous ne voyez ? le laisse à part son impiété en la Religion que nous professons, dont il prostitue l'innocence par le luxe de sa vie , et en prophane la candeur et la maiesté par les fourbes et les malices de sa conduite. Jamais homme ne fut plus attaché que luy aux obiets des sens, ny plus en- seuely dans les plaisirs et dans la volupté. N'a-il pas em- ployé la fainéantise des Moines d'Italie, trois années en- tières, à composer des pomades pour blanchir ses mains? n'a-il pas inuenté une nouuelle sorte de breuuage pour la satisfaction de sa langue , dont le prix excède toute pensée ? n'a-on pas donné son nom au pain , aux pastez et aux ragousts, les amorces de la gourmandise ? Qui ne sçait ce que coustent à la France les comédiens chan- teurs, qu'il a fait venir d'Italie, parmi lesquels estoit vne infâme qu'il auoit desbauchéeà Rome, et par l'entremise de laquelle il s'estoit insinué dans les bonnes grâces du Cardinal Antonio ? Tout cela durant la guerre , dans le temps qu'on mettoit le peuple à la presse pour contri- buer à la subsistance des armées ; et le sang des pauures estoit employé à faire rire le Cardinal Mazarin , à la sa- tisfaction de ses conuoitises, et à prouoquer Tire de Dieu contre nous : faisant connoistre à tout le monde qu'il n'a point d'autre Religion que celle de Machiauel ; que portant la pourpre de l'Eglise Romaine, ce n'est 100 CHOIX que pour montrer les sanglantes saignées qu'il luy a fait souffrir en Allemagne S et que sous l'ombre de ses en- seignes il est le plus cruel ennemy qu'elle se puisse figu- rer. En effect, quelle vengeance a-il fait tirer des sa- crilèges commis contre le corps de lésus Christ dans le plus Auguste de nos mystères? Au contraire, n'a -il pas tiré lesAutheurs des mains de la Justice pour en empes- cher la punition ? n'a-il pas toléré, voire approuuc la violence et la fracture des lieux consacrez pour la re- traite des Vierges , et cela au milieu de Paris ? Quiconque lira à l'aduenir le traité fait en faueur des Suédois et des Protestants d'Allemagne sous l'appuy de la France , au préiudice de l'Église , ne se pourra iamais persuader qu'il soit d'autre conseil et d'autre esprit que celuy d'vn Turc ou d'vn Sarrazin déguisé sous le manteau d'vn Cardinal. Aussi quelles personnes voit-on auprès de luy pour ses plus confidens et fidelles conseillers, que des impies, des libertins et des Athées? Qui ne les connoist , dy-ie , pour des gens de sac et de corde , pour des monstres d'hommes , plus nourris au sang que les Can- nibales, et dont les conseils après estre gorgez de vin, ne tendent qu'aux meurtres et aux assassins ? Et néantmoius pour feindre d'estre fort Religieux, il nous a fait venir d'Italie les Théatins, qui, ces iours derniers, attiroient tout le monde par la curiosité de leurs marionnettes ' , cependant qu'il minuttoit le carnage et le sac de Paris, faisoit transporter, toutes les nuits, vne partie des voleries de l'Estat qui estoient dans sa maison , et s'estu- dioit de conduire à chef, comme il a fait, l'attentat le ' Parle traité de Munster ou de Westphalie. * Voyez sur les marionettes des Théatins la Lettre à monsieur le Cardi- nal, burlesque, cy-après. DE MAZâRINADES. 101 plus hardy et le plus insolent qui se soit iamaisveu dans toutes nos Histoires. Que s'il falloit parler de son or- gueil, il n'en faut point demander d'autres nouuelles qu'à vous mesme. ]N'a-il pas eu la témérité de vous vou- loir précéder? Et dans cette présomption arrogante, quelle peine ne vous a-il point donnée ? et quelles par- ties ne vous a-il point dressées sous la tyrannie du Car- dinal de Richelieu? Qui l'a porté à retenir dans vne captiuité rigoureuse Monseigneur le duc de Beaufort , l'vn des Mars de nostre siècle et leCoriphée des vaillans, si vous n'estiez pas, sinon l'ambition d'auoir des gardes comme son prédécesseur , trouuant par ce moyen l'arti- fice de se faire loger dans le palais du Roy , afin d'auoir les mesmes gardes que son Souuerain, pour ne rien dire du lieu et de la disposition de son appartement. De quel crime estoit coupable le Maréchal de La Motte ^, sinon d'estre trop généreux et trop incorrupti- ble , pour souffrir outre sa prison , les fourbes , les ma- lices et les faussetez des témoins qu'on luy a suscitez , afin de luy rauir l'honneur auec la vie? N'est-ce pas le Cardinal, pour donner couuerture à ses voleries propres, en l'accusant de péculat, et d'auoir dérobé à la Milice ce que luy mesme auoit volé à l'Estat, et enuoyé en Italie et ailleurs? et pour luy rauir auec autant d'infamie que d'iniustice , les gratifications glorieuses dont le défunct Roy auoit reconnu sa valeur et ses sueurs ? Quel prétexte a -il pris pour faire mourir par poison le président Barillon dans vn exil hors de la France ? Vous le sçauez ' Henry de La Mothe Koudancourt, mort archevêque d'Auch, a publié pour la défense de son frère le maréchal, cinq pièces volumineuses. Voy. le Premier faclnm, ou Défense de messire Philippe de la MotJie Iloudan- court, etc. [2849]. 102 CHOIX et l'auez pu apprendre de feu Monseigneur le Prince : Aucun, sinon qu'il estoit bon François, et que par vn esprit extrêmement iudicieux, ce sçauant et ce Sénateur prëuoyant les choses de loing, il ne pouuoit supporter cet orgueilleux Sicilien et Mazarin , qu'il voyoit s'ëleuer auec trop d'ardeur, et se bastir vn Trosne de la ruine de ses compatriotes. Ce qu'il a exercé à l'endroit des vns, qui doute qu'il eust manqué d'en faire autant à l'en- droit de vostre personne , lorsque l'occasion s'en seroit présentée, et que vostre épée luy auroit esté moins né- cessaire qu'elle n'a pas esté iusqu'à maintenant ? Aussi combien de fois vous a-il exposé à dessein de vous per- dre? Combien de fois vous a-il ens^a^é dans les combats en Flandre et en Catalogne , auec des forces extrêmement inégales à celles des ennemis, d'où vous n'estes sorty victorieux que par vne espèce de miracle; Dieu fauori- sant vos intentions pour le bien de la France contre celles de cet orgueilleux, qui eust voulu vous perdre auec la perte de dix Batailles et de trente Villes , afin de s'oster le seul obstacle qu'il voyoit en vostre personne, pour venir au but de ses pernicieux desseins ? N'est-ce pas dans ce mesme esprit qu'il a tant fait dé- penser d'argent et perdre d'hommes dans les guerres d Itahe? Quel dessein a-il eu pour Orbitello, Portolon- gone et Piombino^, sinon d'auoir des places pour l'es- tablissement d'vne Principauté, ayant assez de Finances pour la rendre la plus riche de l'Italie? Quel motif Ta porté à la rébeUion de Naples et d'y engager Monsieur de Guise, sinon celuy d'y establir quelqu'vn des siens pour y régner, après que ce Prince y auroit employé ' On peut rapprocher de c>e passage quelques lignes du (exte et une cote de la Reqiesfc des frais Estais^ elc , qui précède. DE MAZÂRINADES. 103 auec ses travaux, son sang et peut estre sa vie, pour tirer ces peuples de la domination de leur Souuerain légitime ? Et afin que vous n'estimiez pas que l'entre trop auant dans ses intentions, que ie fasse le Prophète, ou entre- prenne sur Toffice de Dieu, à qui seul appartient de pé- nétrer le cœur des hommes, iugez, s'il vous plaist, de ses desseins sur Naples, par ce qu'il a pratiqué en Catalogne. le rougis de honte quand i'y pense ; la main me tremble quand ie l'écris-, et ie voudrois pour l'honneur de la France et de ses Princes, le pouuoir effacer auec mon sang de la mémoire des hommes et des histoires estran- gères, auec la mesme facilité que ie le ferois auec de l'encre sur ce papier. Car qui le croira iamais? qui ne l'estimera au delà des Romans et des Fables? Que la France, cette nation belliqueuse, ces Peuples nais pour commander, et non pour obéir, au mesme temps qu'ils passoient sur le ventre à leurs ennemis, et qu'ils por- toient la terreur et l'effroy par la générosité de leurs armes dans tous les Royaumes voisins, que ces François, dy-ie, et dans cette glorieuse conioncture, se soyent trou- uez tellement dépourueus non seulement de Princes, mais de simples Soldats ou hommes de conduite, qu'ils ayent esté nécessitez d'aller en Italie chercher vn Moine Men- diant , lacobin de profession , luy faire quitter son froc et sa besace pour en faire vn Yiceroy en Catalogne^? Qui le croira d'icy à cent ans, quand mesme vous seriez en- core viuant pour l'asseurer en foy de Prince? C'est vne tache sur le front de la France, qu'elle n'effacera iamais que par l'impossibilité que les générations futures auront d'y adiouster foy comme à vne vérité plus fabuleuse * Michel Mazarlui, cardinal de Sainte-Cécile, archevêque de Lyon;, nommé vice-roi de Catalogne en i647, après le prince de Condé. 104 CHOIX qu'apparente. Dès là il ne faut pas s'estonner s'il tranche du Souuerain. S'il ne parle que de son Ministère. S'il s'est ioiîë de Monseigneur le Duc de Longueuille durant la négociation de Munster, par les intrigues secrettes de son fidèle Seruient*. Si Monseigneur le Duc d'Orléans n'a pas l'authorité de donner passeport à vn valet de pied pour venir à Paris, et qu'il faille l'auoir signé de Mazarin. Si dans le plus grand bruit de ces tonnerres qu'il a excitez pour ruiner l'Estat, il emprisonne les principaux Officiers et les gardes de l'oncle du Roy et Lieutenant général de la Régence, par la perfidie et la trahison d'vn coquin qui , suiuant l'allusion de son nom, n'est bon que pour la riuière^ S'il oste les Gouuernements aux Princes et casse les Capitaines des Gardes , pour y mettre ou des Italiens , ou des personnes de sa caballe. Si la cuisine du Roy ayant manqué, la sienne dans le mesme Palais fumoit auec plus de délices que celle d'au- cun Prince de la Terre. S'il a remply la Cour et Paris d'Italiens qui gourmandent insolemment et les Bourgeois et les Courtisans. S'il a fait venir de petites harangères de Rome ^, les fait éleuer dans la maison du Roy auec train de Princesses du sang, et sous la conduite de celle qui a eu l'honneur d'estre Gouuernante du Roy. S'il a trouué vn nouueau genre de supplice pour tirer le sang du Peuple, sçauoir les Partisans et les Fusilliers, des dé- mons desguisez sous des apparences humaines. S'il a donné la grâce à vue troupe de filous et de coupeurs de bourses, pour s'en faire vne Compagnie d'assassins mar- * Abel Servien , marquis de Sablé , second plénipotentiaire du roi à Mimster, et depuis secrétaire d'Etat. * Louis Barbier, abbé de La Rivière, évéque de Langres. * Marie Mancini et Marie Martinozzi, nièces de Mazarin. DE MAZARINADES. 105 chant par Paris en forme de Bataillon autour de son carrosse, comme s'ils conduisoient vn Empereur dans vn char de triomphe. Si la Noblesse en foule se presse à sa porte pour entrer, et attend, les mois entiers, pour rece- uoir vne œillade de son Éminence. S'il a fait donner des gardes à Mademoiselle et l'a tenue longtemps captiue dans son logement des Tuileries. S'il a fait affront au Pape sous le nom du Roy, afin d'empescher la restitu- tion des vols que les Barbarins ont fait au trésor de Saint Pierre. S'il a traitté auec tant d'indignité, et si souuent le Parlement de Paris , le plus auguste Sénat de rVniuers. S'il luy a fait rendre de si mauuais trait- temens; s'il a fait non seulement casser, mais déchir- rer ses Arrests ; et si au milieu des triomphes du Roy sous vostre conduite , il a fait enleuer les plus zélez des Magistrats , afin de ternir l'esclat de vostre gloire par cette action tyrannique, et changer les acclamations pu- bliques en des larmes vniuerselles. Si, par vn attentat contre l'Église, et sans exemple dans le passé, il a fait emprisonner vn sçauant Docteur de Sorbonne et célèbre Prédicateur', parcequ'il auoit parlé trop auantageuse- ment de l'authorité du Roy, fait prier Dieu pour sa Ma- iesté et pour les nécessitez de l'Estat. S'il fait obseruer Monseigneur le Duc d'Orléans, et le tient comme captif, de crainte qu'il a qu'il ne se vienne mettre à la teste des Princes vnis pour la conseruation du Roy et la liberté de sa personne sacrée d'entre les mains de ce Tyran. Toutes ces choses et beaucoup d'autres que ie passe sous silence , et que nous tiendrions pour fabuleuses si nous ne les voyons, à notre grand regret, ne causeront point ' M. Charles Hersent, dont Davennc parle danf. les Conclusions pro- posées par la reine régente à messieurs du parlement, etc. [730]. 106 CHOIX d'estonnement dans l'Esprit des Royaumes estrangers, ny des générations futures. On les croira facilement après auoir appris qu'vn Sicilien, Moine Mendiant, Ja- cobin a esté fait Viceroy en Catalogne à la place du Ma- resclial de La Motte , du Comte d'Harcourt, et du Prince de Condé, les Hercules de nostre siècle, parcequ'il estoit frère Mazarin ; et qu'on l'a veu depuis pompeux et ma- gnifique dans Paris , dans vn luxe digne de sa nation , mettre la main sur le sein des plus belles dames de la Cour, se persuadant que les Françoises n'estoient pas plus chastes que les Italiennes. Après cela qui peut douter qu'il n'eust résolu d'establir en France vne Monarchie plus barbare et plus dure que celle des Ottomans? Et après auoir mis les Princes et les Grands de l'Estat comme en captiuité et à la chaisne, disposer de la vie et des facultez de tous les peuples selon ses humeurs capri- cieuses et le mouuement irrégulier de son imagination, ou pour mieux dire, de sa fureur? En suite de ces excès, il n'est point nécessaire de par- ler de l'abondance prodigieuse de ses richesses par ses larcins et ses voleries sur les Finances , ny des artifices barbares qu'il a inuentez pour les amasser. Il est superflu de dire les millions qu'il a rauis sous la couuerture des Comptans , dont il a remply les bourses d'Amsterdam, les banques de Venise , et les Monts de Piété de Rome, tant sous son nom que sous celuy de ses confidens. De- puis trois ans on ne sçait plus en France s'il y a eu au- trefois des pistoles d'Italie ; celles d'Espagne ne sont pas moins rares que les roses en Hyuer ; et l'on aura de la peine à croire, encore qu'il ne soit que trop vray par la déposition de témoins oculaires, que les nouueaux Louys d'or ont esté fondus et mis en lingots pour estre trans- DE MAZARINADES. 107 portez en Italie auec plus de facilité et moins de soup- çon, dans des ballots de meubles et de marchandises. Voilà, Monseigneur, vne partie de la vie , de la con- duite et de Tesprit du Cardinal Mazarin , que l'on dit que vous fauorisez de vostre protection, ce que nous ne croyons pas, n'y ayant point d'apparence qu'vn grand Prince tel que vous estes, qui a sceu par son trauail vnir si parfaitement la Science , la vertu auec la générosité ; qui pratique les Vertus Morales, Politiques et Chrétien- nes auec vn si parfait exemple; qui s'est acquis tant de gloire par ses victoires , qu'il semble auoir enseuely la mémoire des Alexandres et des Césars, tombast dans cet aueuglement estrange, de vouloir volontairement faire perte de son honneur et de sa conscience, en se faisant l'appuy de l'ennemy de son Roy et de son Estât, lugez, Monseigneur, si ce malheur arriuoit , ce qu'on diroit de vous, ce qu'on diroit de nous! Vous sçauez que nous ne sommes pas sans enuieux et sans ialoux, qui, fauorisez de quelques exemples, ne manqueront pas de pubHer que c'est le fruit de nostre mauuaise éducation^ pour les mœurs, et de nostre doctrine , non seulement accommo- dante, mais dangereuse pour la seureté des Roys, l'au- thorité des Magistrats, le repos des peuples, et l'inté- grité du commerce public. De vous aussi, quel moindre iugement en pourroit-on faire , sinon que dégénérant à vostre naissance et à la gloire de la race des Bourbons , vous voulez par vn ca- price inconceuable effacer de Thistoire la mémoire de ' Il est clair par ce passage que l'auteur a voulu mettre la Lettre sur le compte d'un religieux jésuite. C'est en effet par les jésuites qu'avait été élevé le prince de Condé. On aura pu d'ailleurs remarquer au commen- cement quelques lignes curieuses sur la grâce. 108 CHOIX vos belles actions, pour vous rendre complice et compa- gnon du plus vil et du plus infâme de tous les hommes. Ne souffrez donc point que le iugement que l'on doit faire de vostre conduite, soit plus longtemps en suspens, à vostre propre détriment et à celuy de tant de millions d'ames qui pâtissent sous cette violence tyrannique. Ostez à ces estrangers et ennemis de l'Estat cette folle persua- sion et ce dernier refuge qui leur reste, que vous per- drez la France et vous-mesme pour empescher qu'ils n'ayent ce qu'ils méritent. Souuenez-vous de tant de gé- néreux exploits en Flandre, en Allemagne, en Catalogne, de tant de Batailles gagnées et de villes forcées ; et ne donnez pas lieu aux Histoires Estrangères, quand les nostres, par considération , ne le voudroient pas faire , d'apprendre à la postérité que vous auez couronné tant de belles actions par la plus lasche de toutes celles qui peuuent partir d'vne personne de vostre condition; et qu'après auoir bien fait du mal au Roy d'Espagne, en le dépoiiillant de ses villes et de ses Prouinces, vous luy en auez fait la restitution au centuple , en tournant la force de vos armes contre la France, afin de la luy liurer entre les mains, par la désolation que vous y méditez, et que vous commencez auec ce malheureux, qui, voyant qu'il n'y a plus de lieu pour ses vols , ny de seureté pour sa personne, veut la perdre auant que de partir, ou s'il ne peut eschaper que par la mort , dresser vn Mausolée à ses cendres des ruines de Paris et du reste de l'Estat. Quittez , Monseigneur, cet insolent auec ses préten- tions barbares et criminelles! Traittez ce cerueau des- monté en habitant des Petites Maisons! Riez-vous des fu- mées de cette bile qui luy inspirent des resueries si extra- uagantes et si pernicieuses! vSaisissez-vous de cet Ennemy DE MAZARINADES. 109 du roy et peste de son Estât, et le conduisant captif au derrière de vostre Carrosse, quoy qu'il ne mérite pas cet honneur, venez à Paris acheuer son procez auec ces ver- tueux et sages Sénateurs , et luy faire souffrir et à tous ses adhérents les iustes peines dues à leurs démérites , pour vn exemple éternel aux Estrangers, aux Orgueil- leux et aux mauuais François. C'est par vne action si louahle, si généreuse et si sainte, que vous mériterez les faneurs du Ciel, la gloire d'vn prince du Sang Royal, les louanges de toutes les Nations , les bénédictions de toute l'Eglise, les congratulations de toute la France, auec les prières de toute nostre Congrégation, et de tout le monde. Vers hvrlesqites envoyez à Monsieur Scarron, sur ranimée du Conuof à Paris [40i6] \ (23 janvier 1649.) Amy Scarron , constant malade , Et plus qu'vn nauire à la rade , Inesbra niable dans ton lit, Veux tu sçauoir ce que l'on dit? Voicy d'vn homme véritable Le récit dVn épouuantable Gonuoy, qui nous vient de venir*, Que le bon Dieu veuille bénir. * Ce pamphlet pourrait bien être de Saint- Julien, l'auteur du Courrier français en vers burlesques , et du Courrier burlesque de la guerre de Paris. * « Ce jour (19 janvier], Monsieur le Duc d'Elbœuf estant sorty auec de la Caualerie, pour aller du costé de la Prouince de Brie, deffît des Troupes Mazarines qui emmenoient quantité de bestial, et particulière- ment quatre à cinq cens porcs, lesquels il fit conduire à Paris. » Seconde arriuee du Courrier François. 110 CHOIX Sans te parler de nos Gens d'armes Ni de tant de beaux exploits d'armes Qu'a faits ce grand Duc de Beaufort Que tout Paris ayme si fort , Sans te parler de la retraite Par les gens de Mazarin faite , Qui vouloient prendre le Conuoy , Il est entré. Vive le Roy I Nostre bourgeois a de quoy frire , Quoy qu'à la Reyne on veuille dire Que de faim la ville périt. En ce temps que tout s'aguerrit, Marchoient les premiers en bataille Cinq cens cochons de belle taille. Ils tenoient mieux leur granité Que Gaton qu'on a tant vanté, Et se carroient à nostre veue Comme pourceaux dans vue rue. Lem^ bataillon sage et discret Laissoit vn estron à regret; Mais parcequ'ils marchoient en ordre, Chacun le laissoit sans le mordre. Aussi ces sobres animaux Reconnoissoient des Généraux. Vn gros verrat, leur capitaine, Se faisoit obéir sans peine. Quatre autres seruant de Sergens Les tenoient chacun dans leurs rangs; Et tous d'vn rang serrant la fille, S'aduancoient deuers nostre Ville. Pour le bruit qu'ils faisoient, ce iour,. le n'entendis pas leur tambour. Leurs Chefs de grande expérience Ne pouuoient obtenir silence. Mais pardonnons-leur aisément. DE MAZARINADES. 111 Puisque dans ce point seulement Qu'on ne les pouuoit faire taire, Ils violoient l'art militaire. Et dit-on que cet animal Crioit contre le Cardinal. Jamais vn soldat en furie N'alla mieux à la boucherie. Au reste , ces guerriers prudens Portoient des viures pour longtemps. Ce qui fait que ie te le mande , C'est que i'ay sceu d'vn de leur bande Que parmy leurs prouisions Ils auoient chacun deux iambons Et du lart à faire potage , Les vns moins, d'autres dauantage. Après ces Messieurs les gorets , Pour soustenir leurs intérests , Il marchoit en corps dans la plaine , Vn troupeau de bestes à laine, Vulgairement dits des moutons Qu'on menoit à coups de bastons ; Moutons que tous nos premiers pères Ont estime peu sanguinaires, Qui ne iurèrent iamais Dieu , Et qu'on plaça dans le milieu , Pour n'auoir pas l'humeur actiue , Ains auoir l'âme fort craintiue , Et telle que l'ont ces soldats Qui luuisy ne passent pas *. Ils estoient en nombre deux mille ♦ Les soldats du parlement. Allusion à une expédition qui avait pour but de faire lever le siège de Corbeil, et qui s'arrêta à Juvisy. On peut voir sur cette expédition la pièce ci-après qui commence par ces mots : *^Le Roy veut que le Parlement sorie de Paris, r> et le Courrier burlesque de la guerre de Paris. 112 CHOIX Qui drilloient tous vers nostre Ville. Leur Chef estoit vn peu guerrier. C'étoit vu illustre bellier Qui bondissoit par la campagne Comme vu ievme cheual d'Espagne. Il ne demandoit qu'à heurter Ce qui se vouloit présenter. Et si par sa teste baissée l'ay peu iuger de sa pensée, Plus courageux que n'est vn coq, Il ne respiroit que le choq. En effet de ses cornes fortes Il s'en vint heurter à nos portes, Que sitost qLi'on le vid courir Le Bourgeois se hasta d'ouurir. Ensuite venoit vue troupe De huict cens bœufs à faire souppe. Bref les pourceaux , moutons et bœufs , Escortez par messieurs d'Elbeuf, Vitry, Narmoutier, la Boullaye Leur faisoient vne belle haye. Mesmes le grand Duc de Beaufort Empesclîoit qu'on ne leur fist tort. Tous ces Guerriers braues et ieunes Nous ont sauné beaucoup de ieusnes. le passe pour faire plus court , Le vaillant La Mothe Houdancourt, A qui tout le petit Poète Cent bénédictions souhaitte. Comme il fait à nostre bon Roy, Comme il fait à tout le Conuoy, A ces Messieurs dont la prudence Va faire refleurir la France , A toy, Scarron , amy lecteur, Dont il est fort le seruiteur. DE MAZARINADES. 113 Catalogve des partisans ^ ensemble leur gémki- logie et extraction, "vie^ mœurs et fortune [646 'l (26 janvier 1649.) La succession de Cornuel % cy-deuant Intendant des Finances. Cornuel , son frère, cy-deuant Thrésorier ex- traordinaire de la Guerre , qui demeure rue des Francs- Bourgeois, et a plusieurs belles terres aux Champs, ren- tes sur la Ville et autres biens. La succession Darragomois [Darragonnois] , commis dudit Cornuel, dont la veufue demeure aux Marais , rue d'Anjou, qui est extrêmement riche, quoy quelle n'aye rien eu en mariage. La succession dudit [de du] Vouldy, beau-frère dudit Cornuel, Intendant, dont la veufue demeure aux Ma- rais , rue des Quatrefils , est extrêmement riche , a ad- uancé ses enfans en mariage de plus de quarante mille escus chacun, bien qu'elle en ayt dix. Vaille comte [Vallicont] , beau-frère dudit Cornuel , Intendant, demeure dans le Temple. D'Alibert, confident dudit Cornuel^ qui demeure rue * C'est, avec le titre de la première édition, le texte des éditions aug- mentées. Il m'aurait été facile de multiplier les notes, en me servant de Tallemant des Réaux, d'autant plus facile que M. Paulin Paris voulait bien mettra à ma disposition son excellent travail sur les Historiettes; mais j 'al craint d'être trop long pour l'espace qui m'était accordé ; et d'ail- leurs, certain que la nouvelle édition de Tallemant ne tardera pas à être livrée au public, j'ai pensé qu'il suffirait ici des rapprocbements que peu- vent me fournir les Mazarinades. =* « On a veu comme des Harpies subalternes nées pour la ruyne du peuple, vn Cornuel qui estoit l'àme de Bullion; ce qui est tout dire en vn mot pour exprimer sa vertu et sa probité. » La vérité toute nue ^ etc. [4007J. i 8 114 CHOIX des Vieux Augustins, a esté de tous les traitez qui se sont faits, par le moyen desquels il possède de grands biens, tant en maisons dans Paris qu'en rentes constituées. Berault, leur associé, demeure rue Geoffroy-Lasnier. Le Febure*, associé dudit Cornuel , qui demeure près l'Hostel d'Espernon, estoit vendeur d'huyle à Melun, a commencé de s'enricbir par le pillage qu'il a fait des de- niers du Roy, prouenant de l'imposition mise aux en- trées du vin lors du siège de Corbie , et depuis par plu- sieurs traitez de taxes faites sur les officiers. Bautru Nogent^ Cousin germain et associé dudit Le Febure, demeure aux Marais, rue d'Anjou. Caniuet , beau- frère dudit Le Febure, demeure auec luy. Des Brosses Guénégaud , commis dudit Cornuel , In- tendant, demeure rue neufue Sainct-Louys. Le Vasseur, son beau-père, demeure en mesme maison. Mauroy% commis dudit Cornuel, Intendant, demeure aux Marais, rue de Poitou. Bordier*, fils d'vn Chandelier , qui demeure aux Ma- •Quid? Le petit Lefebure la Barre, Qui (fut Yii temps) faisoit fanfare Contre ce fat de cardinal, S'est fait du vilain le vassal. Le Parlement burlesque de Pantoise, etc. [2701]. ' « N'est-ce pas vne impudence capitale de présenter à la reine vne bouchée de pain et luy faire à croire qu'elle vaut vne pistole à Paris ? » Manuel du bon citoyen^ etc. [2-i06]. Il paraît que l'anecdote est de Bautru. ' Il était intendant des finances en 1652. On raconte dans le Gr'ippeme^ naud de la cow\ etc. [1519], qu'il refusa, cette année-là, de prêter vingt mille livres au cardinal Mazarin , qui venait de rejoindre la cour à Poi- tiers. * a Vn Bordier qui, tirant son illustre naissance d'vn Chandelier de Paris, a despensé plus d" trois cens mille escus à bastir sa maison du Rincé DE MAZARINADES. 115 rais , rue des trois Pauillons , a esté de tous les traitez qui se sont faits iusques à présent, dont il s'est enrichy au point qu'outre les grandes despences et auantages qu'il a faits à ses enfans, ayant donné à sa dernière fille huict cens mille liures en mariage, il a fait faire son bas- timent qui luy couste plus de quatre cens mille liures , €t a achepté vne charge huict cens mille liures, sans compter sa maison de Paris , ses beaux meubles et plu- sieurs autres biens qu'il possède, montant six fois plus que ce qui est cy-dessus. Macquars, son commis, demeure proche de luy. La Forests, son nepueu, demeure aux Marais, rue Sainct-Anastaze. Doublet^, qui a fait toutes les maltotes du Clergé et le retranchement de cinq grosses Fermes, demeure aux Marais près Bordier. Ses associez, entr 'autres, sont du Mas, qui demeure rue Beaubourg; Margonne, près ledit Bordier; {Raincy], par vne insolence sans exemple, mais qui mériteroit, pour 1 exemple, qu'on le logeast à Montfaucon, qui en est tout proche. » La vérité toute nue, etc. [4007]. « Ce deuxiesme au nez boutonné Et de l'ubis damasquiné, Est de Bordier la géniture Et d'vn Chandelier la facture. Son père fut de tous mestiers, Et parmy les maletostiers A tenu la première place. C'est comme il s'est de Liens farcy, Tesmoin l'insolent Raincy. De ce fils la plus grande gloire Est de manger et de bien boire. j> Le Parlement burlesque de Pantoise, etc. [2701]. • Il est sous le nom de Telbuod, anagramme de Doublet, un des per- sonnages de la Farce its courihans de Pluton, etc. 1 1 3721. 116 CHOIX La Magne [Lumagne?], demeurant rue des Rosiers; Gargan^, demeurant rue du Temple, près la rue Chappon. Le Vasseur, l'aisnë, loge aux Marais, près la rue Sainct- Louys . De Bordeaux ^, qui a iadis fait banqueroute et demeure à présent rue des Francs Bourgeois, a aussi esté de tous les traitez, et possède des biens immenses dont la Décla- ration seroit trop longue. Maillet, son confident et associé, et qui a traité du sol pour liure et des taxes des ayses sur les Tailles, a eu pour associez, outre ledit de Bordeaux, entr'autres les cy- après nommez , sçavoir : deffunct Galand, dont la veufue est à présent remariée % demeurante près l'Escbelle du * Il figure dans le récit du Grippemenaud de la cour^ etc. [1519]. Seul de tous les intendants des finances, il compta au cardinal Mazarin les vingt raille livres que celui-ci leur demandait. * « Vn de Bordeaux qui, pour n'en auoir pas du tout tant [que Breton- vîlliers) , ne doit pas estre accusé de négligence, puisqu'il a tousiours esté beaucoup plus ardent et plus liardy que luy pour en acquérir, » La vérité toute mie, etc. [4007]. « Bordeaux , race de partisan , De malices grand artisan. » Le Parlement burlesque de Pontoïse, etc. [2701]. '" « Vn Galland qui, estant fils d'vn paysan de Chasteau-Landon , s'est fait si riche en peu d'années, qu'vn Président au Mortier n'a pas eu lionte d'espouser sa vefve. » La vérité toute nue, etc. [4007]. Le Parlement burlesque de Pontoïse va nous apprendre quel était ce prési- dent au mortier: « Goigneux, ce petit arrogant, Des foux le plus extrauagant, Qui son cours a fait à l'Escole De la Durier, où l'on biicole ; Et pour éuiter pauureté, A la Galland il s'est frotté. » Pour l'intelligence complète de ce passage, il faut voir les Lamentations de la Dur'té de Saint -Cloud, etc. [1800]. DE MÂZARINADES. 117 Temple, dans vn Palais magnifique que ledit deffunct a fait bastir, et possède plusieurs belles Terres aux Champs, rentes constituées et argent monnoyé. Le Camus*, son beau-frère, qui demeure rue Sainct- Auoye, près ladite Escbelle du Temple, a fait bastir vne superbe maison à Colombe, qui luy reuiendra à plus de cent mille escus, et possède plusieurs autres grands biens, quoy qu'il ne soit que fils d'vn Notaire. De Mons , commis dudit Galand , à présent Greffier du Conseil , et qui demeuroit , il y a six mois , en la rue du Temple , d'où il est deslogé pour esuiter le pillage de sa maison , et est allé demeurer en la cousture Saincte- Catherine, près des lesuistes, et se fait appeler Vicomte d'Andreselle , qui est vne terre considérable qu'il a ac- quis depuis peu, outre sondit Office, qui luy couste qua- tre cens mille liures, sans compter plusieurs autres biens qu'il possède , tant en rentes constituées que immeubles et argent contant, quoy qu'il n'ayt espousé que la fille du plombier de la Pome, dont il n'a eu que dix ou douze mille liures en mariage, et qu'il ne soit que fils d'vn ou- urier en soye de Tours. Ce de Mons et ledit Camus sont associez au retran- chement des sages et droits de tous les Officiers de France, traité des taxes du droit Royal, confirmation d'hérédité, Offices quatriennaux , taxes d'aysez sur les entrées de Paris et plusieurs autres traitez. Picard^ fils d'vn cordonnier, qui depuis a esté Thré- sorier des parties casuelles, a esté intéressé auec ledit * « Vn le Camus qui , estant venu de rien et ayant au moins six en- . fants, a laissé au moins vn million de liures à chacun. » La vérité toute nue^ etc. [4007]. ^ C'est le Dracip de la Farce des courtisans de Pluton , etc. [1372]. 118 CHOIX Catelan, de Mon s, Galand, Le Camus et autres en tous les traitez cy-dessus, outre plusieurs qu'il a faits. Il demeure au Marais, rue du Grand-Chantier, près les Enfants- Rouges, et prend le titre de Marquis de Dampierre, dont il a fait acquisition, outre plusieurs biens qu'il possède. Bonneau^, petit-fils d'vn ouurier en soye de Tours, a esté de toutes les maltotes , et est à présent Fermier des Gabelles, auec les nommez Merault , Rolland, Quentin, de Richebourg et Aubert, lequel Aubert a esté lacquais^ et nonobstant cette noble compagnie de Gabeleurs aux despens des deniers du Roy acquiert des Marquisats et autres Terres considérables par les voleries qu'ils font sur lesdites Gabelles et sur les taxes sur les Officiers d'icelle, dont ils se sont faits Partisans, mesmes sur les rentes de la Ville qu'ils ont fait retrancher, et en ont fait consommer le fonds iusques à plus de vingt-cinq ou trente millions depuis dix ans. Marin ^ est fils d'vn Paysan de Bourgogne ; et entr' au- tres traitez qu'il a faits , il a eu celuy de la suppression des droits aliénez sur les Tailles et Gabelles en 1644, qui a ruiné tous les Officiers du Royaume et autres par- ticuliers intéressez en ces affaires, pour enrichir vne douzaine d'autres qui y auoient intérest, entr'autres le- dit Cornuel Intendant et son frère, ledit deffunct du * Voyez les Entretiens de Bonneau , de Catelan et de La RaiUîère, etc. [1248]. Dans les Moyens infailUhles pour faire périr le cardinal Mazarin, etc. [2d17], Bonneau est dénoncé parmi les personnes qui doivent de l'argent au cardinal ou ont de ses meubles en dépôt. Il est nommé enfin dans le Qu as-tu vu de la cour? etc. [2941]. ^ « L'on a trouué à Paris dans vn Couuent de Religieux plusieurs pa- piers de conséquence, appartenant au nommé Marin, cy-deuant Thrésorier du marc d'or, parmy lesquels il y en a beaucoup concernant les traittez et partis des gages retrancliez des Officiers et d'autres sortes de monopoles. » Le Courrier françois, etc. [830], 5" arrivée DE MAZARINADES. 119 Vouldy, d'Alibert, deffunctBoyer, qui a laissé ses enfans riches de plus d'vn million à chascun , lesdits Bonneau , dont l'vn, qui est mort, a laissé à chascun de ses enfans plus dVn million, ledit deffunct Galand, qui est mort riche de plus de six millions de liures, et n'a point laissé d'enfans, son bien ayant esté partagé entre sa veufue et son frère. Deffunct Camus, qui demeuroit derrière Sainct-Leu, a laissé à ses enfans, au nombre de neuf, plus de quatre €ens mille escus chascun , et auoit pour intéressez en sa part ses deux fils aisnez, dont l'vn est à présent Control- leur Général des Finances , et l'autre est mort et a laissé à sa veufue plus de cent mille liures de rente d'acquisi- tions par luy faites, laquelle, après auoir vescu en veufve Gaillarde pendant six ou sept ans , s'est enfin remariée depuis peu ; et a esté , ledit Camus et ses fils, intéressez en toutes les fermes et traitez qui ont esté faits pendant sa vie. De Mery [d'Esmery] \ pendant son Intendance , Con- troUe Général et sur Intendance , a pris des pots-de-vin et des pensions , fait rembourser des rentes sur diuers prétextes, a diuerty et destourné les deniers du Roy pour les appliquer à son profit, comme il paroist en ce que depuis quinze à vingt ans il a despensé plus de trois cens mille liures par an , fait de grandes et considérables ac- * Les pamphlétaires de la Fronde ont souvent parlé de d'Émer\- ; mais il suffira de citer V Auertîssement très^important et très-vtile au public tou- chant le retour du sieur d'Émery^ etc. [462], les vers Sur le bonhomme ctÉmery^ dans les Diuerses pièces sur les colonnes et piliers des maltotiers, etc. {1161], et la Force des courtisans de Pluton, etc. [1372], où d'Emery s'ap- pelle Yremed' . « Le mercredi, troisiesme [février], fut trouué de la vaisselle d'argent et quantité de meubles appartenant à d'Emery, cy-deuant surintendant des finances..., lesquels ont esté saisis de l'Ordonnance de Messieurs delà Cour de Parlement. » Le Courrier français, c\Q. [830], S** arrivée. 120 CHOIX quisitions, basty des Palais somptueux, tant à la Ville qu'aux Champs, ornez de meubles précieux dont l'esti- mation est presqu'impossible; cependant chascun sçait qu'il n'a eu aucuns biens patrimoniaux, son père et son frère estant morts insoluables dans la Conciergerie, après auoir fait banqueroute à leurs légitimes créanciers. Aussi l'inclination qu'il a tousiours eu au larcin luy ayant fait entreprendre de voler iusques dans la Garderobbe du Roy, il fut pour la réparation condamné à estre pendu; ce qui n'a pas esté exécuté par la corruption des mauuais luges, qui ont mieiLX aymé le sauuer pour de l'argent que de le faire exécuter : les suposts de ses desbauches , des- bordements, larcins, violements et persécutions qu'il a exercées pendant ses emplois, et auec lesquels il partage le butin, sont Petit, son bonneste macquereau, qui est ce- luy qui receuoit tous ces pots-de-vin et pensions, par le moyen de quoy luy et Chabenat, son Gendre, esleué dans les mesmes intrigues, ont acquis chascun plus d'vn mil- lion de liures de bien , quoy que , comme il est notoire, ledit Petit fust auparauant Procureur au Chastelet à tort et sans cause, et ledit Chabenat copiste au Conseil. Catelan*, cette maudite engeance, est venu des mon- tagnes du Dauphiné, lequel, après auoir esté lacquais en cette ville, fut marié par Cornuel à la sœur d'vne nom- née la Petit, sa bonne amie, à présent femme d'vn * Parmi les meubles dont le Courrier français annonce la saisie sous la date du 3 février, il y en avait qui appartenaient à Catelan. On peut con- sulter sur ce traitant célèbre V Adieu du sieur Catelan.... au sieur de La JtaiUière, etc. [43], et la Réponse de La Rallière, etc. [3394], les Entretiens de Bonneau, de Catelan et de La Raillière, etc. [1248], le Factum notable pour Thomas Carrel^ etc. [1363]. Suivant la Réponse de La Rallière, la femme de Catelan était fille, et non sœur de la Petit. Catelan est le Na- ielac de lu Farce des courtisans de Platon, etc. [1372]. DE MAZARINADES. 121 nommé Nauarrot; pour faciliter lequel mariage dudil Catelan, iceluy Cornuel donna audit Catelan, en faueur dudit mariage, tous les Offices de sergens vacans iuscjues alors et ensuite; ledit Catelan s'est aduancë dans la Mal- tote sous feu BuUion et Tubeuf , et entr'autres traitez, a fait celuy des retranchemens de gages, droits et reuenus de tous les Officiers de France , dont il a fait recepte et recouurement sous le nom du nommé Moysel \ qui est son nepueu et s'appelle Catelan comme luy. Cependant il luy a fait prendre ledit nom suposé de Moysel, pen- sant se mettre à couuert de ses voleries et exactions. Tabouret % fi4s d'vn fripier de ceste Ville , depuis no- taire et ensuite maltotier, associé dudit Catelan, a fait de son chef toutes les taxes, créations et augmentations de Greffiers du Royaume, par le moyen de quoy ce drôle, outre ses superbes bastiments et plusieurs acquisitions qu'il a faites à la campagne , a donné en mariage depuis six mois à vne sienne fille plus de six cens mille liures, et en a asseuré autant après sa mort. Lantot, beau-frère dudit Tabouret, est son associé. De Launay ^, Conseiller au Chastelet , et principal as- * Moysel est un des partisans contre lesquels est dirigé le Factiim notable pour Thomas Carrel, etc. [1363]. * Il en est de même de Tabouret, qui figure sous le nom de Teruobat dans la Farce des courtisans de Pluton, etc. [137:2]. ^ « Le ieudy 2b [février] la Cour nomma des commissaires pour in- struire le procès de Launay Gravé. » Le Courrier français , etc. [830], 7^ arrivée. Il y a dans V Arrêt du conseil d'en haut, etc. [382], un sonnet aux par- tisans sur l'emprisonnement de La Raillière et de Launay Gravé. Launay fut compris dans le procès intenté à Colion, évêque de Dol, pour sa Lettre interceptée, etc. [2243]. «Mais, dit l'auteur du Courrier burlesque de la guerre de Paris, « Gagnant la guérite [II] n'attendit pas cette visite. » 122 CHOIX socié diidit Catelan, est cause de tous les maux qu'il a faits, luy en ayant fourny les moyens et l'argent. La Raillière \ a esté fermier des Aydes auec le nommé du Mousseau, où ils ont volé les rentiers et l'Hostel de Ville par les présents et corruptions qu'ils ont faites audit Demery [d'Esmery], en considération de quoy l'on a di- uerty auxdits rentiers trois quartiers et demy entiers de leurs rentes en vne seule fois , sans compter les autres friponneries et pillages qui ont esté faits depuis sur les- dites rentes , tant par retranchement qu'autrement , le tout montant à douze millions de liures ou peu s'en faut; et outre ledit La Raillière, auec le nommé Vanel dit Tré- court , qui sont à présent Fermiers des entrées , ont fait le traité de quinze cens mille liures de rentes sur lesdites entrées créées en 1644, pour raison de quoy ils ont taxé sous ce titre d'aisez qui bon leur a semblé , et sous de faux Rolles ont exigé lesdites taxes auec des violences horribles en ceste Ville de Paris et en la campagne, quoy que, par l'Edict d'aliénation desdites rentes, il soit ex- pressément porté qu'il n'en pourroit estre fait aucun traité. Leurs principaux associez en iceluy sont lesdits ' « Le nommé La Raillère , assez conneii pour les maux qu'ils a faits au peuple, tant comme principal arcboutant de Particelle, dit d'Emery, cy-deuant surintendant des finances, que pour auoir fait imposer plu- sieurs droits sur l'Entrée du vin et esté l'Auteur, Partisan et exacteur de ce droit tyrannique imposé et leué sous le nom qu'il leur donnoit ( à fausses enseignes d'aisez) , a esté descouuert seruant d'Espion dans la Ville pour le cardinal Mazarin ; pour quoy il a esté arresté et emprisonné à la Bastille. » Le Courrier fi-ançois, etc. [830], 2= arrivée. Les commissaires qui devaient le juger ne furent nommés que le 23 fé- vrier. On peut consulter sur La Raillère les pièces citées dans les notes relatives à Catelan, à Launay Gravé, et de plus la Leltre de La Raillère, prisonnier à la Conciergerie, à Catelan, etc. [19-42]. L'emprisonnement de a défaire auiourd huj cette armée en nostre présence; et les estrcmgers apprendront rpce nous auons qui nous défende et cpd nous déliure de l'esclauage\ Il y a longtemps que tant de saintes âmes implorent la lustice Diuine contre cet ennemy de la paix publique et contre ses supposts; et le Ciel ne résonne à présent d'autres échos que de ces paroles : Mo?i Dieu, vengez-nous de cet homme et de son armée ; faites-les tomber sous le glaiue. Veuillez vous ressouuenir des blasphesmes de ses gens; et ne T endurez pas plus long- temps sur la terre ^ Vne seule considération retient nostre courage ; et c'est pourtant ce qui nous anime d'auantage ; c'est que * Erigamus deiectionem populi nostri ; et pugnomus pro populo nostro et sanctis nostrls. N. D. T. * Ne timueritis multitucUnem eorum, et impetum eorum ne formidt lis. Miserebitur nostrî Doniinus et conteret exercitum istum, ante faciem nos- tram, hodiè ; et scient omnes gentes, quia est qui redimat et li])rret Israël. Mâchai?., Bib., 1. N. D. T. ' Fac vindictam in hoinine isto el exercitu élus et cadat in gladio ; mé- mento blasphemias eorum et ne dederis eis ut permaneant. Ihid N. D. T. 1^4 CHOIX nous ayons à combattre au nom du Roy contre nos frères, qui ont suiuy le Roy, quand ce Rauisseur de tout ce que nousauons de plus cher et de plus précieux, nous l'a enleué, et contre des Princes que cet imposteur aueugle pour rendre sa ruine plus célèbre par leur péril ou par leur perte. Nous prions Dieu que cette guerre se termine plus doucement , et qu'il vous illumine de la mesme grâce qu'il répandit sur la Noblesse de Rretagne, sur le point de s'entretuer pour Pierre Landais, (ils d'vn cliauffetier, et fauory de François II, duc de Rretagne , et que les deux armées sVnissent pour liurer son sem- blable à la potence. Nostre siècle a besoin de cet exemple pour espérer vn meilleiu'gouuernement à Tauenir, et pour la consolation de ses souffrances ; et V. A. n'a que ce moyen pour rentrer dans l'amour et dans l'admiration des Peuples. Après cela, nous ioindrons toutes nos forces pour contraindre les ennemis du dehors à nous offrir la paix, que ce traistre a refusée à toute la chrestienté ; et nous recouurerons vne nouuelle vie par vostre faueur. Autrement nous nous tenons obligez à défendre nostre liberté, le repos de nos familles et de nos vies : Cest la preuue de la plus par- faite sagesse que de se résoudre à tous les dangers , et de tout entreprendre pour le salut de la République . Nous sommes nez pour elle plus que pour nous ; et nous ne pouuons iamais mieux employer vne vie que nous deuons aussi bien au destin^ quen la sacrifiant à la patrie : cest vne debte de r éternité que tout Cdge dvn homme ne peut acquitter^. Hélas! en quels termes serons-nous réduits de dé- ' Sapiens, qui omnia Reipublicse causa suscipienda pericula parabit. Ssepè ipse scciun loquetur : non mihi solj , sed itiam atque adeô mullô DE MAZARINADKS. Km fendre riionneur de la Couronne, et de la nation contn» ceux qui y ont plus de part. Les fauoris ont accoustumc de briguer l'amour du peuple pour opprimer plus facile- ment les Princes. C'est quasi la seule marque, et le pre- mier témoignage qu'ils doiuent donner de leur puis- sance; et il y en a eu fort peu qui n'ayent eu quelque victime de vostre Royale maison. Les témoignages en sont trop récens de toutes parts , et en la personne mesme de Monseigneur le Prince de Condé , père de V. A., qui n'en est échappé que par bonheur, et par vne prudence singulière. Nous n'auons iamais veu les Roys séuir contre leur sang si fréquemment, que lors- qu'ils ont abandonné le gouuernail de l' Estât à quelque mignon. Si les grands du Royaume ne se soumettent serui- lement à des commandemens deshonnestes, il croit qu'ils luy enuient sa fortune, et les traitte en ennemis; mais comme cette administration, dont il abuse, appartient naturellement aux enfans de France, quel milieu peut-on trouuer entre ces deux oppositions? et que doit-on penser d'vne alliance entr'eux, sinon au desaduantage de celuy qui a le droit et l'authorité ? Il est au pouuoir de Mon- seigneur le Duc d'Orléans, et de vous, Monseigneur, d'abolir auiourd'huy ce nom et ce ministère omineux qui a trop duré pour nostre bien, et qui ne peut plus subsister après tant d'exemples, qu'à l'abbaissement et pour l'extinction de nos familles. Les Parlemens y apportent l'authorité des Loix; tous les François conspirent à ce dessein ; il n'y a que vous qui retenez sur la maison Royalle vn ioug infâme (pie poliùs, iialiis siim palrise.Vita qua) f'ato dtbctur, saluli patriae polissiniiitr, golvatur,... Quid est quod à mr sntis (i prrsolui possit? Cic. ad Hcrcn. N. D. T = 166 CHOIX le peuple ue peut souffrir, et qu'il secoue si généreuse- ment. Nous sommes en armes pour cela; et vous vous faites Capitaine des gardes d'vn homme indigne de la plus basse charge d'auprès de V. A., si bien qu'il faut vue armée pour amener vn criminel infâme qui ne deuroit estre traisné que par des sergens. Ne voulez-vous point vous souuenir que c'est vne cor- neille déguisée , et que, quand on a voulu commencer à la plumer, tout ce qu'elle avoit d'éclat estoit emprunté? Il n'a d'esprit que pour tromper par de fausses appa- rences, et pour corrompre de nostre argent les femmes de la Cour et quelques intéressez; il ne sçait rien de toutes les sciences, quoy qu'il ait fait ramasser vne riche bibliothèque ; il n'a bien fait à aucun véritable docte ; nous n'auons pour toutes pièces de sa composition que des Commentaires sur les brelans ; et la seule statue qui restera de luy en France, sera le valet de carreau dans le Hoc Mazarin. Il ne parle qu'intliscrètement ; il écorche le françois ; et ses comparaisons ne sont que de média- niques dans ses harangues. Il n'a pour Conseillers que des infâmes , pour domestiques que des criminels de France ou des bandits d'Italie, pour intrigues que des garces et des filous, pour amis que des voleurs et des blasphémateurs, des ioueurs et des bouffons, qui ne con- noissent rien et qui sont indignes de prendre aucune part en nos affaires. Auec ces belles perfections, il nous enlèue nostre Roy, nostre Roy ne et nos Princes. Nous sçauons bien par quel artifice il a eu Monseigneur le Duc d'Orléans ; et il est tout public qu'il s'est serui, pour le persuader, d'vn nonuné Barbier, fils d'vn mouleur de bois, sous pro- nirssr (!p fairr ce pédant vn Cardinal de La Riuièrc. DE MAZARINADES. 167 Mais l'on ne peut s'imaginer par quel conseil Y. A. s'est voulue ietter dans ce party, ny qui vous aura pu porter à dire dans vostre lettre écrite à la Ville ^, que le Parle- ment s'entendoit auec les ennnemis de TEstat, ny com- ment vous auez à mesme temps commencé la guerre contre Paris. Est-ce que cette ville deuoit adiouster foy à cette calomnie doublement insigne, par la qualité des accusateurs surpris et trompez par la malice du Sicilien et par celle des accusez ? ou bien la croyez-vous si lascbe que d'exposer à la passion d'vn enragé la seule marque qui luy reste de sa maiesté, et de ce qu'elle a d'auanta- geux sur toutes les villes du monde ? Quoy ! ce Parlement qui s'est déuoué à la prospérité de l'Estatj seroit liuré? Y. A. refuse d'abandonner l'en- nemy du Royaume; et nous vous en abandonnerions les protecteurs ! que deuiend rions-nous ? Que deuiendroit Paris, que le théâtre d'vne proscription plus sanglante et plus fréquente que Constantinople ? Yous auez pour prétexte l'authorité d'vn Roy mineur; en quoy peut-elle auoir esté violée en la personne d'vn usurpateur^ que le Parlement poursuit pour rendre compte des finances qu'il a volées et au Prince pupille, et h son Estât, et qu'il a transportées hors du Royaume ? Le Parlement qui a vé- rifié la Régence de la Royne, Ta-il érigée en tyrannie pour Iule Mazarin, Sicilien, et ennemy originaire de la France ? S'est-il absolument démis de la connoissance qu'il a droit de prendre des affaires publiques ? et ceux que les Roys reconnoissent pour luges de leurs causes Ciuiles et des conspirations des Princes du Sang, n'au- ront-ils point ce droit contre vn homme si inférieur à * Lettre de Monsieur le Prince à M. de Monthazon et à Messieurs les Pré- vost des marchands, etc. [2274], 168 CHOIX leur qualité? Peut-ii estre leur luge, si cette auguste Com- pagnie n'est iusticiable que de soy seule, si vous ne le pouuez estre vous mesmes qu'auec eux , et si les Roys soumettent leurs intërests à leurs arbitres? L'empereur Nerua protesta en plein Sénat qu'il ne permettroit iamais la mort d'aucun des Sénateurs; et il garda sa parole enuers ceux mesmes que l'on accusa d'a- uoir attenté à sa vie. Ce sage Prince n'ordonna iamais rien de son mouuement , et prenoit le conseil des prin- cipaux*. Enfin Adrien, quoy que cruel, iura encore qu'il ne souffriroit pas qu'vn Sénateur fust condamné que par le Sénat'. Il en a esté de mesme de nos Roys : les plus anciens auoient accoustumé de résoudre toutes les af- faires de l'Estat dans les champs de Mars, puis de May , parceque , dans ces mois , il se faisoit vne conuocation d'Estats pour aduiser aux besoins et à la réformation du Royaume. Ils ont depuis transporté ce droit au Parle- ment de Paris, auec mesme authorité, pour estre luge équitable entr'eux et le peuple ; ils y ont gardé leur place et en ont assigné d'autres aux Princes, et aux plus grands de leur Couronne. Vostre Altesse est née Conseiller de cette Cour Sou- ueraine, qui est la véritable Image du Sénat Romain souz les Empereurs ^ C'est le vray lieu du throsne de nos Roys, et le véritable conseil de Paris, de toute la ' Dyon. Cass. : Tn curià iurauit suo iussu nemlnem Senatorum occi- sum iri. Quod sacramentura, quamuis etiam insidiis petitus esset, invio- latum servauit ; nihil unquana de suo arbitrio statuit, sed Principes viros in consilium semper adhibebat. N. D. T. * suosque vires non tra- dîdit sed opposuit Antonio. N. D, T. 172 CHOIX Agréez, s'il vous plaisl , ce dernier sentiment que ie ne pourrois exprimer de bouche sans y mesler des larmes , et me faites l'honneur de croire que ie voudrois mourir pour vostre seruice en toute autre occasion que celle-cy, qui arme tous les bons François contre vous, puisque vous auez autrefois agréé que ie me donnasse l'honneur de me dire de V. A., Monseignevr, le très-humble et très-obéissant seruiteur, GEORGES DE PARIS. Les logements de la cour à S a lut -Germain en Zaje[2324J. (26 janvier 1649- ) Monsieur et très-cher Amy, les désordres suruenus depuis peu ont obligé tout le monde de pouruoir plus tost à ses affaires les plus pressantes que de penser à sa satisfaction particulière et à celle que l'on doit à ses amis. L'intérest que chacun doit prendre de se conseruer, et particulièrement ceux qui sont obligez de se tenir près de leurs Maiestez, a fait garder le silence pour ne point tomber dans quelque faute qui pust blesser la réputatioji et la fidélité. Mais croyant non pas de vous descouurir vn secret, mais de vous demander aduis sur le fait de ma charge, etsçauoir si, selon l'occurrence, ie m'en suis bien acquitté , ie vous diray que le conseil estant pris d'esloigner leurs Maiestez de Paris pour éuiter le péril dont la brutalité d'vn peuple esmeu sembloit les menas- ser, ie fus commandé auec mes compagnons d'aller à S. Germain en T,avc faire les logrmens . quoy qu'il fust DE MAZARINADES. 173 presque nuict; ce qui nous embarrassa beaucoup. Tou- tesfois nous y trauaillasmes auec toute la diligence pos- sible. Nous descendismes droit aucliasteau, oii nous trou- uasmes le vieil occupé par la Reine d'Angleterre, et le neuf qui tomboit en ruine, tellement que la nécessité nous contraignit de visiter les hosteîleries et y faire logement. Nous cboisismes pour le Roy le Mouton. Monsieur fut logé au Papillon; et la Reine au Cbapeau rouge; mais parceque le logis et principalement les chambres estoient mal accommodées, nous y logeasmes son train; et sa per- sonne eut pour elle le Saucisson d'Italie, bien qu'il luv fust fort agréable pour sa gentillesse. Les filles furent lo- gées à la Petite Vertu. Monsieur le Cardinal fut logé a la Harpe, la Couronne luy ayant esté desniée; et ses gens au Loup d'or et d'argent. Il y eut grande contestation pour ce dernier, parceque les Députez, tant des Parle- mens que des Communes, y vouloient loger, disant leur appartenir de droit; mais, à cause de la faueur, il fallut céder aux gens de son Éminence; et lesdits Députez furent logés à la Raquette. Son Altesse Royale eut pour elle le Mulet bardé. Madame fut logée au Silence. Mademoi- selle fut logée à l'Empereur ; mais ce logis estant des- couuert, elle fut contrainte de se tenir à l'Espérance. Madame la Princesse douairière fut logée à la Vertu. Monsieur le Prince fut logé aux Quatre Vents; Madame la Princesse à l'Asseurance ; monsieur le prince de Conty au Signe de la Croix; monsieur le Duc de Longueuille à la Prudence, et Madame à l'Escu; Messieurs du Parle- ment a la lustice. Monsieur de La Meilleraie fut logé aux Crocheteurs; mais il fallut oster l'enseigne, crainte de désordre'. Monsieur de Montbazon prit la Corne, son ' Ou disait que l'iionime qui avait été tué par le maréchal de La Meil- 174 CHOIX logis ordinaire, et madame sa femme la Magdeleine ; monsieur de Cheureuse le Grand Cerf; monsieur le Ma- reschal de L'Hospital la Corne d'abondance et sa femme le Publiquain ; monsieur de Souuré les Trois Pucelles ; sa femme la rue de l'Arbre sec; monsieur de Liancourt le Chapelet; monsieur le Marquis de Mortemart la Bou- teille; monsieur de Créquy la Grosse teste; monsieur de Roquelaure le Mont de piété; monsieur le Mareschal de A^illeroy le Pauure homme; monsieur de loyeuse le Bien aduisé; monsieur de Senneterre le Mauuais Larron. Mes- sieurs les Capitaines des gardes du Corps estoient logés à la Cage; mais à cause de leur absence, le logis demeura vacant jusqu'à ce que monsieur de Chauigny fust contraint de l'occuper. Puis monsieur de Rodes fut logé au Re- gnard ; madame de Flaire au Tabouret; monsieur le Chan- celier au Grand Turc; messieurs du Conseil à la Chauue souris; monsieur l'Abbé de La Riuière à la Fortune; monsieur le Comte de Brienne à la Double Escritoire ; monsieur de La Vrillère à l'Ours ; monsieur de Guéné- gaut au Veau ; monsieur Le Tellier au Champignon ; monsieur le Commandeur de lars au Grand Guillaume ; monsieur de Botru au gros Baston ; monsieur le premier Président au Singe qui pisse ; le Président Le Coigneux au Couteau sans dos ; le Président Le Bailleur (Bailleul) au Rêueur; monsieur de Brousselle au Bon secours; monsieur Tubeuf au Nombre d'or, tout proche la Feste dominicalle; le Pouruoyeur du Roy à l'Hospital; les Of- ficiers du Roy à l'Aumosne. Voilà, cher Amy, comme chacun a esté loué selon son mérite. ieraye, sur le Pont-Neuf, d'un coup de pistolet, le jour des Barricades, ^tait le syndic des crocheteurs. Voy. V Agréable récit des Barricades. DE MAZARINADES. 175 Coq à Vasne ou Lettre hvriesque dv sievr Foi- tvre ressuscité au prevx cheualier Gvichens maréchal de Gramont , sur les ajf aires et nouuelles du temps [797] ^ . (26 janvier 1649.) Trouvez bon que ie vous escriue, Sans vous informer du Qui Viue , Et sans regarder de trauers Cette trouppe de petits vers, Parceque Paris les fait naistre , Paris que vous prendrez peut-estre , Mais aussi peut-estre que non. De braues gens y tiennent bon , Qui ne parlent pas de se rendre , Mais iurent de vous aller prendre. le scay, comme ils sont gens de bien , Qu'ils ne iureroient faux pour rien. Ainsi vous pouuez vous attendre, Puisqu'ils ont iuré de vous prendre , Que pour rien ils n'y manqueront , Mais bien qu'ils vous enleueront , Auec vn peu moins de caresses Que l'on n'enlèue des Maistresses. ^ous plaist-il familièrement, En attendant cet enlèuement , Que vous débitions des nouuelles Et vous en comptions des plus belles? . qm elle est adressée, avait le commandement supérieur de la rive gau H.e pendant le blocus. Son quartier général était à Sceaux ^ 176 CHOIX Voicy, Monsieur le Mareschal , Vn assez fascheux Garnaual, Où les Corselets, les Salades Font les liabits des Mascarades, Où les Mousquets et les Canons Massent et toppent les Mommons. A mon sens telle Mommerie Est vue droite diablerie. N'en parlons plus : elle fait peur. Nous tenons icy, pour le seur, Que vous passez mal vostre vie , Que la Campagne vous ennuie. Et que vous regTettez Paris , Où maintes dolentes Cloris Plaionent vostre fuitte inhumaine Et chante : Birene, Birene. Or ie donnerois force argent Pom^ voir vn peu présentement Quelle est vostre Galanterie , Gomme auprès de Dame Marie, La fille de maistre Denis, Cabarettier de Sainct-Denis , Vous auez la puce à l'oreille , Gomme vous lui contez merueille, Gomme vous traittez de Soleil Les Boulangères de Corbeil. A cette heure mesme peut-estre , Chantez-vous sous vue fenestre Pour quelque ioly bauolet Vn des plus beaux Airs de Boisset^ Et la fille en fait raillerie Auec vn valet d'escurie. Dieux ! pour en estre là réduit Falloit-il sortir à minuit? Mais quoy? vous estiez en colère j DE MAZARINADES. j^^ Et vous alliez fait bonne chère*. Puis vous pensi<3z qu'en deux marchez Les Badauts seroient dépeschez, Que le Peuple armé de furie Fronderoit sur la fronderie , Et qu'vn Samedy seulement Estrangleroit le Parlement. Il est vray que gens sans farine Sont d Vue humeur assez mutine ; Mais gens qui sont enfarinez , Font aux autres vn pied de nez. Nous en auons en abondance. Ainsi faites la conséquence. Pour changer vn peu de discours, Sçachez que depuis peu de iours Nostre Duchesse incomparable* A fait vn enfant adorable, Et que le Préuost des Marchands L'a nommé Paris d'Orléans. En naissant il a voulu boire. Par là commence son Histoire. Demandez à quelque Allemant Si c'est vn beau commencement. Lagneau, Goizel et nos Prophètes, Comme de bruyantes trompettes Disent desià que cet enfant Doit estre vn Héros triomphant. Egalant en valeur guerrière ; On sait que le 3 janvier, veille du départ du roi, le duc d'Orléans i. iziiiir " '' ^^^'"^^ ''^^"^" '-'''''' -"p^ ^^- '^ --^ J^ ^A ^^'^''''/' Longneville, accouchée le 28 janvier dans l'hôtel de ville de Par., du fils qu'elle perdit en 1672 au passage du Rhu. C donc sous la rubrique de V arrestation Je La liaillèrele 26 quc^'aura Le Courrier français^ etc. [830] 11*^ arrivée. Î84 CHOIX pas auiourd'huy ny le Duc de Beaufort, ny le maresclial de La Mote à la teste de tes troupes rebelles. Enfin, peuple abusé, dessille tes yeux. Ceux qui ont le principal intérest au bien de l'Estat, te monstrent assez ce que tu dois faire. Tu ne sçaurois faillir de marcher dans le chemin où tu vois le Duc d'Orléans si auant engagé, si constant et si zélé, où tu vois le Prince de Condé le seconder de tout son pou- uoir. 11 faut bien que les Conseils du Cardinal soient bons, puisque ces deux personnes-là les approuuent. Crois-tu, quand le Cardinal seroit esloigné, que le Duc d'Orléans et le Prince de Condé , qui ont exposé si gayement leur vie pour releuer l'authorité Royale et la gloire de nos armes, voulussent iamais donner les mains à la ruine de l'Estat et receuoir la loy de quatre hommes du Parle- ment qui, pour se rendre les maistres, prétendent de ren- uerser tous les fondemens de la monarchie? Considère combien Testât où tu te trouues, est différent de cette opulence qui t'a rendue la ville du monde la plus heu- reuse. Prends garde à ce qu'est deuenu ton commerce; que tu es à la veille de crier à la faim ; qu'il n'y aura plus de rentes payées ; que tu vas tomber en vne entière désolation ; que ta grandeur est ta foiblesse ; que tu es desià exposée à la mercy et au pillage de la canaille et des vagabons; qu'on te saignera de tous costez iusqu'à l'agonie; que tu entretiendras les deux partis à tes des- pens; que les troupes dont tu prétends tirer ta deffense, te rongeront elles mesmes jusqu'aux entrailles ; mais con- sidère plus que tout cela que pour plaire aux factieux du Parlement, tu te iettes dans la rébellion; que tu prends les armes contre le Souuerain que Dieu t'a donné, et que tu cours risque de perdre son amour et peut-estre ton bonheur. Le Désintéressé à Paris. DE MAZARINADES. 185 A qui ayme la ^vérité [8] ^ . (H février 1649.) Le Parlement veut despouiller le Roy de son authorité pour s'en reuestir. Les Princes qui se sont vnis au Parle- ment, voudroient bien s'accommoder de son bien et de ses places ^ Et vous, pauures Bourgeois de Paris, sacrifiez vostre repos, bazardez vostre vie, vuidez le fonds de vos bourses, vous réduisez à la faim, prenez les armes contre vostre Roy et ne trauaillez qu'à vostre ruine pour apuyer, sans le sçauoir, les iniustes prétentions des vns et des autres. C'est bien se tourmenter pour se rendre criminels et malbeureux toute vostre vie , quoy qu'il arriue ; car ou !e Roy demeurera le maistre , comme il y a grande ap- parence , et si auant cela vous ne réparez vostre crime, et ne regaignez son affection par quelque marque de la vostre, il vous fera seruir, vous et vos familles , d'exem- ple à la postérité par vn cbastiment mémorable de la ré- bellion que vous commettez; ou le Parlement et les Princes auront le dessus (ce qui fait horreur, seulement à le penser, à tout bon François), et au lieu d'vn Roy, d'vn légitime Souuerain qui vous chériroit auec tendresse et ne songeroit qu'à vostre soulagement et à vous rendre heureux, vous aurez quatre cens tyranneaux qui vous des- chireront et vous opprimeront de mille taxes, comme ils ont desià commencé; et vostre opiniastreté n'aura seruy ' Second billet de Cohon, distribué par le chevalier de La Valette. '^ ^ oyez plus loin les Demandes des princes et gétiéraux. et<-. [997]. 186 CHOIX qu'à allumer et nourrir vne guerre ciuilie qui rendra la France la proye de ses ennemis, et changera \ ostre ville, la plus belle du monde et la plus heureuse , en vn théâtre d'horreur et de misères. Le Cardinal est vn meschant homme parce qu'il n'a pas voulu consentir à la destruction de la Royauté, où aucuns du Parlement visent pour gouuerner eux mesmes. C'est vn perturbateur du repos public parcequ'il n'est pas d'accord de contenter Nouion, Blancmesnil, Viole, Broussel et autres, ny les Princes dans ce qui leur estoit venu à la teste de prétendre. Il trouble le Royaume, luy qui a incessamment trauaillé et auec force à le conseruer en tranquillité pendant toute la Régence, et à la procu- rer au dehors. Il n'a , ny luy ny aucun de ses parens, place, ny charge, ny gouuernement , ny establissement ; et c'est vn ambitieux, vn intéressé, vn perfide. Les au- tres prétendans n'ont rien contribué comme luy aux conquestes qui ont esté faites, et ne laissent pas de de- mander les meilleures places du Royaume et des grâces qu'ils n'ont point méritées. Le Cardinal s'entend auec les Espagnols pour trahir i'Estat, pour les en rendre maistres. Il faut qu'il soit bien habile et qu'il les dupe bien finement de conseruer ainsi leurs bonnes grâces lorsque le Royaume s'accroist, toutes les années, de places et parfois de Prouinces en- tières à leurs despens. Si le bon Dieu nous assiste tous- iours de Ministres si meschans , nous mettrons bientost en chemise le Roy d'Espagne de son consentement. Le Cardinal est vn cruel, vn violent, vn sanguinaire. Cependant on voit la Bastille remplie depuis quinze iours de plus d'Officiers et seruiteurs du Roy qu'elle n'a esté do meschans et de criminels dans les six années de la Ré- DE MAZARINADES. 187 gence; où ie ne sçay pas qu'il y ait eu autre sang répandu que celuy d'vn Italien qui donnoit des aduis aux Es- pagnols. Le Cardinal est vn Crœsus, vn voleur de deniers pu- blics; il a englouty tout l'argent de France. Cependant nous aprenons qu'il n'a pas de quoy viure, et que sa Maison est tous les iours sur le point de renuerser. Il faut qu'il soit bien cruel à soy mesme de ne mettre pas ses trésors au iour dans cette occasion oii il va du tout pour luy, et oii il ne luy seruiroit de rien de les auoir sauuez s'il se perdoit^ Enfin, les autres mettent tout s'en dessus dessoubs, font prendre les armes au peuple contre leur Roy. Ce- pendant ils ne sont ny perturbateurs, ni mescbans, ny gens qui se remuent pour autre intérest que pour le bien public. Pauure peuple, dessille tes yeux ! Permettras tu d'estre sacrifié pour des intérests particuliers de nulle considération, et de plus pour des gens qui se mocquent de toy dans le temps mesme que tu sers à leurs fins ? Ne sçais tu pas que ces braues Princes, passementez et bro- dez à tes despens, boiuent tous les iours , l'vn et l'autre , à la santé des badaus de Paris ? L'vn d'eux disoit, il y a quelques iours, qu'il falloit prier Dieu qu'ils fussent longtemps dupes ; l'autre , que c'est faire vne guerre bien commode d'auoir beaucoup d'argent, coucher dans de bons draps et ne se battre point. Ou sont ces deux cens mil hommes qui deuoient sortir pour engloutir d'vn morceau les troupes qui t'affament ? Pour toutes les taxes qu'on a faites sur toy, dont le Roy auroit pu leuer cent mil hommes , qu'as tu encore que deux mil meschans ' On peut lire à ce sujet une curieuse anecdote dans la Lettre d\'n se- crétaire de saint Innocent, etc., qui suit. 188 CHOIX fantassins et huit cens chenaux de mesme , qui n'osent monstrer le nez hors la ville, sans se recoigner aussi-tost dans tes portes, tesmoin la belle esquipée de Corbeil * ? Si tu ne m'en crois pas pour le nombre, donne toy la peine de les compter aux reuues"; et ne t'estonne pas après cela si tous leurs exploits ne vont qu'à faire cuire quelque pain aux fauxbourgs, et à l'escorter à la halle pour persuader aux niais qu'ils l'ont conquis à la pointe de l'espée en rase campagne. Tes Généraux et autres chefs n'ont pas laissé de tou- cher quatre à cinq cens mil escus. Il est vray que la pluspart d'entr'eux, clinquantez comme ils sont, valent bien pour le moins les troupes qu'ils s'estoient chargez de leuer. On contrôle les actions du Roy quand il donne mil escus à des Officiers qui vont respandre leur sang à la campagne contre les ennemis de l'Estat. C'est vn prodigue, vn dissipateur. Les Finances sont mal admi- nistrées quand on donne deux mil escus pour leuer vne compagnie de chenaux légers qui va en des pays esloi- gnez pour le seruice de sa patrie ; et c'est estre fort mo- déré, grand œconome et bon mesnager des deniers pu- ' « Le dimanche 24 (janvier), quantité de Caualerie et d'Infanterie sor- tirent de Paris sur le prétexte du siège de Corbeil que tenoient les Maza- rinistes, mais en effet pour amuser leurs troupes pendant qu'on rompoit les ponts de Gournay et de Sainct-]Maur : ce qui leur empesclia la commu- nication qu'ils auoient au pays d'entre les riuières de 3Iarne et de Seine. » Courrier français, etc. [830] 2^ arrivée. Il faut mettre en regard de ce récit la version du Courrier burlesque de la guerre de Paris, qu'on trouvera plus loin. Cette journée est appelée dans les Mazarinades la journée de Juvisy. * « Il se trouua des gens qui éclairèrent de si près les capitaines de la ligue [Fronde] qu'ils découurirent que les reuues qui se faisoient en la place Dauphine , se faisoient le lendemain en la place Royale par les raesmrs tronpe> sous de différens noms de régimens. » ^h'mnires du harou de Sirot, 2<^ vol.. p. 240- DE MAZARINADES. 18<> blics, quand on donne icy des cinquante mil francs en pure gratification à des particuliers qui ont piis party contre leur Souuerain, quand on paye des quinze mil francs pour leuer vne compagnie seule. Tu peux facile- ment t'esclaircir de ces véritez ; et si tu en doutes tant soit peu, la seconde touche qu'on se prépare de donner à ta bourse, ne t'en rendra que trop certain ; comme la troisième et la quatrième qui suiuront bientost les au- tres, acheueront de te mettre aux abois si tu ne prens auant cela quelque résolution généreuse pour rompre les fers de la tyrannie qu'on t'impose \ Pourquoy souf- frir si longtemps vn ioug si rude qu'il ne nous soit pas seulement permis de parler, parceque ceux que nous faisons volontairement nos maistres, ne trouuent pas bon que nous le puissions faire que comme ils nous sifflent? Ils en veulent au Cardinal. Cependant qui ne sçait que b'il eust voulu satisfaire les chefs de parti du Parlement que ie t'ay nommez, et conseiller qu'on donnast Sedan, le Haure, Montreuil et autres choses de pareille nature, le bien public se fust bien porté ; il n'en seroit pas le per- turbateur; il auroit esté le meilleur Ministre qui fut iamais ; il faudroit le canoniser. Est il possible après cela que tu sois encore dupe et que tu laisses si long temps abuser de ta bonté? Vange plustost ton Roy désobéy, mal traité , offensé , attaqué ; vange toy toy mesme des maux que tu souffres et de ceux ou l'on ne se soucie guères de te plonger à Tad- uenir. Quand tu n'aurois autre chose à craindre que de perdre pour tousiours la présence de ton Roy, ce qui t'est infaillible si tu t'opiniastres en ta rébellion, ne con- * Les arrêts du parlement pour la \e\éc des taxes de guorre sont du 9 janvier et des 13, IG et ^22 lévrier. Î90 CHOIX sidère tu point quelle seroit pour toi la grandeur de cette perte, et que cette présence est ce qui t'enrichit et te donne la splendeur et l'opulence par dessus les autres villes ? Où irois tu chercher le payement de tant d'ar- gent que la Cour te doit ? Ne t'aperçois tu point que si elle faisoit son séiour en quelqu'autre ville , tous tes ar- tisans seroient à la faim et qu'il se dëpenseroit à Paris moins de douze millions de liures par an qu'on ne fait? Déclare toy seulement ; et tu seras le maistre de ces factieux criminels qui t'ont armé contre ta patrie. Tu auras les bénédictions du Ciel , les grâces de ton Roy et l'applaudissement de tous les bons François. Oblige le Parlement à sortir de Paris; et tu obligeras ton Roy à y retourner, et auec lui le bonheur , l'abondance , le com- merce, la tranquillité, la seureté et enfin toute sorte d'o- pulence, de félicité et contentement. Le roi veut que le parlement sorte de Paris y etc. [2762]*. (Il février 1649.) Le Roy veut que le Parlement sorte de Paris parce- qu'il ne croit pas y pouuoir estre en seureté tant que les factieux de la compagnie y conserueront la puissance qu'ils ont vsurpée. * Ce pamphlet n'a de titre ni dans l'édition originale , ni dans la réim- pression qui en a été faite à Paris parmi les Diuerses pièces de ce qui s'est passé à Saint- Germain en Lare, etc. [H60]. Il est de Renaudot, au moins à ce que prétend l'auteur de la Conférence secrète du cardinal Mazarin auec le gazetier [742]. Il complète les deux billets colportés par le cheva- lier de La Valette; et il n'y a pas lieu de douter qu'il n'ait été répandu dans Paris à peu près en même temps et de la même manière. DE MAZARINADES. 191 Les factieux veulent que le Parlement demeure clans Paris parcequ'ils craignent, s'il alloit ailleurs, que le Roy n'eust plus de facilité de réprimer les attentats qu'ils continuent de faire sur son auctorité; d'autant qu'ils ne pourroient pas alors étouffer les sentimens des bien in- tentionnez de la compagnie, comme ils font auiourd'liuy dans Paris par la crainte qu'ils leur impriment des mouuemens du peuple, s'estant rendus maistres absolus de son esprit par diuers artifices. Voylà véritablement en quoy consiste tout le différend qui menace la désolation de tant de familles et dont né- cessairement s'ensuiura , s'il est poussé aux extrémitez, ou la ruine de Paris, le Roy ayant le dessus, ou le bou- leuersement général de la Monarcliie , le Parlement deuenant le maistre. Voilà la question qui est à décider, sçauoir qui , du Roy ou du Parlement, sera obéy en France ; Sçauoir si le peuple de Paris aymera mieux ou fauo- riser la désobéyssance d'vn petit nombre de particuliers pour les auoir auec soy, soustenant pour eux vne guerre à ses despens , et s'exposant mesme à mourir de faim ; ou bien se ranger en son deuoir et iouyr de la pré- sence du Roy, et de la maison Royale et de toute la Cour, auec vn plein repos et toute sorte de félicité ; Enfin sçauoir s'il est plus iuste que le Roy desloge de sa ville capitale, ou que quelques-vns de ses subiets s'en retirent pour quelque temps, iusques à ce que leur séiour y soit compatible avec celuy du Roy. Le Parlement reconnoissant combien il se rendroit odieux s'il s'engageoit ouuertement dans vne contestation si extrauagante, vous a donné le change (mes chers Pa- risiens) et a mis en ieu le Cardinal, dont il n'estoit nul- Î92 CHOIX lement question , vous faisant croire que c'est luy qui vous affame, et que tous ces mouuements cy ne sont excitez que pour son intérest , et par son caprice ; mais ne vous apperceuez vous point , panures abusez , que cette cause là mesme ne seroit pas plus plausible ny meil- leure à soustenir que l'autre ? le n'entreprens point icy de deffendre le Cardinal. Supposons mesme que sa conduite ne soit pas bonne, qu'il soit noircy de plus de crimes que ne disent tous nos libelles , qu'il soit vn perfide, vn violent, vn intéressé, qu'il ait fait enuahir le tiers de la France par les Espa- gnols, que ses seruices soient autant de trahisons ; mais en quel endroit de ses Registres le Parlement trouuera- t-il qu'il puisse prescrire à son Roy le choix de ses mi- nistres ? Quelles loix du Royaume ou quel vsage lui don- nent l'auctorité d'obliger le Souuerain à les esloigner quand ils ne luy sont pas agréables ? Quel droit a le Parlement , n'estant institué que pour rendre la iustice aux particuliers, de mettre la main au gouuernement de l'Estat ? Sommes-nous en quelque République ? Et le Roy n'est-il plus que nostre Doge ? S'il faut changer le Mi- nistère, n'est-ce pas à la Reine, conseillée par le Duc d'Orléans et par le Prince de Condé, à le faire, et non pas au Parlement? Le Roy voyant que le Parlement attaque son autho- rité et met tout en confusion, luy commande de sortir de Paris. Le Parlement refuse d'obéyr à son maistre et or- donne par vn Arrest que le Cardinal sur qui il n'a aucun pouuoir, sortira du Royaume \ Si le Cardinal estoit Ministre du Parlement, il pourroit ' Du 8 janvier 46i9. DE MAZAKliNADES. 193 îe chasser; mais chasser le domestique d'vn autre, il me semhle que la bien-séance, la coustume et la raison veu- lent que nous nous adressions à son maistre ; autrement il est inutile et mesme ridicule de luy donner congé ; et à plus forte raison si ce maistre là est aussi bien le nostre que le sien. Le Parlement n'enseigne pas fort l'obéyssance. Peut il trouuer à dire que le Cardinal n'exécute pas ses ordres si luy mesme mesprise ceux de son maistre ? Mais tout cecy n'est point le fait dont il s'agit. Que le Cardinal soit dans les affaires ou non, tousiours faudroit- il décider quelle des deux authoritez doit préualoir : ou celle du Roy qui a heureusement régi la Monarchie , douze cens ans durant, ou celle que le Parlement a en- uahie depuis huit mois et qu'il veut se conseruer auiour- d'huy par la prise des armes contre le Souuerain ? Tousiours faudroit il voir si le Duc d'Orléans et le Prince de Condé souffriroient d'estre dégradez et que le Par- lement deuenant Roy, diuers marchands , confituriers et artisans, pour appartenir de près à des Officiers de ce Corps là, vinssent à tenir le rang des fils de France et des Princes du Sang. On nous fait accroire (mes chers compatriotes), que ie Roy veut nous exterminer, qu'il veut nous affamer. Il ne veut que ce à quoy nous l'obligerons. Il ordonne au Parlement de sortir de Paris ; le Parlement veut y de- meurer par vne désobéyssance sans excuse (n'y en ayant aucune légitime quand le maistre commande); et nous sommes si aueuglez que de prendre les armes pour ap- puyer sa rébellion ! quel autre party restoit à prendre au Roy, s'il vouloit se conseruer cette qualité, que de nous réduire tous deux par la faim dans nostre deuoir? Ainsy ï 13 194 CHOIX ce n'est pas le Roy qui nous affame ; c'est nous qui le voulons bien estre. Ce n'est pas le Roy qui nous attaque ; c'est nous qui sommes les agresseurs. Si nous obligions le Parlement h sortir de Paris, le Roy nous assure qu'il nous viendroit voir le mesme iour. Si le Parlement ayme le bien public autant qu'il le veut faire croire, si sa principale visée, comme il pro- teste, estnostre soulagement et nostre repos, que ne nous en donne-t-il vne preuue, qui luy est si facile ? Nostre tranquillité dépend de sa sortie. Nous serons heureux dès qu'il aura obéy. Nous aurions l'abondance de toutes cho- ses et n'entendrions plus parler de gens de guerre ny dans Paris ny aux enuirons. Cependant il veut que nous souf- frions ; il aime mieux que nous soyons enueloppez dans son chastiment, nous qui n'auons eu aucune part à ses fautes passées. Est-ce là auoir passion pour nostre bien ? Le Roy nous promet vn oubly général de tous nos excez. S'il nous reste dans l'esprit quelque scrupule là dessus, et que nous ayons peine à croire qu'on ait pour nous tant de bonté après de si grandes fautes, enu oyons nos Escheuins et des Députez des six corps des mar- chands à S. Germain stipuler toutes nos seuretez. On nous assure qu'elles ne nous seront pas refusées et qu'on n'y désire rien de nous , si ce n'est que nous ne nous raesiions pas de l'affaire. Refuserons-nous nostre indiffé- rence à nostre maistre pour qui nous serions plustost obligez de respandre iusqu'à la dernière goutte de nostre sang ? 11 faut que Dieu veuille bien nostre chastiment puisqu'il ne nous donne pas seulement la force de con- sentir à nostre bonheur. Remettons-nous vn peu en mémoire les crieries et le vacarme que le Parlement a fait tout l'Esté et tout l'Au- DE MAZARINADES. 195 tomne contre la violence de la Régence, contre la dissi- pation des Finances et pour faire soulager le panure peuple. C'estoient là les trois points principaux où sem- bloient aboutir toutes leurs clameurs, les trois prétextes spécieux et en apparence désintéressez par lesquels il nous a artificieusement engagez à suiure à tastons tous ses moindres mouuemens comme des oracles. Cependant qui ne voit auiourd'huy que nostre conduite sous sa di- rection canonise celle de la Reine et l'administration de la Régence , puisqu'il est constant en premier lieu que nous dissipons plus d'argent en vue semaine pour faire au R^oy vue meschante et impuissante guerre et pour enrichir des Princes, que le Roy n'en despensoit en deux mois, soustenant la guerre en tant d'endroits et auec tant de gloire et d'auantage contre toute la maison d'Autriche? Pour ce qui est des violences, en peut-on imaginer aucune c[ui puisse esgaler celle d'attaquer vn Roy mi- neur lorsqu'il a sur les bras d'autres ennemis très consi- dérables, vouloir abattre son authorité, diuiser l'Estat, et donner lieu par ce moyen aux Espagnols de reprendre en peu de temps et auec facilité ce qui a cousté la vie à tant de braues gens et espuisé la plus pure substance des peuples? Y a-t-il de plus grande violence que de tenir en captiuité des Ambassadeurs contre le droict des gens ? Que d'emprisonner des Euesques et les empescher d'aller dans leurs Diocèses contre le droict diuin ? Que de retenir par force tant de gens de bien qui sont au désespoir de se voir enfermez dans vne ville rebelle , et qui bazardent leur vie à tous momens pour secouer le ioug de cette tyrannie, tesmoin l'Euesque d'Authun^ ? ' Arrêt de la cour de parlement portant défense à toutes personnes...^ de clianger leurs noms et se trauestir pour sortir de In ville,... du 20 iar?' 196 CHOIX Y en a il de plus estrange que d'oster iusques à la li- berté de la voix et des plaintes à des misérables qui souf- frent? que de menacer de mort ceux qui seroient si har- dis que d'ouurir la bouche pour parler du bien et du repos de Paris ^ ? que de remuer iusqu'aux cendres de nos pères et fouiller dans les sépultures pour trouuer de l'argent? que de songer à vendre les Calices, à despouil- 1er les Eglises et les reliques de leur argenterie et de leurs richesses , comme si le Turc estoit à nos portes ? enfin que de remplir les cachots de la Bastille d'inno- cens , sans en interroger aucun depuis plus d'vn mois, après tant de diligences que le Parlement a fait luy mesme auprès du Roy pour faire régler qu'on fust obligé d'interroger chaque prisonnier dans les vingt quatre heures de sa détention , conformément aux Or- donnances , dont il se moque lorsque l'obseruation le regarde et non pas le Roy ? Pour ce qui est du soulagement du peuple, ha! que nous esprouuons bien à nos despens si le Parlement a eu à cœur pour le procurer en effet ou seulement à la bouche, pour nous entraisner à le seruir dans les autres desseins qu'il formoit ! Qui ne touche au doigt auiour- d'huy que toutes les charges que le peuple a suporté uîer 1619 [228]. Arrêt.... portant défences.... de laisser passer aucunes personnes.... auec passeport que par les portes Saint-lacques et Saint- Denys^ du 29 januier [2351. Arrêt portant qu'aucunes personnes ne pourront sortir de cette ville en vertu de passeports après huitaine du iour et de la date d' iceux , du H féurîer [344]. Le 16 fcATier, le parlement fît donner des gardes à Colion, évêque de Dol, et à Boutant, évêque d'Aire, accusés de correspondance avec le cardinal Mazarin, Voyez la Lettre in- terceptée du sieur Cohon, etc. [2243]. ' Arrêt de la cour de parlement portant défense à tous imprimeurs — d^ imprimer, etc. [232]. DE iMAZARINADES. 197 kisqu icy, estoient incomparablement plus douces et plus légères que ce que le Parlement iuy mesme nous fait souffrir présentement de capitations , d'extorsions et de violences ? N'a-t-il pas fait plus payer aux seuls habitans de Paris en quinze iours de ces désordres que ne monte la descbarge d'vne année entière que le Roy leur auoit accordée, quoy qu'elle fiist très considérable? et cet ar- gent là est employé à faire la guerre à nostreSouuerain; et l'autre Testoit à abattre la puissance des ennemis de cet Estât. On nous forge , cbaque iour, cent impertinences et cent chimères pour nous obliger à souffrir nos maux sans nous plaindre. On nous dépeint la Cour affamée elle mesme dans S. Germain ; le Roy sur le poinct d'en partir pour aller à Chartres ; le Duc d'Orléans tousiours à la veille de nous venir trouuer ; le Prince de Condé en dessein de se retirer dans son gouuernement, connoissant la foiblesse du party où il est engagé ; le Cardinal tenant tousiours ses chenaux sellés pour prendre la fuite. On nous repaist d'espérances d'enlèuemens de quartiers, de défaites des gens de guerre du Roy, de leur débandement faute d'estre payez. On nous dit que le Roy n'a pas vn sol ny moyen d'en auoir, qu'il n'a presque point de troupes et n'en peut assembler ny leuer dans aucun lieu. On nous amuse d'ouuerture des passages pour les viures, de ionctions de Parlemens , de Déclarations d'armées pour nostre party , de secours considérables qui vien- dront de Normandie , de réuoltes de Villes et de Pro- uinces entières ; et enfin on nous iure que le feu alumé dans Paris suiura indubitablement tout le Royaume. Premièrement faisons vn peu réflexion quelle doiè 198 CHOIX estre nostre impiété et nostre fureur de demeurer dans vn party qui met tout son salut en l'embrasement général de l'Estat et qui le désire auec autant d'ardeur que tous les bons François et tous les gens de bien ont d'borreur seulement d'y songer. Croirons nous que Dieu puisse iamais bénir nos desseins et nos actions si nous faisons de si détestables souhaits ? Que vous estes abusez (mes bons compatriotes); mais ie veux bien auoir la charité de vous détromper en vous apprenant ce que i'ay veu moy mesme à S. Germain dans vn voyage que i'y ay fait trauesty, par curiosité pour sçauoir la vérité des choses. Sçachez donc que toute la Cour est en ce lieu là, auec toutes les commoditez qui nous manquent icy, qu'elle est plus remplie de Princes , de Grands Seigneurs et de INoblesse , qui y accourt de toutes les Prouinces , qu'elle n'a iamais esté, qu'elle s'y tient en pleine seureté, ayant outre ses propres forces, des quartiers auancez que toute nostre milice et trente fois autant n'oseroyent affronter; Que le Roy ne fait point estât de partir de là que pour rentrer à Paris ou de vostre bon gré ou par force; Que le Duc d'Orléans ayme trop l'Estat et a trop d'intérest au soutien de l'authorité Royalle pour prendre iamais le party de ceux qui la veulent abattre , et que d'ailleurs il sent trop son cœur et sa naissance pour s'abaisser si fort que de venir prester serment de fidélité au Parlement; Que le Prince de Condé a tant d'horreur et outre cela si mauuaise opinion de tout ce que nous faisons, qu'il ne parle iamais que du restablissement de l'authorité du Roy et de la mettre mesme en plus haut point qu'elle n'a ia- ma'is esté, que coinme d'vne chose aussi infaillible que DE MAZARINADES. 199 luste : iugez si c'est là vne disposition à quitter le party oïl il est ; Que le Cardinal se porte mieux que ne voudroient ses ennemis, qu'il ne se met nullement en peine des Arrests qu'on a donnez contre luy , parcequ estant egallement iniustes et impuissans, il est assure que s'ils laissent quel- que tache, ce sera plus tost à l'honneur de ceux qui l'at- taquent sans suiet auec tant de rage, qu'à sa réputation qui se trouue assez establiepar lesseruices qu'il a rendus à l'Estat. l'ay sceu d'ailleurs qu'aucun Parlement du Royaume n'a donné d'Arrest semblahle et qu'il n'y a point de Présidial dans le ressort du Parlement de Paris qui l'ait «nremstré, nonobstant les ordres exprès qu'ils en auoient receu de luy; Ouy bien qu'ils ont vérifié la Déclaration du Roy qui leur attribue le pouuoir de iuger souueraine- ment % ce qui les a de nouueau engagez et toutes les villes où ils résident, à suiure aueuglément les volontez dn Roy; Que c'est vn amuse badaux que les deffaites des trou- pes du Roy et les enlèuemens de quartiers qu'on nous fait espérer. Nous n'auons osé les regarder dans le com- mencement du blocus , lorsqu'il n'y auoit dans chacun que quelques compagnies ; et l'on veut que nous les em- portions maintenant qu'ils sont fortifiez des meilleures troupes de l'Europe ! De plus i'ay bien trouué qu'il passe chaque iour quan- tité de soldats de Paris à l'armée ; mais nul de l'armée à Paris. Et il ne faut pas s'en estonner, veu que les bu- ' Déclaration du Roy par laquelle les présidlaux du ressort du parlement de Paris ont pouuoir de iuger souuerainement , etc., du 6 feurier 1d4^ [9181. 200 CHOIX tins qu'ils font dans les conuois qu'ils détroussent à chaque moment, sont des charmes bien plus puissans pour attirer et arrester la soldatesque, que le peu d'ar- gent qu'on luy donne icy au iour la iournée. l'ây remarqué en outre que vraysemblablement le Roy ne manquera pas d'argent. l'en ay veu arriuer estant à la Cour des voitures considérables qu'on disoit estre suyiiies d'autres de diuers endroits; à quoy il y a grande apparence ; les Prouinces estant comme elles sont, dans le calme ; et d'ailleurs le fonds de nos rentes qui ne se payeront plus icy, ne sçauroit luy manquer, l'ay veu aussi que l'argent ne s'employe là qu'aux despenses né- cessaires , et encore auec vne grande économie ; et icy nous le iettons auec prodigalité pour les superflues. Leurs Princes auancent du leur propre pour soustenir les af- faires ; et nous ne sçaurions assouuir la conuoitise des nostres ; et ce n'est pas merueille puisqu'ils ne se sont iettez auec nous que pour remplir leurs bourses. Nous despensons cinquante mil francs par iour, croyans d'auoir près de cinq mil cheuaux et douze mil hommes de pied. On trouue bien ce nombre ou à peu près dans les reuues de la Place Royale, où nos généraux font lesRodomons, et veulent tout engloutir; mais à la campagne, il est tousiours diminué des deux tiers. Voulez- vous sçauoir comment, faisant vne si prodi- gieuse despence , nous demeurons tousiours foibles et sommes battus partout ? C'est parcequ'à Paris nous payons vn soldat quatre fois, et qu'à la campagne quatre soldats ne se battent pas pour vn. Nous entretenons plus de généraux pour trois ou quatre meschans mil hommes que nous auons, que le Roy ne fait en toutes les armées qu'il est obligé de tenir sur pied. DE MAZARINADES. 20Î II est certain que la despence que nous faisons, tyran- nisant le tiers et le quart et prenant l'argent à tort et à trauers, où il se trouue, sans autre forme ny raison que la volonté de nos nouueaux Seigneurs , et cela pour faire vne guerre au légitime Souuerain, il est sans doute, dis- ie, que cette despence suffiroit au Roy pour entretenir toutes les armées de terre et de mer et contraindre les ennemis à faire vne paix glorieuse pour la France. Comment accordera-t-on ce qu'on nous presche con- tinuellement de l'armée du Roy avec ce qui se passe cha- que iour ? Nous voyons que cette armée là est nécessai- rement séparée en diuers quartiers fort esloignez les vns des autres; et cependant ils ne sont pas seulement tous en entière seureté ; mais nous ne sçaurions faire sortir toute nostre caualerie de Paris qu'on ne luy coure sus aussitost et qu'on ne l'oblige à la retraite ou à la fuite. Chacun de leurs quartiers est tousiours prest à com- battre toutes nos forces ; et on nous veut persuader que le Roy n'a point de troupes ! Il faut bien ou que les nostres soient bien foibles , ou qu'elles ne valent rien, ou que nous soyons trahis, ou que les autres soient en plus grand nombre qu'on ne nous veut dire. Pour les ouuertures des passages , si nous réussissons tousiours comme à CorbeiP et a Charenton% nous pou- uons bien nous recommander à nos ma^azins du Louure et voir combien de iours encore ils nous empescheront de mourir de faim. Hors de cela, ie ne voy pas grande ressource aux exploits de nos braues combatans. On vient leur enleuer sur la moustache en plein iour vn poste retranché et qu'on auoit incessamment fortifié de- * Journée de Juvisy, le 24 janvier. ^ Prise de Charenton, le 8 février. 202 CHOIX puis quinze iours, muny de tout iusqu'à quantité de feux d'artifice, et cela à la veue de Paris, et qui plus est, de toutes nos forces , et sans auoir eu que les troupes dVn de leurs quartiers ; et elles ne laissent pas de nous pré- senter le combat, au mesme temps qu'elles enuoient de l'autre costé à l'assaut ; et elles emportent des fortifica- tions défendues par trois mil hommes, que nous auions choisis pour les meilleurs, et qui Festoient en effet, sans qu'vn seul des nostres ait éuité la mort ou la prison ; et tout cela ne peut obliger nos troupes à s'aduancer vn seul pas, ni à quitter le poste qu'elles auoient choisi pour s'enfuyr en seureté dans nos portes. Monsieur et Monsieur le Prince ne manquent iamais a monter à cheual dès que nous sortons. Ils se trouuent en personne à cette exécution ; ils y bazardent leurs vies ; et nous sommes encore si idiots et si foibles que de nous laisser siffler qu'ils sont au désespoir d'estre à Saint- Germain, que le Cardinal les a enleuez avec le Roy, qu'ils n'y demeurent que pour empescher la suite des mauuais conseils dudit Cardinal , qu'ils bruslent d'enuie de faire que le Roy satisface le Parlement ! Cependant les prières de la Reine, de Madame , de Mademoiselle , de Madame la Princesse, et de toute la Cour ne peuuent obtenir qu'ils n'aillent en personne en tous les lieux où il y a occasion de battre nos troupes; et nous serons si dupes de croire qu'ils n'agissent que molement et contre leur gré ! Pour la ionction des Parlemens, nous laisserons-nous tousiours surprendre à cet artifice grossier dont on nous bufle, lorsqu'on fait aller au Palais et à la Maison de Ville des personnes apostées , comme s'ils estoient dépu- tez des autres Parlemens et ayant charge d'eux de pour- DE MAZARINADES. 203 suiure l'vnion avec celuy de Paris? On les appelle en présence de beaucoup de monde; on leur fait desgoiser ce qu'il a esté concerté qu'ils diroient; et on sort après auec des exclamations au peuple , comme s'il ne man- quoit plus rien à son bonheur, et qu'il dust estre asseuré pleinement de l'heureux accomplissement de tout ce qu'd souhaitte. l'ay apris bien loin de cela, que le Parlement de Diion a fait vne enqueste curieuse pour trouuer vn sédi- tieux et le faire pendre, qui auoit affiché la nuit aux portes d'vne Église l'Arrest donné icy contre le Cardi- naP, et que toutes les Compagnies souueraines de Bour- gogne ont enuoyé à Saint-Germain protester de leur obéyssance parleurs députez. Le Parlement de Dauphiné a donné ordre aux siens de dire au Roy qu'il déteste la conduite de celuy de Paris et qu'il mourra pour son seruice, s'il est nécessaire. Le Parlement de Bourdeaux auoit résolu d'enuoyer cachetée à la Reyne la Lettre de celuy de Paris' si elle luy eust esté présentée. Il n'y a rien de si faux que l'Arrest imprimé et pu- blié dans Paris comme donné par le Parlement de Bre- tagne contre le Cardinal \ On y deuoit pîustost publier » C'est apparemment d'après cette pièce que Mailly raconte la même anecdote. En tout cas, il est certain qu'il se trompe quand il la met sur le compte du Courrier de la Cour^ etc. [821]. ^ Lettre de la cour de parlement de Paris envoyée aux parlemens , etc. [1936]. 5 Arrêt de la cour de parlement de Rennes en Bretagne contre le nommé Iules Mazarin, etc. [34d], « Ce iour, dit le Journal du Parlement, sous la date du 7 février, les colporteurs ayant vendu par Paris vn arrêt du parlement de Bretagne contre le cardinal Mazarin, et ledit arrêt s'estant troimé faux, les exemplaires en furent saisis et déchirés, auec défense de. les plus exposer. » 204 CHOIX les deffences très-expresses qu'il a faites de leuer des gens de guerre dans la Prouince, autrement que sur les Commissions du Roy, qu'il a en mesme temps enuoyé asseurer de sa parfaite obéyssance. Cependant la plus véritable conséquence qu'on puisse tirer à mon aduis de cette supposition d'Arrest, aussi bien que de l'autre qu'on fait de faux députez des autres Parlemens, c'est qu'il faut que nos affaires soient bien désespérées puis- qu'elles ne sont appuyées que sur de si foibles fonde- mens , et que nostre cause soit bien mauuaise puisqu elle a besoin d'estre soustenue par tant de faussetez et d'ar- tifices. Le tumulte arriué à Aix pour vn soufflet donné au laquais d'vn Conseiller a esté aussitost appaisé qu'esmeu* et semble mesme n'estre arriué que pour vn plus prompt accommodement de l'affaire des deux Semestres, afin de faire cesser non-seulement le désordre, mais toute occa- sion de brouillerie à l'aduenir. Cependant le Parlement a enuoyé vn courrier extraordinaire au Roy pour l'as- seurer de son entière obéyssance. Le Parlement de Thoulouze a fait dire et escrit au Roy qu'il maintiendroit tout le Languedoc dans vn plein calme et qu'il donneroit en cette occurrence des preuues d'vne fidélité inuiolable. Il n'y a eu que Rouen seul que les cabales du Duc de Longueuille ont porté a nous imiter ; mais quel secours pouuons-nous en attendre ? Croirons-nous que Rouen seul puisse plus à trente lieues, pour forcer les quartiers du Roy, que Paris qui n'en est qu'à vne heure de che- ' Lettre d\n conseiller au parlement de Prouence , etc. [1859] ; Relation véritable de ce (jui s'' est fait et passé dans la ville d'Aix en Prouence , etc- [3202]. DE MAZARLNADES. 205 min et qui a dix fois autant d'habitans et de richesses ? l'ay apris mesme que le Comte d'Harcourt est en cette Prouince là auec vn corps de caualerie capable de dissi- per ou de battre tout ce qui voudroit s'assembler 5 et d'ailleurs on m'a assuré qu'il arriuoit de tous costez tant de troupes pour l'armée du Roy qu'on auoit dépesché sur leur marche pour les enuoyer autre part, comme y estant inutiles. Quel effort peut faire après cela le Duc de Longueuille ? Cependant nous fondons toute nostre ressource sur cette chimère. Le Duc de Bouillon nous promet aussi qu'il disposera de son frère et de son armée; mais on ne dit pas icy ce que i'ay trouué à Saint-Germain^ que le Mareschal de Turenne a escrit au Roy et à la Reyne pour les assurer de sa fidélité, y adioustant mesme qu'il seroit inconsola- ble si on l'auoit creu capable d'adhérer au crime du Duc. Pour conclusion, on ne nous amuse que de chimères et d'illusions ; et nous sommes si peu aduisez que nous nous payons de cette monnoye et nous disposons mesme à souffrir les dernières extrémitez pour des gens qui , après auoir bien exténué nos corps et nos bourses , nous sacrifieront à la fin pour se sauuer, si nous n'auons la prudence de les préuenir. Tirons-nous de tant de mi- sères par vne généreuse résolution : nostre Roy nous tend les bras et ne veut qu'vne bien petite marque de nostre amour pour donner des prennes solides du sien et venir rendre Paris heureux par ses bienfaits et par sa présence. Nous voyons qu'il prend plus de soin de nous tesmoigner sa tendresse à mesure que nos affaires pren- nent vn plus mauuais train. Il a eu mesme la bonté pour nous sauuer, de relascher beaucoup cnuers ceux du Par- lement, taschant encore vne fois de les réduire h leur 206 CHOIX deuoir par la douceur et applanissant les chemins pour les y porter ; tesmoin les Déclarations qu'il a enuoyëes à eux et à nous^ Serons-nous si aueuglez que de résister encore à tant de grâces ? et ne faut-il pas croire que nostre ruine est résolue dans le Ciel si nous résistons plus longtemps à la voix qui nous appelle ? le m'assure que plus des deux tiers d'entre vous ont horreur de nostre rébellion et des cruautez qu'on nous contraint d'exercer contre nous-mesmes. Qui est celuy qui se peut vanter d'auoir quelque chose de propre ? Tout est à vous , Messieurs, qui nous tenez le pied siu' la gorge et prenez nostre bien, ]^^ous voilà enfin dans vos fers. Nous n'auons pu supporter des charges ordinaires establies depuis quinze ou vingt années 5 et nous souf- frons auiourd'hy qu'on nous mette tous à la faim , que nos petits enfants courent le risque de mourir à la mam- melle de leurs mères , ne trouuant plus que succer ; et nous ne l'endurons pas seulement; nous l'approuuons; nous le louons, et croyons faire des merueilles. Prenons courage ( mes chers compatriotes ) ; obligeons le Parle- ment à obéyr au Roy et à sortir de Paris. Les gens de bien de la Compagnie béniront vne si douce violence qui les affranchira de la tyrannie des factieux qui les en- traisnent dans leurs détestables résolutions. le voy bien que vous estes de mon aduis, mais que personne n'ose encore s'en expliquer à son compagnon. 11 y a quatre cens mil hommes dans cette panure ville qui n'attendent que l'heure de voir quelque bon Fran- çois qui ait la générosité de se déclarer le premier pour se ioindre aussitost à lui. ' Déclaration du roi, du Z féurier 1649, par laquelle sont donnés six iours ajux hahitans de Paris pour rentrer dans leur deuoir [912]. DE MAZARINADES. 207 Si vous ne itigez pas qu'il soit encore seur Je s'assem- bler en public, pour concerter la chose, que chacun en confère auecses amis en secret. Qui nous empesche après, allant à la garde ou dans l'occasion de quelque sortie, de prendre le chemin du Palais et de déclarer à nos nouueaux Maistres qu'il faut qu'eux et nous reconnois- sions l'ancien et le légitime et qu'ils sortent de Paris. Le Roy a eu la bonté de leur enuoyer donner pleine seureté, qu'il ne sera point touché à leurs personnes ny à leurs biens ^ sans excepter mesme d'vne si grande grâce les plus factieux et les plus criminels d'entr'eux. Persis- teront-ils après cela à nous vouloir encore enseuelir dans leurs ruines? et s'ils le font, le souffrirons-nous? Cou- rage donc (mes braues Concitoyens) ; et n'attendons pas les dernières extrémitez à prendre vne résolution qui sera alors nécessaire , mais sans mérite auprès du Roy parce qu'elle ne dépendra plus de nostre volonté et que nous y serons absolument contraints. Taxes faites des maisons sises aux enuirons de Paris et ailleurs , en exécution de V Arrest suiuant du Conseil [3753] ^ . (il ïéxvïeT 1649.) Le Roy voulant pouruoir à la subsistance et entrete- nement des troupes que sa Maiesté est obligée d'entre- ' « L'esprit du Cardinal Mazarin, tousiours porté au mal et à la hayne particulière qu'il a conceue iniustement contre le Parlement et la ville Capitale du Royaume, ne se contentant pas de Poppression qu'il s'est efforcé de leur faire par la voye ouuerte des armes , a encore voulu se 2u8 CHOIX tenir et de faire séiourner aux enuirons de Paris pour réprimer la rébellion et le réduire à son ohéyssance, et pour cet effet assurer vn fonds certain à prendre sur les terres , maisons et héritages appartenant aux bour- geois, habitans et officiers de ladite ville : sa Maiesté estant en son conseil, la Reyne Régente sa mère pré- sente, a ordonné et ordonne que lesdites terres, maisons et héritages, appartenant aux dits bourgeois, habitans et officiers de ladite ville de Paris, seront taxés par vn rolle qui en sera arresté au conseil de sa Maiesté , pour l'en- trétenement et subsistance desdites troupes, et que trois iours après la signification qui sera faite desdites taxes aux receueurs et fermiers desdites terres, maisons et hé- ritages , ils payeront en ce lieu entre les mains du sieur Longuet , trésorier général de l'extraordinaire des guerres, commis par sa Maiesté à la recepte desdits deniers ; autrement et à faute de ce faire dans ledit temps, le recouurement desdits deniers sera fait par les seruir des inuentlons de son pays , ayant fabriqué auec ses fauteurs et adhérens vn instrument auquel il a donné jDOur titre Arrest du Conseil , qui porte vne taxe à prendre sur tous ceux qui sont demeurans dans la Ville de Paris pour sauner du feu et du pillage de ses Satellites les Chas- teaux et autres Maisons champestres qu'ils ont à la campagne et enuirons de ladite Ville. La Cour de Parlement en ayant eu aduis, y a pourueu par sa prudence accoustumée et a , le Lundy 22 dudit mois de Feburier, donné arrest par lequel elle a fait deffense à toutes personnes de payer lesdites prétendues taxes et ordonné que le Sieur Fouquet, Maistre des Requestes, apporteroit au Greffe de la Cour le pouuoir qu'il auoit de faire la leuée d'icelles, et iusques à ce qu'il eust satisfait, qu'il demeure- roit interdit de la fonction de son office. » Le Courrier françoîs , etc. [830], 6^ arrivée. « Après les princes et quelques partisans , qui possède tout l'argent de France, sinon eux (/e^ magistrats du parlement)? A qni appartiennent les plus riches fermes, les plus superbes chasteaux, les plus belles terres et les meilleurs fiefs nobles de la campagne, sinon à eux? » Jîéfutafion de la réponse sans iugcment au bandeau de la Justice [3068]. DE MAZARINâDES. 209 troupes d'infanterie et de caualerie de sa Maiesté ; à chacune desquelles sera donné vn rolle particulier des- dites taxes par cantons pour leur tenir lieu de monstres, subsistances et recrues, lesquelles ils exécuteront contre les y dénommés par saisie et vente de tous les meubles, bestiaux et matériaux qui se trouueront dans lesdites maisons, mesme par coupe des bois de haute futaye et taillis et autres voyes qui leur seront ordonnées par sa Maiesté comme pour ses propres deniers et affaires. Et sera le présent Arrest exécuté nonobstant opposition ou empeschement quelconque. Fait au Conseil d'Estat du Roy, sa Maiesté y estant, la Reyne Régente sa mère présente, tenu à Saint Germain en Laye , le quinzième iour de feburier 1649. Signé de Guénégaud. Rôle des taxes. Les terres de Champlastreux et Le Plessis Vallée, ap- partenans au sieur Mole , cy deuant premier président de la Cour de Parlement, transférée à Montargis, paye- ront pour partie de la subsistance et entrètenement des troupes de sa Maiesté, comme il est dit dans l'Arrest, la somme de huit mil Hures ; La terre de Goussainuille , appartenant au sieur Ni- colaï, président en la Chambre des Comptes, huit mil Hures ; La terre du Mesnii Sainct Denys, appartenant au sieur de Montmaur, quatre mil Hures ; Les terres de Roissy, Eponé, Bray sur Seine, Balagny, appartenans au sieur de Mesme, cy deuant président en ladite cour, six mil Hures ; Les terres du Mesnii et Moregard , appartenans au 210 CHOIX sieur Amelot, Premier Président à la Cour des Aydes, six mil Hures ; La terre de , appartenant au sieur d'Orieux, président en la Cour des Aydes, trois mil Hures ; La terre de Fontenay sur Marie , appartenant à la venue du sieur Meliand \ deux mil Hures ; Vue maison à Saint Cloud , appartenant au sieur Le Coigneux ", cy deuant président en ladite cour, six mil Hures ; Les terres de Vatan et Bréuannes, appartenans au sieur Aubry, président en la Chambre des Comptes , quatre mil Hures ; La terre de La Ferté en Normandie , appartenant au sieur Marc La Ferté, quatre mil Hures ; Vne maison sise à Vitry , appartenant au sieur Le Noir, président en la Cour des Aydes, trois mil H- ures; La terre du Tremblay, appartenant au sieur du Trem- blay, quatre mil Hures ; Le terre d'Hésanuille, appartenant à maistre Prélabé, deux mil Hures ; Vne maison sise à Saint Aubin, appartenant au sieur de Grieux , président en ladite Cour des Aycîes , trois mil Hures ; La terre du Plessis et vne ferme dans Yilpinte, ap- partenans au sieur de Flexelle , président en la Chambre des Comptes, quatre mil Hures ; La terre d'Aury La Chapelle, appartenant au sieur de * Procureur général au parlement de Paris. * Il passait pour l'auteur de la Très humble remontrance du Parlement an^ Roy et à la Rejne Régente [3814]. DE MAZÂRiNADES. 211 Brion , président en la Cour des Aydes , trois fiiil iiiires ; La terre de Ville Eurard, appartenant au sieur DoUu, deux mil Hures ; La terre de Courberon, appartenant au sieur de ISes- mon*, cy deuant président en la Cour de Parlement, six mil Hures ; La terre de Berny, appartenant au sieur de Bellièure, cy deuant président en ladite cour, six mil Hures ; La terre de Magnanuille, appartenant au sieur Bris- sonnet, maistre des requestes, quatre mil Hures ; La terre de Bauille, appartenant au sieur de Lamoi- gnon, maistre des requestes, quatre mil Hures ; La terre de Bonnelle , appartenant au sieur de Bon- nelle, trois mille Hures ; Vne maison sise dans le village d'Aty, appartenant au sieur Boucherat , maistre des requestes , quatre mil Hures ; La terre de Villebon, appartenant au sieur Potier^, cy deuant président en ladite cour, six mil Hures ; La terre de Beauregard, appartenant au sieur Ardier, président en la Chambre des Comptes , quatre mil Hures ; La terre de Morman, appartenant au sieur Lefebure, trésorier de France, deux mil Hures; La terre du Viuier, appartenant au sieur Crepin , cy deuant conseiller en ladite cour , trois mil H- ures ; • Il présida la chamhre de la Tournelle pendant le procès de Bernard de Bautru, dont il prit le parti avec une grande passion. Factum pour M. Bernard de Bautru^ etc. [1366]. *De Novion. 212 CHOIX La terre de Rëzë, appartenant au sieur Besnard V quatre mil Hures ; La terre de Montrenet, appartenant au sieur Garnier, président en la Cour des Aydes, trois mil Hures ; Vne maison sise à Pontoise, appartenant au sieur de Brousselle , cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Creuan , appartenant au sieur Le Nain, oy deuant conseiller à ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Gayonnet , appartenant au sieur Vion , deux mil Hures ; La terre de Lartiges, appartenant au sieur Le Meus- nier % cy deuant conseiller en ladite cour , trois mil Hures; La terre de Romilly, appartenant au sieur Duret de Cheury % quatre mil Hures; La terre de Nogent les Vierges, appartenant au sieur de Chaillou, maistre des comptes, trois mil Hures; La terre de laussigny, appartenant au sieur de Bra- gelonne, conseiller en la Cour des Aydes, deux mil Hures ; La terre de Roquancourt, appartenant au sieur San- guin, conseiller en la Cour des Aydes, deux mil Hures; Vne maison sise à Sussy, appartenant au sieur Gon- tier, cy deuant conseiller à la cour, trois mil Hures; La terre de Liury, esleciion de Melun, et vne maison sise à Cuuilly, eslection de Paris, appartenans au sieur Lionne, grand audiencier, trois mil Hures ; ' Voyt-/. le Parlement burlesque de Pontoise, etc. [2701]. ^ Il fut en 1650 un des commissaires du parlement pour la pacification de Bordeaux. Procès verbal fait par messieurs Le Mnsnier et B'.taut , etc [2893]. ' Président au parlement. DE MAZARINADES. 213 La terre de la Brosse, appartenant à maistre Mole, receueur des rentes de la Cour des Comptes, deux mil Hures ; La terre de Tauerny, appartenant au sieur de Lesca- lopier, deux mil liures ; La terre d'Oalle, appartenant au sieur Champeron, cy deuant conseiller en la cour, trois mil liures ; La terre de Nuë , appartenant au sieur Chezelles , deux mil liures ; La terre de La Grange , appartenant au sieur Séuin, cy deuant conseiller en la cour, trois mil liures ; La terre d'Euesquemont, appartenant au sieur Lesse- uille, maistre des comptes, trois mil liures ; La terre de Torcy, appartenant au sieur de La Croix, maistre des comptes, trois mil liures ; Vne terre au village de Montauban, appartenant au sieur de Yillebois, deux mil liures ; Les moulins de Gonesse, appartenant au sieur Laisné, cy deuant conseiller en la cour, trois mil liures; La terre d'Oynuilie, appartenant au sieur Barthélémy, maistre des comptes, trois mil liures ; La terre de Yalenton, appartenant au sieur Godefroy, deux mil liures ; La terre d'Escharcon, appartenant au sieur Bouguier, cy deuant conseiller en la cour, trois mil liures ; La terre de Bagneux, appartenant au sieur Chapelier, aiiocat général en la Cour des Aydes, deux mil liures; La terre de Vanure, appartenant au sieur Préuost \ cy deuant conseiller en la cour, trois mil liures ; * Charles Prévost, conseiller clerc. En 1649, il fut payeur de l'armée parlementaire; en 16o2, il présida les assemblées royalistes du Palais,- Royal. Arrêt du parlement de Pantoise , etc. [334]. 214 CHOIX Vne terre à la Planchette, appartenant à maistre Noire, mil liiires ; La terre de Chatenay et vne ferme à Saint Denys en France, appartenant au sieur de Longueil \ cy déliant conseiller à la cour, trois mil Hures ; La terre de l'Espine, appartenant au sieur de Moussy, maistre des comptes, trois mil Hures ; La terre de Richebourg près Clermont, en Norman- die, appartenant au sieur Jassaut, maistre des requestes , quatre mil Hures ; La terre de Gilvoisin, appartenant au sieur Gobelin ^ deux mil Hures; La terre de Ludy, près Melun, appartenant au sieur Payen % cy deuant conseiller en la cour , trois mil Hures ; La terre de Bisseuil , appartenant au sieur Amelot , maistre des requestes, quatre mil Hures; La terre de Brière le Chastel, appartenant au sieur Merat , maistre des comptes, trois mil Hures ; La terre de Poully et autres lieux en dëpendans, ap- partenant au sieur Coquelay, cy deuant conseiller en la cour, trois mil Hures; La terre d'Auffemont, appartenant au sieur Lieute- nant ciuil de Paris ^, six mil Hures ; La terre de Bernières, appartenant au sieur de Ber- nières, maistre des requestes, quatre mil Hures ; La baronnie de Melay, près Chartres , appartenant ' On lui attribue les Articles accordés entre messieurs le cardinal Mazarin^ le garde des sceaux Chateauneuf^ etc. [402]. ^ Deslandes Payen, On lui a dédié en 1649 le Discours adressé aux soldats- français^ etc. [1101]. UEsprit de guerre des Parisiens, eic. [1281], le range parmi les parlementaires frondeurs. =* Dreux d'Aiihray. Voyez le Silence au bout du doigt [3674]. DE MAZARINADES. 215 au sieur de Thou , cy deuant président aux Enquestes, quatre mil Hures; La terre du Tremblay, appartenant au sieur Miron *, maistre des comptes, trois mil Hures ; La terre d'Autheuil , appartenant au sieur Viallard , quatre mil Hures ; La terre de Périgny, appartenant au sieur Le Picard, maistre des requestes, quatre mil Hures ; Les terres du Blancmesnil et de Groslay, appartenans au sieur Potier, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil Hures ; La terre de Boisgreffier, pays d'Aunis, appartenant au sieur de Cumont, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Baillet, en France, appartenant au sieur Dubois, deux mille Hures ; La terre de Gois, près Prouins, appartenant au sieur du Tillet, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre du Boulay, appartenant au sieur Fauier, maistre des requestes, quatre mil Hures ; La terre de Chastillon , appartenant au sieur Lieute- nant criminel au Cliâtelet de Paris^, quatre mil Hures ; La terre de Neuuille , appartenant au sieur de La Grange, maistre des comptes, trois mil Hures ; Vne maison sise à Issy, appartenant au sieur de La Nauue, conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Villemenen, appartenant au sieur Lieu- tenant particulier au Cbâtelet, deux mil Hures; * Il figure sur l;i Liste de Messieurs les colonels de la ville de Paris, etc. [2307]. * Tardieu. 216 CHOIX Vne maison sise à Putheaux, appartenant au sieur Benoise, cy deuant conseiller, quatre mil Hures ; La terre des Meures, près Montfort, appartenant au sieur Courtin, maistre des requestes, quatre mil li- ures ; La terre de La Gallissonnière , appartenant au sieur Barrin, maistre des requestes, quatre mil Hures ; La terre du Tremblay et de Mousset dans ledit Trem- blay, appartenans au sieur de Bermond, (cy deuant) con- seiller en la cour, trois mil Hures ; La terre de Bougiual , appartenant au sieur Goret , trois mil Hures ; La terre de Sainct Germain près Corbeil, appartenant au sieur Le Roy, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; Yn tiers dans la terre de S. Peccais, appartenant au sieur Lottin , cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; La maison de Villetou, sise à Noisy, appartenant au sieur de Villefort, deux mil Hures; La terre de Brière , appartenant au sieur Maupeou , cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Marcouuille, près Pontoise, appartenant au sieur de La Grange, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Charni, appartenant au sieur Lottin, mais- tre des requestes, quatre mil Hures ; La maison de Chauconin, appartenant au sieur Pinon, deux mil Hures; La terre de Courtault et autres lieux, appartenans au sieur de Monteeot, maistre des requestes, quatre mil Hures ; DE MAZARINADES. 217 La terre de Louure, appartenant au sieur Le Féron, cy deuant président aux Enquestes , quatre mil Hures ; La terre de La Magdelaine, appartenant au sieur de Bragelonne *, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil Hures; La terre de Champigni , appartenant au sieur Bo- chard, maistre des requestes, quatre mil Hures; Les terres de Mesni , Ecouard et Noisi , appartenans au sieur Coulon*, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; La terre de Fourqueux, appartenant au sieur Bou- uard, (cy deuant) conseiller en ladite cour, trois mil Hures; Les terres d'Erblay, Gentilli et Etrichi, appartenans au sieur Préuost, maistre des requestes, trois mil Hures; La terre de Messy, appartenant au sieur de La Baillie, deux mil liure^; La terre du Tillet près Gonesse, appartenant au sieur Girard , cy deuant conseiller en ladite cour , trois mil Hures; Vne maison sise à logent , appartenant au sieur de Laffemas^, maistre des requestes, quatre mil Hures ; La terre de Pontcarré, appartenant au sieur de Pont- carré, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de La Guette, appartenant au sieur de Broué, maistre des requestes, quatre mil Hures; La terre d'Ebli, appartenant au sieur Charlet, deux mil Hures ; ' Voyez le Mercure de la Cour, etc. [24b2], et le Parlement burlesque de P ont ois e, etc. [2701]. * On peut consulter sur Coulon le premier billet du chevalier de La Valette : Lis et fais. Voyez plus haut. * Isaac de Laffemas. Il est auteur du Frondeur désintéressé [1452].. 218 CHOIX La terre de Villeregi , appartenent au sieur de Ville- regi, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Pruneuault , appartenant au sieur Foulé *, maistre des requestes, quatre mil Hures; La terre de Nouan, appartenant au sieur de La Barre, cy deuant président aux Enquestes , quatre mil Hures; La terre de Houille, appartenant au sieur Briu, trois tnil Hures ; La terre de Tore en Bourgogne, appartenant au sieur de Tore', cy deuant président aux Enquestes, ^w<2^/*e mil Hures ; Les terres de Tillemon et Beaumont, appartenans au sieur Le Nain, maistre des requestes, quatre mil Hures; La terre de Varize, appartenant au sieur Robin, mil Hures ; La terre du Val Cocatrice , appartenant au sieur Thi- beuf^, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La maison de Plaisance, appartenant au sieur de Ville- sauin, quatre mil Hures; La terre de Seri et maison de Chatou , appartenans au sieur Portail*, cy deuant conseiller de la cour, trois mil Hures; La terre de Tiersan , appartenant au sieur Ruellan , maistre des requestes, quatre mil Hures; Les terres de Chizay et Vualli , appartenans au sieur * Voyez V Arrêt de la cour de parlement de Bordeaux portant cassation des higemens . . . . du sieur Foulé, etc. [l'^'^j, et la Relation de ce qui s'* est fait et passé en l' emprisonnement du sieur Foulé, etc. [3106]. '^. Fils (lu surintendant d'Émen'. ^ Un des colonels delà ville de Paris. Voyez la Liste, etc. [2307]. * Il est auteur du Discours sur la députation du parlement à M. le prince de Condé\\\.Al], et suivant le cardinal de Retz, le rédacteur Ae la. Dé- claration du roi portant défenses au Cardinal Mazarin .. .. de rentrer dans le royaume, rtc. [025]. DE MAZARINADES. 219 Bitault \ cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; La terre de Montanglos, appartenant au sieur Quatre- sols,cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; La terre de Sercelles, appartenant au sieur de Ser- celles, deux mil Hures ; La terre de S. Dyë près Blois, et la ferme de Cauue- gny près Beauuais, appartenans au sieur Perrot, cy de- uant président aux Enquestes, quatre mil Hures; La terre de Gournay, appartenant au sieur Amelot, maistre des requestes, quatre mil Hures; La terre du Chemin près Lagny, appartenant au sieur VioUe^, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil Hures; La terre des Pippes près Grosbois, appartenant au sieur Godard, trois mil Hures; La terre de Martroy, appartenant au sieur Pinon, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; La terre de Noisy près Royaumont , appartenant au sieur de Meaupeou , cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; Vne maison sise au village de Clamard , appartenant au sieur Desnoyers et ses héritiers, mil Hures ; La terre de Malmaison, appartenant au sieur Perrot', cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil hures; ' Commissaire du parlement , avec Le Musnier, pour la pacification de Bordeaux. '^ Il était commis à la délivrance des passe-ports pour le parlement. Le cardinal de Retz le nomme un des auteurs de la Requête de madame la princesse de Condé (2 décembre 1650) [3475]. Il y a contre lui un Arrêt de la cour de parlement , etc. (1654) [341]. ^ Voyez V Esprit de guerre des Parisiens, etc. [1282] et le Mercure de la Cour, etc. [2455]. 220 CHOIX La terre d'Eauboniie , appartenant au sieur Eau- bonne, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; Vne maison sise à Auberuilliers, appartenant au sieur Montelon, auocat, deux mil Hures; La terre de L'Essart, appartenant au sieur Besnard, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de JMarly la "Ville, appartenant au sieur d'Ho- dicy {^hodicqy ^ cy deuant président aux Enquestes, quatre mil Hures ; La terre de Mortefontaine, appartenant à la venue du sieur Hautman, trois mil Hures; La terre de Jusanuigny, appartenant au sieur Molle, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil Hures; La terre de Brou, appartenant au sieur Feydeau^ cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; La terre de Quincy, appartenant à la venue du sieur de Quincy, deux mil Hures ; Les terres de Griselles et Chaumoy, appartenantes au sieur de Boulx, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Hures ; La terre de Viermes et vne maison sise à Suresne, ap- partenans à la venue du sieur Boulanger, cy deuant pré- sident aux Enquestes, quatre mil Hures ; La terre du Fay, appartenant au sieur Palluau, cy de- uant conseiller en ladite cour, trois mil Hures; La terre de La Douze, appartenant au sieur Charton ', ' Voyez V Esprit de guerre des Parisiens, etc. [1282]. • Abbé de Bernay. Voyez le Parlement burlesque de Pantoise, etc. [2701]. ^ Il fut, en 16b0, impliqué dans le procès du duc de Beaufort, de Gondy et de Broussel. Voyez les Causes de récusation contre monsieur le fjremier président, Et qiioy que nous nous préparions A donner quelques horions Sur les oreilles Polonoises, Alemandes, Basques, Francoises, Et celles généralement Que condamne le Parlement , le ne veux maintenant descrire Que des choses qui feront rire , Sur la feste du Carnaual Troublée par vn Cardinal. La veille de l'Epiphanie , Où d'vne plaisante manie Dont l'usage a fait vue loy, Chacun veut crier : le Roy boy! Lorsque tout le monde en gogaille Ne songe qu'à faire ripaille, Lorsqu'vn enfant est ordonné Pour dire : Fœbe Domine , Départant à toute la troupe Du pain qui fait vuider la coupe , Et qui fait des Roys dans le vin , Qui sont suiets le lendemain, Payant auec la bonne chère Leur monarchie imaginaire, Carnaual, le Dieu des loueurs, Amoureux , Gourmands et Beuueurs , Et des amateurs de la dance, Qui vient tousiours après la Pance, Pensoit chommer, comme autresfois, La gaillarde feste des Roys, Et que la coustume ancienne Feroit aussi chommer la sienne, lusqu'à celle du Mardy gras, Où l'on crèue de bons repas, Parmv les icux des Bacchanales 270 CHOIX D'orgies et de Saturnales ^ Il sçauoit bien que parmy nous On y voit tel nombre de fous De tous sexes et de tous âges , Qu'on n'y voit presque point de Sages Et qu'on ne consentiroit point Qu'il perdist de son embonpoint ; Mais vn Cardinal, faux Apostre, Le iour des Roys, fit que le nostre Deuant le iour prit le chemin De la Ville de Saint Germain. Cette nouuelle inopinée, Dans vne fameuse iournée , Surprit le Noble et le Bourgeois Et mesmes iusqu'au Villageois; Sur tout le Parlement Auguste Qui rien ne pense que de iuste , Dans l'enlèuement de son Roy, N'estant pas capable d'effroy, En sentit pourtant quelqu'attainte; Car la prudence est vne crainte , Mais qui se tempère aisément Par les règles du iugement. Ce corps , tout composé de testes , Auoit bien prévu les tempestes Qui se formoient depuis six mois, Auant cette veille des Roys, Par les opinions sinistres De ceux qu'on appelle ministres , Dont le chef est le Cai^dinal , Fort mal voulu du Carnaual. Pour reuenir donc à mon conte. Plein de colère et plein de honte, Ce grand Dieu des Plats et des Pots Débuta par ces beaux propos : DE MAZARINADES. 271 « Quoy, dans Paris, la bonne Ville, Où i'ay compté plus de cent mille Qui n'aimoient rien que les Festins , Qui dansoient comme des Lutins, Qui se piquoient de Sérénades, De Momons et de Mascarades , Et qui chantoient tant de chansons Dans la rue et dans les maisons; Dans ce Paris où les délices Se trouuent dans tous exercices. Où les Drilles et les Filoux , Le soir après qu'ils étoient soux De vin , de tabac et de bierre , LVn deuant, l'autre derrière, Surprenoient le Bourgeois craintif Qui se retiroit tout plaintif. Que son manteau, l'honneur des Gaules, Ne fust plus dessus ses épaules; Dans Paris où les cabarets Sont partout voisins de si prez ; Paris où l'on voit tant de Garces, De bouffons , de ioueurs de farces , Où l'on voyoit l'Oruiétan * Faire si bien le Capitan , Les deux Triuelins , les machines , Et mille nouueautez badines ; Dans Paris où les fils gaillards , En despit des Pères vieillards , Menoient la vie détestable Qui fait sauter du lit à table Gouuerte de nape ou tapis. Pour manger, ou poiu* faire pis ; ' Charlatan fameux dont les pamphlétaires ont quelquefois emprunté le nom. Voyez le Dialogue de lodelet et de rOruiétan, etc. [1080], et les Sanglots de l'Oruiétan, etc. [3584]. 272 CHOIX Car c'est pis quand les testes foies Perdent des monceaux de Pistoles, Quand trois dez sortant du cornet Mettent tous leurs coffres à net ; Dans ce Paris nul ne s'appreste A chommer dignement ma feste, Et personne ne songe à moy Depuis qu'on enleua le Koy. Tout le monde est dans l'humeur sombre. On voit des soudrilles sans nombre , Qui furent iadis mes supposts ; Eux qui vuidoient si bien les pots, Ils les remplissent de lem s testes , De peur de certaines tempestes, Qui gTondent voirement dans l'air, Mais qui se forment dans le fer, Dans l'airain et autres matières, Qui font bossus les cimetières. Plusieurs voudroient continuer Le plaisir cju'ils ont à iouer, Et se chauffant aux corps-de-gardes, Engageroient plustost leurs bardes ; Mais tousiours quelque Qui va là? D'où vient cecy? D'où vient cela? Et quelque nouuelle impréuue Partout à l'instant répandue Leur fait perdre tout le plaisir Qu'en paix ils prenoient à loisir. L'vn iure que Monsieur le Prince Mène le Roy dans sa Prouince; Et l'autre dit qu'en peu de temps Il entrera dans Orléans. L'autre, que le Duc de Lorraine Et le Mareschal de Turenne Se sont desià mis en chemin DE MÂZAUINADES. 273 Pour Paris ou pour Sainct=Germain; Vn autre de meilleure grâce Vient s'informer en quelle place Il pourra trouuer à bon prix Des pains qui ne soient pas petits , Et dit qu'il a veu de charrettes Plus de deux mille toutes prestes Pour vn conuoy de Longiumeau , D'Estampes ou de Palaiseau; Yn autre parle des rauages Que FEnnemy fait aux passages , Au Bourg la Reyne, à Meudon* ; Mais ils plaignent tous Charenton^, Protestent qu'en cette occurrence Paris manqua de diligence Et qu'il eust bien pu secourir Tant de gens qu'il laissa mourir, Puisqu'il fust sorti de la ville De Bourgeois plus de trente mille ; Mais vn autre qui est plus fin, Dit qu'on n'a perdu qu'vn moulin, Et que Ghastillon et tant d'autres Ont bien payé la mort des nostres , Outre qu'il espère dans peu \enger mieux le braue Glanleu; Vn autre qui n'a veu de guerre Ny iamais ouy de tonnerre Que celuy de nostre Arsenal , Croit en sçauoir plus qu'Annibal, Et raisonnant siu^ la sortie, Dit cfu'il falloit qu'vne partie ' Harangue à la Reine par messieurs les curés des bourgs de Sceaux , etc. [lo39]; le Départ des Allemands et des Polono'is du châtenu de Meudon [1003]. - La prise de Cbarenîoii csl clu 8 f'éviier. I 18 Î74 CHOIX S'en allast droit à Saint-Denis, Où restoit fort peu d'ennemis. Vn bourgeois tout plein de courage Dit que s'il sort, il fera rage, Et qu'il ne craint point le trespas Plus que le reste des soldats. On entend iusqu'aux liarangères, De teste et de langue légères , Qui disent : « le sommes perdus ; Commère, ie sommes vendus. » Mais laissons là la populace Qui sans suiet crie et menace , Et qui iaze indiscrètement De la Cour et du Pailement, En faisant tous les politiques Dans la place et dans les boutiques. Pestons contre cet Animal Qu'on appelle le Cardinal. Est-il possible qu'vn infâme Qui sert d'homme et seruit de femme, Pratiquant en ses ieunes ans L'Amour qui ne fait point d'enfans , Cet homme qui fait des despences En pommades et en essences Plus que n'en faisoient autresfois Pour leur maison force grands Koys, Que celuy qui monstre à la France Des ragousts de resiouyssance , Que le berlandier si fameux , Qui sans le ieu n'estoit qu'vn gueux , Cet lioinme qui tient à grand gloire Et croit estre bien dans l'histoire Pour auoir esté le Parrain Du hoc appelé IMazarin , Qui laissant périr nos armées, DE MAZÀRINADES. 275 Par son auarice affamées, Fit icy venir de si loin, A force d'argent et de soin, De ridicules personnages Auec de lasciues images*; Quoy, ce Zany, ce Pantalon, Ce Phorphante , ce Violon , Ce longleur qu'on déguise en Prestre, Qui ne veut et qui ne doit l'estre, Viendra troubler mes passe-temps , En France receus de tous temps , Pour faire voir au lieu de Masques Des Peaux de Renard et des Casques , Et nous fera deuenir sourds A force d'ouyr les tambours Et les fifres et les trompettes Qui rompent les plus dures testes ! Sera-t-il dit que ce vilain, Pour estre dans vn Sainct Germain , De l'autre ait empesché la Foire Où i'auois mis toute ma gloire, Où l'on voyoït tous les hyuers Les raretez que l'vniuers Produit dedans chaque contrée. Où l'on rencontroit dès l'entrée Des sauteurs, des faiseurs de tours. Des hommes qui monstrent des ours , Des Singes , des Marionnettes , Et mille conteurs de sornettes; Et lorsque l'on estoit dedans, L'on y voyoit autant de gens Que de sortes de marchandises , De meubles et de friandises; Le acteurs de la comédie italienne. 276 CHOIX C'est là qiion voyoit des tableaux D'hommes, de bestes et d'oyseaux, Et que Ton voyoit eu nature Ce que Ton voyoit en peinture , Et ce qu'ailleurs on ne voit pas. C'est là qu on a veu de gros chats , Enfermez dans de belles cages , Oublier leurs humeurs sauuages. C'est là qu'auec certains lettons Qui valent sonnent dix testons , On iouoit vaisselle et monnoye , L'vn estant triste, l'autre en ioye. Ce détestable Cardinal, Outre le festin et le bal , Priue Paris de ses délices, Luy qui n'aime rien que les vices ; Si c'estoit vu graue Caton, N'eust-iî pas de Ijarbe lui menton , Mesmes s'il estoit vn peu sage , S'il estoit sçauant personnage, le souffrirois sans murmurer L'affront qu'il me fait endurer. Mais n'estant qu'vn sot, vn pagiiole N'ayant dans sa teste à calote Que de la fumée et du vent, le le trouue trop insolent. Toutes fois, malgré sa malice, Qui me rend vn mauvais ofQce , Dans mon extresme affliction î'ay cette consolation ^ Que mon ennemy le Caresme De luy sera traité de mesme, Et qu'on ne l'obseruera pas IX on plus que moy dans les repas. Ainsi se ioig^nant à la France DE MAZAUÏNADES. 277 Qui le va poursuiure à outrance , Le Caresme et le Carnaual Feront la ^merre au Cardinal. » Catéchisme des Partisans^ ou Piésolutions théo- logiques touchant V imposition, leuée et emploi des finances^ dressé par demandes et par ré- ponses^ pour plus grande facilité, par le R. P. D, P. D. S, /. LG52]\ (19 février 1649.) Demande : Qv'est-ce que le Roy ? Responce : Vous m'auriez fait plus de plaisir de me demander qu'est-ce que Dieu , puisqu'à l'imitation d'vn Ancien, après auoir pris du temps pour y respondre, ie serois quitte en auouant mon ignorance ; car auiourd'huy la flaterie met la Royauté en vn tel point, l'Intërest , l'Ambition et l'Auarice s'en forment vne idée si estrange que , si Dieu venoit en terre , non plus dans la vie ah- iecte de lésus Christ , mais dans Fesclat, la splendeur et la vertu d'vn de ses Séraphins, à peine trouueroit il place, non pas dans la maison du Roy, mais parmy les domes- tiques d'vn Fauory. D, Te ne m'informe point quel peut estre le sentiment de ceux qui n'ont point d'autre Dieu que leur intérest , ny d'autre Religion que la satisfaction de leurs sens, le ' L'auteur est le R. P. dcm Fkrrc de Saint-Joscpîî , do l'ordre des Feuillants. Après la paix de Saint-Geriiiain , on a dor.né dv- ce pamphlet une suite qui n'a ni le inûne sens, ni le même inicrct. 278 CHOIX demande quel est le vostre et quel doit estre celuy dVn véritable Chrestien. R. Puisque vous le désirez ainsi et qu'il ne m'est pas permis de vous refuser, et que d'ailleurs dans les Caté- chismes que nous dressons pour l'instruction des enfans dans les mystères de nostre créance, nous commençons par l'estre de Dieu , qui est le fondement de tout, en leur apprenant ce qu'il est , encore que nous sçachions par la foy que Dieu est incompréhensible , et que nous n'ayons point de noms ni de termes par lesquels nous le puissions parfaitement exprimer ny définir ; de la mesme manière et par proportion pourtant, car il ne faut iamais faire de parallèle des hommes auec Dieu, ie diray que le Roy est l'image viuante de Dieu, le caractère sacré de sa maiesté, de sa grandeur, de son authorité et de son in- dépendance ; le premier mobile sous cet Empire immua- ble qui par ses ordres donne le branle et le mouuement à tous les inférieurs ; c'est le Sonuerain visible sous le suprême inuisible pour la direction et l'exercice de sa prouidence et de la iustice temporelle sur les hommes sans autre dépendance que celle de Dieu; en vn mot c'est le premier rayon émané de ce Soleil Incréé, le pre- mier ruisseau de cet Océan Infini, qui communique les lumières et les eaux pour la direction des corps et des biens de fortune et auquel en cette qualité nous sommes attachez après Dieu par plus de deuoirs qu'à aucune autre puissance temporelle. D. Le Roy est il le maistre de la vie de ses subiects? R. Cuy, mais non pas en la manière que l'entend la Politique de Machiauel, mais en celle que nous appre- nons de l'Euangile , c'est à dire qu'exerçant la iustice de Dieu sur les hommes, il a droit de leur oster la vie ou de DE MAZAHINADES. 279 la leur conseruer conformément aux lois de Dieu et non autrement, ou à celles qu'il a establies et qui ne déro- gent point à celles de Dieu s'il ne veut pécher ; car c'est vne chose qu'il faut bien obseruer, et qui sert comme de fondement aux responses qu'on doit faire à toutes les questions qui se peuuent proposer en ces matières : que les Roys ne sont pas d'eux mesmes absolus et indépen- dans ; qu'il n'y a que Dieu qui possède cette perfection par soy mesme et de soy mesme; et qu'ils dépendent absolument de luy et ne peuuent rien au delà de ses lois ni de ses ordonnances, comme les Gouuerneurs des Pro- uinces sont obligés de suiure les ordres et les commande- mens des Roys. Et c'est pour cette raison que, dans l'Ancien Testament, il estoit ordonné au Roy de prendre le liure de la Loy de la main du Prestre; et dans celuy de la Nouuelle Alliance on luy fait baiser le liure de PE- uangile lorsqu'il assiste au sacrifice auguste du Corps de lésus Christ, pour lui monstrer l'obligation qu'il a de suiure les ordres de Dieu et de l'Éuangile , et la protes- tation continuelle qu il fait de les obseruer. Ainsi le droict de vie et de mort qu'a le Souuerain sur ses sub- iects, doit estre réglé par les règles diuines et infaillibles lorsqu'il s'agit ou de tirer vengeance des crimes ou de pardonner aux coupables. Et c'est sur ce fondement que Sainct Paul les propose comme redoutables, n'ayant pas inutilement le glaiue à la main; et que le Chancelier re- fuse de sceller les lettres de grâce lorsqu'il voit qu'elles ne sont pas dans l'ordre de la lustice. D. S'il y a des limites au pouuoir des Roys touchant la vie des hommes, y en a-t-il aussi en ce qui regarde leurs facultez ? Le Roy n'est il pas le maistre de tous les biens de ses Subiects? N'a-t-il pas droict d'en disposer 280 CHOIX selon son plaisir, sans autre motif ny considération que sa seule volonté? En sorte que, quand il prendroit tout, il n'useroit que de son droit; et s'il en laisse quelque chose , c'est vne grâce et vne aumosne qu'il fait , de la- quelle on lui a obligation et à laquelle il n'estoit point obligé. il. Nullement. Ce sont des maximes impies, damna- bles et abominables qui ne sçauroient estre approuuées ni authorisées parmi les peuples les plus barbares et les plus desnaturez , et qui n'ont esté inuentées que depuis quelques années par des sangsues populaires, par des hommes de gourmandise, de luxure et d'auarice pour seruir de prétexte aux vols et aux violences qu'ils ont faites à l'oppression de tout le monde, qui sont cause des troubles et des mouuemens que nous voyons à nostre grand regret, et dont les sentimens auroient esté tous contraires s'ils auoient esté en estât d'estre pressés, au lieu que, non pas leur mérite, mais la fortune ou le mau- uais Génie de la France les auoit mis en celuy de mettre les autres au pressoir afin d'en exprimer le sang, comme ils ont fait presque iusqu'à la dernière goutte. Il faut donc raisonner sur les biens de la mesme sorte et par proportion que sur les vies et mettre en tout et partout les lois de Dieu, de l'Éuangile et de la Charité, comme vn flambeau pour seruir de conduite afin d'esuiter les escueils et les précipices qui se rencontrent dans les fonc- tions de la puissance Souueraine. D. Eh quoy ? le Eoy n'a-t-il pas le pouuoir de mettre des impositions et des leuées sur ses Peuples? R. Ouy. Aussi ne scauroit on tirer le contraire de ce que nous venons de dire oii nous n'auons respondu qu'à la folie des iinpies qui, voulant tout mettre en la liberté DE MAZÀRINADES. 281 du Roy, vie et biens , sans autre règle ni raison que sa seule volonté, iustifieroient les cruautez des plus bar- bares et rendroient les plus cruels tyrans impeccables dans leur conduite. Ils peuuent donc imposer des con- tributions ; ils peuuent faire des leuées , mais tousiours dans l'ordre de la Justice Chrestienne et dans les circon- stances nécessaires pour faire qu'elles ne soient pas cri- minelles. D, Enseignez nous quelles sont ces conditions; car c'est le point le plus important en cette matière et sans lequel , n'y estant pas instruits comme il faut, nous ne soaurions à quoi nous résoudre dans les occurrences qui se peuuent présenter. R. l'aduoue que cette question est de grande consé- quence et bien nécessaire; mais aussy vous diray ie qu'elle en enueloppe et enferme tant d'autres auec clic que , pour lui donner tout le iour qu'elle demanderoit afin qu'il n'y restât rien à expliquer, il faudroit com- poser vn volume de plus de trente feuilles. Néanmoins pour vostre satisfaction présente , en attendant peut estre que ie le fasse plus a loisir, ie tascheray de l'es- claircir par quelques vérités que ie proposeray sans autre ordre que celuy auec lequel elles se présenteront à ma mémoire : 1 . Que comme diuers royaumes peuuent estre régis par diuerses lois, ie ne traitte ces matières que pour la France et par les règles soubs lesquelles les Fran- çois doiuent estre régis; 2. Que le royaume de France n'est pas vn Estât tyrannique ou le Souuerain n'ait pour obiect de sa conduite que sa 'seule passion ; 3. Que c'est vn royaume Cbrestien et Catbolique et qui depuis Clouis a fait. gloire de se tenir ferme aux maximes de FEuan- gile par dessus tous les royaumes de la terre, ce qui a 282 CHOIX donné à nos Roys le nom glorieux de Très Chrestiens ; 4. Que nos Roys ont leur domaine séparé d'auec celuy de leurs subiects ; 5. Que plusieurs prouinces de la France ne sont pas nées auec TEstat et n'y ont point esté vnies par les conquestes de nos Princes, mais se sont volontaire- ment soumises et données auec des conditions et des ré- serues tant pour leurs personnes que pour leurs biens, auec les contributions qu'elles deuroient faire, et la ma- nière auec laqueHe elles les feroient ; ce que les Roys ont stipulé, accordé et promis et ont obligé tant eux que leurs successeurs à les entretenir ; car si les contrats entre particuliers sont réciproquement obligatoires, il ne faut point douter qu'ils ne le soient dauantage lorsqu'ils regardent le public ou des communautez et qu'i n'y ait obligation en conscience de les obseruer de part et d'autre auec sincérité et bonne foy. De ces vérités qui sont notoires d'elles mesmes, il s'ensuit que le droict que le Roy a de faire des impositions et des leuées sur ses subiects , doit estre réduit dans les limites de la nécessité lorsque son domaine n'est pas suffisant pour y subuenir, et selon les concordats pour les Prouinces qui se sont données. D. Mais sans faire distinction de Prouinces, dites nous quelles sont ces nécessités. R. Ces nécessités sont la conseruation de la personne du Roy; son racbapt s'il estoit en captiuité; la deffense de l'Estat contre les ennemis estrangers et domestiques ; le repos et la tranquillité des peuples contre les factions, les rébellions, les vols, les iniustices , les violences des particuliers et toutes choses généralement quelconques qui causent la ruine ou dommage notable au bien public; car comme le Roy n'est pas moins obligé de protéger DE MAZARINADES. 283 son peuple et le deffendre de l'oppression qui lui est faite par les puissans dans son Royaume que de l'incursion et inuasion des ennemis estrangers, le peuple n'a pas moins d'obligation de contribuer pour sa deffense contre ceux là et sa déliurance de ses ennemis domestiques, que contre ceux qui combattent sous la liurëe d'vn prince estranger. Ainsi il n'y a point de doute qne le Roy peut imposer et que le peuple doit contribuer ce qui est né- cessaire en telles occurrences — /). Quelles impositions se peuuent et doiuent faire ? R. On ne sçauroit bien constamment ny auec vne dé- termination arrestée respondre à cette demande. Il y en a de plusieurs sortes. Les vnes se font par imposition pécuniaire sur les fonds ou sur les personnes ou sur tous les deux, qu'on nomme tailles réelles, personnelles et mixtes ; les autres sur les denrées nécessaires à la vie et qui croissent dans le Royaume, comme sur le vin et le sel ; les autres sur les choses qui entrent des Royaumes estrangers, qu'on appelle douanes ou traittes foraines. Pour celles qui regardent les tailles mixtes, il semble qu'elles soient les plus iustes et les plus équitables; car comme l'Estat contient et le sol et les hommes, il est bien raisonnable que l'vn et l'autre contribuent à sa con- seruation dans vn ordre et proportion conuenable. Pour celles qui concernent les choses nécessaires à la vie et qui croissent dans le Royaume, ce sont les plus dures et les moins Chrestiennes ; car quelle apparence de mettre de l'enchère sur ce dont les panures ne se peuuent passer et que la nature nous donne pour notre entretien ou sans trauail ou auec vn peu de trauail ? N'est ce pas assez que ie paye ou pour ma terre ou pour ma personne selon ma condition et mon trauail, sans payer pour le vin qui 284 CHOIX vient sur ma terre, qui n'est que le fruict de mon fonds et de mon labeur? Il n'en est pas de mesme des douanes et traittes foraines, lesquelles estant des marques de l'au- tliorité du Prince, tiennent en quelque sorte de la nature de son domaine ; d'autant que le Roy estant le maistre de son Estât , il a droit par cette seule considération , sans autre nécessité, d'empescher ou de permettre le commerce auec les estrangers, principallement pour les choses dont on peut se passer facilement et qui pour l'ordinaire ne seruent qu'au luxe et à la vanité; de façon qu'il peut tirer recognoissance de la permission qu'il donne du transport réciproque de ces marchandises de- dans ou dehors son P^oyaume. Mais aussi cette taxe doit estre modérée, ne doit estre que dans les villes fron- tières pour les entrées ou sorties du Royaume, et non pas dans le Royaume pour ce qui passe d'vne prouince à l'autre; ce qui seroit rendre TEstat estranger à soy mesme; ny pour toutes les entrées de villes lesquelles, quelque titre spécieux qu'on leur donne, sont tousiours des marques de diuision entre les frères dans vne mesme maison et sous vn mesme père. />. Vous venez d'auancer vne parole qui m'estonne et qui en fera bien estonner d'autres : eh quoi 1 le Roy est il de moindre condition qu'vn particulier? Ne peut il pas disposer de son bien comme il lui plaist? Ne peut il ])as le mettre en parti? Et ceux qui en traitent de cette sorte, sont ils pires que ceux qui font vn autre trafic pour l'auancement de leurs familles et l'éléuation de leurs enfans? Y a-t-il rien en cela qui ne soit licite? R. Yous n'estes pas le premier qui auez proposé cette difficu.lté. C'est le manteau dont se couurent tous les DE MAZARINADES. 285 hommes qu'on nomme cVaffaires, pour voler aucc impu- nité et en bonne conscience si leur semble, et le Ptoy et ses subiects. C'est sous ce beau prétexte que leurs mai- sons sont cimentées du sang des peuples, que leurs ameublemens sont composés des larmes des veufues et qu'ils portent sans rougir iusqu'au pied de l'autel et à la Table de lésus Christ la pourpre et le luxe tirés de la substance des orphelins et des misérables. Or pour vous releuer de cet estonnemeat et les désabuser, il faut ob- seruer que dans le fait ce n'est pas le nom qui fait le crime, mais la chose qui est exprimée par ce nom: ie veux dire que ce n'est pas le terme de Parti ou de Par- tisan qui est odieux et à détester ; c'est ce qui nous est signifié par iceux. D. C'est ce qu'il y a longtemps que ie désire de sca- uoir et que ie vous prie de m'enseigner. R, Les noms, comme vous scauez , n'ont Doint de si- gnification que celle que les hommes leur donnent ou qui prend cours dans la suite des temps. Ainsi ces mots de PARTI et de partisan, comme ces autres de traité et de TRAiTAîN^T, qui disent la mesme chose, ne disent rien de soy de mauuais, et sont indifférens pour estre appliqués en bien ou en mal; de manière que tous les Marchands qui viuent de leur trafic et en gens de bien , peuuent estre appelés traitans, et toutes leurs ventes ex achapts des traitez; mais ie prends ces mots selon le cours commun qu'ils ont en France depuis quelques an- nées oii l'on appelle traitajNs ou partisans vne secte de personnes qui composent auec le Roy de certaines som- mes liquides que la nécessité des temps l'oblige de Icuer sur ses peuples, à beaucoup moins qu'elles ne se montent comme au quint ou au quart près; et les contrats et 286 CHOIX actes par lesquels ils stipulent, c'est ce qu'on nomme TRAITEZ ou PARTIS. D. Et qu'y a-t-il en tout cela qui ne soit iuste et ho- norable ? R. Vous le conceurez plus facilement si nous en expo- sons le fait , suiuant la méthode des lurisconsultes quand il s'agit de quelque résolution. Supposons donc par exemple que pour les nécessitez de la guerre et l'entretien des armées il aye fallu imposer et leuer sur le peuple douze millions de liures que l'on a distribuées partie en augmentation de tailles , partie en taxes sur les officiers, et partie en création de nouueaux offices. Pour leuer cette somme, on traitte auec des personnes qui s'en chargent moyennant neuf millions qu'ils fournissent au Roy, ou peut estre moins, le reste leur reuenant bon pour leurs peines, le dis en ce cas que ces personnes of- fensent Dieu mortellement, qu'elles volent ce quart au Roy et à l'Estat, qu'elles sont obligées de le restituer; et il n'y a personne qui les en puisse dispenser. D. Mais ils font des auances et rendent l'argent plus promptement et plus prest au besoin. R. Il n'importe, parceque, si tout chrestien est obligé d'assister son prochain gratuitement, lorsqu'il est néces- sité, principalement s'il le peut faire sans aucune perte, il y a bien plus d'obligation d'assister le Roy qui est le père et le protecteur du peuple, et pour les nécessitez de i'Estat ; et si l'on ne peut pas auancer quelque chose la- (iuelle renient tousiours , comment est ce qu'on contri- bueroit de sa bourse aux despenses nécessaires pour le bien du public ? loinct que, comme tous les intérests des particuliers sont essentiellement engagés dans ceux du général, tous ces traitans ou partisans qui font partie du DE MAZARINADES. 287 corps de l'Estat, sont obligez d'y contribuer; ce qu'ils ne peuuent moins faire que par l'auance des sommes qui leur reuiennent auec le temps. D. Si cela est ainsi que vous dites, les trésoriers de l'espargne et autres ne sont pas sans défaut puisque leurs plus grands profits viennent des auances qu'ils font, et des grosses remises qui leur sont faites ; ce qui met le prix de leurs charges à des sommes immenses au delà des gages qui leur sont attribuez. R. Il n'y a point de difficulté en cela. Leur condition dans ces occasions n'est point différente d'auec celle des partisans dont ils peuuent porter le nom puisqu'ils en font l'office. D. Mais les vns et les autres ne prennent point ces grosses sommes dans leur bourse. Il les empruntent du tiers et du quart dont ils payent l'intérest; ce qui n'est pas raisonnable qu'ils fassent à leurs despens. R. A cela ie responds deux choses : Premièrement que les obligations de ces particuliers qui leur prestent auec intérest, sont usurières et par ainsi suiettes à resti- tution; en second lieu qu'il y a bien de la différence de prendre de l'argent d'autruy à cinq ou six pour cent, afin d'auancer au Roy pour après le reprendre sur soy mesme, et cependant en retenir par ses mains et en prendre quinze, dix-huit ou vingt pour cent; et c'est pour ce suiet que tous ces Partisans ou Trézoriers sont pimissables puisque, faisant auance du bien d'autruy, ils en prennent plus du Roy qu'ils n'en donnent pas aux particuliers; ce qu'on ne sçauroit désauouer estre vn vol public, punissable par toutes les Lois diuines et hu- maines, si l'on ne veut renoncer non seulement au Chris- tianisme mais au sens commun 288 CHOiX D. Depuis quelques années, on a inuenté une nou- uelle sorte d'imposition sous le nom d'Aisez et sous Aisez, qui a fait beaucoup de bruit et dont plusieurs se plaignent et à mon ingénient auec raison, le vous prie de m'en dire le vostre. /?. A cela ie ne sçay que vous rcspondre. Le cœur me saigne quand i'y pense. Cette inuention n'est pas des hommes. Elle ne peut estre sortie que de l'Enfer pour la ruine uniuerselle de l'Estat en général et de chacun en particulier ; qui met les François dans vne condition plus rude qu'ils ne seroient pas sous la domination du Turc et par laquelle il n'v a personne dans le Pioyaume, de quelque condition qu'il soit, qui puisse s'asseurer d'auoir vn tcston en propre et dont il puisse faire estât. D. le vous prie de me l'expliquer plus clairement. R. C'est que sous la domination du Turc les taxes sont arrestées et publiques, où chacun sçait ce qu'il doit par teste, après quoi il possède son bien en repos et tran- quillité. Au lieu que si outre les Tailles et mille imposi- tions qui sont sur les denrées, que l'on rend infinies par des augmentations si estranges que les peuples succom- bent sous le faix; si^ dis ie, outre cela il est permis à vn Ministre ou à vn Fauory qui abusera de l'authorité du Prince, de taxer les particuliers quand bon lui semblera, et à telles sommes qu'il lui plaira , sous prétexte qu'ils sont accommodez dans leur condition, et les contraindre de payer ou de gré ou de force, qui ne voit que c'est mettre tout le bien des particuliers au pillage de ces in- satiables et qui ne diront iamais : C'est assez, encore qu'ils ne trouuent plus rien à prendre. Il y a encore vn autre mal dans cette maudite inuention. C'est la mé- thode que l'on a tenue pour ces ieuées ; car ie ne diray DE MAZARINADES. 289 on ceci que ce dont ie suis témoin : qu'ayant fait signi- fier (les taxes d'Aisez, ceux auxquels la signification estoit faite, ayant recours aux Partisans à Paris ou à leurs sous Traitans ou Commis dans les prouinces, en estoient facilement dispensés, en donnant à sous main le quart ou le tiers de leur taxe; au lieu desquels on en substi- tuoit d'autres. Si bien que c' estoit vne porte ouuerte à vn brigandage public ; et pour vn million, par exemple, de traité qui en venoit au Roy ou, pour mieux dire, à ses Fauoris, il s'en leuoit quatre ou cinq sur le panure peuple. lugez si en ce cas la condition des François qui se disent libres pardessus toutes les nations du monde , n'est pas plus malheureuse que celle de ceux que nous appelons esclaues sous l'Empire du Turc! Remerciment des Imprimeurs à Monseigneur le Cardinal Mazarin [3280] ' . (4 mars 1649.) Monseigneur, nous ne serions pas dignes de nostre bonne fortune, si nous tardions dauantage à vous en re- mercier , auec tous les témoignages d'vne très-sensible obligation. Nous ne pouuons souffrir que tout le monde se plaigne de vostre Éminence, et que personne ne s'en loue. Vos bien- faits sont trop visibles pour les dissimuler- et nous les receuons dans vn temps qui les rend encor plus considérables , et qui confond la calomnie de tous * Ce pamphlet n'est cité qu'en passant par Naiulé. Il méritait mieux, I 19 290 CHOIX vos ennemis, L'on vous accuse de vouloir faire périr de faim la ville de Paris ; mais est-il rien de plus ridicule ? puisque c'estoit nostre corps qui s'en deuoit le premier sentir, et qui deuoit plutost tout seul satisfaire à vostre fureur , comme celuy qui a tousiours vescu dans le glo- rieux mépris des richesses, qu'il professe aucc tous les Maistres des autres arts nobles et libéraux , qui ne gar- dent rien d'vn iour à l'autre. Tous les bourgeois estoient munis de tout ce qui leur pouuoit estre nécessaire pen- dant vn blocus de plus d'vn an. Nous n'auions ny argent ny viures ; toutes fois grâces à Dieu, et a vostre Emi- nence, jMousieur saint Iules nostre second patron , nous sommes auiourd'liuy les mieux accommodez ; et nous craignons plus de manquer d'ancre et de papier , que de pain et de vin, ny de viande. C'est vue chose admirable aussi de quelle façon nous trauaillons. Vostre vie est vn suiet inépuisable pour les autheurs et infiitigable pour les Imprimeurs. C'est le plus heureux métier de Paris ; et le gain est auiourd'liuy com- parable à sa dignité. Il ne se passe point de iour que nos presses ne roulent sur plus d'vn volume de toutes sortes d'ouurages, tant de vers que de prose, de Latin que de François, tant en charactères Romains qu'en Italiques, connue gros canon, petit canon, parangon, gros romain, saint augustin, cicero etc. Vue moitié de Paris imprime ou vend des imprimez ; l'autre en compose ; le Parle- ment, les Prélats, les Docteurs, les Prestres, les Moines, les Hermites, les Religieuses, les Clieualiers , les Aduo- eats, les Procureurs, leurs Clercs, les Secrétaires de Saint Innocent, les fdles du Marais, enfin le Cheual de Bronze et la Samaritaine écriuent et parlent devons. Pierre du Quignet ne sçauroit plus garder le silence ({u'ont rompu DE MAZARÏNADES. 201 des statues , puisque les morts mesme ressuscitent pour venir dire leur sentiment de la conduite de Y. E. Les Colporteurs courbent souz le poids de leurs imprimez au sortir de nos portes ; ils ne font pas cent pas, qu'ils ne soient soulagez du plus pesant de leur fardeau ; et ils reuiennent à la charge avec vne chaleur plus que mar- tiale. Nous nous réiouyssons de tant de renom que vous vous estes acquis. Vous estes le seul du monde en qui l'on ait tant trouué à dire et à redire ; vostre nom ne mourra ia- mais, non plus que celuy d'Hérostrate qui hrusla le temple d'Éphèse, comme nous nous souucnons d'auoir plusieurs fois imprime ; aussi aucz vous plus entrepris ; et c'est toute autre chose d'auoir voulu consommer vne ville comme Paris et saccager tout vn Royaume. Nous ne mourrons iamais de faim non plus ; et la postérité ne pourra iamais ignorer, que nous n'ayons eu plus d'obli- gation à vostre Eminence, quoy qu'ignorante, qu'à tous les Doctes, et à tous leurs ouurages sacrez ou prophanes. Les armuriers ne témoignent pas moins de ressentiment du bonheur que vous leur auez causé. Le sieur de Beni- court, Maistre de la Chasse Royalle, vous en fera ses re- merciemens au nom de tous les confrères ; et vous deuez attendre la mesme reconnoissance de la plupart des au- tres corps de marchands. Ainsi , quoyque sans doctrine et sans valeur, V. E. s'est signalée par les lettres et par les armes. Il nous reste vne chose à désirer, pour comble d'vne dernière fortune ; c'est vn arrest de mort, qui sera celuy de vostre canonisation par nostre compagnie. Toutes les nations le feront traduire en leur langue; chaque pays , chaque ville , mais plustost chaque maison vous dres- 292 CHOIX sera vn Cénotaphe ; et la France particulièrement comp- tera ses années par celle de vostre supplice, qui sera celle de sa liberté. Ce sera pour lors qu'il faudra s'em- ployer nuit et ioiu^ à en faire des relations auec diuerses fissures en taille de bois: Ton criera vostre descente aux enfers , vostre rencontre avec le Marquis d'Ancre , vos- tre entretien auec lean Prochyte , qui sonna les Vespres Siciliennes , les reproches que Monsieur le Président Barillon vous fera du Sein d'A.braham , vostre testament de mort ^, les regrets de vos Niepces % les consolations à la Muti, la Martinozzi et la Manzini, vos sœurs, les iustes reproches de la Signora Portia Vrsina à Pietro Mazarini, vostre père, sur l'inégalité de leur Mariage, l'année Climatérique de la race Mazarine , contenant le progrez et la fm de la fortune des deux cardinaux auec leur apothéose, et autres galanteries qui se débiteront, bonnes ou mauuaises , pour les recueils que les curieux font de tout ce qui se publie. Nous espérons que ce supplice sera pareil à celuy de Saint lean de Latran , nostre principal patron. Il a esté le vostre, quand vous auez esté chanoine de son Eglise à Rome. La France qui vous donna sa voix pour cette dignité, que vous ne méritiez pas, vous condamne réci- proquement à la peine qu'il n'auoit pas méritée. Conso- lez-vous, Monseigneur, de ce qu'elle sera extraordinaire, et que les Césars et la plus grande part des personnes il- lustres ont fait vne fin tragique ; peut estre que les tour- ' Il y a en effet deux testaments du cardinal Mazarin; l'un, Testament solemnel du cardinal Mazarin, e\.c. [3766], est de 1649, mais du 19 jan- vier, et par conséquent antérieur au Remerciment ; l'autre , Testament du cardinal Mazarin, qu'il a renouvelé à son départ [3764] , est de 1651. - Les Soupirs et regrets des nièces de Mazarin, etc. [3708j ? DE MÀZARINADES. 293 mens vous seront plus doux que rappréhenslon qui vous bourelle si cruellement clans vostre conscience. Nous sommes oblifrez de faire des vœux tous contraires à ce Romain, qui pria les Dieux que l'empereur Adrian, qui le faisoit tuer, ne pust pas mourir quand il voudroit. Vostre Eminence nous a fait viure ; et nous ioignons nos intërests et nos prières auec ceux de toute la France, à ce que la mort vous déliure bien-tost des misères de la vie. C'est vn droict que vous deuez à la iustice diuine et humaine, et à la nature , contre qui vous auez pechë, et que vous ne pouuez satisfaire que par vne généreuse ré- solution d'expier vos crimes en expirant. C'est ce que désirent très passionnément pour le salut de Vostre Emi- nence, Monseigneur, vos tres-obligez et tres-affectionnez seruiteurs. L. I. D. P. Advis à la Reyne sur la Conférence de Ruel [472] '. (4 mars 1649.) Madame, voicy le coup de partie qui doit décider de grandes affaires. lusques icy, le Roy règne paisiblement ; vostre Maiesté est Régente ; et Paris en estât et en vo- lonté et mesme en impatience de reuoir bientost l'vn et l'autre. Il ne faut qu'vn seul moment et vne résolution mal prise pour changer toutes ces choses puisqu'elles sont en leur penchant et que la Monarchie de France est si * Nauclé range ce pamphlet parmi les pièces soutenues et raisonnées. Il l'attribue à l'abbé de Chambon, frère de du Chatelet. 294 CHOIX vieille, que le moindre accident peut la mettre à son dernier période. lusques à cette heure, Madame, le Con- seil d'en haut a creu que le Parlement auoit tort; ie ne diray point maintenant ce qui en est ; mais tous les peu- ples de France soustiennent le contraire ; et ils sont bien résolus de maintenir que l'authorité du Roy ordinaire et l'extraordinaire mesme, estendue iusques où les néces- sitez d'vne longue guerre la pouuoient raisonnablement porter, n'a point esté violée. Cet intérest public , ioint peut estre à celuy de quelques particuliers , produira , auec le temps, d'estranges monstres et qui pourroient aussi bien renuerser des Royaumes comme des maisons Bourgeoises et des chaumières de Paysans. Il semble, Madame, que le Ciel, depuis trente ans, ait coniuré la ruine de toutes les Monarchies. C'est pourquoy il faut éuiter soigneusement ce qui peut donner lieu à des ré- uolutions si funestes. Quand le bon Pilote voit que la tempeste est trop forte, il abbaisse les voiles. Faites en de mesme , Madame ; ne risquez point le tout pour vne petite partie; et n'obligez point le Roy à conquérir des villes en France, comme il fait en Espagne. Cela arriuera néantmoins. Madame, si vous continuez d'oster le pain et la paix aux Parisiens, puisqu'ils seront forcez de re- chercher l'vn et l'autre par les armes. Et comme les affaires ne finissent iamais par où elles commencent, Dieu seul peut cognoistre les accidens qui en pourront suruenir; mais les hommes et les Roys mesmes les peu- uent bien appréhender. Quoy qu'il en soit , qui ioue , bazarde ; et qui fait la guerre, peut aussi tost perdre que gagner. Le subiect armé contre son Maistre dénient son esgal; et l'authorité d'vn Prince est bien heurtée plus furieusement par des Canons que par des remonstrances. DE MAZARINADES. 295 Or, Madame, le remède à tous ces inconuéniens est de choisir promptement les moindres ; c'est à dire de ne point reietter les propositions très humbles de Messieurs les Députez, crainte que les peuples affamez ne perdent légitimement le respect qu'ils doiuent à Vostre Maiesté; et crainte aussi que ces rëuolutions si merueilleuses et si préiudiciables à tant de Royaumes n'achèuent leur cours au préiudice du vostre, si vous ne luy donnez bien tost la paix , en mettant fin à toutes ces guerres tant domestiques qu'estrangères. E. B. P. Lettre à Monsieur le Cardinal^ burlesque [1813]^ (4 mars 1649.) Monseignem", Monsiem , ou sieur Iules, le serois des plus ridicules , Si i'entreprenois auiomd'huy De parler de vous comme autruy. Quoy qu'on permette ou qu'on ordonne., Jules , ie ne suis pas personne A suivre vn sentiment commun , Et railler de vous ny d'aucun. le laisse agu^ la populace ; Qui le voudra faire, le fasse. le n'en dis mot ; car aussi bien Ce procédé n'est pas chrestien. Et puis cinq cens lettres escrites , Qui ne sont rien que des redites , * Naudé met cette lettre au-dessus des pièces burlesques de Scarrou. L'auteur est l'abbé de Laffemas, fils d'Isaac de Laffemas. 296 CHOiX Ne me laisseroient pas de quoy Faire quelque chose de moy. le ne ferois , à bien le dire , Que copier et que transcrire , Et n'aurois pas de ce costé , La gloire d'auoir inuenté. Donc , si ie produis quelque chose En ces Carmes cjue ie compose, Ce n'est que pour me diuertir, Ou, pour mieux parler, compatir A tous les maux où nostre France Se trouue depuis vostre absence; Car si nous vous tenions icy, Nous aurions nos iustes aussi * . Hélas! depuis vostre sortie Toute la ioie est amortie. On n'entend plus parler de bal ; Et dans le temps du carnaual, Les canons et les mousquetades Ont pris la place des aubades ; Et l'on chante, que les Amours Sont effrayez par les tambours^ . S'il nous auoit esté facile De vous tenir en cette ville , Enuiron deuers ce bon temps , Nous aurions esté plus contens. Le bourgeois eust quitté le casque. On eut veu la canaille en masque Se reiouyr, et (comme on dit) ' Les pièces d'or et d'argent à l'effigie de Louis XIII. On ne leur donne pas d'autre nom dans les Mazarinades. Un poëte du temps a écrit le Voyage des iustes en Italie^ etc 4063]. =* C'est la clianson qui court. N. D. T. C'est la Plainte de P Amour contre la guerre parisienne. Voyez plus haut les Dluerses pièces sur les colonnes et piliers des Maltotlers, etc. DE MÂZARLNiDES. 297 Crier : il a cl dé au lit. Mais , hélas ! quoy qu'il en pust estre , Vous n'auez point voulu parestre , Ayant préféré Sainct Germain A Paris que croyez sans pain ; Ce qui, pourtant, n'est quVne baye ; Car le Seigneur de La Boulayë Ce grand Gassion de Conuoy ' , Nous ameine touiours de quoy Nous garentir de la famine , Soit bœufs , soit moutons , soit farine , Cochons, et d'autres bestiaux, Auoine , foin pour nos chenaux , Enfin le gaillard ne sort guères Qu'auecque ses portes cochères , Il ne reuienne du danger Pour nous donner de quoy manger. Mais tout cela, quoy qii'on en die , N'est pas pour faire longue vie; Et ie crains fort que le blocus Ne mette à sec tous nos escus ; Car Blocus est vn capitaine Qui nous donne bien de la peine , Et qui , sans se mouuoir d'vn lieu , En peut bien faire iurer Dieu. C'est vn mal que vostre Éminence Nous fait souffrir par son absence. Vous deuriez estre , en ce besoin , Vn peu plus près , ou bien plus loin . Outre qu'en ce temps difficile Personne n'a ny croix ny pile ; Les riches sont bien empeschez. Il y a de ce passage un curieux commentaire dans la Lettre iouiale au marquis de La Boulaye. Voyez plus loin. 298 CHOIX S'ils ont des biens, ils sont cachez; Les Marchands ferment leur boutique ; Les procureurs sont sans pratique ; Les Pâtissiers , pour le Douzain , Au Heu de gasteaux font du pain; Les Vendeurs de vieille féraille , Les crieurs dliuistres à T écaille, Les apprentifs et les plus gueux Ne sont pas les plus malheureux ; Car, n'ayant aucun exercice , D'abord comm' en titre d'office, Eux et Messieurs les Crocheteurs , Se sont tous faits Colle -porteurs ; Et, si tost que le iour commence, Crient sans mettre d'Emmence , Voicy VArrest de Mazarin ^, Voicy VArrest de Mascarin^ La Lettre du caualier George ^^ (Si le nom n'est vray. Ton le forge); Puis , i^oicj le Courier françois ' Arriué la septiesme fois ; Voicy la France mal régie '' ; Puis , Tostre généalogie ^ ; La Lettre au Prince de Condé ^ Qui vous a si bien secondé ; Après , Maocimes autentiques , ' Arrêt de la cour de parlement.... par lequel il est ordonné que le cardinal Mazarin vuidera le royaume ^ etc. [217J. * Lettre du c/ieualier Georges de Paris à monseigneur le prince de Condé [2099]. Voyez plus haut. ^ Le Courrier françois apportant toutes sortes de nouuelles^ etc. [830]. * Je ne l'ai jamais rencontrée. * Généalogie ou Extraction de la vie de Iules Mazarin, etc. [Ii78]. ® Lettre d\n religieux enuoyée à monseigneur le prince de Condé , etc. [\ 895]. Voyez plus haut. DE MAZARÏNADES. 299 Tant morales que politiques *, Remoiistrances du Parlement^ ^ Qui sont faites fort doctement; Item , la Lettre circulaire ^ , A qui vous seruez de matière ; Lettre de consolation A Madame de Chastillon '* ; Bref, tout au long de la iournée Chascun, comme vue ame damnée, S'en va criant par-cy par-là Et vers , et prose , et cœtera , Il n'importe pas sous quel titre, Car c'est vous, seul que l'on chapitre ; Et, sous d'autres noms, quelquefois On vous donne dessus les doits. De dire par quelle espérance D'honnem^, de gain , ou de vengeance , Les bons et les mauuais Autheurs Donnent matière aux Imprimeurs , C'est ce que ie ne puis bien dire ; le sçay bien qu'on en voit escrire Quelques vns par ressentiment , Et d'autres par émolument; Et comme chacun veut repaistre , Le valet qui n'a plus de maistre, Ne voit point de plus prompt mestier, Que de débiter le cahier. Ou bien , dans la faim qui le presse Maximes morales et clwestîennes pour le repos des consciences clans les affaires présentes^ etc. [2427]. Très - humide remontrance du parlement au roi et à la reine résente [3814]. " * - Relation de ce qui s'est passé à Paris depuis V enléuement du roi iusqua présent, etc. [3 H 7]. ■* Lettre de consolation enuoyée à j}P'^ de Chastillon , etc. [1921]. 300 CHOIX Combattre pour Saincte-Gonesse*. Il n'est pas iusques à lodelet ^ Qui n'ait en main le pistolet , Ayant adioint à sa cabale Les gens de la Troupe Royale ; Si bien qu'eux tous , iusqu'aux Portiers , Ont cuirasse et sont Caualiers , Tesmoignant bien mieux leur courage En personne qu'en personnage. Chacun va cherchant son salut , Diuersement au même but^ Car vostre Troupe Théatine* , Qui fait vœu d'estre peu mutine , Ne croyant point de seureté En nostre Ville et Vicomte , A fait Flandre et dans des cachettes A serré les Marionettes, Qu'elle faisoit voir cy-deuant Dans les derniers iours de TAuant , Voulant cette Troupe nouuelle , Aller se reioindre à Bringuelle, Jusqu'à tant que, dans ce quartier, Soit en partie , ou tout entier, Vous reueniez prendre séance ' Aller cherclier du grain à Gonesse. N. D, T. Jodelet est un des personnages de la Fronde. On a publié le Dialogue de lodelct et de l'Oruiatau, etc. [1080], les Entretiens sérieux de lodelet et de Gdles le niais, etc. [12571, et lodelet sur V emprisonnement des princes [1736]. " Les Théatins, outre la prédication qu'ils faisoient cet Aduent der- nier, en Italien , voulant émouuoir l'assemblée par les yeux aussi bien que par les oreilles, faisoient parestre des petits personages pareils à ceux qu'on voit passer au-dessus de l'horloge du Marché-Neuf, quand les heures sonnent, pour représenter quelque histoire sainte; ce qui tenoit plus de l'artifice de l'Italien que de la deuotion du François. N. D. T. DE MAZARINADES. 301 Au Palais de vostre Eminence , Pourveu que vouliez chercher Des lits afin de vous coucher; Car, pour ne vous y point attendre , Ces iours passez on a fait vendre Vostre précieux demeurant , Et vos meubles au plus offrant , Excepté la Bibliothèque Qui demeure pour hypothèque A tous les scauans de Paris, Qui n'estoient point vos fauoris; Encor qu'en bonne conscience Ils méritent bien récompense , Estant certain que la pluspart Ont mis maints deniers au hazard , Soit en Liure, ou Thèse, ou Peinture, Afin d'estre en bonne posture Et d'obtenir asseurément Quelque notable appointement , Auoir Bénéfices ou Charges ; Mais vous n'êtes pas des plus larges; Et ie croy bien que ces Messieurs Peuuent chercher fortune ailleurs S'ils ne l'ont déià toute faite ; Car ie voy que vostre retraite Va vous oster tout le moyen De iamais leur faire du bien , Que par vostre retraite mesme, Qui leur feroit vn bien extresme ; Car vous les pouuez obliger Allant au pays Estranger. le sçay bien que cela vous peine; Mais vostre répugnance est vaine. En vain cherchez vous des détours. Il faut partir auant trois iours. 302 CHOIX Ne fondez point vostre espérance Snr l'effet de la Conférence*, Ou bien sur la facilité De quelqu'honeste Député. A moins que le peuple ne parle , Que maistre lean et maisti e Charle , Maistre Pierre et maistre Bastien , N'ayent dit : le le coulons bien^ Ce n'est pas encor chose faite ; Encor faudroit-il que Perrette, Dame Lubine et dame Alis Vous pussent souffrir à Paris , Et prissent vostre affaire à tasche , Comm' au quartier de S. Eustache , Elles firent pour leur Curé, Qui depuis leur est demeuré^. Ha ! que s'il m'eust esté facile , Quand vous estiez en cette ville , De vous aborder quelquefois , Et vous palier de viue voix. Vous seriez encore à vostre aise , Et n'auriez point fait de fadaize , Pourueu que mes petits auis Eussent par vous esté suiuis. Mais il nous estoit impossible. Vous estiez tousiours inuisible; Et l'on pouuoit mettre en escrit Dessus vostre porte, Cy-git! * De Ruel. Les députés du parlement partirent de Paris le 4 mars. * Il y eut, quelques années auparauant, dans la paroisse de Saint-Eus- tache, après la mort du curé, \ne émeute de femmes qui vouloient que l:i cure passât au neueu du défunt. La reine ayant dit à vne députation des insurgées qui auoit été admise deuant elle : « Vous l'aimiez donc bien ? — Eli 1 Madame , lui fut-il répondu , nous sommes accoutumées depuis cent ans à les voir se succéder de père en fils. » N. D. T. DE MAZARINADES. 303 Cependant qvi'en vostre Antichambre Où fumoit le lasmin et l'Ambre , L'Intendant et le Cordon bleu Festoient ensemble auprès du feu, Sçachant bien que pour toute affaire , Soit importante, ou nécessaire, Vous teniez en main le Cornet , Ou railliez dans le Cabinet , Auec Bautru, Lopes et d'autres*. Qui sont bien d'aussi bons apostres , Et deux Singes sur vos genoux , Qui dansoient parfois auec vous. Ce n'est pas viure à nostre mode. Le François a d'autre méthode; Et vous n'auriez pas fait tant mal D'imiter le feu Cardinal , Dont le discours et le visage Gagnoient le cœur du plus saunage , Donnant au monde tour à tour Vos audiences chaque iour. Vous déniez imiter cet homme, Et ioindre l'addresse de Rome A la science qu'il auoit De Politique et d'homme adroit. Comme vous auiez la puissance , Et de deniers grande abondance , Vous pouuiez finir nos langueurs Et par la Paix gagner les cœurs. Elle n'estoit que trop facile Grâce au généreux Longueuille, Si vous n' auiez point trauersé Ce qu'il auoit bien commencée * Voyez plus haut sur Bautru et sur Lopes V Adieu et passeport de 3Ia- ■Mrifiy etc. 304 CHOIX Voilà ce qu'il vous falloit faire Pour estre longtemps nécessaii^e. Sur tout il se faloit garder, Sans vn peu trop se hazarder, De toucher aux Cours Souueraines , Qui pour la pluspart sont hautaines , Et sano^lent vn homme tout net Par arrest de six cens dix-sept*, Et de lanuier, en cette année. Où l'on vous Ta helle donnée. Voilà ce que c'est de s'ingérer Aux affaires de l'Estranger. Excusez , Iules , ie vous prie , Si , d'vne plume si hardie , le semble auiourd'huy vous parler. le ne sraurois dissimuler. le dis icy ce que ie pense , Non par esprit de médisance , Mais bien par le dépit que i'ay, Que vous n'auez point ménagé Cet honneur que vous auiez d'estre Aussi puissant que nostre IMaistre , Faire de nouueaux Réglemens, Disposer des Gouuernemens , Conférer tous les Bénéfices , Créer, supprimer les offices , Bref, de faire, selon vos vœux, Les hommes gi-ands ou malheureux. Tant s'en faut que ie vous accuse , I'ay tousiours fait parler ma Muse Auec des termes de respect, Si que ie crains d'estre suspect , * Arrêt de la cour de parlement, du 8 iuillet 1617, contre le défun mar (juis d'Jncre et sa femme [204]. DE MAZARINADES. 305 Et besoin est que ie m'explique Selon Tair de la voix publique. Pourquoy vous traitterois-ie mal? Vous êtes vn grand Cardinal , Vn bomme de haute entreprise, Vingt fois Abbé , Prince d'Eglise , Quoy que ne soyez m sacris , N'ayant Ordies donnez ny pris, Et n'ayant point de Caractère , Non plus que l'art du Ministère. Il est vray qu'en ce dernier point. Cher Iules , vous ne sçauez point La science ny la pratique Du gouuernement Politique. le vous en parle franchement; Et chacun dit communément Que si , par le conseil d Vn autre , Loin de faire suiure le vostre. Vous vous fussiez pu contenter D'obéyi^ et d'exécuter, Vous auriez tousiours fait merueille , Tesmoin l'action non pareille Que vous fistes près de Cazal. On n'a iamais rien fait d'égal. Il faut que tout chacun Fauoue Et qu'en passant ie vous en loue. Sans contredit, ce coup fut beau; Mais ce fut vn coup de chapeau. Depuis, sans se faire de feste. Il falloit faire vn coup de Teste , Ou fuir les degrez les plus hauts Peur de faire voir vos défauts ; Pour le moins, si ce vous fut force De prendre à cette douce amorce, l'entends, l'honneur de dominer, 20 .3()G CHOIX Il s'y falloit mieux gouuerner. Il falloit estre fauorable , Doux , humain , visible , traictable , N'auoir aucune passion, Abolir la proscription , Ne causer la mort à personne, (Pour le moins à la Barillonne*). Ce n'est pas tout que s'esleuer ; L'esprit est à se conseruer. Vous connoissez bien quelles peines Vous font Pierr'Encise et Vincennes'. Vous en connoisîez le liazard ; Mais, Iules, c'est vn peu trop tard. Il faut , maintenant , faire gille , Vous en retourner en Sicile , Et, soit auiourd'huy, soit demain. Fuir, pour iamais, de S. Germain. Il ne faut point que l'on diffère. Cet Arrest , ou doux ou seuère , Est tout prest à s'exécuter. Et, si vous ne voulez vous haster, le crains bien fort, que chez vos niepces, Ne portiez pas toutes vos pièces, Et ne partiez de S. Germain Vn peu léger de quelque grain. le sçay fort bien , ne vous déplaise , Qu'auiourd'huy vous seriez bien aise. Si l'on vous venoit asseurer Qu'ici vous pouuez demeurer Dans le calme et parmy la gloire. * Le cardinal Mazarln était accusé d'avoir fait empoisonner le prési- dent de Barillon, prisonnier d'État à Pignerol. Vovez plus haut la Lettre d\n religieux , etc. * Pierre-Encise, où avait été détenu le maréchal de La Mothe Houdan- court, et Vincennes, d'où s'était évadé le duc de Beaufort. DE MAZARINADES. Mais , comme vous aiiez mémoire , le veux vser avec raison De la mesme comparaison, Qu'au poinct des affaires troublées , Vous listes sur nos assemblées, Parlant à Monsieur Boucqueual. Or ça , Monsieur le Cardinal , Parlons en saine conscience , Et souffrez auec patience Ce raisonnement délicat. Vous portez des Glands au Rabat*. Si, d'autliorité souueraine, Le Roy, ie ne dis pas la Reyne , Alloit dire : le vous défends De plus iamais porter des glands. le veux qu'il ne soit point blasmable De s'orner de cbose semblable. Mais , si le Roy le défendoit , En conscience auriez-vous droict D'en porter, malgré sa défense i* Cela presse vostre Eminence. Or venez ça, Respondez-nous ! Tout de bon, en porteriez-vous .^^ Non; vous n'en auriez point enuie; Vous n'en auriez de vostre vie; * Le cardinal Mazarin ayant appris que l'vnion des cours souueraines pourroit ruiner son authorité, tascha d'attirer les plus forts des compa- gnies ; et, voulant vn iour persuader à M. deBouaqueval, Doyen du grand conseil, que les assemblées n'estoient point permises, il se seruit de la comparaison des glands; il lui dit en ces mesmes termes : « Venez ça, M. de Boucqueual, vous portez des glands. Si le Roy vous défendoit d'en porter, vous seroit-il permis d'en auoir après sa défense? Respondez, disoit-il, cela vous presse. Or ie dis de mesme, puisque le Roy vous dé- fend de vous assembler, pourquoy, etc. » Cette comparaison seruit le lendemain de matière à tous les rieurs. N. D. r. 308 CHOIX Et sans vous enquérir, pourquoy? Vous voudriez obéyr au Roy. Ainsi le Roy, dont la prudence Met toutes choses en balance. Par Arrest de son Parlement, Vous enioint, sans retardement, De quitter la France , et sur peine D'encourir l'excès de sa haine. Pourquoy donc ne partez-vous pas ? Et qui peut retenir vos pas? Est-ce point que vous voudriez dire Que nostre Prince a moins d'empire Sur les hommes hauts et puissans Que sur leurs colets et les glands? Non, non; sans tarder dauantage, Allez , partez , pliez bagage , Crainte que Monsieur de Beaufort Ne vous enuoye vn passe-port Pour aller iusqu'en l'autre monde, Malgré le bras qui vous seconde; Car ny nos généraux, ny luy. Ne vous donneront point d'appuy. Puisqu'ils veulent, par leur vaillance, Restablir nostre panure France Dans son ancienne liberté. Vous n'estes pas en seureté. N'attendez pas que nos villages Soient réduits aux derniers pillages ; Et suffise que Charenton Vous couste le arand Chastillon. Ny le combat ny la victoire Ne vous sçauroient donner de gloire ; Et ie mets au rang des mal-heurs Vn bien qui vous couste des pleurs. Quand, par la suite d'vne guerre, DE MAZARINADES. 309 Vous aurez rauagé Nanterre, Meudon, Suresne et S. Denis, Vous serez les premiers punis ; Car ne leur laissant pas la maille , Ils ne payeront plus de Taille ; Et le Prince en maîorité Dira bien que sa Maiesté, Au temps de sa plus tendre enfance , Estoit soubmise à l'Eminence. Voyant son domaine enualiy, Il dira que l'on Ta traliy , Et quVn Ministre bien habile Ne deuoit point donner de Ville , Du moins en Souueraineté , Si force ce n'auoit esté. Mais ce raisonnement me passe, le vous demande encore arâce : Peut-estre vn peu trop librement l'expose icy mon ingénient ; Non par vn esprit de censure ; le l'ai desia dit, et i'en iure. Au contraire , c'est par pitië , Ou par vn reste d'amitié Que ie vous parle en ceste sorte , Et sans que l'humeur me transporte. Certes, nous auons, presque tous, Suiet de nous louer de vous. Pour le moins oserois-ie dire , Quand tout le monde en deuroit rire , Que vous auez fait de grands biens A Messieurs les Parisiens. L'Esté, vous faisiez d'eau de Seine Arrouser le Cours de la Reine ; Et , qui plus est de vostre estoc, Leur auez introduit le Hoc, 310 CHOIX Estably la plaisanterie , Et fait bastir vue Escurie * Digne de vous, grand Cardinal. Pardon ; la rime de Chenal M'a ietté dans cette pensée , ' Qui par vn mal-heur s'est glissée; Enfin, vous auez apporté Quelque chose à cette Cité ; Si bien que chacun , ou ie meure , S'entretient de vous à toute heure. Iviesme, depuis vostre départ, Les bons Beuueurs, à tout hazard , Vous louent de leur mal-heur mesme ; Car cela fait que ce Caresme ^ , Le poisson se vendant trop cher, Ils peuuent manger de la cher ; Et nonobstant le Priuilége , Ils doiuent cette grâce au Siège, Non pas au S. Siège Romain , Mais au siéae de S. Germain. Vne chose seule me ronge Et me fait peine quand i'y songe ; Ceux qui lestent de vostre cour Sont cachez icy tout le iour ; Et pas vn n'ose plus parestre , De crainte d'estre pris pour traistre. Mesme on dit que Cantarini * , Qui rimoit à Mazarini , Ne trouuant point chez qui se mettre , ' Un poëte a fait sur cette écurie des vers qui ont été puhli s dans its Diuerscs pièces sur les colonnes et piliers des Maltotiers , etc. Voyez plus haut. * Règlement de Monseigneur arclieuesque de Paris, tuiichant ce qui si- doit pratiquer dans ce saint te.w}>s de caresme [190 du Su))plénjeiit]. '(.'antarini était le Ijanqui'T du CMi-dinal Mazarin. DE MÂZAKINADKS. 311 S'est fait abréger d'vne lettre; Et voyant que son nom en Rin Rimoit encor à Mazarin , Dust il auoir vn nom Arabe , [1 retranche vne autre syllabe. Vn chacun d'eux fuit ce trantran, Hormis l'homme à TOruiétan , A cause qu'il est populaire , Et que sa drogue est nécessaire. Mais pour Monsieur Particelli , Les sieurs Miletti, Torelli, Aussi bien que toute la trouppe, N'osent plus auoir I en crouppe ; Et, de peur d'estre criminel, Torel'ii se nomme Torel. Vous en voyez de qui la mine. Pour paroistre vn peu fourbe et fine, Fait qu'ils passent pour estrangers ; Et pour éuiter tous dangers , Ils disent qu'ils sont de Prouence , Encore qu'ils soient de Florence, Et quelquefois Siciliens ; Car baste pour Italiens. C'est pour cela que ce bon homme , Qui monstroit la langue de Rome , Oudin, n'ose plus faire bruit* ; Et s'il l'enseigne, c'est de nuit. • Oudin est-il auteur de Mazarinades? Voici ce qu'on lit dans les En tretiens burlesques de 3P Guillaume, etc. [1247]. « N'tn déplaise à ce romaniste Dont le style est cent fois plus triste Qu'vn bonnet sans coiffe de nuit, Dont les écrits font peu de bruit, Quoique vers la Samaritaine On les voie aller par centaine. » 312 CHOIX Il cache son Dictionnaire , Et met en terre sa Grammaire ; Et ceux qu'il enseignoit aussi N'osent pas dire : Signor si. Pourtant ce n'est rien que folie ; On n'en veut point à l'Italie; Mais on confond l'Italien Auecque le Sicilien. Pour moy, ie ne fais pas de mesme .; Car, malgré ce péril extresme, Et deuant tout le genre humain , l'auQÙe que ie suis Romain. Ouy, ie le suis; et ie me picque D'estre très parfait catholique ; Mais quelque Romain que ie sois, le sçay parler en bon François. Plust au ciel, panure Seigneur Iule, Que n'eussiez point esté crédule Aux conseils de certains esprits. Et qu'eussiez fait , comme i'écris , C'est à dire auecque francliise. Quoyque Ton fasse mine grise Partout à vos rouges habits , Vous seriez encor à Paris, Dans la gloire et dans la puissance; Au lieu que vous estes en transe , Et n'auez (peur du courre sus) Que des sommes interrompus ; Attendant que Ton exécute Cet Arrest qui vous met en butte Au moindre homme qui l'aura beau. Et l'on dira comme au Rondeau*, • C'est le rondeau qui fut fait après la mort de feu M. le cardinal de Richelieu : « Il est passé l'éniinent personnage, etc. » N. D. T. DE MAZARINADES. 313 // est passé le personnage , Sans qu'on aioute, c'est dommage; Si ce n'est qu'vn cœur attendry Vous voyant peut-estre meurdry, Découuert et sans sépulture, Puisse plaindre vostre auenture , Disant , quand vous serez passé , An Requiesccit in pace. Pour moy i'en ferois danantaee Si vous auiez plie baofaoe, AT t> » ' JNon pas vous souhaitant la paix; Car vous ne l'aimâtes iamais ,• Mais , puisque vous aimez la guerre , Sitost que vous serez par terre , le veux supplier le Seigneur De quitter, en vostre faneur, Ses qualitez accoustumées Pour celle de Dieu des Armées. Soubs ce titre , ie vous prédis De Temploy dans le Paradis. Là , vous pourrez estre Ministre , Si , par quelque accident sinistre , Où vous ne vous attendez pas , Vous n'allez trauailler plus bas. le ne vous en puis rien promettre. Adieu, c'est trop pour vue lettre. le suis vu modeste Frondeur Qui me dis vostre seruiteur, Nicolas LE DRU. A Paris , de Mars le neufiesme , Qui n'eut ny Foire ny Caresme ; L'an que le Roy, le iour des Roys , Partit pour la seconde fois , 314 CHOIX Se retirant de cette ville Pour sauner l'homme de Sicile , Dont bien luy prit , et que Paris Fut assiégé sans estre pris. SGAZON. Non damna damnis , Beila non licet bellis, Referre ; pacem optare , pro dolis , praestat , Si Christianae quid valet fides legis. Ciet tumultus , Iulius , vetans pacem ; Me optare mortem Iulio putas? Nolim. Sedet tumultus, et Qidescat in pace. Sommaire de la doctrine cvrieuse dv Cardinal Mazarin par lui déclarée en vne lettre qu'il escrit à vn sien Confident ^ pour se purger de l'Arrest du Parlement ^ et des Faicts dont il est accusé. Ensemble la response à icelle^ par laquelle il est dissuadé de se représenter au Parlement [3683] ' . (4 mars 1649.) AU LECTEUR, SALUT. Amy lecteur, Cette lettre du Cardinal Mazarin, qui contient vn abrégé de ses pernicieuses Maximes , m'es- tant tombée entre les mains , i'ay douté si ie deuois la ' CVsl, (l'aprèi Naurlé, un modèle dis bonnes pièces. DE MAZARINADES. 315 donner au public, de crainte que les simples n'y trou- uassent de quoy se surprendre par les faux appas de ce Ministre et la couleur de ses raisons. Mais après les auoir bien considérées , et recogneu que , prises mesme auec le sens qu'il leur donne , elles font beaucoup plus pour sa condamnation qu'elles ne sont capables de le iustifîer , i'ai crû que ie ne deuois priuer les curieux de la satisfaction qu'ils pourront auoir par la lecture de ces Maximes si extraordinaires, qui feront voir que ce n'est pas sans raison que ce Ministre tyran a attiré sur luy l'indignation de tous les gens de bien. Et néantmoins, comme il s'en trouue qui n'ont pas assez de lumière pour pénétrer sa malice à trauers des faux iours qu'il a donné à sa conduite, ie te promets (cher Lecteur), à mon pre- mier loisir, la response à ces pernicieuses Max:imes ; par laquelle ie te feray voir qu'il n'y a iamais eu de Tyran aussi inique qu'il aye pu estre, qui ait commencé ses op- pressions sur des fondemens si dangereux que sont ceux que le Cardinal Mazarin establit pour raison de sa Doctrine ; me réseruant encores de te descouurir pour lors les Maximes de sa Politique , qu'il appelle Secrette, lesquelles ie te reserue pour ce temps. Adieu Lecteur, et lis attentiuement. Et premièrement la lettre ch Cardinal Mazarin à T. T. son Confident. Monsieur, la conduite de mon entreprise n'ayant vn succès si heureux, comme ie me l'estois promis, ie voids bien qu'il me faut chercher vne autre voye , pour me restablir au rang que i'ay acquis dans le Royaume; 316 CHOIX m'estant du tout impossible de mettre le Parlement et le Peuple à la raison, attendu la mutuelle vnion de toutes les Prouinces et leurs intelligences auec vne partie de nos gens de guerre, aux efforts desquels nostre party ne pourra re'sister, lorsque toutes leurs forces seront assem- blées pour nous combatre , c'est pourquoy ayant d'ail- leurs aussi esprouuë qu^ ie ne pouuois estre en seureté en aucun autre Royaume ou République, qui tous ont refusé de me receuoir, quoy que mon or et mon argent y soient en dépost, et que i'aye employé tout mon crédit pour les en conuier, i'ay résolu auparauant que d'at- tendre que ceux du party contraire ayent aucun aduan- tage sur moy, d'aller me iustifier au Parlement des accu- sations que l'on m'impose, pour faire leuer l'Arrest qu'ils ont donné contre moy sans aucune formalité; ce qui produit, ce m'a-on dit, vne nullité en la forme, et m'ouure le moyen de me faire releuer de la condamna- tion portée en iceluy. Mais pour y paruenir et ne rien faire auec légèreté, ie me suis fait enuoyer par vn de mes amis, qui a cognoissance des intentions de ceux qui me veulent du mal , vn Mémoire des Faits et Articles sur lesquels ils pourront me faire interroger ; lequel ayant receu de sa courtoisie , i'ay esté bien aise d'apprendre qu'ils n'auoient plus grande instruction contre moy ; ce qui me donne occasion de demeurer dans le dessein que i'auois pris. Mais auparauant que de l'exécuter, i'ay en- cores trouué à propos de communiquer à vne personne capable et affectionnée pour mes intérests (comme ie vous estime, Monsieur) , les responses que i'ay prépa- rées sur les calomnies que l'on m'impute, pour voir si ie ne me trompe pas , de crou-e qu'estant contraint d'ad- uouer tous les faits dont ie suis accusé , attendu que la DE MAZARINADES. 317 preuue en est maintenant trop facile à mes ennemis , ie puis, par la force de mon raisonnement et de ma Poli- tique , facilement destruire et satisfaire à tous les chefs des accusations que l'on me propose, sans laisser aucun suiet à mes iuges de rëuoquer en doute mon innocence. C'est ce qui me fait enuoyer vers vous ce porteur, pour vous donner auec la présente , \^ Mémoire de ces Faits apostillez de mes Responses, afin que ie puisse receuoir vostre sentiment au retour de ce Courier, qui est vue voye très fidelle et très seure. le vous prie donc de tra- uailler à cet examen auec la fidélité qui vous est ordi- naire ; et i'espère que vous iugerez comme moy qu'il est bien difficile de surprendre vn Italien rompu dans les grandes affaires, quand il a le temps de préparer sa défense , et qu'il faudroit auoir beaucoup d'addresse pour me susciter des accusations auxquelles ie ne puisse satisfaire par mes artifices. Espérant donc de vos nou- velles, ie suis, Vostre seruiteur et amy, I. M. C. A Saint-Germain-en-Laye, le 16 iour de féurier 1649. Ensuit le Mémoire enuojc par le Cardinal Mazarin à son Confident^ ou r Interrogatoire qu'il s'est fait ; Accompagné de ses Responses, \ . Lit. Premièrement , Interrogé de mon Nom et de ma Qualité ? Resp, le respondray que ie m'appelle lulles Mazarin; Et quant à ma qualité, que ie porte le tittre de Cardinal de la saincte Eglise Romaine , et grand Ministre du Royaume de France : laquelle dignité de Ministre te- 318 CHOIX nant le premier lieu clans TEstat après le Roy, me ren- droit indépendant de quelque iuridiction que se peust estre , n'estoit que ie me submets volontairement à celle du Premier Parlement du Royaume , dans le désir que i'ay de faire paroistre mon innocence aux yeux de toute la France, contre toutes les accusations que la liberté du temps a fait éclater contre moy, et dans l'asseurance que i'ay que ce Parlement , instruit de la vérité de mes intentions, ne dégénérera pas de son intégrité ordi- naire, pour me rendre la iustice que i'attends. 2. Int, De mon Origine et de mon Pays ? Resp. Que ie tiens à gloire d'auoir pris naissance de Mazara, ville de Sicille , parcequ'estant des dépendances du Royaume d'Espagne, celuy de France m'est d'autant plus particulièrement obligé, si, quittant les intérests de mon Roy naturel , i'ay laissé mon pays pour me donner entièrement a ce Royaume. 3. Ijit. De mon Père et de mon Extraction ? Resp, Que ie m'estonne , comme mes ennemis ont voulu prendre aduantage de ce que la fortune de mes parens ne corresp«fnd pas à la mienne, et se soient fort estudiez a cbercber les moyens d'auilir ma famille , veu que c'est le plus grand honneur qu'ils me puissent faire, puisqu'ils font voir par ce moyen que, comme vn autre Cicéron, le rang que ie tiens , n'est deu qu'à mon mé- rite, et que ie suis d'autant plus digne de le conseruer, que ie I'ay acquis par mes seuls artifices. 4. Int, Quels biens ma naissance m'a donnez; com- bien il m'en est écheu par donation , succession ou au- trement ? Resp. Que ie ne rougiray iamais de dire que ie dois tous les biens que ie possède à la libéralité du Roy; et DE MAZARINADES. 319 quoy que véritablement sa recognoissance ait ctë grande* en mon endroit, i'ose néanmoins me vanter que laReyne m'a souuent tesmoigné que les trauaux et les soins que ie prenois pour le Royaume, n'estoient pas suffisamment récompensez à l'occasion des nécessitez de l'Estat. 5. Int. Si dans les seruices que i'ay rendus à l'Estat, i'ay tousiours correspondu au rang que la Reyne m'a donné en son Conseil , et à la fidélité qu'vn premier Ministre d'vn Royaume doit à la couronne qu'il sert ? Resp. Que les personnes qui ont esté dans l'employ des grandes affaires, en rendront tesmoignage pour moy; et puis dire iustement que par ma subtilité, i'ay mis les affaires à vn tel point, qu'il n'y a que moy qui puisse y donner vn heureux succès par la continuation de mes artifices ; et tout autre qui en verroit les intrigues , sans en scauoir le secret, croiroit que i'ay ioué à tout perdre en quantité de rencontres , oii ie feray néanmoins voir l'aduantage éuident de la France. 6. Int. S'il n'est pas vray que i'ay tousiours préféré mes intérests à tous ceux du Royaume ? Resp. Que ie n'ay pas creu qu'en faisant les affaires du Roy, ie deusse négliger les miennes et que, iusques à présent, ie n'ay pas trouué de véritable Politique qui m'aye enseigné le contraire ; que Machiauel mesme, très affectionné pour les intérests du Prince , le conseille ; mais qu'il ne se trouuera que pour mon vtilité particu- lière , i'aye consenty à aucune chose qui pust causer quelque perte considérable à la France, si l'on considère mon procédé dans les maximes d'Estat , et non pas auec vne exacte recherche particulière de mes actions , qui n'estant considérées dans toute leur suite et les liaisons qu'elles ont eu l'vne auec l'autre , pourroient estre esti- 320 CHOIX mées par ceux qui n'ont vne véritable cognoissance de la Politique, n'auoir pas tousiours esté aussi sincères comme mes pensées Font esté , n'ayant iamais eu de soin plus particulier en mon administration que d'accomoder mes intérests auec ceux du Roy et de TEstat. 7. Int. Si ie n'ay pas transporté grande quantité d'or et d'argent hors du Royaume ? Si n'aguères ie n'ay pas faict passer douze mulets chargez d'or et de pier- reries que i'enuoyois à M. mon père ? Si ie n'ay pas des sommes considérables, tant sous mon nom que ceux de mes Confidens, aux banques de Venise et d'Amster- dam, et au Mont de Piété de Rome ? Si pour transporter l'or plus facilement, ie n'ay pas fait fondre les lustes et les Pistoles en lingots ? Si ie n'ay pas acheué vn des plus somptueux édifices qui soit dans Rome , que i'ay acheté bien chèrement ? Et si pour orner ce Palais, ie n'ay pas fait transporter les plus beaux et plus exquis meubles de l'Europe? Pourquoy ayant profité de ces biens en ce Royaume, ie ne les y ay pas consommez, et employez en acquisitions de belles terres ? Et pourquoy il semble que i'aye affecté de n'acquérir aucuns biens en France ? Resp, Que ie m'estonne comme l'on me propose pour crimes des actions qui tournent à l'vtilité du Roy et à l'honneur de l'Estat ; car qu'y a-t'il rien de plus glorieux à la France , que de faire paroistre aux Estrangers qu'elle n'est ingrate à ceux qui luy rendent quelque ser- uice, et d'attirer par ce moyen le cœur de tous ceux qui luy peuuent apporter quelque auantage ? Et ce sans in- téresser les finances du Royaume , puisque ie puis dire auec vérité, qu'il ne s'est pas transporté par mon ordre et pour mon particulier plus de trente millions , depuis le tems qu'il y a que i'ay l'honneur d'estre employé DE MAZARINADES. 321 dans le haut Ministère , qui est peu à comparaison des richesses qui sont en ce Royaume ; ce qui a néantmoins causé l'admiration de toute l'ItaHe , et fait connoistre aux Estrangers la puissance de ce Pays. D'ailleurs, qu'ayant sceu par la longue expérience que i'ay des af- faires , que la Fortune d'vn Estranger est exposée à de grandes calomnies, dont l'exemple est auiourd'hui ap- parent dans les affaires du Temps , il est sans doute que les gens d'esprit m'eussent accusé de peu de préuoyance, si ie n'auois mis mes biens en tel estât de sortir le moins intéressé qu'il m'eust esté possible, si la persécution de ceux qui me veulent du mal, eust esté plus violente et plus puissante. Et ceux qui considéreront de près, ver- ront encores que ce que ie n'auois aucuns biens consi- dérables en France, a beaucoup seruy pour ma conser- uation , ayant retenu des plus considérables de mon party, qui m'eussent abandonné si , par ma perte , il y eust eu quelque confiscation de conséquence à espérer ; en quoy l'authorité du Roy eust sans doute esté blessée, puisqu'il dépend de sa grandeur de maintenir ce qu'il a esleué, et de me conseruer en vn estât qui puisse ex- citer les bons esprits de luy vouer leurs seruices. 8. Int. Si ie scay que les transports d'argent et d'or sont contre les Ordonnances Royaux ? Resp. Qu'il est hors de propos, pour blasmer mes actions, de me proposer les Ordonnances, puisque ré- présentant la personne du Roy, c'est moy qui en dis- pense les autres. 9. Int. Si pour auoir occasion de transporter cet argent, ie n'ay pas pratiqué les sièges de Piombino et de Portolongone, quoy que ceux qui auoient quelque expérience en la guerre, m'eussent asseuré que ces siè- I 21 322 CHOIX ges ne pouuoient apporter aucun honneur à la France ? Si pour le mesme suiet, ie n'ay pas affecté de faire des leuées de gens de guerre chez les Polonois , Allemans , Écossois et Anglois, afin de trouuer quelque prétexte à la sortie de l'argent hors de France , quoique l'on aye iamais manqué d'hommes en ce Royaume , et que les Estrangers que l'on y fait venir, coustent quatre fois autant que les soldats François , qui valent néantmoins mieux dans les armées que ceux des autres Nations ? Resp. Qu'il suffit de dire pour me iustifîer de ces sièges, que ne paroissant pas que dans leurs entreprises ils fussent domageables à la France, le mauuais suc- cès n'en doit faire blasmer les desseins, estant incer- tain si d'autres eussent réussi plus fauorablement que ceux-là , et que la commodité que i'en ay retirée , ne me peut estre imputée, puisqu'il n'importoit à l'Estat de quel costé il attaquast son ennemy, pourueu qu'il en pust espérer de l'auantage. Et me suffît aussi pour ma iusti- fication , que les leuées de gens de guerre chez les Es- trangers ayent apporté cette vtilité à la France , de con- seruer des hommes pour les occasions pressantes , sans que la commodité que i'en tire, puisse passer pour crimi- nelle, veu qu'il suffit qu'elle ne combatte pas les inté- rests de la France pour estre a l'abry de tout reproche. 10. Int, Si ie n'ay pas diuerty le fonds des finances du Roy et employé plus d'argent aux machines des théâ- tres et balets qu'à celles de la guerre? Resp, Que ce faict ne consiste qu'en interprétation, et que ces profusions ne me seront pas imputées à crime, quand on sçaura qu'il ne coustoit chose quelconque au Roy des balets et des comédies qui luy ont donné tant de plaisir, parceque les auances se prenoient véritable- DE MAZARÏNADES. 323 ment dans les cofres de sa Maiesté; mais ayant eu soin de les faire représenter au Public après que le Roy et sa Cour y auoicnt pris leur satisfaction, ie retirois par mes gens beaucoup plus que les auances n'auoient coustc ; ce que i'employois aux récompenses que la Pteinc me per- mettoit de prendre pour mes scruices, dont les finances de sa Maiesté se trouuoient d'autant deschargées. 1 1 . Int. Si ie n'ay pas pris des profits sur le pain de munition destiné pour la nourriture des gens de guerre ? Resp, Que c'est m'accuser d'auoir trop bien mesnagé les finances du Roy, parceque de vérité ayant veu en quelques années que le soldat, estant auancé dans le païs ennemy, auoit moyen de subsister des pillages qu'il fai- soit, i'ay donné ordre à quelques personnes interposées de souffrir aux entrepreneurs du pain de munition qu'ils le diminuassent de quelques onces , à la charge qu'il leur seroit moins baillé à proportion du prix conuenu auec eux , ayant depuis employé cette diminution vtilement pour quelques affaires secrètes. 12. Int. Si, abusant de l'authorité que la Reine m'a donnée, ie n'ay pas disposé des principales charges et offices du Royaume indifféremment a toutes sortes de personnes, sans auoir égard aux mérites, pourueu qu'il m'en fust donné récompense; et si particulièrement ie n'ay pas tiré vne somme très considérable pour pouruoir le sieur dŒmery de la Surintendance, et Monsieur le Ca- mus du Controole général des Finances? Resp. Que cette demande contient ma deffense ; car puisque la Reine a laissé les grandes charges du Royaume à ma discrétion, il est hors de doute que i'en puis dispo- ser à telles conditions que ie trouueray raisonnables, 324 CHOIX moyennant que l'en pouruoye des personnes qui n'en soient incapables , et qui sçachent exercer les fonctions des charges que ie leur commets. 13. Int. Si ie n'ay soutenu les Partisans pour mon intérest particulier, parcequ'il ne s'adiugeoit pas de party au Conseil, que l'Adiudication ne me donnast vn droict et récompense très considérable ? Resp. Que i'ay tousiours estimé que la direction des finances par party estoit très auantageuse à la France, à cause de la facilité et prompt secours que les affaires du Roy en reçoiuent; ce qui rend l'interest des particuliers fort peu considérable , qui se plaignent de ce que par ce moyen il se lèue beaucoup plus d'argent qu'il ne se fe- roit dans la forme ordinaire, et que, par vue iniustice apparente^ il se voit que ceux par le moyen desquels ces deniers sont leuez , y profitent plus que le Roy mesme, outre les récompenses qu'ils sont obligez de donner à ceux qui leur facilitent ces partis, parce qu'où l'interest du Roy et de l'Estat se rencontre, celuy de ses subiets ne luy doit estre opposé; et le Prince, ny ses Ministres qui gouuernent le Royaume , comme Pères communs autant des vns que des autres, ne doiuent considérer si les biens de l'vn de ses subiets passent à l'autre, pourueu qu'ils demeurent tousiours dans le Royaume. Et n'im- porte en façon quelconque à la conseruation de l'Estat, si le riche est dépouillé pour en couurir le panure, pour- ueu qu'il en demeure tousiours vn riche sur qui le Roy puisse leuer les droicts qui luy appartiennent. De là s'en- suit que ce n'est pas vn crime d'Estat d'auoir profité des partis, particulièrement s'il est remarqué que ce qui m'estoit baillé, n'alloit pas à la diminution du party, qui entroit entièrement^ pour mon regard, dans les coffres de DE MAZARINADES. 325 sa Maiesté ; et ma part ne consistoit qu en vn présent que le Partisan me faisoit à sa discrétion, et qui n'alloit qu'à sa charge. 14. lut. Si, sous le prétexte des Gomptans, ie ne me suis pas fait bailler plusieurs sommes considérables, que i'ay appliquées à mon profit? Resp, Que ce faict est véritable; mais qu'il ne m'est calomnieux , parceque i'ay fidellement précompté ces sommes sur le courant de mes pensions, la Reine ayant trouué tant de sincérité en mon procédé , qu'elle m'a permis de tirer mes récompenses en telle manière que ie croirois le plus expédient, sur ce que ie luy ay donné à entendre qu'il n'estoit pas à propos que mes gages et pensions passassent par les formalisez ordinaires des Fi- nances, suiectes à vne infinité d'Officiers qui, n'ayant connoissance de la despense qu'il conuient de faire à vn Ministre, s'en pourroient formaliser, et exciter du bruit parmy le peuple; à quoy toutes personnes intéressées dans les affaires publiques doiuent particulièrement pren- dre garde. 15. Int. Si, par ces moyens et plusieurs autres des- quels ie me seruois, ie n'ay pas tiré des sommes im- menses des coffres du Roy? Pœsp. Que ie ne dois rendre compte de cet article, parceque la Reine m'ayant trouué assez fidelle pour lais- ser à ma discrétion les sommes que ie dois toucher par chacun an pour mes gages et pensions; et sa Maiesté ayant la disposition absolue de toutes les Finances du Roy, aussi bien que les autres affaires, il s'ensuit que les biens que i'ay acquis en France, ne me peuuent estre enuiez, et encore moins imputez à crime, supposé que la quantité s'en trouué exhorbitante, parceque l'acquisition 326 CHOIX que i'en ay faite , a eu pour fondement vne authoritë absolue. 16. Lit. Si ie ne me suis pas serui de Leony et d'au- tres banqueroutiers pour attirer à moy l'argent de plu- sieurs Bourgeois de Paris, ayant souffert qu'ils ayent fait banqueroute à leurs créanciers, après m'estre emparé (le leurs biens ? Resp. Que cet article est véritable ; et néantmoins que l'on n'en peut tirer aucun aduantage contre moy, parce que Leony mesme demeura d'accord que ie luy auois preste des sommes très considérables; de sorte qu'en prenant ses effets et ses biens, ie n'ay fait que recouurer ce qui m'appartenoit à iuste titre. Et si en cela i'ay este plus aduisé que les autres créanciers, ie n'en dois rien qu'à ma vigilance, n'ayant pas creû deuoir négliger l'oc- casion dont on m'a donné aduis , de me saisir de ses biens , parceque ne consistans qu'en choses mobiliaires, on m'a fait entendre que les ayant pris en ma posses- sion, les autres n'y pouuoient rien réclamer, d'autant qu'en France, ce m'a-on dit, meubles n'ont suite par hy- pothèque. 17. Int, Si, estant Estranger, ie ne me tiens pas in- capable de tenir le rang que ie tiens en France? Si ie sçay que par les Ordonnances du Royaume les charges, et particulièrement celles de considération , et les Béné- fices m'estoient interdits, comme n'estant originaire Fran- çois , et que ces Ordonnances ont esté renouuellées par vn Arrest notable de règlement de l'an 1 01 7, que l'on appelle du Marquis d'Ancre? Resp. Que lorsque défunct Monsieur le Cardinal de Richelieu me proposa de m'esleuer et de me faire succé- der en sa place, il m'aduertit que cet inconuénient l'auoit DE MAZARINADES. 327 plusieurs fois arresté d y songer, et que i'auois à y pren- dre garde; mais que pour luy il n'estimoit pas dans les règles de la véritable Politique, ni que le Parlement, par son Arrest, ait pu imposer ce ioug à son Roy, de ne se seruir de telles personnes qu'il trouuera bon pour la conduite de ses affaires , ny mesme que les Roys , par leurs Ordonnances, ayent pu establir cette loy à l'égard de leurs successeurs ; et que, pour mon particulier, ces Arrests et ces ordonnances ne me deuoient donner aucun suiet d'appréhension , veu que tant que ie pourrois me maintenir, personne n'auroit la hardiesse de s'en vou- loir seruir contre moy; que lorsqu'vn Ministre a laissé prendre quelque ascendant sur soy, ceux qui ont la puis- sance de le choquer, ne manquent pas d'occasion ; et que pour luy, quoy qu'il ne fust Estranger, il sçauoit fort bien que ses ennemis n'eussent manqué de prétexte pour le déposséder, s'il eust souffert que le Roy les eust en- tendus -y et qu'enfin ie deuois m'asseurer sur cette maxime, que la conseruation de Testât d'vn Ministre ne despend pas de la force des Ordonnances ny des loix du Royaume, mais de la seule bonne volonté du Roy ou de celuy qui le représente. 18. Lit, Si, en abusant de l'authorité de la Régence, et en estendant le pouuoir plus qu'il ne doit estre par les loix fondamentales du Royaume , ie n'ay pas exercé mon ministère comme si i'eusse administré l'Estat sous vn Roy maieur, en promettant des villes en souueraineté à Monsieur le Prince, en faisant créer indifféremment toutes sortes d'Offices, et fait plusieurs autres actes sem- blables, qui dépendent de la pleine puissance du Roy, qui ne peut estre exercée par qui que ce soit , sinon en quelque occasion vrgente, dans les formes ordinaires, 328 CHOIX c'est à dire auec l'aprobation des Estats et du Parlement qui les représente ? Resp, Que ie n'ay iamais mis de différence entre l'au- thorité du Roy, exercée par luy mesme, estant maieur, et celle qui est confiée à vne Régente pendant sa mino- rité , et que ie suis bien asseuré que ceux qui font tant de bruit sur cette différence qu'ils se sont imaginée, ne m'en sçauroient monstrer le fondement. Et qu'en tout cas, pour moy, ie ne puis estre blasmé, si, par la bonté de la Reine, ayant eu le pouuoir de la Régence entre les mains, i'ay tascbc de l'estendre autant que i'ay pu pour l'honneur de sa Maiesté , ayant esté du deuoir de ceux qui croyent auoir droict de l'emipescher, d'en restrain- dre les limites , s'ils iugeoient que ie les portois trop auant. 19. Lit. Si ie n'ay pas empesché que le Parlement y donnast ordre, en interrompant leurs Assemblées, et ba- nissant ceux que ie croyois auoir plus de zèle pour s'op- poser à mes entreprises ? Resp, Que le Parlement et moy estans dans des senti- mens contraires, et nous appuyans chacun d'vne autho- rité opposée, ils ont peu faire de leur part ce qu'ils ont creu nécessaire pour l'achèuement de leurs desseins; mais aussi ne doit-on trouuer estrange si de ma part i'ay fait ce que i'ay peu pour conseruer ce que ie croy auoir légi- timement estably. 20. Int. Pourquoy, ayant fait accorder à la Reine vne Déclaration^ qui règle les plus pressans désordres de l'Estat, et fait promettre au Parlement quelques articles secrets, sous la foy desquels cette Compagnie se repo- * La Déclaration du 22 octobre 1648. DE MAZARINADES. 329 soit, ie n'en ay rien voulu exécuter, et esté le premier à y contreuenir. Resp. Parceque l'expérience a fait voir à la Reine et à son conseil que, pour entretenir cette Déclaration, il falloit renuerser les maximes par lesquelles le grand Car- dinal de Richelieu auoit si heureusement commencé de gouuerner le Royaume, etquei'ay du depuis fomenté par les belles instructions qu'il m'en a donné et que ie fais gloire de tenir d'vn si grand Politique ; ce que sa Maiesté ny son Conseil n'ont trouué à propos de faire; d'autant que ce seroit souffrir que l'authorité du Roy retournast du haut point où nous l'auons esleuée, à celuy dont les anciens Rois se sont contentez auec beaucoup d'incom- modité, assuiettis qu'ils ont esté aux formalitez des Es- tats et des assemblées de leurs peuples pour les choses de conséquences, ezquelles toutefois l'authorité absolue du Roy esclate bien mieux qu'ez affaires communes et iournalières. 21 . Int, Si ie n'ay pas fait plusieurs leuées de deniers dans le Royaume en vertu d'Edicts non vérifiez , et si , facilitant par trop les entreprises des Partisans, ie n'ay pas souffert qu'il se soit communément donné des Ar- rests au Conseil, par lesquels il estoit ordonné que foy seroit adioustée aux coppies collationnées d'iceux par vn Secrétaire du Roy comme aux propres originaux *, et si ie n'ay pas sceu que la plus grande partie de gens d'af- faires possédans ces offices de Secrétaires pouuoient par ce moyen fauoriser les fourbes les vns des autres? Resp. Pour respondre à cet article, il n'est besoin que * On peut consulter sur cette pratique le Factiim notable pour Thomas Carrel, huissier sergent à cheual au Cliastelet de Paris, etc. [1363]. 330 CHOIX de considérer que le Roy est maistre absolu des vies et biens de ses subiets, et que si les précëdens Roys ont fait vérifier leurs Edicts et Déclarations ez Cours Souue- raines, ce n'a esté que pour donner plus de couleur et d'apparence à ce qu'il estoit par eux ordonné , parceque les peuples estoient accoustumez à cet vsage, ou lorsqu'ils ont souhaité que leurs volontez fussent transmises à la postérité ; d'où vient que défunct Monsieur le Cardinal de Richelieu et moy ayant esleué par nos soins l'authorité du Roy à vn tel poinct, que sans aucune considération, ses volontez sont absolument exécutées par ses subiets, nous auons cru inutile de nous arrester à ces vérifica- tions; principalement lorsque nous auons préueu que les Edicts dont l'exécution estoit nécessaire pour nos des- seins, souffriroient quelque résistance dans les formalitez de la lustice. 22. Ini, Si ie n'ay pas préueu que les aduances et prests que i'ay introduits, alîoient à la ruine de l'Estat, et que les Finances se trouueroient à la fin tant accablées d'intérests , que le Roy auroit de la peine à s'en des- charger? Resp. Qu'au contraire c'estoit par ce moyen que i'es- pérois sans formalitez exercer la Chambre de luslice, et retirer des Partisans ce qu'ils auroient gaigné auec si peu de peine, ayant tousiours eu intention, lorsque Dieu au- roit donné la paix à la France , de confisquer tous les prests faits par les Partisans et autres gens d'affaires, pour la peine de leurs maluersations. 23. Int. Si, sans tirer argent de mes coffres, ie n'ay pas trouué cette inuention de récompenser mes confi- dens aux despens du Roy et de ses subiets , en leur fai- sant acheptcr des rentes sur l'Hostel de Ville au denier DE MAZARINADES. 331 2 ou 3, que ie leur faisois incontinent racheter au de- nier 1 2 et 1 4. Resp, Qu'en cela l'intérest du Roy n'est pas blesse , puisqu'il ne paye que ce qu'il doit ; non plus que celuy des particuliers, veu que l'on n'a encore veu que l'on ait vsé de contraintes pour leur faire vendre leurs rentes, et que d'ailleurs quand elles leur seroient demeurées, manquans de faueur, ils ne pouuoient espérer pareil ra- chapt et aduantage que mes amis qui sont employez dans le seruice du Roy, reçoiuent par ce moyen. 24. Int. Pourquoyi'ay souffert tant de désordres dans la leuée des Finances, que d'auoir permis aux gens d'af- faires d'estre arbitres et les maistres des taxes, dont ils auoient pris le party ; comme il est arriué dans le traitté des Aisez, où il s'est veu que les particuliers qui auoient esté cottisez, apportans le tiers ou le quart de leurs taxes aux Traittants, ils auoient incontinent vn arrest de des- cliarge pur et simple, qui ne despendoit que de la vo- lonté du Partisan, lequel ensuite faisoit adiouster qui bon luy sembloit sur son roole, et bien souuent tel que celuy qui estoit deschargé auoit pour ennemy, et nommoit en sa place, auquel il faisoit porter, capable ou non de ce faire, la taxe entière, comme s'il n'auoit rien receu du premier ? Resp. Qu'vne seule raison satisfait à ce prétendu dés- ordre, lequel nous auons esté obligé de souffrir , parce- que les Traittans s'estant rendus adiudicataires de ce party, sous l'espérance qu'on leur auoit donnée, que la Déclaration par laquelle il estoit authorisé, seroit véri- fiée au Parlement, ce que cette Compagnie ayant refusé, après toutefois que nous eusmes touché les aduances de ce party, nous ne peusmes trouuer de plus prompt re- 332 CHO]X mède pour contenter les Partisans, qui nous importu- noient de toute part afin d'auoir des recouurements des pertes qu'ils souffroient à cette occasion , s'estant ren- contré quantité de lieux où les Taxez se préualans des défences qu'ils obtenoient du Parlement, de les con- traindre pour leurs taxes, que de leur permettre de leuer ce qu'il leur seroit possible en vertu de ce party, et de recouurer leurs pertes comme ils pourroient, Testât des affaires du Roy ne nous permettant pas de leur assigner d'autres recouuremens. 25. Int. Pourquoy, pour faire réussir mes desseins, vsant mal de l'authorité du Roy, ie me suis seruy de moyens si extraordinaires que de bannir des Magistrats sans autre suiet que d'auoir expliqué leurs pensées auec trop de liberté, et maintenu contre ma volonté les droicts qui leur appartiennent, et d'esloigner deux Ministres de la Cour^, dont l'expérience de l'vn et l'intégrité de l'autre, accompagnées d'vne longue fidélité vers la Reine, estoient recommandables , sous prétexte que la grande piété de l'vn ne pouuoit compatir auec la conduite des affaires d'Estat, et que ie redoutois pour mon intérest particu- lier l'esprit entreprenant de l'autre? Resp, QuelVlilitéde l'emprisonnement des Magistrats paroit par l'exemple des affaires du temps , qui sans doubte ne seroient en cet estât, si le peuple m'eust per- mis de continuer mes entreprises, qui se iustifient assez en ce qu'il se voit qu'elles n'auoient aucune intention que le maintien de Tautliorité Royalle. Que l'esloignement de Monsieur l'Euesque de Beauuais n'est pas moins iuste, non pas que ie tienne absolument que la déuotion soit ' Potier, évêque de Beauvais et aumônier d'Anne d'Autriche; Léon Le Bouthilier, comte de Charigny. DE MAZARINADES. 333 tousiours incompatible auec le ministcriat, mais parceque dans le rencontre particulier, où il s'agissoit de conti- nuer le Gouuernement de TEstat dans les fondemens et maximes que dëfunct Monsieur le Cardinal de Richelieu auoit commencé d'establir, et qui ne paroissent pas aux yeux d'vn chacun aussi sincères qu'elles sont en vérité , ie vis fort bien de la façon qu'il s'y prenoit, que la grande piété à laquelle il est attaché, estoit vn puissant obstacle pour le faire réussir en son administration; et de faict il pensa mettre la diuision dans le Conseil et fîst quelque impression dans l'esprit de la Reine lorsqu'il appuya si fort les moyens de paix, qu'il s'aduisa vn iour démettre en délibération, en vn temps qu'elle ne pouuoit encore estre proposée, pour songer à son accomplissement. Et enfin que i'ay eu aussi raison de procurer l'emprisonne- ment du sieur de Chauigny, et que c'a esté auec suiet que i'ay douté l'effet de ses entreprises, qui alloient à la subuersion de l'Estat, ayant recognu par l'examen que i'ay fait de son procédé, qu'il estoit trop estudié pour n'auoir autre dessein que celuy qu'il me tesmoignoit ; et que si ie n'eusse arresté le cours de ses pratiques, il n'eust plus tardé longtemps à iouer au boute-hors ; en quoy sans doute l'Estat eust beaucoup souffert, attendu les particulières connoissances que i'ay des affaires du Royaume, que ie ne puis descouurir que quand ie verray la nécessité de me donner un successeur. 26. Int. Si ie n'ay pas employé le poison pour me défaire de défunct Monsieur le Président Barillon ^ et pourquoy i'ay mis au hazard les vies de Messieurs de * C'est une des accusations qui reviennent le plus souvent dans les pam- phlets. Il n'en est pourtant pas dit un mot dans les Dernières actions et paroles du président de Barillon, etc. [10301. 334 CHOIX Beaufort et de la IMotte Houdancourt, en leur suscitant des accusations qui ont paru calomnieuses par Téuène- nient, et par les Arrests qui sont interuenus à leur des- charge en deux Cours de Parlement? Resp. Que par ma qualité de Ministre représentant identiquement la personne du Roy, ie ne dois rendre compte à qui que ce soit de la mort de ses subiets , parce- que leurs vies estans sousmises à nos autlioritez, nous en pouuons disposer ainsi que nous trouuons bon pour le maintien de son Estât. De là vient qu'il suffit que i'aye iugé que Monsieur le Président Barillon auoit esté et se- roit vn obstacle à l'auancement de mes desseins dans la conduite du Royaume, pour enauoir pu tirer raison par sa mort , en laquelle les gens d'esprit estimeront beau- coup ma prudence de m'estre seruy d'vne voye extraor- dinaire et secrète , parceque ie ne le pouuois autrement sans intéresser vn grand Corps, qui par le ressentiment qu'il estoit obligé de tesmoigner, eust pu apporter quel- que désordre dans l'Estat ; et que l'on ne me doit im- puter si i'ay prononcé cette condamnation sans informa- tion et sans forme, d'autant que par cette représentation de la personne du Prince, ie possède en moy la dispense de toutes les Loix et Ordonnances du Royaume^ qui ne sont establies que pour la conduite des luges ordinaires et des esprits communs, afin qu'eux qui ne possèdent cette infaillibilité de iugement, qui est le partage des grands esprits, ils trouuent vn ordre dans ces formalitez pour ayder leurs délibérations. Que quant à Messieurs de Beaufort et de la Motte, ils ont tout suiet de se louer de moy, si ayant iugé que leurs morts n'estoient absolument vtiles a l'Estat, ie les ay renuoyez à des iuri- dictions ordinaires, pour estre eslargis aucc absolution. DE MAZARÏNADES. 335 27. Int. Si pour nie rendre maistre absolu delà per- sonne du Roy, ie n'ay pas esloignc des Capitaines de ses gardes, et congédié sa garde de mousquetaires à cheual , remplie de Gentilshommes très affectionnez au seruice de sa Maiestc, pour ne les auoir pu faire condescendre à mes desseins? Resp. Qu'il est important au bien de l'Estat qu'en ayant la génëralle administration, ie puisse disposer de toutes les personnes qui y tiennent quelque rang consi- dérable ; et que si i'auois suiuy exactement les mémoires de Monsieur le Cardinal de Richelieu , la France ne se verroit en l'Estat qu'elle est, parceque i'aurois mis dans les charges et places de conséquence des personnes de mon intelligence, desquels i'aurois mieux disposé que ie n'ay fait dans cette vrgente nécessité du Royaume. 28. lut. Si ie n'ay pas eu intelligence auec l'ennemy de l'Estat , et à cette occasion interrompu le cours des heureux succès de la France ? Si pour faciliter la prise de Courtray, très-nécessaire au Royaume pour la corres- pondance des villes des Pays-Bas, ie n'ay pas employé vne armée qui n'étoit que trop suffisante pour résister à celle de l'Archiduc Léopold, au siège de la ville d'Ypre, qui ne se peut garder toutefois et quantes que l'Espagnol se trouuera en estât de l'assiéger, et que pour luy en donner plus de moyen, i'ay empesché qu'elle ne fust for- tifiée ? Si en cette même année après auoir laissé périr l'armée par les incommoditez qu'elle souffrit , et la né- cessité de viures et d'argent, qui firent passer plusieurs de nos soldats dans les armées ennemies, ie ne suscitay pas la battaille deLens, en laquelle, sans vne grâce par- ticulière du Ciel, l'armée du Roy deuoit indubitable- ment succomber ? Si pour priuer la France de ses meil- 336 CHOIX leurs chefs, ie ne leur ay fait bazarder plusieurs battailles en Catalogne et aux Pays-Bas, ezquelles ils deuoient périr, n'estant leur courage et bonne conduite ? Si pour faciliter la mesrae prise de Courtray, ie n'en fis pas sortir aupa- rauant le siège par vn ordre secret le sieur Paluau, gou- uerneur, auec vne partie de la garnison, sous prétexte de donner secours à Monsieur le Prince au siège d'Ypre? Si par le mesme moyen ie n'ay pas liuré Mardic en le dégarnissant de monde ? Si, dans le quartier d'Hyuer de 46, ie n'empescbay pas, sous prétexte de la paix qui se traittoit, que les recrues fussent leuées; ce qui fut cause qu'au commencement de la campagne suiuante le Roy n'eut aucune armée considérable au champ , de sorte que l'Archiduc eut moyen de prendre tel aduantage qu'il voulut ? Et si enfin après auoir fait bruit par les Géné- raux, l'armée estant en campagne, pour fauoriser le siège de Landrecie, ie ne fis point venir deuers moi les sieurs Gassion et de Ranssau [Rantzau] , Généraux, sous pré- texte de les accommoder de quelque différent qu'ils auoient ensemble, afin, pendant leur absence, de donner loisir aux ennemis de former le siège, ainsi qu'ils firent? Si depuis ces deux Généraux ayant résolu de secourir cette ville, comme il leur estoit aisé de faire, ie ne les en cmpescbay pas par ordre que ie leur enuoyay de ne rien bazarder ? Si pour faire perdre l'armée du Roy, con- duite par Monsieur le Prince douant Leyrida, ie n'ad- uertis pas les Ministres d'Espagne de ce siège, de sorte que s'y estans préparés , Monsieur le Prince trouua au- tant de monde dans la ville pour la deffendre qu'il en auoit conduit pour l'attaquer? Si lors qu'au commence- ment des campagnes les armées du Roy ont esté victo- rieuses et se sont trouuées en estât de conquérir des Pro- / DE MAZARINADES. 337 uinces entières, ie ne les ay pas laissé périr par les né- cessitez que ie leur ay fait souffrir? Et enfin si pour tous ces seruices que i'ay rendus à l'Espagnol, ie n'ay pas receu des pensions de luy et souffert que d'autres suiets du Roy en reçeussent, ayant esté aduerty qu'il y auoit dans Paris vn agent du Roy d'Espagne, lequel payoit les gages des pensionnaires qu'il auoit en France, sans que ie m'en sois mis en peine et aduerty le Conseil ? Resp. Que la response à tous les chefs de cet article despend de la plus sublime Politique , qui a mesme esté incognue au diuin Machiauel et que peu de personnes pourront comprendre, à moins que de pénétrer bien auant dans le secret de cet art; que néanmoins pour en rendre quelque raison , puisqu'il semble que l'on veuille particulièrement insister sur ce poinct, qui de vérité paroist le plus spécieux de tous ceux qui iusques à pré- sent m'ont esté proposez, ie diray ce qui eust esté très vtile à l'Estat de ne pas diuulguer; que le meilleur moyen que i'aye inuenté pour la conseruation de l'Estat, depuis que i'exerce le ministère, a esté de pratiquer des intelligences auec l'ennemy, par le moyen de quoy en luy laissant aller quelquefois de petits aduantages, afin de paroistre affectionné à son seruice , rien des secrets du Conseil d'Espagne ne m'estoit caché , dont i'ay tiré de très grands profits pour faire réussir les affaires de la France et obtenir les grandes victoires, desquelles elle s'est veue victorieuse, depuis que i'ay entrepris sa con- duite, et que ie me suis seruy de ces artifices; dont ayant tousiours trouué quelque prétexte d'excuse vers le Roy d'Espagne pour entretenir cette pratique, et qui ayant esté communiquée à mes ennemis, par vne âme infidelle que i'employois à cette négociation sans luy en dire le I 22 338 CHOIX secret, ils ont pris subiet d'en faire vu chef d'accusation contre moy, quoy que les iudicieux voient fort bien que ces intelligences n'alloient qu'au bien général de la France , qui auoient encores cet effet, outre celuy que ie viens de remarquer, que i'attirois par ce moyen de très grandes sommes de deniers des coffres de nos ennemis, dont le Royaume profîtoit, et particulièrement ceux em- ployez auprès de moy pour le seruice du Roy, auxquels donnant cette liberté de receuoir ouuertement ces pen- sions, cette tolérance apportoit ce bien à l'Estat, que par ce moyen ils ne mandoient rien au Conseil d'Espagne, qu'ils ne me l'eussent communiqué auparauant ; au lieu que si i'eusse voulu empescher ce commerce, et que ie n'eusse tesmoigné estre du party aussi bien qu'eux, ils m'eussent si bien caché leurs pratiques que ie n'en eusse eu aucune cognoissance , et qu'au lieu que ie pro- fîtois pour la conduite de l'Estat de ce qu'ils mandoient au roy d'Espagne, la France, à cause de ces intelligences, en eust receu un notable domage ; puisque ceux qui sont employez dans les grandes affaires, ont remarqué cette maxime, qu'il est impossible , quelque diligence qu'on y puisse apporter, qu'ils n'ayent tousiours quelqu'vn de ceux qui sont auprès d'eux, qui n'ayent des secrettes pratiques auec ceux du party contraire ; Et ainsi ne louera-t'on pas mon adresse, non-seulement par mes ar- tifices d'auoir attiré en France les Finances d'Espagne, mais mesme d'auoir espargné les profusions qu'il falloit faire chez les ennemis, pour pratiquer de notre part ces mtelligences auec eux, puisque sans m'en mettre en peine , elles m'estoient descouuertes iournellement sous prétexte de fauoriser leur party -^ 29. Jnt. Si ie n'ay pas empesché l'effet de l'entre- DE MAZARINADES. 339 prise de Naples, qui auoit coustë tant de peine au dë- funct Cardinal de Richelieu, en relardant le secours des- tiné pour y enuoyer? Si ic n'ay pas fait surprendre Monsieur de Guise entre les mains de nos ennemis ? Et si lorsque ie fus congratuler Madame sa mère du secours que ie luy prëparois, ie n'auois pas receu les nouuelles de sa prise? Resp. Que c'est le seul poinct oîi i'ay renuersé à des- sein les entreprises de Monsieur le Cardinal de Riche- lieu; et ce qui m'a excité à le faire, a esté ce que i'ay ap- pris de l'Histoire , que les desseins sur l'Italie n'auoient iamais apporté aucun profit aux François , et qu'il fal- loit nécessairement que les esprits et la conduite de ceux de ce Royaume cédassent à cette nation subtile et guerrière tout ensemble; au lieu que les habitans de la France doiuent aduouer s'ils veulent recognoistre la vé- rité , que ce climat ne leur octroyé que la dernière de ces deux qualitez , et qu'il faut qu'ils obseruent religieu- sement cette maxime, de n'attaquer iamais ceux de cette nation sans très grande nécessité , puisque ce n'est pas tout d'entreprendre et d'auoir des desseins de conqué- rir, mais qu'il faut pour estre estimez iustes et raison- nables, qu'ils reçoiuent quelque apparence dans leur exé- cution ; D'où vient que l'on ne doit trouuer estrange si ie n'ay iugé à propos d'attaquer le Roi d'Espagne du costé qu'il est le plus fort, non plus que si ayant sceu la prise de Monsieur de Guise, ie ne Fay si tost voulu déclarer à Madame sa mère , d'autant que ie fus bien aise de lui tesmoigner auparauant quelque affection pour sa famille , afin de me maintenir en ses bonnes grâces, vn Ministre deuant auoir cette adresse de se conseruer, s'il peut, tous ceux qui sont en quelque considération 340 CHOIX dans le Royaume ; ce qui retourne au bien et à l'vnion de FEstat. 30. Int. Si ie ne suis pas la cause de la mort du Roy d'Angleterre, oncle de sa Maiesté, ayant continué indis- crètement les pratiques que le défunct Cardinal de Ri- chelieu y auoit commencé , pour allumer la guerre en ce Royaume ? Resp. Que i'ay receu la nouuelle de cette mort auec douleur , et que ie n'en dois estre considéré comme la cause, non plus que défunct Monsieur le Cardinal ; d'au- tant que i'ay trouué sur ses mémoires , qu'il n'auoit sus- cité cette guerre que pour diuertir le secours qu'il scauoit de bonne part que le Roy d'Angleterre deuoit enuoyer à celuy d'Espagne, lorsque l'armée du Roy vou- droit assiéger Dunkerque et les autres villes qu'il ne pouuoit voir en nos mains sans ialousie ; mais que Mon- sieur le Cardinal auoit fait estât que le party du Roi d'Angleterre subsisteroit plus longtemps, et que c'estoit son intention de luy prester secours et de le desgager de cette oppression , lorsqu'il avu'oit eu fait la paix auec l'Espagne ; à quoy il destinoit le reste de nos troupes , pour empescher les désordres que les soldats accoustu- mez en la guerre causent en vn Estât , quand ils se trou- uent oisifs. 31 . Int. Si la paix nous ayant été offerte par le Roy d'Espagne et ses confédérez auec des conditions très aduantageuses pour la France , ie n'en ay pas détourné l'effet et plutost souffert la désunion de nos Alliez que d'y vouloir entendre , pour cette seule considération , que ie ne pourrois me maintenir pendant la paix, comme ie fais en temps de guerre ? Si à cette occasion ie n'ay pas rendu Monsieur le Duc de Longueuille malcontent DE MAZARINADES. 341 ayant veu que ie me seruois de l'industrie d'vn Plénipo- tentiaire qui n'estoit de sa condition, pour empescher l'effet de ce que ce Prince auoit arresté ? Et si ie ne sçay pas que l'Archiduc Léopold en a depuis peu rendu tes- moignage au Parlement? Resp, Que si Ton considère la paix comme fait le commun du peuple , c'est à dire comme le seul et vnique bien de TEstat, ie pourrois véritablement encourir quel- que sorte de blasme en ce rencontre; mais si esleuant ses pensées, on considère que la guerre et la paix sont indifférentes au bien de l'Estat , pourueu qu'il trouue les moyens de subsister en l'vn ou en l'autre aduanta- geusement , il n'y a personne, pour peu illuminé qu'il soit en l'art de régner, qui ne iuge mon procédé très- iudicieux, s'il sçait que défunct Monsieur le Cardinal de Richelieu n'a pas tant déclaré la guerre dans l'espé- rance de prendre quelques villes sur l'ennemy , qui se- roit peu en comparaison de la despense qu'il faut faire pour les conquérir, que pour auoir suiet d'éleuer pen- dant ce temps l'authorité du Roy au poinct oii il l'a mise; ce qu'il n'eust pu faire en temps de paix. C'est pourquoy c'est auec beaucoup plus de raison qu'ayant entrepris d'esleuer de la mesme façon l'authorité de la Régence , i'ay procuré de tous mes efforts la continuation de la guerre; ne faisant rien contre moy ce qu'on obiecte pour me blasmer, que dans cette pratique i'ay aussi bien eu en considération le maintien de mon authorité que de celle du Roy et de la Reine ; d'autant que cherchant à me conseruer, c'est donner moyen à leurs Maiestez de garder cette puissance absolue que nous leur auons don- née sur leurs subiets; pour laquelle maintenir, il est né- cessaire qu'elle soit aydée par vn ministre absolu et 342 CHOIX iiourry dans nos maximes; Ayant fait en sorte que cette dignité est maintenant plus nécessaire à la France en Testât que les choses sont réduites , que toutes les autres ensemble. 32. Int. Si cette prorogation de la guerre n'a pas esté cause des progrez du Turc en la Chrestienté , les Princes Chrestiens estans empeschez en cette guerre do- mestique ? Si le Pape et les Vénitiens ne m'en ont pas fait reproche? Et si ie n'en ay pas tiré récompense du Turc ? Resp, Que ie n'ay pas creu que l'intérest général de la Chrestienté deust estre préféré au bien particulier de la France, tel que ie viens de le monstrer en respondant en l'article précédent. Et si en seruant mon Maistre, le Turc s'est persuadé que ie luy rend ois seruice pour sa seule considération , il est certain que ie n'ay deu refu- ser ses présens , puisqu'ils ne m'obligeoient à faire chose quelconque qui ne fust pour le seruice du Roy de France. 33. lut, Pourquoy i'ay enleué nuictamment le Roy hors de Paris et mis la confusion dans toute la France? Resp, Que la raison n'en est appuyée que sur ce fon- dement légitime, de maintenir l'authorité Roy aile , que ses subiets vouloient auilir en se seruant de cet aduantage qu'ils tenoient le Roy et ses Ministres en leur puissance. 34. Int. Pourquoy donc, pour trouuer prétexte à cet enlèuement , et pratiquer la désvnion entre le Par- lement et les Bourgeois , i'ay tasché de calomnier cette Compagnie par la lettre que ie fis enuoyer à l'Hostel de Ville, et par les libelles que i'ay du depuis semez dans ' Lettres et déclaration du Roy sur le suicl de sa sortie de Pans, etc. [2289]. Lrs libelU's sonr apparemment les deux l»illets : / rjui aime la DE MAZARINADES. 343 Resp. Que les maximes d'Estat ne veulent pas que l'on descouure tousiours au peuple les véritables motifs des actions de ceux qui en ont la conduite ; et quoy (jue l'authorité Royalle soit vn prétexte très équitable , que néanmoins parcequ'en certains rencontres elle choque la liberté des peuples , cela en imprime quelque auersion dans les esprits des moins obéissans , qui ne considèrent point que le Roy ne s'eslèue et n'establit son pouuoir que pour mieux les deffendre contre les ennemis com- muns. De là vient que i'ay crû à propos de reietter la sortie du Roy sur les entreprises du Parlement contre sa personne, afin que le peuple en conceuant quelque indignation contre eux , il refusast de prester assistance ; dont cette Compagnie ne me doit sçauoir mauuais gré , puisque tout mon procédé n'a esté que pour le maintien de l'authorité Royalle, auquel elle est obligée aussi bien que moy. 35. Lit, Si ie n'ay pas donné conseil à la Reine de ruiner Paris ? Resp, Que ce n'a iamais esté mon dessein de faire au- cun désordre en la ville ;, mais bien d'en affoiblir insen- siblement les forces, en ostant les Compagnies souue- raines et la Cour de sa Maiesté , parce qu'ayant recognu que la grandeur de cette ville seruoit de contre poids à l'authorité du Roy, i'ay creu qu'il alloit de mon Minis tère et de mon deuoir de retrancher cet empeschement à la puissance absolue de sa Maiesté. vérité^ Lis et fais^ répandus dans Paris par le chevalier de La Valette dans la nuit du 11 février. Il résulterait ainsi de ce passage que j'ai eu tort de placer le Sommaire de la doctrine curieuse dans la Liste chronologi- que des 3fazarinades , sous la date du 8 janvier. J'aurais dû la reporter à peu près vers l'ouverture des conférences de Ruel. 344 CHOIX 36. Int. Siie ne me suis pas seruy de charmes et autres inuentions diaboliques pour me conseruer la bonne vo- lonté de la Reine, et pour attirer de mon party Mes- sieurs le Duc d'Orléans et le Prince de Condé? Resp. Que i'ay tousiours eu horreur pour les sorti- lèges; et néanmoins qu'à mon aduénement au Ministère, vn de mes Confîdens me congratula d'auoir employé le sort pour le faict sur lequel ie responds ; mais que ie ne Tay iamais aduoué , et luy ay refusé mesme quelque ré- compense qu'il croyoit obtenir de moy à cette occa- sion. 37. Int. Si toute ma religion n'est pas établie sur la doctrine de Machiauel , ne tesmoignant aucun zèle pour la loy Chrestienne, veu qu'il semble que ie n'approche des Sacremens et fasse cas des mistères de l'Eglise que pour me purger de l'infidélité dont on me pourroit ac- cuser ? Resp. Que ma qualité de Cardinal me laue assez de cette accusation, et que cette dignité me doit rendre très ardent pour la doctrine qu'enseigne l'Eglise Catho- lique, Apostolique et Romaine; mais que ce qui trompe ceux qui examinent de si près mes actions , est que i'es- time que la déuotion extérieure n'est pas celle qui doiue estre la plus affectée. 38. Int. Si ie n'ay pas exercé la simonie la plus odieuse qui fut iamais , en baillant des millions à ceux qui se sont employez vers le Pape pour obtenir à mon frère, le Cardinal de Sainte Cécile, le chapeau auec le- quel il est mort ? Resp. Que cette accusation seroit bonne à proposer à vne personne (|ui tiendroit vn moindre rang dans l'Eglise; mais qu'en estant vn des Princes, i'ay pu me dispenser DE MAZARINADES. 345 (quoy que disent les Canonistes du contraire) de toute tache de simonie , ainsi que i'ay appris d'vn très subtil Politique. 39. Int. Si ayant pris le soin de faire diuertir le Roy et sa Cour par les Comédiens que ie luy ay fait venir d'Italie , et les somptueux balets qui ont estez dancez deuant sa Maiesté par mon ordre ^ ie n'ay pas souffert qu'il y receust de très-mauuaises instructions par les discours scandaleux que tenoient les acteurs, et par leurs actions qui n'estoient le plus souuent que maquerellage de l'vn et de l'autre sexe ? Resp. Qu'il en va autrement de l'instruction des ieu- nés Princes que des autres enfans, parceque les vns ayant à gouuerner vn Estât et viure auec les mesclians aussi bien qu'auec les bons, il est à propos qu'ils co- gnoissent le mal comme le bien , dont ceux qui ne sont de cette condition peuuent se dispenser dans leur vie particulière. 40. Int. Quelles sont les maximes desquelles ie me suis seruy pour administrer l'Estat? Resp. Que i'en ay déclaré vne partie en me iustifîant des accusations qui me viennent d'estre obiectées en l'in- terrogatoire que ie preste; Que pour les autres elles dé- pendent de la Politique secrette qu'il importe au bien de l'Estat de tenir cachée, parce qu'elle paroist plus in- supportable aux peuples qui ne sont versez en cette science, de laquelle mesme pour cette raison ie me suis abstenu de parler en mes Responses, quoy qu'elle eust pu me seruir extresmement pour iustifîer mes actions et ma conduite. 41 . Int. Si affectionnant le bien de l'Estat, comme ie dis , ie n'eusse pas mieux fait de retourner en Italie pour 346 CHOIX rendre le repos à ce Royaume que ie lui oste par ma présence ? Resp. Que ie ne pourrois faire vn plus grand préiu- dice à l'authorité du Roy et de la Reine, et que ce seroit mesme prolonger les troubles du Royaume , parce que donnant cet aduantage aux peuples de m'esloigner pour leurs plaintes, ils ne manqueroient pas lorsqu'ils au- roient couceu vne pareille indignation contre celuy qui me succéderoit, de susciter les mesmes émotions qu'ils ont fait en ce temps contre moy ; ce qui arriueroit indu- bitablement, puisqu'à ce qu'ils tesmoignent, ce n'est pas tant ma personne qu'il leur déplaist, que la façon de la- quelle ie conduis l'Estat; d'oii vient que tous ceux qui sont auiourd'huy proche de leurs Maiestez et qui ne manqueront pas d'artifices pour s'y maintenir, estant nourris dans les mesmes maxim.es , il est impossible que l'Estat change de conduite, et par conséquent que les suiets de plaintes pour les peuples cessent si l'on n'y ap- porte vn autre remède , et qu'il ne leur soit puissamment résisté; de sorte que pour le bien de l'Estat, i'ay iugé mon restablissement d'vne telle conséquence , que i'ai conseillé à la Reine de plustost bazarder la Couronne de son fils , que de ne pas tirer raison de l'iniure qui m^est faite, et de ne me restablir au rang que ie tenois dans le Royaume . 42. Int. Si i'entends prendre droict par les informa- tions qui ont esté ou seront faites contre moy ? Resp. Que très-volontiers , pourueu qu'elles ne con- tiennent autres choses (jue les chefs sur lesquels on me vient d'interroger. DE MÀZARINADES. 347 La response à la lettre du cardinal Mazarin. Monseigneur, l'ay crû que la conséquence de l'affaire que vous me faites riîonneur de me communiquer par celle que i'ay receue de vostre Eminence, désiroit vne plus prompte response que celle que vous demandez de moy. C'est le suiet pour lequel ie vous enuoye ce Courrier extraordi- naire , pour vous mander mon sentiment , touchant la comparution que vous auez résolu de faire au Parle- ment, pour vous purger des calomnies que l'on vous impose, et vous dire auec liberté (puisque vous me tes- moignez le souhaitter ainsi) que vous deuez bien vous donner de garde de mettre votre dessein à exécution sur la confiance que vous auez de la iustice des Responses que vous auez dressées contre les Faicts dont on vous accuse ; car combien que vostre Politique et Art de régner vous mettent à couuert de tout reproche, vous deuez néantmoins considérer que ceux deuant qui vous auez à vous représenter, ne cognoissent pas les maximes de Machiauel ny de Monsieur le Cardinal de Richelieu, non plus que celles que vous auez inuentées par vos artifices (puisque c'est vn des mots de l'art), pour règles de leurs iugemens , comme vous vous les estes proposez pour but et conduite de vos actions ; de sorte que ie suis fasché de vous dire , Monseigneur, ([ue le Parlement qui ne re- cognoist autre loy en ce Royaume, à l'égard de telle per- sonne que ce puisse estre, que les Ordonnances Royaux, trouueroit en vos Responses, de la façon qu'elles sont conceues par votre Mémoire , plus de cent chefs poui" prononcer vostre condamnation. C'est pourquoy, Mon- 348 CHOIX seigneur, pour ne pas flatter vostre Eminence en vn rencontre où il importe de luy déclarer la vérité , ie se- rois d'aduis puisque vous me faites l'honneur de partici- per à vos conseils , que vous cherchiez vostre salut par tout autre moyen que celuy que vous me proposez. le vous prie de receuoir ce sentiment de celuy qui ne s'est porté à vous le dire auec tant de liberté , que dans le dessein que i'ay de vous tesmoigner que ie suis De vostre Eminence , Monseigneur, Vostre très-humble et très-obéissant seruiteur, T. T. De Paris ce 2 iour de mars 1645. Lettre iouiale à Monsievr te Marqvis de La Bovlaye, en vers burlesques [^Uo]\ (4 mars 1649) En ce mois de Mars bien nommé, Où Mars s'est si bien escrimé , A Paris , la plus rude escrime Est de la prose et de la rime. Mais si dans ce siècle peruers, Où tant de gens vont de trauers, La mienne ne choque personne, Elle est la seule qui pardomie; Car il n'est si peu médisant Qui n'ait à médire à présent. * (l'est, au jugement de Naudé, la cinquième entre les pièces dojit on peut faire estime. DE MAZARINADES. 349 Mais trèue d'iniures : silence. le veux louer vue excellence. Ce titre vous est bien acquis Autant que celuy de Marquis , Marquis dont le courrier raconte Plus que d'aucun Baron ny Comte, Et qui narguez les fanfarons , Soit Marquis , Comtes ou Barons , Marquis encor à meilleur titre Sur vos terres qu'en mon Epistre , Qui ne croyriez pas vous tromper, Vous changeant contré vn Duc et Pair, Fleur de la valeur Poiteuine; Qui par ce nom ne vous deuine , Il n'entend pas à demy mot Et ne boit pas à vostre escot. Pom- vous la bonne renommée Tout cet Hyuer s'est enrumée; Et son mary, le bon renom, S'enroue à chanter vostre nom; A qui ie crieray de loin viue. En attendant que ie vous suiue; Vos coureurs vn peu trop ardens Ont mis les miens dessus les dents. Tandis qu'ils sont sur la litière, La Muse a beau prendre carrière. On vous proclame à haute voix Le grand Gassion des cojiuois * . Ce titre vous est vn reproche ; Et cette comparaison cloche. Aux conuois , sauf correction , Vous n'estes point vn Gassion. ' Le mot est de l'abbé de Laffemas dans la Lettre à monsieur le Cardinal, burlesque, voyez plus baut. 350 CHOIX Il prit mal le soin qui vous touche , De courir sus aux conuois de bouche , Quoy qu'il eust dans ses beaux exploits , Comme vous, le cœur tout François. Au viure, il eut l'âme Espagnole. Il eust vescu d'vne brignoUe ; D'où vient qu'il a bien escorté Des conuois de sobriété : D'armes, boulets, poudres et mesche, De toute munition seiche. Vous plus fin , sans comparaison , Munissiez vostre garnison De munition grosse et grasse Et des beaux fruits de vostre chasse , De conuois pour le Mardy Gras , Que Gassion ne festoit pas. Mal vit qui se réfectionne De conuois à la Gassionne. Donc vous nonmier vn Gassion Aux conuois de réfection , C'est vous dégrader de vous mesme Et nommer Mardy Gras Caresme. Ce preux faisoit des prisonniers Qui diminuoient ses gTeniers, Et qui mangeant le pain de France, A leurs vainqueurs faisoient despense. Vous faites en grand mesnager Des prisonniers bons à manger. Qui ne mangent point , chose estrange , Parceque d'emblée on les mange; Et vous enleuez des quartiers Qui sont des troupeaux tout entiers. Si Gassion dans nostre armée Ou dans nostre ville affamée Eust esté le seul pouruoyeur, DE MAZÂRINADES. 35, Ce fliscours m<^ donne frayeur. Il îiuroit rendu vaine et nulle La dispense qui nous vaut Bulle * • Et sans crainte de se damner, Ce huguenot m'eust fait ieusner. 11 eust réduit les boucheries A quester dans nos escuries. On eust rosty iusqu'aux chenaux Qui seruent à vos grands trauriux. l'ay leu qu Vu Seigneur D. L. T. ^ Grugeoit des rats en sausse douce. On eust fait par nécessité Ce qu'il faisoit par volupté. On eust fait cuire à des brochettes Des souris en guise d'allouettes ; Et si nos chats eussent rongé Nos souris sans nostre congé, Nostre recours sur les chats mièures Nous les eust fait gruger en heures. Auiourd'huy sans tant de façon On prend pour farine du son. Sacs de piastre eussent eu la mine D'estre pris pour sacs de farine. C'eust esté la prouision Que nous eust laissé Gassion. On ne peut sans malice noire Barbouiller sa noble mémoire; Mais ie dy, sans le blasonner, Qu'il ieusnoit et faisoit ieusner. Au contraire vostre prudence Nous fut la corne d'abondance. ' Les Parisiens avaient été dispensés de faire maigre par un règlemeni de 1 archevêque en date du 1 8 février. J'De La Trousse. N'ai-je pas lu cette anecdote dans les lettres de M»"^ de Sévigné ? 352 CHOIX Cornes en abondance au moins Nous venoient de vos nobles soins, Cornes d'honneur et de conquestes Qui tenoient à de grosses testes, Et ces testes à de gros corps Qu'on pouuoit nommer bœufs pour lors ; Mais bientost dans mainte bedaine Ces bestes prenoient forme humaine. Vous nous sustentiez de bon suc De ces gros oyseaux de Sainct Luc, De ces pigeons de riche taille Et dont Poissi nous rauitaille. Paris nommoit ses nourissiers Vous et vos lestes Officiers ; De quoy Corbeil n'estoit point aise; Ce mot soit dit par parenthèse. La haute classe des censeurs, Des raffinez et cognoisseurs N'a pu que sur le tard cognoistre Que vous sçauez des coups de maistre. Vostre bras, quoy qu'esgal, tousiours, Ne s'est pas mis à tous les iours. Vos plus généreuses cornées Au besoin s'estoient réseruées. Il falloit pour vous mettre aux champs , Voir liguez luges et Marchands ; Il falloit voir les barricades Deuant que voir vos caualcades. Certes Madame la faneur N'a point tenté vostre ferueur; Et vous n'auez pris exercice Que pour Damoiselle lustice. La ville auec ses Escheuins Vous deust régaler de bons vins. Baise mains de la Bourgeoisie DE MAZARINADES. 353 Sont deus à vostre courtoisie. Les trafficants du pie fourché Vous font des vœux en plein marché. Sans vous les bouchers sans pratique , Changeant d'art et non de boutique, Faute de bœufs et de moutons , Auroient vendu des rogatons , Comme vue fort légère viande Dont la Bourgeoisie est friande. Mais vostre grosse venaison Nourrit mieux nostre garnison. le diray plus : vostre prouesse A muny de cœur et d'adresse Tels qui n'en auoient pas beaucoup, Qui n' auoient iamais veu le loup Ny la guerre qu'en la Gazette, Ou de loin par vne eschauguette. Vous meniez bien ces caualiers Quoy que montez sur des malliers. Ils se piquoient tant de brauoure Qu'ils se délassoient mesme à courre ; Et courant de nuict comme vous, Sans craindre loups ny loups-garous , Après vous ils fendoient les crottes, Sans crainte d'y laisser les bottes , Comme à Ville luif nos Courtaus * ' C'est la journée de Juvisy- (( Le Dimanche ou le vingt-quatre (Janvier). Sortirent tous prests à se battre, Sans manteaux, en mignard-souliers, Le bas de soye et les cartiers (Car ceux qui craignoient plus les crottes, N'auoient que de petites bottes). Gage, Lecteur, que tu m'attends A nommer nos fiers habitani 23 354 CHOIX Qui nestoieiit pas des plus rustaus. De peur de laisser dans la neige Leurs pieds trop légers pour yh siège , Ils y laissèrent leurs souliers , Non par pailles, mais par milliers. Cette restiue infanterie Suit mal vostre cauallerie. Que de faux braues de Paris Sur vos pas se sont aguerris ! Le Soleil enuioit la Lune, Qui les voyoit brusquer fortmie , Faisant de uuict maint coup hardy Qu'il eust fait beau voir à midy. Que dans la conqueste des vaches Ils ont rabatu de moustaches 1 Quils ont sanglé de horions Sur salades et morions ! Ils ne chargeoient point en pagnottes Les casques et les bourguignottes. Ils tailladoient à tour de bras Les cuirasses et buffles gras , Les casaquins et les casaques , Et des Reistres et des Polaques ; Coanant sm* ces rustres minois Comme corneilles sur des nois. On ne verra point de recrue De ces mangeurs de viande crue, De peur qu'ils ont d'auoir à dos Des guerriers cy deuant badaus. Ainsi par vous s'est aguerrie Qui contre la pluye et l'orage N'auoient porté que leur courage Et qui la plus part les pieds nuds, De luvisy sont reuenus. » Le Courrier françois [SZO], 3* DE MAZARINADES. 355 La fleur de Iti badauderle. lamais ny Maugis d'Aigiemoiit Ny tous les quatre fils Aymond N'entraisnèrent portes cochères. Vous rendiez ces portes légères, Puisque c'estoient cheuaux légers Qui vous suiuoient par les dangers. Mais depuis peu cette ieunesse Court à la flotte de Gonesse ; Dès que le pain fait son reflus , Ces coureurs ont les pieds perclus. Pour vous cpii galoppez trop viste , Qui changez trop souuent de giste , Ou plustost qui ne gistez point, Vostre lict est vostre pourpoint. Si parfois vostre corps sommeille, Vostre ame a la puce à l'oreille. Rolland sur son haut destrier Dormoit le pied dans l'estrier; Et sa valeur si bien iuchée Perdoit le soin de la couchée. Vous non plus que luy las d'aller, Tousiours les deux iambes en l'air, Et le corps ferme dans la selle , Comme en bronze on voit Marc Aurelle , Mais non comme luy permanant, Postez du Leuant au Ponant, Trottez de Fvn à l'autre Pôle; Mais ces mots sentent l'hyperbole ; Disons vi^ay : par monts et par vaux, lour et nuict sur vos OTands cheuaux Vous renouuellez la courante De la cheualerie errante. Paris qui vous a fait venir, N'a pu longtemps vous contenir. 356 CHOIX Il faut bien vne autre carrière A vostre agilité guerrière. On disoit à vostre despart : Ce braue s'en va quelque part. Depuis i'ay sceu que c'est au Maine Que vostre valeiu- se promène , Pour y grossir des pelotons Non plus de bœufs ou de moutons, Non plus de trouppeau, mais de trouppe, Rude aux coups autant qu'à la souppe; Gens au Maine aussi bien choisis Que nos guerriers en Parisis. La fureur des Normands fut grande. Après cela ie vous demande S'il fera bon estre ennemy Des Manceaux, Normands et demy, Manceaux plus dangereux aux hommes Que les Normands le sont aux pommes Et plus qu'eux diables en procez. Mais dans le doute dn succez S'ils sont bien chez eux, qu'ils s'y tiennent; Ou s'il est bon qu'ils nous soustiennent , Paris receura volontiers Vn renfort de leurs coquetiers. En ce cas donnez leur escorte; le vous en prie et vous exhorte En l'honneur des conuois passez Que nous auons bien fricassez. Seigneur, conuoyez nous encores , Au lieu de ces grosses pécores , Vn conuoy de chapons du Mans, La charge de mille iumens , Par paniers bons à barricades , En cas d'assauts ou d'ambuscades; Et couronnez vos bons exploits DE MAZARINADES. 357 Par le plus friand des conuois. Après, que le grand la Boulaye N'ait aux combats bigne ny playe Et despense moins ses deniers En chirurgiens qu'en cuisiniers. Quand ie fais rencontre en campagne De ces gros buffles d'Allemagne De** ou de** Pons, Sur le qui viue , ie respons : Respect de Saint Germain en Laye, Viue le braue la Boulaye , Par qui grassement ie vescus Sur la moustache du blocus. Il passe enfin comme tout passe , Et vient de fondre auec la glace. Pourueu qu'il n'y retourne plus, Dieu le conduise; et ie conclus Que Dieu vous conduise vous mesme , Pour reuenir après Caresme Manger chez vos confédérez Des chapons que vous conuoirez. Que vostre valeur les conuoye Ou que vostre ordre les enuoye , Pourueu qu'ils viennent à bon port, Nous vous en payerons le port En santez, payement commode. Payer en or n'est plus la mode. Qu'ils viennent plus tost que plus tard ; Nous changerons leur plume en lard. Pour eux nous ferons sans lésine Des feux de ioye à la cuisine; Et grande chère auec grand feu, C'est nostre compte et vostre ieu. Si la feste n'est assez bonne Pour vous ronuier en personne, 358 CHOIX Qu'il vienne personnellement Vingt mille chapons seulement. Que de chapons dans vue Epistre ! Mais i'en suis sur vn bon chapitre; Et ie n'ay point des complimens Si gTas que vos chapons du Mans, le le dis et ne m'en puis taire, le le redis et réitère, Que, foy d'Authem-, ie vous respons De faire honneur à vos chapons. C'est là mon dernier mot pour rire. C'est le mieux que vous puisse escrhe Geluy qui fut, est et sera Votre très humble et cetera. Si ie signois Chenal ier George^ Faurois menty non par la gorge, Mais i'aurois menty par les doits. Fait à Paris en badaudois, L'an que toute arme estoit fourbie, Pendant vn Caresme ampliibie , Moitié chair et moitié poisson, Moitié farine et moitié son. Lettre crAiiis à Messievrs dv Parlement de Paris, escrite par vn Prouineial[is^i\\ (4 mars 1649.) Messieurs, i'ay à vous demander pardon d'abord si l'ose faire porter a cette lettre le titre d'auis à vostre * Il n'y a peut être pas de Mazarluade qui ait fait plus de bruit dans le temps et reçu plus d'éloges. Naudé la cite comme un exemple de ce que DE iMÂZARINADES. 359 cour , parcequ'il semble que ie veuille donner de la lu- mière au soleil , ou des eaux à l'Ocëan ; néanmoins mon excuse vous paroistra peut-estre légitime , si ie vous dis que les plus grands esprits , pour estre trop attachez aux réflexions qu'ils font sur de hautes affaires, choppent as- sez souuent en celles qui sont fondamentales, parcequ'ils les négligent comme leur paroissant trop petites. L'on a remarqué le tour que fît vne Milésienne au Philosophe Thaïes : elle le voyoit tousiours occupé dans la contem- plation des astres, et les yeux fichez sur les cieux , et mesme en marchant par les rues ; pour luy faire pressen- tir qu'il deuoit penser premièrement à ses pieds, elle mit quelque escabelle deuant luy, qui le fît tomber. C'est en vain qu'on coupe les branches de ces mauuaises plantes qui s'attachent aux bonnes; si l'on n'en arrache la ra- cine , le premier printemps leur redonne la naissance, et les fait bien souuent repousser auec plus d'étendue. Il vous en peut arriuer de mesme dans la conioncture des affaires présentes; car si vous ne déracinez les désor- sont les bonnes pièces dans leurs formes extérieures : l'impression, le titi^e le nombre des feuilles, et dans leurs formes intérieures : la composition et le style. Guy Patin en fait grand cas ; et Mailly ne manque pas de la signaler. Dès son apparition , une vive polémique s'engagea sur plusieurs pas- sages de la Zem-e et particulièrement sur celui-ci: « Les roys cessent dVstre roys quand ils abusent de leur autborité. Les suiets sont déliés de leurs sermens quand les roys contreuiennent aux leurs. » On ne compte pas moins de neuf pièces de cette controverse qui sont ; Réponse et réfuta- tion du discours intitulé : Lettre d'auis, etc. [3443]; Réplique au suffisant et captieux censeur de la Lettre d'auis, etc. [3353] ; Censure de Pinsuffisante et prétendue réponse faite a la réfutation de la Lettre d'auis, etc. [669] • Véri- table censure de la Lettre d'auis, etc. [3924) ; Donion du droit naturel di- iiin, etc. [1170] ; Ruine du mal nommé ou le foudroiement du Donion etc. [3b67]; Retorquement du foudre de Jupinet, etc. [3S26] ; Iw^ement et cen- sure des trois libelles : la Réplique, le Donion et le Retorquement, etc. [1773] ; Discours chrétien et politique de la puissance des roys etc. [1103 |. 360 CHOIX # dres qui s'attachent maintenant au Ministère, vous y pourrez bien en effet apporter quelque amendement ; mais le principe y demeurant, ce sera tousiours à recom- mencer ; et vous vous exposerez au hazard de les reuoir dans peu de temps régner, et peut estre auec beaucoup plus de violence. Prenez donc en bonne part, Messieurs, quelques réflexions que faisoit naguère vne compagnie assez considérable dans la Prouince sur les mal-heurs de nos iours, et qu'elle me pria de vous addresser. le l'au- rois fait plustot sans que nous ne receuions à toute heure de la part des Ministres de Saint-Germain que des gazettes et des billets, où l'on disoit que Paris estoit aux abois , que l'ardeur des bourgeois n'estoit qu'vn feu de paille , que la prise du village de Charenton et de Brie auoit mis la consternation si auant dans leurs esprits qu'ils estoient prests de se mutiner contre vous et contre vos chefs , que la diuision s'estoit mesme desia glissée parmy les Généraux; en vn mot, qu'ils estoient sur le point d'aller à Sainct-Germain, la corde au col, pour demander pardon de ne s'estre pas laissé mourir de faim. En effet vne nouuelle qui nous vint en mesme temps de Paris , nous confîrmoit en quelque façon tout cela, quiportoitque vous parliez desia d'accomodement, et que mesme vous condescendiez à vne paix, dont les articles estoient fort peu auantageux , pour ne pas dire pis. Mais vostre poste nous a enfin désabusez et asseurez du bon ordre de vostre ville et de la bonne intelligence qui est entre les Bourgeois et vous. Ce qui m'a obligé de despescher la présente et de vous l'enuoyer, afin que si vous venez à quelques termes d'accomodement , vous examiniez quelques causes que ie marque, d'où nous croyons que prouiennent tous nos maux, et que vous DE MAZARINADES. 361 y apportiez le remède que vous iugerez estre néces- saire. La première cause que nous trouuions , est que vous ne faites pas assez de réflexion sur ce que vous estes. Nous ne sommes généreux qu'autant que nous le croyons estre , comme nous ne sommes poltrons que pour auoir trop de défiance de nos forces ; c'est pourquoi , dit-on , Dieu ne voulut pas donner aux animaux la connoissance de ce qu'ils pouuoient ; autrement l'homme n'auroit ia- mais pu en venir à bout ny les dompter comme il fait. Si vous auiez considéré plustost le rang que vous tenez dans l'Estat, et le suiet de vostre establissement , vous n'auriez pas supporté toutes les indignitez qu'il vous a fallu misérablement souffrir durant le règne passé et pendant la Régence ; et vous vous seriez opposez forte- ment à tant de concussions qui se sont commises à l'op- pression des peuples , dont vous deuez estre les Pères et les Protecteurs. Car l'on ne peut oster à vostre Parlement, qu'il ne soit le soleil de toute la France et peut estre de toute l'Eu- rope, puisqu'il n'y a guère de Prince qui n'en reuère les Arrests ( tesmoins les sentimens de l'Archiduc Léopold qu'il vous a fait déclarer par son courier^)et qui ne croye pas qu'ils partent de la cour de ces grands Aréopages ou du Sénat Romain en sa splendeur. Comme à vray dire, vous n'estes ni moins Vénérables ni moins Augustes qu'eux ; et si vn second Cynéas vous voyoit en corps, il pourroit dire à iuste titre ce que dit l'ancien , en voyant la cour Romaine : que la vostre ne lui sembleroit pas vne assemblée d'hommes, mais vn consistoire de Rois. Sou- ' Véritable harangue faite à messieurs du parlement par le courrier.... Je S. À . r archiduc Léopold, etc. [3936]. 36!2 CHOiX uenez-vous donc, Messieurs , que vous estes ces Dieux Consentes ^ sans lesquels les Roys nepeuuentrien faire de iuste ny de conséquence dans le gouuernement de leurs peuples ; que vous deuez estre l'azile et les Génies tuté- laires de toute la France, la Lumière des bonnes mœurs, et les Maistres de l'équité ; que vous estes les premiers mobiles qui faites mouuoir toutes les Prouinces par le contrepoids de vos iugements, et que vous les emportez par rapidité ; en vn mot , que vostre Compagnie doit estre composée de tout ce qu'il y a de meilleur et de plus excellent en tout le Royaume , puisque de vous dépend toute la lustice qui s'y exerce. Aussi n'y a t'il personne qui vous dispute ces qualitez ; toutes les Yilles et les Prouinces se rendent obéissantes à vos Arrests; et tous vos frères des autres Parlemens ne parlent de vous qu'auec des respects qui vous sont deus, et par vostre mérite et par le droict d'ainesse et de primogéni- ture; si bien qu'il vous est très facile maintenant, et ie dis dauantage , vous estes obligez de reprendre vos pre- mières brisées, et de rentrer dans la glorieuse iouissance de tous vos droicts et priuilèges, pourueu que vous soyez aussi généreux et constans à les poursuiure, que les Pro- uinces sont disposées de vous assister de ce qui vous sera nécessaire. La seconde chose que nous remarquions pour estre la Vénalité des causc dc uos mallicurs , est la vénalité de vos charges ; cluirges de lus- 11 j . , , ,,1 tice, cause de nos ^"^^ ^^ deuroicnt cstrc quc des recompenses d honneur maux. et démérite, comme elles estoient autrefois; et néan- moins elles sont montées à des sommes si excessiues, que la perte d'vne seule emporte bien souuent auec soy la ruine totale d'vne , et parfois de plusieurs familles. De là vient que pour vous en exempter, vous estes con- DE MAZARINADES. 363 traints de les rachepter par la Paulette , et de vérifier tous les Edicts que la tyrannie des Ministres vous enuoye, pour la crainte que vous auez ou de les perdre tout à fait, ou d'en estre du moins interdits; ou bien s'ils n'osent pas tousiours se porter à ces excès de violence et qu'ils vous trouuentdans vne ferme résolution de ne rien passer à l'oppression du peuple, ils taschent de gagner les vns d'entre vous par des pensions , et les autres par de belles espérances , sappans ainsi les fondemens de vostre Authorité , suiuant les erres et les instructions du Cardinal de Richelieu, ingénieux mais détestable artisan de tous les maux que nous souffrons, et dont la tyran- nie insupportable, iointe à l'esclauage que quelques-vns des vostres voulurent subir sous ce superbe fauory, donna lieu à empiéter sur vous, et à faire de la France comme d'vne terre de conqueste. Et toutesfois n'en pou- uant encore auec tout cela venir à bout , parcequ'il se trouuoit tousiours nombre de braues hommes qui s'op- posoient vertement à ses damnables desseins , il donna telle impression d'eux au Roi défunct, de la facilité du- quel il abusoit , que i'ay ouy dire à des personnes qui l'approchoient d'assez près , que s'il eust pu , sans faire vne iniustice trop manifeste , et sans renuerser les lois de l'Estat, il eust exterminé iusques au dernier Conseil- ler du Parlement, pour en faire vn tout nouueau à sa fantaisie. C'estoit le souhait de cet Empereur, ou plus- tost tyran des Romains , qui désiroit que le Sénat n'eust qu'vne tête pour la faire sauter tout d'vn coup. Vous auez encore esté pis sous l'empire du Sicilien , de qui vous n'auez iamais pu auoir vne belle parole , si ce n'est celle qu'il fit dire à vn des Princes qui le protègent, lors- que vous vous plaigniez de l'enlèuement d'vn de vos 364 CHOIX Frères , que le Roy pouuoit faire de ses valets ce qu'il vouloit; faisant sans doute allusion à de semblables de Caligula qui appelloit le Sénat Romain , seruos suos to- gatos , c'est-à-dire, selon la propriété des mots de ce temps-là, ses esclaues de longue robe. C'est vne guerre que les JMignons des Princes ont tousiourseue auec des Compagnies semblables à la vostre, sur la pensée qu'ils ont que leur tyrannie ne peut sub- sister auec des âmes entières et desintéressées ; à moins que ce ne soient des Mignons et des Ministres aussi gens de bien quel'estoient Mécénas et Agrippa sous Auguste, qui bien loin de porter leur Maistre à rabaisser l'autbo- rité du Sénat, contribuèrent de tout leur pouuoir à en augmenter le lustre et la splendeur, tesmoin la reueue qu'il en fit, oii il cassa tous ceux qui s'y estoient intrus par l'insolence des guerres. Tibère son successeur fut déférant à cette mesme Compagnie pendant qu'il fut maistre de son esprit, lui renuoyant la connoissance de la pluspart des affaires, iusques-là mesmes qu'il protesta de n'accepter l'empire que pour en suiure les conseils, et se ioindre aux Consuls , pour le bien des affaires pu- bliques \ Mais quand Séian se fut emparé de son esprit, l'on ne vid plus que des proscriptions et des bannisse- mens dans cet ordre, parceque ce monstre se voyoit en- uironné d'autant d'ennemis qu'il y auoit de Sénateurs ; si bien que pour en gagner partie, il se desfaisoit des plus gens de bien , se montrant ouuertement protecteur des Délateurs , et faisant controuuer mille faux crimes Pratique de nos et formcr vne infinité d'accusations sans fondemens. Alors les moins courageux se rendoient ses esclaues, pour ' Tacite, 1. I, .^nn. N. D. T. DE MAZARINADES. 366 ne pas tomber dans le malheur de leurs frères ; et luy qui se seruoit adroitement de l'occasion , remplissoit le Sénat de ses créatures , afin que désormais il ne s'y put rien passer à son désaduantage. Ces temps-là estoient véritablement pleins de désordre; mais qu'estoit-ce en comparaison de ceux-cy ? ils n'auoient tout au plus qu'à combattre l'ambition de ceux qui voulant monter aux Magistrats par quelque moyen que ce fust , abandon- noient le party de leurs frères ; car les dignitez de Séna- teur ne coustoient rien ; et l'interdiction estoit plustost vne descharge d'affaires que la perte d'aucun bien qui fust affecté à la charge ; mais auiourd'huy vous auez l'ambition à combattre des vns qui vous trahissent sur l'espérance qu'ils ont d'estre esleuez à quelque chose de plus éminent, et la lascheté des autres qui vous aban- donnent pour les pensions qu'ils prennent, et pour la crainte qu'ils ont d'vne interdiction ou d'vn bannisse- ment. Si le mal est donc si grand , pourquoy l'entretient-on ? Quelle apparence y a t'il de fomenter vne playe qui consomme tout le corps ? Sommes-nous insensibles ius- ques au point que de ne voir pas, ou de n'estre pas tou- chez des rauages que cause ce désordre ? Prenez garde , Messieurs , comme il en est tousiours allé de pis en pis depuis que vos charges ont commencé à se vendre. Auant Louis XI , les Roys ne leuoient rien sur leurs suiets que par le consentement des États, ou qui ne fust du moins authorisé par la cour du Parlement; mais ce Prince qui les mit hors de page, commença de se seruir en ses pa- tentes des termes de certaine science , plain pouuoir et authorité ; et pour imprimer de la crainte dans les esprits des Officiers de lustice qui s'en formalisoient, il proposa 366 CHOIX à l'instigation de ses courtisans de mettre leurs charges en vente. Le plus fort l'emporte, dit-on. Le vulgaire des hommes se porte plus chaudement à poursuiure ses inté- rêts que ceux du public. Afin que Ton ne touchast pas la corde qui faisoit mal à leurs oreilles, ils baissent la teste, et ne s'opposent à rien. De quoy les Roys suiuans faisant leur profit, ne manquèrent pas de remettre l'vn en auant , sans crainte de perdre l'autre; si bien que Louis XII vendit tous les Offices des finances, sans tou- cher toutesfois à ceux de la lustice , qui estoit vne adroite procédure , pour les désvnir par les diuers trais- temens qu'il leur faisoit^; mais François V% n'ayant plus que ceux-ci à mettre à la raison, les obligea tous sans distinction à acheter leurs Offices, et dès-lors establit le bureau des Parties Casuelles , pour seruir, dit Loyseau au liure second des Offices , d'échoppe et de boutique à cette marchandise nouuelle. le ne parle point de la plainte qu'en firent les parlemens aux Estats de Blois derniers, ny des diuerses propositions qui furent faites pour tascher de les contenter. Le dernier coup de massue vous fut donné l'an 1 604 par vn nommé Charles Paulet, secrétaire de la Chambre du Roy, parain de la Paulette, qui fut le premier partisan de vos charges , moyennant le soixantième denier de la finance. Qu'est-il arriué de- puis? Il n'est pas besoin de vous en parler. Vous le sca- uez mieux que moy; tout ce qu'on en peut dire, est que le mal est à sa crise, et qu'il faut ou périr ou le guérir. Troisième eau- Ic pourrois rapporter pour la troisième cause de nos p^arrisInHInseii- "^^^l^Gurs la promotiou qui se fait des races partisanes ^^'■s- aux charges de Conseillers et de Présidens, pour estre ' Ce fut l'an lb22. N. D. T. DE MAZARINADES. 367 les Émissaires des Ministres, sans que i'estime auec plus de douceur que ne font la pluspart des hommes, qu'il ne faut pas tant prendre garde à la naissance d'vn Réci- piendaire, qu'à sa vertu et à son mérite. Et néanmoins quand ie fais réflexion sur les inconuéniens qui en arri- uent , ie suis comme forcé à renoncer à mon sentiment ; comme en effect il n'est pas croyable qu'vn homme atta- ché de fortune et d'intérest à vn Ministre , abandonne ce qui le touche , pour suiurele party de ceux dont il est hay; ce seroit s'abandonner soy-mesme ; et s'il s'en trouue quelques-vns d'assez généreux pour renoncer à toutes ces alliances plastrées par les concussions et ci- mentées par des larcins , comme il s'en est trouué en vos grabuges , l'on peut dire que c'est vn prodige, et que la fortune leur a esté marastre, de faire prendre à ces belles âmes des corps empestés de la corruption Partisan ne. Il y a encore vne autre raison qui regarde l'honneur de vostre Compagnie , de n'y admettre personne qui sente la lie , et qui fasse dire de tout le corps qu'il n'est com- posé que d'âmes vénales, c'est-à-dire que de Partisans, l'estime cette raison plus forte sans comparaison que toute autre. Toute Compagnie doit s'estudier à acquérir de l'estime , à amplifier son authorité, et à la conseruer; et il est sans doute qu'en quelque lieu que ce soit, les personnes de condition sont tousiours plus respectées et qu'on les croit moins susceptibles de faire vne lascheté que d'autres. C'est pourquoy en plusieurs endroits l'on requiert la Noblesse dans vn Conseiller, comme à Venise, Rhaguse, à Nuremberg et en Pologne , depuis l'édict de Sigismond de l'an 1 050, qui portoit que nul ne pourroit estre receu Sénateur à moins que son père ne fut noble. Les Romains requéroient bien en leurs Sénateurs Exemples. 368 CHOIX qu'ils eussent trente mil escus vaillans , pour auoir de quoy s'entretenir en vn estât sortable à leur condition ; mais outre cela il a esté longtemps que pour estre admis en l'ordre, il falloit auoir exercé quelqu'vne des hautes Magistratures. C'est pourquoy de cinq ans en cinq ans les Censeurs enregistroient au roole du Sénat tous ceux qui auoient eu des charges publiques. Et quand Sylla le voulut remplir et en mettre au lieu de ceux qu'on auoit fait mourir, il institua vingt Questeurs; et César qua- rante après luy, afin qu'à l'instant ils eussent entrée au Sénat, et le pouuoir d'opiner. Et quoy que sous les Empereurs il y ait eu quelque relâche pour le fait des charges, néanmoins les sages et vertueux Princes n'y ont iamais voulu admettre aucun libertin ou fils d'af- franchy, qui estoient sans comparaison plus considéra- bles que tout le tas des Partisans, parceque hors le mal- heur de la guerre, qui les auoit rendus eux ou leurs parens esclaues, il n'y auoit bien souuent rien à repro- cher à leur vie. Et bien dauantage, Alexandre Seuerus ne voulut iamais en admettre en l'ordre des Cheualliers, qui n'estoient que mitoyens, parcequ'il estoit la pépinière et le séminaire du Sénat. C'est l'estime qu'on a tous- iours fait de cet ordre supresme ; si bien qu'au temps mesme de la décadence finale de l'Empire, l'on n'y re- ceuoit que des personnes de qualité , connues par leur vertu et par leurs mérites, suiuant ce qu'en dit Théodo- ric et Cassiodore : Admittendos in Senatum examinare cogit sollicitius honor Senatûs. Quatrième eau- De toutcs CCS causcs cu uaist vnc quatrième, qui est se, la désvnion. .,,... i i / i vn monstre : sçauoir, la diuision et la desvnion de vostre Compagnie; monstre voirement, si nous n'aimons mieux l'appeler vne peste, qui vous infectant, porte en suitte DE MAZARINADES. 369 auec soy l'infection et corruption par toute la France. Messieurs, croyez moy : vous n'auez rien à craindre des armes du dehors ; et quand vos ennemis auroient autant de Prouinces pour eux qu'ils en ont contre, ils ne vous pcuuent rien faire, pourueu que vous conspiriez tous à vne mesme fin et que vous fassiez la paix, ie ne dis pas au dedans de la ville seulement, mais dans vous mesmes. le ne sçaurois penser à cette prodigieuse grandeur où est montée la République Ptomaine , sans entrer dans des transports d'estonnemens et sans conceuuoir comme vn prodige leur iudicieuse conduite; car, qui est ce qui l'a amsi esleuée? ce n'a pas esté le nombre des armées qu'elle entretenoit ? Au commencement elle n'estoit composée que de trois mil hommes de pied et de trois cens chenaux; et toutefois à peine estoit-elle estabhe, qu'elle se suscite des guerres de gaieté de cœur. Ce n'estoit pas sur la for- teresse de ses remparts qu'elle se fioit? A peine y auoit-il quelque terrasse pour renfermer enuiron mille maisons, ou plustost chaumières qui furent premièrement basties. Estoit-ce point l'intelligence qu'elle auoit auec les villes voisines? Bien loin de cela, il n'y en auoit point qui ne taschât de l'étouffer dans le berceau. Qu'estoit-ce donc ? Sans doute il n'y a point d'autre cause humaine que l'vnion admirable de toutes ses parties. Il n'y auoit point de citoyens depuis le plus grand iusques au plus petit, qui ne concourust à l'augmentation de la ville auec autant d'ardeur que s'il eust cru pouuoir s'acquérir vn Royaume à luy tout seul. Que ne fist point le Sénat après l'adultère commis en la personne de Lucrèce ? le rapporteray volon- tiers en passant l'histoire de ce temps-là, qui a beaucoup de conformité auec la conioncture de vos affaires. Le Sénat auoit esté maltraité parTarquin le Superbe, qui en I Oi 370 CHOIX auoit fait mourir les principaux, banny les autres, ou fait languir dans des prisons autant qu'il pouuoit s'ima- giner y en auoir qui détestoient sa tyrannie. Le peu qui en restoit, estoient si effrayez de ces cruautez inouyes, qu'ils n'osoient pas mesme lascher vne parole qui appro- chast de la plainte; si bien que quand Brutus s'en vint du camp de deuant Ardée à Rome et qu'il descouurit son dessein, à peine le peurent-ils croire et n'osèrent se décla- rer iusques à ce qu'il les eut rasseurez. Qui ne se fust pas douté de quelque fourbe de la part d'vn homme qui estoit du sang Royal ? Enfin les voilà assemblez, et dans la résolution de ne plus receuoir Tarquin; l'affaire est communiquée au peuple ; tout le monde y consent. Mais comment se défendre ? Leur ruine estoit ce semble iné- uitable : le roy estoit deuant Ardée auec vne puissante armée; et eux n'auoient pas vn homme sur pied, ny pas vne place que leur ville. Les bourgeois ne sont pas d'or- dinaire bons soldats hors de leur foyer. N'importe^ la iustice de leur cause les anime ; Brutus leur lèue toute crainte en leur monstrant que l'armée Royale estoit fati- guée des guerres passées, que les soldats n'auroient pas d'autres sentimens que leurs concitoyens, et que quand mesme il y en auroit de mal affectionnez, leurs femmes, enfans et proches parens et tout leur bien estoient en ville, qui seruoient d'ostages très asseurez. Incontinent tout le monde prend les armes; le Sénat donne ordre au dedans; et luy, accompagné des plus courageux, s'en va deuant Ardée. L'armée luy tend les bras; et le ïyran est contraint de s'enfuir. Ce n'est pas le tout : le voilà aussitôt reuenu aux portes de Rome auec les forces de Porsenna et la réduit aux abois. Qu'ariue-t-ii ? Des prodiges sur des prodiges. L'vn arrcste toute l'armée DE MAZARINADES. 371 ennemie au bout d'vn pont, pendant qu'on le rompt der- rière kiy, et tout charge de coups se iette dans le Tibre et se sauue deuers les siens. Vn autre s'en va au camp dePorsenna et le fait trembler par sa constance. Il n'y a pas iusques aux filles qui disputent auec les hommes à qui fera plus paroistre de générosité. Personne ne veut escouter aucune proposition du Tyran ; tout le monde luy résiste; en vn mot, et luy et ceux qui l'assistent, sont contraints de leuer le siège, voyant qu'il n'y a pas moyen de les désvnir. Vous n'estes pas, grâces à Dieu, en ces extrémitez-là; mais, cependant, appliquez cet exemple à vos affaires ; et vous verrez qu'il n'y a guère de différence, sinon qu'vn grand Pvoy leur faisoit la guerre sous le nom d'vn Tyran, et pour un Tyran, et que les Tyrans vous la font sous le nom d'vn Roy enfant et innocent. Faites Malheur de la , , , . , dcsvnion, vous vn modèle de constance et de générosité sur ces hommes-là ; et apprenez que rien ne vous peut perdre si vous les imitez. Souuenez-vous que quelques émotions et diuisions qui soient arriuez entre le Sénat et le peuple, pendant que cet excelent ordre s'est tenu estroitemerit vny, rien n'a pu ébranler l'Etat Romain, non pas mesme la sédition des Gracches ; mais dans la guerre ciuile entre Sylla et Marius, les Sénateurs s'estans partagez, l'on vid bien tôt les testes voler, et les proscriptions en règne. César n'auroit iamais entrepris de porter les armes contre sa patrie, sans qu'il estoit asseuré de la fidélité des tri- buns, et qu'il y auoit intelligence auec quelques Séna- teurs; et ie puis dire que iamais les Ministres n'auroient entrepris ce qu'ils ont fait sans l'intelligence qu'ils ont ménagée auec partie de vostre Compagnie. Malheureux intérests , qui portez les esprits h des aueuglemens si estranges! Tel les réclame auiourd'huy qui en portera la 372 CHOIX peine ! Et Dieu qui venge les crimes tost ou tard, per- mettra qu'eux ou leurs enfans subiront le ioug qu'ils peuuent secouer auec tant d'auantages. Qu'ils prennent garde qu'il ne leur arriue le mesme qu'à ceux des Romains que ie viens de dire, qui sans gouster le fruict qu'ils auoient espe'rë de leurs trahisons, furent enseuelis misé- rablement dans les diuisions ciuiles, dont ils estoient la cause. Messieurs, ces exemples vous doiuent faire appré- hender, pensez y bien; et sçachez que si iamais vous auez à en parler hautement , c'est à présent , où il y va de vostre autlîorité, de l'honneur de vostre Compagnie, du salut de vos frères, de la liberté de vos Concitoyens, en vn mot, du repos de toute la France. Ce n'est pas à présent qu'il faut s'estudier à obhgerles Ministres. Si vous l'auez fait par le passé , vous en estes louables , parce que peut estre pressentiez-vous les maux qui sont arriuez ; mais c'en est fait, le masque est tombé; et il est besoin auiour- d'huyd'vne concorde et d'vne conspiration vnanime pour le bien public et pour la punition des meschans. Véritablement il y a lieu de s'estonner qu'il y en ait compatibles auec cncorc cutrc VOUS qui proposent des voyes d'vne paix si sonTme^s!^''"""^ des-auantagcuse lorsque le peuple est le plus animé, et que vous voyez que toute la Noblesse qui n'a point d'at- tache d'intérest à la conseruation des Ministres, vous offre son courage et que toutes les Prouinces vous tendent les mains. Pleust à Dieu que tout fust bien pacifié ! tous les gens de bien ont à le souhaiter; et il n'y a que les mauuais François qui demandent la continuation des désordres; mais s'il est permis d'argumenter de l'auenir par le passé, que peut-on espérer d'vn accomodement auec ces gens-là, sinon la désolation entière de toute la France? Vous sçaucz, T^îessieurs, quelles paroles on vous Movens d'ac- coraodemen s in- DE MAZARINADES. 373 tint à la prise de Monsieur de Broussel. La Reyne vous remercia du bon ordre que vous auiez apporté à pacifier rëmotion des Bourgeois ; elle en fit autant à Messieurs de la ville; et en vous rendant vos frères, elle protesta qu'elle tenoit en faueur tous vos procédés, et que bien loin de s'en ressentir, comme le simple vulgaire s'imagi- noit, elle vous en auoit de très-sensibles obligations. Qui est-ce qui eust rien soupçonné de funeste en ces paroles- là, si la suitte ne nous l'auoit appris ? Peu de temps après Ton fait déloger le Roy de Paris d'vn grand matin, sans tambours ny trompettes. Incontinent Paris est inuesty de toutes parts de gens de guerre; néanmoins parceque les ?VÎinistres trouuèrent qu'ils s'estoient mespris en leur calcul, et qu'ils n'auoient pas assez bien pris le temps d'exécuter leurs damnables desseins, vous y allastes ; et ils entendirent à vos remontrances ; et après plusieurs allées et venues ennuyeuses aux gens de bien , ils font enfin condescendre la Reyne à cette belle déclaration ^ qui deuoit servir de pierre fondamentale au gouuernement. Elle s'y porta, ce sembloit, sans réserue ; les Princes y signent ; tout le monde s'en réiouit ; voila le P^oy de retour h Paris auec toute sa cour; toute la ville goûte le calme après l'orage; enfin tout est en paix. Mais combien dure cela ? autant qu'il en faut pour bloquer Paris et pour faire amasser des troupes de toutes parts, afin de faire périr en vn moment cette puissante ville. Pour en auoir suiet,on contreuientouuertement aux principaux poincts de la Déclaration. A^ous voilà aussitôt dans la défiance; et eux font prendre au Roy vne seconde fuite, vne beure après minuit, pour reuenir comme ils font les armes a * Du 2-2 octobre iG48. 374 CHOIX la main et vous contraindre de leur porter vos testes. Tout le monde est imbu de ce procédé ; la foy publique y est violée ; les droits diuins et humains sont renuersez; et nonobstant cela vous y enuoyez ; la Ville y va ; vous faites des remonstrances par escrit ; vous faites représenter de bouche; à tout cela la response est qu'il faut périr. Et après cela vous tenterez encor des voyes de douceur ? Pourquoy ? est-ce pour prier les idinistres de vous par- donner? Vous deuez croire que si l'impuissance ne les en empescliCj il n'y a point de pardon pour vous. Est-ce pour obuier au pillage de la France et à sa ruine totale ? Au contraire, il n'y a point de guerre qui ne soit plus à souhaiter que la meilleure paix auec ces gens-là. Dieu sçait quel traittement ils luy feroient après auoir reconnu les bonnes inclinations qu'ont les peuples pour eux. Est- ce pour faire voir la iustice de vostre procédé, et les mettre entièrement dans le tort ? Comme s'ils n'yestoient pas desia, et que la France ne sceust pas de quelle façon vous vous estes comportez. LePax^ementne J^J^Jg y ^^^ ^^^^ j-^,^ vj ^^j. j^-^^^ raisonuablc qUC Ic doit point mettre i '■ bas les armes. Parlement fasse le premier pas, que ce seroit réduire la Reyne à des submissions indignes de sa qualité que de la vouloir obliger à vous offrir la paix, et qu'il vaut mieux que vous en ayez l'affront, que non pas elle. le voudrois qu'il ne tînt qu'à des submissions de la France qui a les mesmes intérests que vous, que nous n'eussions vne véri- table paix; mais comme il nous est permis de douter de la iustice de leurs procédés, ie prétends que vous deuez retenir vos armes, et que la Reyne doit commander à ses Ministres de mettre bas les leurs, qu'elle doit desboucher Paris et rendre la liberté du commerce, sans parler qu'elle vous liure l'autlieur de ces désordres, auant que DE MAZARINADES. 375 iamais vous songiez à aucun accomodement. Cette pro- position est bien hardie, pour ne pas dire insolente; il est vray, eu égard à nostre esclauage passé, qui ne nous eust pas permis de parler si librement; mais, grâces h Dieu, nous goustons au moins en ce moment la douceur des Saturnales, comme faisoient les esclaues chez les anciens Romains, qui pouuoient ces iours-là reprocher à leurs Maistres tous leurs défauts sans crainte du sup- plice, le prétends pourtant qu'il n'y a rien de plus iuste; car en quoy ne le seroit-il pas ? Tout le pis qu'on peut dire, est que le Parlement auroit eu le dessus, qu'il auroit fallu à la Reyne céder au temps et accorder tout, et que cette leuée de boucliers que ses Ministres ont fait, passe et passera pour ridicule ; et après cela quelle conclusion? Le Parlement en abusera-t-il ? Voudra-t-il secouer le ioug de l'obéissance? Esteindra-t-il les lolx pour la défense desquelles il est armé ? Cela ne peut tomber sous le sens commun de ceux qui sçauent comme quoy Mes- sieurs du Parlement ont agy depuis le mois de niay der- nier/S'ils eussent eudemauuais desseins aux Barricades, il leur estoit très aisé de les exécuter; ils pouoientenseue- lir sous vne mesme ruine tout ce qu'ils eussent voulu, lorsqu'il y auoit cent mille hommes sous les armes qui ne faisoient qu'attendre leur ordre. L'on peut dire que trois iours durant, ils ont esté maistres absolus de Paris, et qu'ils n'auoient que trop de personnes à exécuter leurs commandemens. C'estoit du temps assez pour prendre leurs auantages ; mais cette Auguste Compagnie a les lys trop bien grauez en l'âme, pour en vouloir à la tige. Bien loin mesme de se préualoir de tant de bonne volonté qu'on leur tesmoignoit pour se vanger de leurs enne- mis, ils s'en seruent pour pacifier tout, et vsent auec tant 376 CHOIX de modération de cette victoire qu'au moment que parut Monsieur de Broussel en la ville, ils font mettre bas les armes ; et en moins d'vn rien tout fust aussi calme que s'il n'y eust pas eu de bourasque. La France sçait combien ils ont été rebutez de fois a Sainct-Germain après la première fuite qu'on a fait pren- dre au B-oy; on les renuoyoit souuent sans les entendre après les auoir fait garder le mulet, comme on dit, des six beures entières; parfois on leur donnoit audiance à vne beure de nuict ; parfois on passoit le temps à des badi- neries; on différoit le plus souuent pour vne autre fois; enfin que ne leur a-t-on point fait ? Et cependant a-t-on ouy dire qu'ils ayent entretenu des intelligences secrètes auec les ennemis de l'Estat, comme on leur a voulu impo- ser, cette dernière fuite? Ils scauoient fort bien que le suiet de la première estoit pour exécuter le mesme des- sein qu'ils tascbent d'exécuter à présent ; les troupes commençoient à faire des bostilitez ; elles approcboient de Paris de tous costez; mais parce que c'estoit en vne saison où il nefaisoit pas bon pour les luinistres, on les leurre de la Déclaration dernière. L'on sçauoit à Paris leur impuissance; et il estoit aisé d'aller quérir le Roy à Sainct-Germain, et le ramener, ce qui n'est pas sans exem- ple, et faire pis si le Parlement eust voulu. Ceux qui ont enuie de brouiller, ne perdent point le moment si pré- cieux ; et des gens si éclairés n'auroient pas fait des pas de clerc si manifestes. La Pveyne croit-elle estre plus en seureté h Sainct-Germain qu'elle n'estoit pour lors ? Elle a des forces véritablement; mais elles sont dissipées et éparses en trop d'endroits pour pouuoir empescher que cent mille bommes^ qui peuuent sortir de Paris, n'aillent * On ne s'étonnera pas trop de cc3 cent miiie liommes si on pren DE MAZARINADES, 377 Tinuestir. C'est ce qu'on a proposé dès le commencement et qui a aussi esté reietté, pour ne point s'opposer à la liberté et aux contentemens. L'on ne peut donc pas ius- ques icy se plaindre que le Parlement ait abusé insolem- ment de l'auantage qu'il a eu; car quoy que la Déclara- tion dernière soit au nom du Roy, toutesfois, il n'en faut point faire la petite bouclie , les Ministres ne l'ont consentie que par force ; tout le monde le scait ; et leurs procédez Font bien fait voir depuis. L'on pouuoit dire pour lors que le Parlement auoit eu le dessus aussi bien qu'aux Barricades ; et cependant quel auantage en tire- t-il? A-t-il voulu lasser par des voies indirectes l'Autlio- rité Royale ? A-t-il remué ou tenté autre cbose que ce qui estoit contenu dans sa Déclaration? N'a-t-il pas poursuivy Festablissement de la chambre de Justice, pour tror.uer de l'argent au Roy; à quoy les Ministres se sont tousiours opposez ? En quoy le peut-on donc accuser, si ce n'est de trop de douceur et d'auoir, après tant de fourbes et de crimes, toléré des harpies dans le Ministère? le veux donc qu'on dise que la Reyne a cédé, et qu'elle y a esté contrainte, que cette ieuée de boucliers a quoy l'ont engagée ses Ministres, n'a fait qu'apprester a rire et qu'à faire voir la foiblesse de son party; quel mal en peut-il arriuer ? elle est bien asseurée qu'on ne luy en veut non plus qu'au Roy ny à aucun de la maison Royale, et que tout ce qu'elle risque en ces accomo- démens, est qu'il luy faille abandonner ses Ministres, et notamment ccluy qui a le plus de part en ses bonnes grâces, qui est remettre le pays en seureté, et luy re- garde que dans VJuis très liiste et très légitime au Roy très chrestien, etc. [o'^2] M'' Isaac Loppin prétend démontrer que le roi commande à soixante raillions de sujets. 378 CHOIX donner le calme , et que d'ailleurs le Parlement ait con- tentement , tant pour luy que pour les peuples et les Princes qui le protègent. Il n'y a personne qui doute que ceux qui se sont rangez de son party, ne l'ont fait qu'en considération du repos public et de l'auersion qu'ils ont pour le mauuais Ministère. Le rang que les Princes vnis tiennent à la cour, ne leur permet pas de penser à vn changement d'Estat , comme ceux de Sainct-Germain pu- blient. Ils ne peuuent prétendre au dessus de ceux qui tiennent le party des Ministres, comme aussi ils ne peuuent estre plus bas qu'au second lieu ; tellement que la Reyne peut dissiper tous les orages qui s'en vont fondre sur elle , en donnant satisfaction au Parlem.ent et aux Princes. Que si elle suit ses mauuais conseillers, elle met le Royaume en vn danger imminent, et l'expose en proye. Quand l'on s'embarque en de semblables affaires. Ton n'en voit point les issues. Il n'y a que Dieu seul à qui tous les momens sont présens , qui les connoisse. Tout ce que la prudence humaine nous enseigne , est de préuenir les mal-heurs tant que nous pouuons , et de ne nous pas engager en haute mer, quand nous voyons la tempeste qui s'appreste. La Reyne défuncte fournit d'vn puissant exemple, pour faire appréhender à la Reyne Régente pareil traitement qu'elle a receu. Cette leçon luy deuroit estre utile, et luy apprendre, que quand le Roy sera maieur, il peut auoir vn Ministre semblable au Cardinal de Richelieu, qui luy pourra faire souffrir les mesmes rigueurs qu'il fit souffrir à la défuncte. Et si cela est , à qui aura-t-elle recours ? aux Ministres d'auiour- d'hui ? c'est vne folie de croire qu'ils subsistent, quand par impossible on les lairroit en France iusques à ce temps là. Il n'y a point d'enfant qui ne soit bien aise de DE MAZARINÂDES. 379 sortir de dessous la férule de ses maistres; et quelque traitement que fasse le Cardinal au Roy, qu'il tasche d'obséder par des charmes de libertinage et de contente- ment , quand il sera capable d'agir de luy mesme , ce sera le premier dont il se défera ; ioint que dès à pré- sent il est très mal en son esprit, et que bien qu'il n'y ait que ses émissaires auprès de luy, ils ne sçauroient empescher qu'il ne tesmoigne le mescontentement qu'il en a, et le peu de plaisir qu'il prend à entendre parler des défaites imaginaires des troupes Parisiennes, qu'on publie incessamment à ses oreilles. Aura-t-elle les Parle- mens et la Justice de son costé ? elle ne le peut espérer, puisqu'elle contribue de toutes ses forces à les destruire. Sera-ce point les peuples ? hélas , elle en est bien éloi- gnée ! l'affection qu'ils ont eu pour elle, quant ils l'ont veue dans l'oppression d'vn insolent Ministre , s'est changée en vne estrange auersion ; ouy en auersion , si ie l'ose dire, puis qu'au lieu du soulagement qu'ils espé- roient d'elle, ils ne voyent que des surcharges d'oppres- sion de sa part , et que comités à leurs portes qui les traittent comme des forçats. le crois avoir suffisamment montré que la Reyne ne risque rien en faisant mettre bas les armes à ses Ministres. Voyons maintenant à quel danger s'exposeroit le Parle- ment, s'il faisoit, comme on demande, le premier pas, et s'il se soumettoit encore vne fois après tant d'autres. Quelle seureté y auroit-il pour luy ? le peu de fidélité qu'on a expérimenté dans les Ministres, deià par deux fois, ne permet pas d'en tenter vne troisiesme. Ce ne se- roit pas faire en gens prudens, que de rechercher les précipices qu'ils ont éuitez. Après la victoire de Scipion sur les Carthaginois, l'on proposa dans le Sénat ce qu'il 380 CHOIX en falloit faire. Cn. Cornélius Lenlulus fut d'auis de les ruiner tout-à-fait , parceque de tous les traittez qu'on auoit fait auec eux, ils n'en auoient pas obserué vn; qu'ils ne demandoient iamais la paix, que quand ils n'en pouuoient plus , et que puisque Ton ne leur pouuoit oster la perfidie qui leur estoit naturelle , au moins leur falloit- il oster la puissance de nuire. Et quoy que cet aduis ne fust pas suiuy pour l'heure , néanmoins l'on y fust obligé après j à cause de ce qui arriua depuis, c'est à dire à cause de la foy qu'ils violèrent après tant de traittez , et qu'ils violoient sans cesse. Aussi quel traitté peut-on faire auec les Ministres qui font comme on tient que faisoient Alexandre sixiesme, et sou neueu le comte de Valentinois , que Machiauel met pour le parangon des Princes? car quelque paix ou accord qu'ils fissent, il n'y auoit iamais de seuretë, d'autant qu'Alexandre ne faisoit rien de ce qu'il disoit, et que le Comte ne disoit rien de ce qu'il faisoit. L'histoire marque les grands sermens qu'il fit pour asseurance de la paix auec les Princes qui s'ëtoient liguez contre luy, lesquels après auoir attirez sous ombre de bonne foy, il fit après cruel- lement mourir ; sur quoy Alexandre dit en riant , qu'il auoit iouë vn tour d'Espagnol ; leçon aux Princes vnis de ne se fier iamais à des infracteurs de la foy publique , imitateurs encore en ce point de Maximilien premier, qui disoit qu'il ne faisoit iamais de traitté avec Louys douziesme, que pour l'abuser et l'amuser, et pour se vanger de dix-sept iniures qu'il prétendoit auoir re- çues des François. Et quoy, Messieurs, les Princes oseront-ils donner leur foy à des gens qui n'en ont point? Et si vous entendez à vn accord , croyez-vous qu'ils le tiennent, eux qui ont de grands intérests h prendre DE MAZARINADES. 381 leurs seuretcz? Pensez-vous qu'il iouent à des ieux cFenfans? Et les Prouinces qui sont pour vous, que diront-elles? Et celles qui ne sont pas encore déclarées, le voudront-elles faire , si elles entendent que vous trait- tiez de paix? C'est vn artifice, ne vous y fiez pas; et tout ce que prétendent les Ministres, est de vous oster l'appuy que vous auez en l'vnion qui vous rend inuin- cibles. Puisqu'il n'y a donc point de foy, à quoy pensent ceux qui concluent aux voyes de douceur et à des articles si plastrez? N'en a-t-on pas fait de bouche et par escrit? Qu'a produit la soubmission du Parlement, sinon des traittemens qu'on ne receuroit pas mesme du Turc ? Il n'en faut pas espérer d'autres à l'auenir; n'en doutez point. Mais quoy, sera-t-on tousiours en guerre? Et si la Preuuesqueia r» n ' .11 4- •] P^ix^ ïic doit se Reyne ne veut faire mettre bas les armes, y aura-t-ii }^j^.^ moyen de subsister? Le peuple sera-t-il tousiours dans l'oppression? Pourrons-nous voir emporter ou rompre leurs meubles, et eux-mesmes traisner comme des scélé- rats à la queue des cheuaux , sans estre touchez ? véri- tablement , quant aux peuples , cela est digne de compassion , particulièrement pour le menu de Paris et des enuirons; mais quelque chose qu'il perde, il ne s'en plaint pas sur Tespérance qu'il a que vous le proté- gerez comme vous auez commencé. Il est tout persuadé qu'à des maux violens qu'il souffroit, il faut endurer de violens remèdes. Cela ne sert qu'à l'aigrir tous les iours contre la milice Cardinale, qui est plus en hazard par la campagne chez les paysans , qu'elle n'est entre les mains de nos soldats; au contraire, quand ils voyent ceux-ci, tout leur est ouuert ; l'on n'entend que des bénédictions sortir de leur bouche , et que des prières à 382 CHOIX Dieu que vos bons desseins réussissent. Vous deuez vous seruir de cette affection pendant qu'elle dure, et en faire vostre profit. Ils ayment mieux perdre leur bien pour la deffense de la iustice , et souffrir tout d'vn temps la der- nière violence des Ministres , que de languir perpétuelle- ment sans mesmes oser se plaindre. Mais ie dis plus : il n'est pas possible de faire paix auec le Conseil de la Reyne ; premièrement j parcequ'on n'en sauroit faire qui ne soit honteuse; secondement, parce qu'elle ne se peut faire du tout. Permettez moy, Messieurs , de vous faire voir les trois raisons dont se seruit autrefois Cicéron en pareille occasion contre Pr'Iarc- Antoine, fauteur de la tyrannie, d'où les Romains ne fai- soient que sortir après la mort de César. Le Sénat fit force procédure contre luy et mesme le déclara Pertur- bateur du repos public et ennemy de la Patrie ; no- nobstant quoy , il se trouua des Sénateurs accomodans, La première qui firent plusicurs ouuertures de paix; et Cicéron qui celte paixltaeT- P^'cvoyoit dc loing Ic camagc que ce Barbare tyran au- Lonneste.7,phi. l'oit cxcrcé , si Ics cspnts dc la Cour se portoient à les lipp., n. 11. ; * ^ entendre, s y opposa vertement et en remonstra les con- séquences par ces raisons : premièrement , il fait voir que cette paix seroit honteuse , parce que les Arrests du Sénat deuoient être sacrez et inuiolables, et que la légè- reté et l'inconstance estant blasmables en qui que ce soit, elles le sont encore beaucoup plus dans vn si auguste corps : quelle apparence y auroit-il donc de casser les Décrets qui auoient esté faits contre luy, ce qu'il estoit nécessaire de faire pour en venir à vn accomodement ? quelle honte ne seroit-ce point au Sénat de receuoir celuy qu'il vcnoit de déclarer ennemy du public, et dont il auoit loué et récompensé les ennemis? Messieurs, vous DE MAZARINADES. 383 auez dans toutes vos procédures fait voir clairement combien le Ministère du Cardinal de Mazarin vous de- plaist, et combien il est pernicieux à l'Estat; vous l'auez déclaré Perturbateur du repos public et ennemy du Roy et du Royaume; vous auez confisqué ses biens comme d'vn criminel. Quelle apparence donc d'en venir à vn accomodement? vous paroissoit-il lors de vos procédures^ criminel et perturbateur du repos public; et auiourd'huy innocent ? ce seroit faire tort à vos iudicieuses conduites ; et il n'y a point de si petit raisonnement qui ne vous con- damnast de boutade et de passion aueuglée. Si vous estes dans le sentiment que vous estiez pour lors, et s'il vous paroit criminel en tout temps , pouuez-vous éuiter qu'on ne vous accuse de légèreté et d'inconstance, si vous en- tendez à vn accomodement ? De quelque costé que vous tourniez , il n'y a point de paix à faire qui ne soit hon- teuse à vostre Compagnie , à moins que vous ne la don- niez. Turjje est (dîsoitCicéron au Sénat Romain) ^•w/?2/?zo consilio orhis terrœ , prsesertim in re lam perspicuà consiliuni intelligendi de fuisse . Secondement, le mesme orateur fait voir qu'vne paix ne pouuoit estre sans dan- ger, parceque ses parens et amis demeurans en la ville et estans extresmement puissans ne manqueroient pas à preiidre leur temps, et à remuer tout de nouueau quand l'on y penseroit le moins; que les gens de bien qui s'estoient déclarez contre eux , se trouueroient exposez à leur rage, et qu'ainsi l'Estat ne pouuoit éuiter sa ruine. Messieurs, vous iugez bien ce qu'il y a à craindre si vous faites la paix. Il n'est pas possible de faire des traitiez sans que les parties relasclient chacune de leur costé ; autrement si l'vne retenoit tout son droit et que Tautre relaschat tout , ce seroit vn partage mal fiiit oii La deuxiesrae raison est que cette paix est dangereuse. 384 CHOIX tout seroit d'vn costë et rien de l'autre; ce qui s'appelle donner la loy et non pas traitter. Si donc vous en venez à vn accomodement , qui est-ce qui donnera la loy ? La Reyne ne prétend pas vous la donner, à mon aduis , estant en la posture oii vous estes. Vous ne pouuez non plus prétendre la luy donner absolument; cela passe- roit pour vne insolence qui ne seroit pas supportable dans des suiets. Il faut donc de nécessité que vous re- laschiez de vos droits ; et que relascherez vous ? sera-ce que vous permettrez que le Cardinal demeure en France en quelqu'vne de ses Abbayes ? ie ne croy pas que vous en ayez la pensée, non plus que ie ne croy qu'on ait à Saiiict-Germain la pensée de vous le demander, cela estant moralement impossible. Sera ce a condition que !e Cardinal sortira de France, qui est l'vnique pierre d'acbopement ? nous n'en sommes plus dans ces termes là ; les cboses ont changé de face ; et ceux qui le protè- gent et qui le suiuent , ne sont pas moins criminels que luy pour ne pas dire plus. Si vous vous contentez de bannir le Cardinal, tous ces gens là demeureront; et si cela est, en quelle asseurance serez vous, s'ils viennent à reprendre leur crédit, comme il leur sera facile quand vous aurez mis les armes bas. En quel état réduiront ils la Fi'ance ? des paix de contrainte sont à des âmes ven- geresses des esguillons et des flammes dans le cœur qui ne s'esteignent iamais ; nous en avons veu l'expérience; mais ce n'a esté que ieu au regard de ce qui se fera si vous relaschez. Comment pourront subsister les Princes qui ont auec ardeur embrassé vostre party? seront ils en seureté de leurs testes s'ils sont contraints d'obéir à ceux contre qui ils sont armez? seront ils en égale puissance ? cela ne se peut; deux contraires, disent les philosophes, DE MAZARINADES. 385 ne se peuuent endurer en vn mesme suiet ; et en ma- tière de grandeur et de grandeur ennemie, il n'y peut y auoir de pareil. Quoy donc, donneront ils la loy ? il seroit nécessaire pour le repos du public; mais cela ne se fera pas dans vn accomodement; et par conséquent il est moralement impossible de faire la paix, sans s'exposer à vn danger très éuident. Mais cela est étrange : ie ne veux point de paix , qui est la cbose du monde la plus souhaitable? le reponds ce que (it Cicéron : Nec ego pacem. nolo ; sed pacis nomine helluni involiUum re- formido; quare si pace frui vohunus ^ bel! uni geren- dam est ; si hélium onnttemus , pcice nunquam f rue- mur. De ces deux raisons, l'on tire la troisiesme par vne La troisie.m^ conséquence nécessaire, que cette paix ne se peut faire; ^•'^'^°"T'>'=1m>-^ i ^ A ' ne se peut fanu. car de quel front vous pourront regarder ces gens là , qui se sont vantez de lauer leurs mains en vostre sang? qui ne demandoient pas moins que huit Conseillers et quatre Présidens à leur choix , pour les immoler à leur fureur comme des victimes? Et vous comment pourrez vous les regarder de bon œil? Serez vous tousiours dans la dé- fiance, ou tousiours en armes ? Cela ne se peut faire. Et le peuple qui n'aura peut estre pas tant de retenue que vous, pourra-t-il voir de ses yeux des gens qui ont exercé tous les Actes d'hostilité imaginables sur tout ce qui luy appartenoit ? qui ont publié partout qu'ils ne mettroient iamais les armes bas qu'après auoir fait vn village de Paris, et réduit les Bourgeois à aller la corde au col demander pardon? qui en ont proposé le pillage à leurs soldats, au lieu de solde et d'autres récompenses? qui authorisent le viol et les larcins et les sacrilèges? Et eux, pourront ils voir des Bourgeois qui leur ont fait la 386 CHOIX nique et qui leur ont appris, en tant de rencontres, qu'ils auoient plus de courage qu'eux et moins de témé- rité, après tant de libelles qu'ils ont fait publier, où ils ont découueri: leur infamie et i'énormité de leurs crimes, enfin après les auoir fait démentir de ce qu'ils se sont si insolemment vantez ? le ne dis rien des autres Parle- mens , auec qui vous auez fait alliance ; ie ne parle point des gens de guerre que vous faites venir, ny des seigneurs que vous auez engagez en vostre party ; ils ne sçauroient faire de paix s'ils ne la donnent. Il est impor- tant et pour eux et pour vous qu'ils subsistent ; et cela estant, ie consens très librement à la paix. Tout le monde aura suiet d'estre réioui, et de bénir Dieu pour le soin que vous auez eu d'vn pauvre Estât désolé. Autrement mourons plustost que de rentrer dans la seruitude, qui ne sçauroit estre que plus rigoureuse que la mort. No- men. pacîs dulce est^ et ipsa res salutaris ; sed inter pa- cein et seruituteni plarimiun interest. Pax est tran- qui lia libertas ; seruitus inalonim omnium postremuni^ non modo bello sed etiam morte repellemlum. Mais après tout , dira t'on, il faudra que le Roy soit le maistre. le l'auouë ; et personne ne le luy dispute. La Reyne veut restablir son authorité qu'elle prétend estre fort lezée en tous ces grabuc^es. Elle le veut rendre ab- solu au point qu'il estoit quand elle a pris la Régence. Les Roys ne prennent point la loy de leurs subiets, mais les subiets de leurs Roys ; et faut tost ou tard qu'ils se rendent obéissans. Qui est ce qui doute de cela? Mais il y a bien à distinguer entre la puissance d'vn Roy ma- ieur et celle de ses Ministres dans sa minorité. Le Roy n est pas à présent en estât d'agir de sa personne; il faut donc que ceux qui ont le plus d'intérest en la con- Roy est maistie de nos vies el de DE MAZARINADES. 387 seruation de son Royaume, reprennent l'insolence de ces zéiez Ministres qui sous ce masque de l'authorité Royale, tranchent du Souuerain et rauagent le Domaine du Roy comme vne terre ennemie. Est il possible que si le Roy auoit la connoissance des misères de son peuple , il n'en fust pas touché sensiblement? et ces harpies ne songent qu'à se repaistre du peu de sang qui leur reste. Ces voleurs détestables nous ont depuis trente ans Question si le voulu faire passer pour légitime vne Polytique de Tyran, et publié par tout que le Roy a droict de vie ou de nos biens mort sur ses subiets , que nos vies et nos biens sont à luy, et qu'il en peut disposer comme bon luy semble, comme en estant le Maistre Souuerain. H est vray que les subiets sont obligez naturellement d'employer leurs vies et leurs biens pour le seruice de leur Prince ; mais il y a bien de la différence entre ces deux propositions : le Prince peut prendre et disposer de nos vies et de nos biens à sa fantaisie ; et nous deuons employer vies et biens pour le Prince. La première suppose vne piâis- sance despotique et seigneuriale ; et la seconde vne au- gettion dans le subiet qui l'oblige à seruir son Prince aux dépens de son sang et de ses biens, quand la néces- sité est grande. lamais la France n'a esté en gouuerne- ment despotique, si ce n'est depuis trente ans que nous auons esté soumis à la Miséricorde des Ministres et exposez à leur tyrannie. Ceux qui ne philosophent que sur les choses présentes, et qui ne portent pas leur esprit à rechercher la vérité , croyant que c'est assez d'estre imbu d'vn Tout le monde le dit ^ s'estonneront peut estre de cette proposition; mais qu'ils apprennent que la France est vne pure Monarchie Royale , où le Prince est obligé de se conformer aux loix de Dieu , et 388 CHOIX où son peuple obéissant aux siennes demeure dans la li- berté naturelle et dans la propriété de ses biens; au lieu que la Despotique gouuerne des subiets comme vn père de famille ses esclaues. Tel est le gouuernement du Turc, qui pour cela s'appelle le Grand Seigneur, qui peut sans iniustice mander h ses Bassas de luy apporter leurs testes, s'étant fait maistre parla voye des armes et ayant tousiours retenu le pouuoir de Conquérant, qui donne, suiuant le droict des gens, la puissance de traitîer en esclaues ceux qu'on subiugue. La France n'est pas vue terre de conqueste : c'est ce qu'il faut prouuer ; et pour cet effet, il est besoin de prendre la cbose dans sa source. Mérouée , que nous pouuons appeler nostre premier Roy, plus à propos que ny Pliaramond, ny Clodion le Cheuelu, qui ne régnèrent iamais en nostre France , ayant amené vne armée consi- dérable au deçà du Rhin , et mesme pris Trèues, fut prié par Aëtius, gouuerneur dans les Gaules pour l'empereur, de ioindre ses forces auec les siennes et celles de Théo- doric, Roy des Gots, pour chasser Attila qui rauageoit la Gaule auec vne armée déplus de cinq cens mille com- battans. IMérouée ne demanda pas mieux , tant pour l'espé- rance du butin, que pour signaler son courage en quel- ([ue belle occasion ; ce qu'il fit, en effet , dans la bataille Catalonique, oii Attila fut défait et contraint de quitter la France. Deux choses furent fauorables à notre I^Iérouée : l'vne que Théodoric y fut tué, et Taulre qu'incontinent Aëlius fut aussi assassiné par le commandement de TEm- pereur. Les Gaulois demeuroient ainsi en proye; si bi^n que iettans les yeux sur Mérouée , qui auoit acquis grande réputation dans la bataille, ils le prirent pour DE MAZARINADES. 389 chef; et Paris premièrement et puis d'autres villes luy ouurirent les portes, ayant appris auec combien fie dou- ceur il traittoit celles qui l'auoient receu. Le voila 7vïais- tre sans coup férir; et pas vne de nos histoires ne dit autre chose, sinon qu'après cette bataille là estant allé- ché par la beauté et bonté du Pays , il gagna quelques villes qui le receu rent à bras ouuerts après la mort d'Aëtius. Et pour monstrer que nos Gaulois se soumirent volontairement à luy, et que iamais ils n'y furent con- traints par la voye des armes , c'est qu'ils chassèrent son fils Chilpéric, tout Roy qu'il estoit, h cause de ses vices, et qu'ils auoient éleu selon la forme ordinaire , et rap- pelèrent vn Gillon qui estoit Romain, pour se remettre sous la domination de l'Empereur. Elire et destituer ne sont pas des marques d'vn peuple subiugué , mais d'vn peuple libre qui prend vn chef pour estre protégé contre ses ennemis. Te passe quantité d'autres raisons que ie pourrois alléguer; mais pour faire court, ie viens à la question; et dès que les Roys de nos temps ne peuuent prétendre sur la France autre droict que celui qu'auoit Mérouée, puisque iamais le gouuernement n'a manqué , et que s'il y a eu quelque changement, ce n'a esté que dans la succession de nos Princes, sans que la France ait cessé d'estre Monarchie , de sorte que l'on peut tirer cette conséquence , que la France n'estant point terre de conqueste , ne peut estre traittée en esclaue ; estant chose inouie que de dire qu'vn chef à qui l'on se sou- met volontairement , ait le mesme droict sur ceux qui s'assuiettissent , qu'vn Maistre ou Seigneur sur ses Esclaues. Aussi les bons Empereurs Romains ne vou- loient pas qu'on les appelast romi/ii , c'est-à-dire. Sei- gneurs, mais bien Princes; tesmoin Suétone dans la vie 390 CHOIX d'Auguste; et Pline le ieune cîisoit à Traian : Principis sedeni ohtines ne sit Domini locus. Cette différence fut bien remarquée par les anciens Perses , qui appe- loient, au rapport d'Hérodote , Cyrus l'aisné Roy, Cam- bises Seigneur, et Darius Marchand , parceque l'vn s'es- toit monstre Prince doux et débonnaire ; l'austre hautain et superbe ; et le troisiesme trop exacteur et trop auare. La définition de Roy qu'apporte Aristote, au 3*^ de la Répub. , s'accorde auec ce que nous auons auancé , où il dit que le Roy dénient Tyran pour peu qu'il force la volonté de ses subiets; ce qu'il faut prendre, non pas au pied de la lettre , autrement il n'auroit pas le pouuoir de leur donner la loy, et les plus iustes du monde deuiendroient Tyrans ; mais en sorte qu'il doit luy mesme obéir aux loix de la Nature, et gouuerner les suiels par la iustice naturelle, qui veut qu'on rende à chacun ce qui luy appartient. Cela paroist par les mar- ques qu'il donne de son administration, dont les princi- pales sont de craindre Dieu sur tout, d'auoir de la com- passion des affligez , d'aimer ses subiets , de se rendre ennemy des meschans , et en vn mot, iuste enuers tous , n'estant pas plus dispensé de la loy de Dieu que le reste des hommes ; mais au contraire estant obligé d'y obéir, et les subiets aux siennes, l'on peut dire que cette loi de Dieu doit estre la maistresse et la Reine de toutes les actions de part et d'autre. Et pleust à Dieu que cela fust! nous ne verrions pas le déplorable estât oii est auiour- d'huy la France réduite, et ne souffririons pas que des Ministres insolens nous fissent passer pour constant que les loix d'vn Estât ne peuuent subsister sans quelque in- iustice. Quel tribut l'on -» t ' • n ? i • î ^ >' dc;it au Roy. rseaumoms 1 on m obiectera qu outre cette obéissance, DE MÂZÂRiNADES. 391 le siibiet est obligé à quelque redeuance enuers son Prince, et que iamais l'on a vcu de subiets sans rendre tribut; d'où vient que lorsque l'on demanda à nostre Seigneur s'il falloit rendre le tribut à Cësar, il donna ouuertement à entendre qu'ouy, en disant : Rendez à César ce qui est à César. Tout cela est vray ; mais il y a bien à distin- guer entre le Tribut pris généralement et la qualité du Tribut. Il n'y a point de subiet qui ne doiue, en qualité de subiet, quelque tribut à son prince, qui n'est autre chose , à le bien prendre , qu'vne subsistance qu'on luy donne pour l'entretien de sa maison et pour les affaires qui concernent la seureté et le repos de l'Estat. Et c'est ce que nous appelions Domaine ; duquel les Rois de la première et seconde race, et mesme beaucoup de la troi- siesmesesont contentez sans rien leuer au delà sur leurs subiets, si ce n'estoit en quelque cas extraordinaire ^ il est à remarquer que ce Domaine est inaliénable parce- que les subiets l'ont affecté au commencement à la sub- sistance des Rois et qu'ils se sont obligez à luy en payer les reuenus de droict naturel; de sorte que quiconque ne le fait , outre qu'il offense Dieu mortellement , est encore obligé à restitution, parcequ'ils s'en sont dessaisis en faueur de la subsistance du Prince. Mais ce qui est à noter, ils ne se sont iamais déportez de la connoissance des subsides extraordinaires qu'il a fallu leuer sur eux , et n'y a nulle prescription qui ait pu acquérir aux Rois le droict de faire des leuées sans leur consentement, pour quelque cause que ce soit. La raison de cecy se tire de la maxime que nous auons posée : que le Roy n'a point de droict sur les biens des particuliers; et partant il ne * Quand ie parle des peuples, ie n'entends pas les particulier:.; mais les Estais et les parlemens qui sont pour le peuple. N. D. T. 392 CHOIX peut les obliger à les luy bailler sans iniustice. Aussi voyons nous que les premiers Roys qui ont commencé a leuer sur le peuple, en ont fait vn poinct de conscience et s'en sont accusez deuant Dieu comme d'vne chose in- iuste et qui ne leur cstoit pas deue; Tesmoin S. Louis qui commanda à Philippe, son fils aisné et successeur, de remettre les Tailles qu'il auoit esté contraint de leuer à cause des guerres, et luy défendit d'en leuer aucune si l'urgente nécessité ne l'y obligeoit ; ce qui fait voir que la taille n'étoit pour lors qu'vn subside extraordinaire , non plus que la leuée de Louis le leune de vingt parties du reuenu de ses subiets pour vne fois seulement. Telle fut encore la Maletote de Charles VL Et parceque les Estats virent que depuis S. Louis , les leuées se fai- soient comme ordinaires, il v fust arresté en nrésence de Philippe de Valois l'an 133, qu'il ne s'en feroit aucune sur le peuple sans son consentement. Les Députez des trois Estats tenus à Tours firent à Louis XI, par forme de don pour deux ans seulement, quelque somme considé- rable comme vn octroy qui fust esgalé sur lesdits Estats, sans toutesfois tirer à conséquence et sans que ledit oc- troy pust estre appelé Taille ou impost. Et fut remonstré aux Estats tenus en la mesme ville sous Charles VIII par Philippe de Commines, qu'il n'y auoit point de Prince qui eust pouuoir de leuer impost sur ses subiets, ny prescrire ce droict , sinon de leur consentement. Bon Dieu que nous sommes a présent esloignez de cette con- dition là! En ces temps-là, si quelque nécessité pressante obligeoit les Roys à exiger quelque tribut de leurs subiets, c'étoit auec des protestations de le supprimer aussitost qu'ils en seroient déliurez ; ainsi que fît Philippe le Long, qui mit le premier vn double sur la liure de sel*, et de- DE MÂZARLNADES. 393 puis Philippe de Valois déclara par lettres patentes de Tan 1328, (jii'il ne vouloit ny n'entendoit que le droict de Gabelle, qui estoit pour lors de quatre deniers pour liure , fut incorpore au Domaine, Est-ce là vue marque d'vne puissance souueraine sur nos biens ! La Monar- chie est la mesme qu'elle estoit ; le Roy à présent ré- gnant l'a eue par succession. En ce temps là l'on ne le- uoit rien sur les subiets que par leur consentement ; et auiourd'huy on leur rauit tout ce qu'ils ont en dépit d'eux. Considérez cecy, infasmes Partisans; et cessez de nous vouloir faire passer le gouuernement de France pour despotique. Ce sont là les leçons que la Reyne deuroit faire ap- imputa, causes ^ re au Koy son n!s; elle deuroit luy représenter par j^j^^^ ces exemples qu'il ne doit pas abuser de son authorité , et que les Tailles qui montent auiourd'huy à des sommes si excessiues, ne luy sont point deues selon les loix du Royaume, et que iamais les Roys ses prédécesseurs ne les ont leuées que par violence ou par tolérance. Il est vray que c'est là vne science que nous ne sçauons point auiourd'huy, oii nous sommes si accoustumezà l'esclauage que nous ne pouuons croire que nos pères ayent iamais esté libres ; mais qu'elle luy apprenne s'il luy plaist, que ce n'est pas le plus sur pour vn Roy que de tenir ses subiets en bride par la violence des extorsions-, car en pensant leur oster les moyens de se rebeller, on ne captiue pas leurs volontez pour cela ; et tost ou tard , à la moindre espérance de mieux , ils secouent volontaire- ment le ioug, sans auoir égard ny à serment, ny à res- pect. Qu'elle luy fasse voir que les inuenteurs de nou- ueaux imposts ont eu pour l'ordinaire des fins fort tragiques, et que les Roys n'ont pas esté exempts du 394 CHOIX bouleuersement, tant en leurs personnes qu'en leurs Estats ; car sans parler des notes crinfamie, dont les peuples marquent la réputation des Princes pour tel suiet, comme firent les Ptomains à l'endroit de leurs Censeurs Licius et Claudius, qu'ils nommèrent les Sau- niersj pour tesmoigner la haine qu'ils leur portoient, sans parler encore d'vn certain Acheus, Roy des Ly- diens, qui fut pendu par ses suiets, les pieds en haut et la teste en la riuière , a cause des subsides qu'il vouloit exiger , qu'elle sçache que Philistus fut en partie cause de la haine que les Syracusains conceurent contre De- nys le leune, leur Tyran, et finalement de sa perte, à cause des exactions violentes qu'il exerçoit sur eux. Au commencement de cette Monarchie vn nommé Proclètes, fut lapidé par les habilans de Trèues, pour auoir con- seillé au Roy Théodebert de charger ses subiets de nou- ueaux subsides; le mesme malheur enseuelit Théodoric, Roy de France, et lui fit perdre sa couronne. Il n'y a pas vn siècle que Georges Preschon fut cruellement exé- cuté à mort, et que Henry, Roy de Suède, dont il estoit le Gouuerneur, fut chassé de son Estât pour le mesme suiet. Nos Histoires nous marquent vne infinité de pa- reils exemples. Du temps de Charles Y surnommé le Sage, l'on massacra deux jMareschaux de France: et peu s'en falkit que le troisiesme n'eust la mesme fin ; et la fureur se porta si auant que l'on esgorgea des Daciers iusques sur les Autels, comme des victimes publiques. Sous Charles VI, toute la France ne fut elle pas sur le point de changer de Maistre; et quoy que les leuées et contributions se fissent auec quelques formes d'Estats et pour la nécessité, néanmoins le peuple faisant tousiours instance contre lean de i\Iontaigu , intendant des DE MÂZARINADES. 395 finances , autlieiir de nouuelles Daces , Ton fut contraint de l'abandonner, et eut la teste tranchée aux Haies, auec vne Doloire, quoy qu'il eust fait bastir les Célestins et donné la grosse cloche de Nostre-Dame. Mais à quoy bon chercher des Histoires anciennes , puisque nous voyons tous les iours par effet la haine que les peuples portent aux Partisans , n'y ayant pres- que point de Prouince ny de ville, en France oii l'on n'en ait massacré quelqu'vn depuis trente ans ? Et ne sert de rien de dire que ceux qui l'ont fait, en ont esté punis, et que les Villes qui ont refusé d'obéyr aux ordres des Partisans supérieurs, ont esté traittez en ennemies par les gens de guerre qu'on y a enuoyez pour viure à discrétion, tesmoin la ville d'Angers l'an passé , il ne sert, dis-ie, rien de parler de la sorte. L'on ne peut pas vaincre les sentimens ny les volontés ; tel voit vn exemple de chastiment deuant soy qui espère estre plus heureux dans le mesme crime , et le pouuoir éuiter. Ce sont des secrets qui se mesnagent en haut , et oii nous n'y voyons rien. le sçais bien qu'on peut encore repartir que quand les peuples se sont sousleuez, l'on a sçeu prendre le temps et les chastier à propos; que les vrais politiques dissimu- lent pour quelque temps, iusques à ce que cette lutte in- domptable ait poussé son plus grand effort ; que ce seroit ietter de l'huile dans le feu que de vouloir chas- tier vn peuple quand tout conspire à la révolte , mais qu'on luy cède quelque chose en apparence , pour lay serrer plus fortement après la bride et luy donner de l'esperon; que les Roys ne sont iamais chiches d'accorder à leurs suiets ce qu'ils veulent en cet estât là , parce- qu'ils n'en tiennent rien s'ils ne veulent ; si l ien qu'après 396 CHOIX tout les rébellions causent vn mal inéuitable à des sub- iets. Quand i'aduouerois tout cela, c'est présenter à des peuples animez vn mauuais miroir que de leur faire voir qu'il n'y a iamais eu de seureté à s'accomoder auec les Roys ; car qui est ce qui ne voit pas que pour éuiter pa- reil châtiment, il n'y a rien qu'on ne fasse? Quand ce seroit auec la plus grande iniustice du monde qu'on dé- trosneroit les Roys légitimes , néanmoins cette considé- ration ne touche point à l'esgal de la peine qu'on se re- présente qu'il faut souffrir; et l'on se iettera plustost entre les mains d'vn Barbare et d'vn ennemy que de s'accomoder auec vn Prince qui ne propose pour articles que des roues et des gibets; car au moins a t'on espé- rance d'vn plus fauorable traittement sous quelque autre que ce soit. La pluspart des réuolutions des Estats sont arriuées par là ; et sans que i'appréhende d'abuser du temps et d'estre trop long , i'en marquerois assez pour preuue de mon dire. Leçon au Roy. le rcuicus douc à ma proposition et dis que la Reyne deuroit faire lire et comprendre ces Histoires là au Roy son fils et le nourrir dans vn amour de ses subiets , au lieu de l'animer à la vengeance pour les Parisiens et tous ses autres fidèles Seruiteurs ; car si les peuples , comme il est infaillible, ont connoissance de cette nourriture, que diront-ils en eux-mesmes, s'ils ne le déclarent tout haut ? Que peuuent-ils attendre de meilleur que par le passé ? Quoy, il y a trente ans qu'ils sont sous vne tyran- nie, et ils en voyent trente autres qui viennent ou d'a- uantage , qu'il leur faudra estre encor pis ? A quoy se doiuent ils résoudre? Les traicts de la nécessité sont cuisans ; et tel se voit obligé de faire ce qu'il n'auroit ia- mais pensé. C'est vn pernicieux conseil qu'on a donné DE MAZARÎNADES. 397 à la Reyne de lui faire risquer le tout pour le tout; elle commence à en voir la conséquence ; elle n'a crû n'auoir que le Parlement de Paris en teste ; elle luy fait la guerre ; et ie ne sçay si elle n'a point affaire de luy auiourd'liuy pour estre maintenue; et ie ne sçay s'il en pourroit ve- nir à bout quand il l'entreprendroit. Elle a ietté le de la première, et luy en suite ; ils n'en sont plus maistres, ny l'vn ny l'autre. C'est à la fortune à iouër à son tour, ou piustost à Dieu à faire voir vn effet de sa souuerainc puissance. La Reyne ne doute pas , si on ne la flatte, que tout le monde la condamne ; et si la voix du peuple est la voix de Dieu% qu'elle tire la conséquence. C'est vne des grandes marques qu'il y ait d'vn changement d'Estat, quand les peuples n'ont plus de respect ni de crainte pour leurs Souuerains, et quand ils les mettent au pis faire. Denis le Tyran voulut bien changer de baterie , quand on luy rapporta que ses subiets ne se soucioient plus de ses rages ny de ses tourmens; mais il n'enestoit plus temps ; et il iugea bien qu'il estoit perdu, comme en effet; si tost que son ennemy se fust présenté vers Sy- racuse, tout le monde s'y retira comme à vn azyle, et luy fut abandonné misérablement , despouillé de son Estât et réduit à l'esclauage. Yoilà ce qu'il faut repré- senter au Roy d'vn costé pour luy faire appréhender de mal traitter ses peuples, et de l'autre ces sainctes instruc- tions que donne TEmpereur Théodose à son fds Hono- rius dans Claudian , oli il apprendra en substance que * Un pamphlétaire a traité cette question ex professa dans une pièce in- titulée : Question : si la voix du peuple est la voix de Dieu [29ol] ; et un autre a écrit résolument Que la voix du peuple est la voix de Dieu, etc. [2943], Voir aussi Remède aux malheurs de l' Estât de France^ etc. [3270]. 398 CHOIX les armes ne mettent pas les couronnes à l'abry des coups cîe la fortune, mais bien l'amour des subiets; qu'vn Prince ne se peut faire aimer par force, et que le Diadesme qui ne subsiste que par les piques des gardes, est bien près de sa cbeute ; que celuy qui pense espou- uanter les autres par le nombre de ses Satellites , craint plus qu'il n'est craint, et que pour estre en seureté, il vaut mieux faire le père et le citoyen que de faire voler les testes des Princes ou des Conseillers , qui peuuent faire ombrage. Qui terret , plus ipse timet. Sors ista tyrannis Coniienit; inuideant cîaris, fortesque trucident. Tu ciuem patremque géras, tu consul e cunctis. Nec tibi, etc. O que c'est vne pernicieuse Politique que de porter les Roys à faire tout ce qu'ils peuuent plustost que ce qu'ils doiuent, et que c'est mal connoistre les fonde- mens d'vne ]\Ionarcbie Royale que de vouloir faire pas- ser vne authorité sans bornes pour légitime ! Car outre que de cette façon il n'y auroit nulle diffé- rence entre vn Roy et un tyran, à prendre mesmele mot en sa plus odieuse signification , il est constant à qui- conque l'examinera de près, que dès lors qu'vn Roy abuse du pouuoir que Dieu lui donne en cette qualité, et qu'il contreuient à son deuoir, il cesse d'estre Roy et les subiets d'estre subiets. La raison en est éuidente, mais mal-goustée par les Politiques du temps; à quoy pourtant ils n'ont point de repartie. La voicy : Quand les Roys viennent à la couronne, ils iurent sur les saincts Euangiles qu'ils maintiendront l'Église de Dieu à leur pouuoir ; qu'ils obserueront les loix fondamentales de 1 Estât, et qu'ils protégeront leurs subiets selon Dieu et DE MAZARINÂDES. 399 raison, ainsi que de bons Roys doiuent faire; et moyen- nant ce serment, les peuples sont obligez de leur obéyr comme à des Dieux sur terre; et le serment qu'ils en ont fait aux premiers Roys , dure encor à présent , à cause de la succession perpétuelle qui s'entretient en la France. L'vn et l'autre serment est respectif; et comme le Roy peut iustement faire punir par toutes les voyes d'vne iustice ricroureuse des subiets contreuenans à la promesse qu'ils ont faite de luy obéyr comme à leur lé- gitime Monarque , dans tous les articles qui ne cboquent point les trois fondamentaux que i'ay posé ; de mesme les subiets sont-ils exempts de l'obéissance, quand les Roys violent leur serment ; car s'ils renuersent les lois de l'Eglise, qui est le subiet qui leur obéyra , ou qui est obligé de leur obéir? C'est la grande question mesme du temps de Henry IlII; à quoy il ne put trouuer de solution qn'en se rendant catholique. S'ils contreuiennent aux loix fondamentales de l'Estat, comme s'ils prétendoient faire tomber le Royaume en quenouille, vendre et aliéner leur Domaine, les subiets sont exempts de leur en redonner vn autre, et de leur obéyr en l'autre point. Tout cela est sans difficulté ; et il faut conclure qu'il en va de mesme pour la troisiesme circonstance du serment, que si les Roys ne protègent leurs subiets selon le droict et la raison , conformément aux Lois de Dieu et aux Or- donnances des Estats que les Cours souueraines sont obligez de faire exécuter, comme les ayant en dépost, les subiets sont exempts de Tobéyssance; et bien d'auan- tage, s'ils sont opprimez iniustement et auec vue violence tyrannique, qui ne peut compastir auec la Monarchie Royale, ou les subiets ne s'obligent aux Roys que pour en estre protégez contre ceux qui pourroient troubler 400 CHOIX leur repos; tellement que, s'ils le troublent eux mesmes, ils cessent d'être Roys, et les subiets d'être subiets. Aussi voyons-nous que , quoique les Romains n'eussent rien tant à cœur que d'estendre leur seigneurie et de faire de nouuelles conquestes, néanmoins ils n'ont iamais au- thorisé les réuoltes des subiets contre leurs princes lé- gitimes qu'en cas d'une iniuste oppression; et est certain que les Peuples ont plustost eu recours à eux , qu'eux aux Peuples pour faire chasser les Roys qui abusoient de leur authoritë ; tesmoin les villes de la Grèce qui leur enuoyèrent des Députés pour les prier de les aller se- courir contre leurs tyrans. Il est vray qu'ils estoient bien aises de rencontrer des occasions et des prétextes si fauo- rables ; car comme ils croyoient que c'eust esté vne in- iustice que d'exciter vne réuolte et de corrompre des subiets, aussi s'imaginoient ils qu'ils eussent commis vne lascheté trop grande s'ils les eussent laissez dans vne op- pression iniuste quand ils auoient recours à eux ; tant il est vray que les subiets ne sont obligez aux Roys qu'au- tant qu'ils sont Roys et qu'ils n'abusent pas de leur au- thorité. Il n'en va pas de mesme dans la Monarchie Sei- gneuriale , où les subiets sont bien obligez par serment au Monarque, sans que le Monarque s'oblige à rien s'il ne veut ; et de quelque violence qu'il en use enuers eux, ils n'ont iamais de iustes suiets de se rebeller (ie parle icy selon le droict des gens, et non pas selon les maximes du Christianisme). La raison est parceque le Monarque ne se défait iamais de la qualité de Seigneur, et qu'vn Seigneur, h prendre le mot en sa rigueur, n'a point d'autre loy que son espéc , pouuant de droict quand il veut, rauir et biens et vies de tous les subiets, faire d'au- tres colonies et de nouuelles peuplades , comme il se DE MAZARINADES. -iOl poLiuoit quand il les a premièrement assuiettis par la voye des armes. II faut donc que le Prince d'vne monarchie Royale soit soumis à ses subiets et qu'il n'ose faire ce qu'il voudroit bien, crainte de les offenser ? Nullement ; mais le Roy et ses subiets ayans vn mesme Dieu pour maistre, ses loix et ses commandemens doiuent estre la règle de leurs ac- tions. Les grands Politiques oseront ils dire que Traian^ ne se comporta pas en Empereur quand il fit Licinius Sura préfet du prétoire, et qu'en luy donnant l'espée nue qui estoit la marque de sa charge, il luy dit : « ie te donne cette espée, Sura, dont tu me seruiras fidèlement si ie te commande quelque chose selon le droit et l'équité ; sinon, ie te dispense de ton obéyssance, et seray bien aise que tu t'en serues contre moy-mesme. » Pensons nous qu'Alexandre Seuerus eust moins de pouuoir et d'au- tlîorité que Caligula et qu'Héliogabale parcequ'il n'en abusoit pas comme eux ? que Tacitus fust moins Empe- reur que les autres parcequ'il ne vouloit rien faire sans l'aduis et le consentement du sénat? et pour parler de nos Roys, Louis XÏI, qui estoit les délices du peuple et qui faisoit conscience de leuer quelque chose sur luy, crainte de le faire crier, estoit il moins Roy et moins ab- solu que n'estoient ses deuanciers ? Henry IIII a-t-il eu moins d'aulhorité que Louis XIII pour n'auoir pas fait sauter la teste à des Montmorency, à des Marillac, à des de Thou, à des Cinq-Mars, et pour n'auoir pas fait tant emprisonner et exiler de Conseillers et de Président qu'il y en a eu sous le règne précédent, et depuis la Régence ? Mais le malheur est qu'on ne fait iamais con- * Dion en la vie de Traiau. N. D. T. I 26 402 CHOIX ceuoir aux Roys ce qu'ils doiuent, mais ce qu'ils peu- uent et combien leur authorité a d'étendue, contre la maxime et l'instruction que donnoit le grand Théodose à son fils. * Nec tibi quid liceat , sed quid fecisse decebit, Occurrat, mentemqiie domet respectas honesti. Le Parlement D'oii viennent donc tous ces désordres? C'est de vous, causeduma eur jyj^gsieurs, pardonncz moy, si je le dis; car si vous vous par sa conmuen- 7 1 J ' J 7 ce- opposiez vertement à ces iniustes et tyranniques procé- dures dès leur naissance, on ne les verroit esclore qu'à la confusion de leurs autheurs et à l'honneur de vostre compagnie. N'y a t'il pas lieu de s'estonner que vous qui estes les dépositaires de ce qu'il y a de plus sacré dans nos loix , ayez si longtemps toléré le trafic infâme du sang des subiets du Roy? l'ay cent fois ouy dire dans les Prouinces que tout le mal ne venoit que de vous , qu'on ne demandoit pas mieux qu'à secouer ce ioug in- supportable des Ministres Partisans , pourueu que vous donnassiez le bransle, puisque vostre Parlement est sans contredit le premier mobile de la France; et ie puis ad- iouster auec vérité que vous estes complices de tout le mal qui s'est fait depuis tant d'années, hormis le mois de Pîlay dernier, que vous commençastes enfin à vous réueil- 1er d'vne malheureuse léthargie qui vous a si longtemps tenus sans poux et sans mouiiement. Il me souuient à ce propos, de certains discours qu'on dit que tint le Plaisant , autrement le bouffon du Roy, sur le suiet des duels du grand Boutheuille, qui auoit desià tué seize Gentilshommes au combat d'homme à * Claudîan av. i. Cous, d'hom. N. D. T. DE MAZARINADES. 403 homme ; et comme on demandolt au Roy sa grâce pour le seixiesme et que le Roy n'en vouloit point ouyr parler, à cause de tant de meurtres qu'il auoit commis, ce fou lui dit que Boutheuille n'en auoit tué qu'vn et que le Roy auoit tué les autres; parce que, s'il l'eust puny dès le commencement , selon les ordonnances, il il n'en eust pas tué dauantage. l'en puis dire autant de vous, Messieurs, et prendre la liberté d'vn fou qui estoit sage, en vous remonstrant que si vous auiez chastié dès le commencement les brigandages du règne passé, nous n'en serions pas où nous sommes maintenant. A qui pensez vous que les peuples puissent adresser leurs plaintes, si ce n'est à vous? Iront ils au Conseil du Roy, où l'on ne met quasi plus que des Partisans, pour se plaindre des extorsions qu'ils font ? c'est à dire, iront ils deuant des luges qui sont parties ? Il n'y a pas d'ap- parence ; et le peu de iustice qui s'y rend , fait mesme appréhender aux plus iustes d'en auoir des Arrests à leur aduantage. Pourquoy vérifiez vous les Edits du Roy? Est ce par forme seulement et par vne vieille coustume? ou bien si c'est parceque vous seruez de barrière à cette authorité Royale et que vous auez droit d'examiner s'ils sont iustes ? Vous sçauez mieux que moi que les peuples n'ont aucune voix délibératiue en tout cela, si ce n'est par vous qui estes comme leurs Députez; et quand i'ay dit qu'ils estoient parfois exempts de l'obéissance, ie n'en- tends pas que les particuliers se puissent arroger le droict; autrement ils se feroient iustice à eux mesmes selon leur caprice, ce qui ne se peut pas ; mais bien quand ils sont authorisez par vos Arrests qui tiennent lieu d'Es- tats et d'ordonnances. Souuenez vous donc, s'il vous plaist , que depuis que Parlement 404 CHOIX les Parlemeiîs sédentaires sont instituez pour rendre plus complètement la iustice aux subiets du Roy, l'on n'a tenu les Estats que pour remédier aux désordres qui arriuent de temps en temps en l'administration; qu'on leur a donné les Ordonnances, comme en dépost, pour les faire exécuter en leur forme et teneur, et qu'ils en sont chargez tant de la part du Souuerain que des Sub- iets; si bien que l'on peut conclure conformément à ma proposition, que toute la corruption qui arriue dans l'ad- ministration de l'Estat, ne prouient que de lalasche tolé- rance des Parlemens et que les Roys et les peuples leur peuuent demander raison d'vne iustice si mal admi- nistrée. Response du Ic sçay bien que vous me direz que vous estes trop près du soleil pour ne cligner pas les yeux, qu'il se trouue trop peu d'aiglons parmy vous qui puissent en supporter les rayons, que la violence d'vn costé et la diuision de vostre compagnie de l'autre vous a forcez de faire des choses que vous sçauiez estre contre la iustice, qu'il y a peu de Gâtons en ce siècle qui aillent au Palais au trauers des picques et qui fassent trembler les armes sans armes, comme fit l'ancien d'Vlique celles de son collègue qui le Respon.e a la vouloit empesclicr de parler pour le bien public. Voilà, ce me semble, ce que vous pouuez répliquer à ceux qui vous accusent de trop de conniuence. Mais parlons, ie vous supplie, sérieusement : est ce là faire l'office de sages et de sages souuerains? Si vous n'estes establis que pour faire la volonté du Roy à l'aueugle, à la bonne heure; mais en ce cas là il n'a que faire de vous ; et les peuples encore moins; le conseil d'en haut suffit, puis- qu'aussi bien l'on n'a point d'autre raison, sinon que, SIC volo^ sic iubeoy sit pro ratione çoliintas. Qu'est il response DE MAZARINADES. 405 besoin que des peuples viennent de si loin vers vous, si vostre pouuoir ne s'étend qu'à faire iustice entre Pierre et lacques ? Ils trouueront la mesme chose auprès d'eux en leurs Présidiaux et Sénéchaussées; et s'il n'y auoit que cela, l'on pourroit dire qu'il n'y auroit rien de si inutile que les cours du Parlement. Mais i'ay d'autres senti- mens pour vos Compagnies ; et vous mesmes deuez en auoir de bien plus grands, parceque vous en connoissez le mérite. Tellement que si vous m'accordez que vous auez droict, comme il est vray, de vous opposer hautement à la vexa- tion des peuples et de casser les faux arrests du Conseil d'en haut, quand ils choquent vostre liberté et celle des peuples , vous m'accorderez aussi que vous estes obli- gez de le faire généreusement, ou qu'il faut abandonner vos charges. Cliarges des Ce n'est pas en l'administration de la Iustice qu'il faut chercher à plaire aux Roys , si ce n'est en la rendant bonne ; ce n'est pas là où il faut pallier la vérité. La Iustice est trop auguste d'elle mesme et donne trop d'aduantages à vn homme de cœur pour en estre trahie; et si la flatterie est pardonnable à des Courtisans, elle est criminelle dans des luges, qui ne sont iuges que pour la punir, puisqu'elle est la mère de l'iniustice. L'eschole de la Cour est bien différente de celle du Parlement ; en celle là on apprend à plastrer adroitement et à chercher de quoy plaire aux Roys; et en celle cy toutes les pen- sées doiuent tendre à chastier les fourbes et à rendre la Iustice; tellement qu'estant impossible de seruir deux maistres si différens, sans haïr l'vn et aimer l'autre, l'on peut dire d'vn magistrat qui fait le courtisan par inté- rest ou par affection, qu'il quitte son office de luge pour Conseillers. 406 CHOIX estre fourbe , à moins qu'il n'en vse comme faisoit Cal- listhène chez Alexandre. Ce grand Philosophe, voyant que son maistre se mesconnoissoit et qu'il se portoit à des excès de violence et de bouche, mal séans à la répu- tation qu'il acquéroit en ses conquestes, Taduertissoit de ses défauts auec beaucoup de liberté; ce que le Roy auoit bien de la peine à souffrir ; tellement qu'Aristote, crai- gnant qu'il ne luy en prit mal , luv dit vn iour : « Callis- thène, ou il ne faut point approcher des Roys, ou il les faut vn peu flatter. » Au contraire, réplique Callisthène, (( ou il ne les faut point approcher, ou il faut leur dire la vérité. » le pardonnerois à des Courtisans quand ils ne seroient pas si rigoureux; mais il n'est pas supportable de voir des luges s'accomoder au temps et feindre de s'opposer à l'iniustice quand ils la voyoient si mani- feste. Ouy, mais le mauuais traittement qu'on a fait à ceux qui ont cette fermeté que ie dis qu'il faut auoir, n'est il pas suffisant d'estonner les mieux intentionnez? Il est vray, Messieurs , que vous pouuez dire ce que disoit au- trefois Cicéron en cas pareil : Tenehanmr unclique, ne- que quominiis seruiremus^ reçus aid mus ; sed inorteni et eiectionein quasi maiora timehamus , quse multo fuere minora. En effect, la mort et le bannissement de vos frères estoient pour vous faire appréhender de dire vos sentimens auec liberté ; mais vous auez enfin reconnu que les maux qu'ils ont soufferts, estoient bien moindres que ceux qu'on vous a fait souffrir depuis, s'il est vray qu'il n'y a point de tourment plus rigoureux à des hom- mes de cœur que de viure sans honneur, ou que de mou- rir lentement par des appréhensions continuelles. C'est vne chose faite; recueillez vos esprits maintenant; et ra- DE MAZARINADES. 407 nimez vos courages. Toute la France vous tend les bras ; ne la délaissez pas ; elle fait ses efforts et fouille le reste de ses veines pour vous assister; vnissez vous estroite- ment; car l'vnion de vostre Compagnie est plus forte que toutes les armes que l'on vous sçauroit opposer; d'où vient que ce n'estoit pas sans raison que le Sénat Ro- main s'assembloit le plus souuent au temple de la Con- corde, et que Q. Marcius estant censeur, fit mettre en toutes les Cours des statues de cette Déesse, auec des Autels, pour monstrer que le Sénat ne se deuoit iamais partager en opinions. C'est à quoy toute la France vous coniure ; et moy par- ticulièrement , qui finis par ces paroles de Cicéron : Magna pis ^ magnum numen est vnum et idem sen- tientis Senatûs ; c'est, Messieurs, vostre très humble, et très obéyssant seruiteur. Au Lecteur, Il y a desià longtemps que cette lettre deuoit pa- roistre ; mais quelques considérations en ont empes- ché. L'autheur a mandé qu'elle seroit suiuie en bref d'vne autre à la ville de Paris, où il doit monstrer l'in- térest qu'elle a de se tenir vnie auec la cour du Par- lement, et quelques auis svir le fait de la police où l'on manque. On l'attend à la première poste; car il est esloi- gné de cette Yille. 408 CHOIX La Lettre dvn Secrétaire de S, Innocent a Ivles Mazarin [1896] ^ . (4 mars 1649.) Monsieur, ie ne pense pas que vous trouuiez mauuais que ie n'employé point icy le nom de Monseigneur ; ie m'en suis empesché par la rencontre de l'Arrest du huit ianuier dernier, que Nosseigneurs de Parlement ont donné contre vostre Eminence. C'est pourquoy ie me sers du terme dont nous trailtons ceux qui écriuent comme nous ; car aussi bien i'ay appris que vous estes le plus grand barbouilleur de papier qui soit au monde. Receuez donc, mon cher camarade, la lettre que ie vous escris. Depuis que vous vous meslez du Gouuernement des affaires de France, i'ay tousiours oiiy dire que vostre conduite ne valoit rien ; et i'ay fait ce que i'ay pu pour désabuser les peuples de la créance qu'ils auoient en vostre politique. Ils se flattoient tellement en leur opi- nion que le cardinal de Richelieu vous auoit choisi pour luy succéder en cette administration, que iusques à ce qu'ils aient veu que vous auez perdu la tramontane et que vostre petite ceruelle se trouuoit au bout de ses finesses, il m'a esté impossible de leur persuader que vous estes le plus ridicule Ministre qui ait iamais esté. le vous assure qu'à présent ils le croyent; et quand vous vous estes engagé en cette dignité de fauory, vous n'auez pas sceu que nous auons des exemples dans nos histoires, de ceux qui ont possédé les Roys, qui ont fait des fins • C'c?t une des bonnes pièces, au jugement de Naudé. DE MAZÂUl.NADES. i09 fort éloignées de celles qu'ils s'estoient proposées. Il y a eu véritablement de grands hommes; et les Roys qui les ont choisis pour estre soulagez dans le pesant fardeau de leur Royaume, nous font voir que celle de trouuer vn bon Ministre, c'est la peine la plus insuportable. Charles cinquième, surnommé le Sage, comme il estoit Prince de grand sens, n'ayma iamais que des seruiteurs bien sencez ; ainsi il affectionna le Connétable du Guesclin à cause de ses rares vertus. Charles VU, pour le même suiet, admit au Gouuernement de son Estât lean d'Or- léans, appelé pour ses mérites le bon Comte de Dunois, auquel la France demeure encore redeuable auiourd'liuy pour les continuels seruices qu'il a rendus à cette Cou- ronne pendant le cours de sa vie; Louis XT choisit Tris- tan l'Ermitte; le Roy François I aima l'admirai de Bon- niuet pour la gentillesse de sa personne; Henri II es- leua Montmorency pour son courage; et Charles IX tint leMareschal de Reez pour sa bonne conduitte. Heny III agrandit d'Espernon pour son esprit; Henri IV le Duc de Sully pour l'instrument de ses desseins. Louis XIII se trouua obligé, pour le bien de son royaume, de se confier au cardinal de Richelieu. Voilà, Monsieur, vn petit abrégé des fauoris, mais grands hommes, et s'il les faut considérer par les grandes et importantes affaires qu'ils ont adrettement et généreusement démeslées. Vous auoûerez auec moy que vous auez bien manqué en toute vostre conduite; et il vous estoit autant facile de vous maintenir en Testât que vous vous estes trouué après la mort du grand Armand, qu'il est aisé à vn fils de famille de se conseruer le repos dans vne grande succession que son père luyauroit laissée. Du temps de Charles VIII, François, duc de Bretagne, 410 CHOIX se laissa posséder pai' vn Tailleur nomme Landais, auquel les Grands du pais firent faire le procez. l'ay grand peur que cet exemple ne vous touche ; et l'historien qui en escrit, dit qu'il estoit fm Tailleur. On peut dire de vous que vous estes vn fin Lapidaire ou Tailleur de Diamans; et parmy les plus grandes affaires de l'Estat, importantes à faire, l'Abbé Mondin ou Lescot * suruenant, vous les attiriez dans le plus secret de vostre cabinet, et laissiez-là le Courrier et l'Ambassadeur dans vostre anti-chambre se ioiier auec vos singes , pendant que vous visitiez l'escrin de vos diamans. On scait que Pan passé vous enuoyastes Lescot en Portugal auec des lettres de change pour plus de trois millions de liures, et des lettres de créance pour autant d'argent qu'il en faudroit pour achepter ce qu'il auroit trouué à Lisbonne. Mais ces bassesses ne nous arrestent pas. Il y a tousiours quelque chose en l'homme de foible ; et les plus grands person- nages ont tousiours eu quelque chose qui les ont fait remarquer pour n'auoir pas toutes les perfections de l'esprit. Vous estes venu en France la première fois en assez menu équipage, si vous vous souuenez qu au voyage de Nancy, n'ayant pu trouuer de giste, vous fustes con- traint de coucher dans le carosse du feu Mareschal de Schomberg; et le lendemain matin, les cochers le voulant mettre en estât de marcher, vous éueillèrent assez rude- ment, le vous dis cecy en passant, afin devons faire voir que l'on vous connoist. Vostre condition est si releuée dans Rome qu'il me souuient qu'vn honneste homme écriuant de Rome à Paris, à vn sien amy, le querelloit de ce que de Paris il ne luy auoit pas mandé que vostre * Voir plus bas le Courrier du tcmj/s, etc. DE MAZARINADES. 411 mère estoit morte à Rome, où on ne la connoissoit pres- que pointa le ne sçaurois laisser passer vostre témérité. Quand vous auez voulu entreprendre sur la liberté de Messieurs du Parlement, vous auez bien manqué d'adresse en ce rencontre. Vous croyiez peut-estre que c'estoient des iuges de la rotte de Rome que la pourpre dVn cardinal éblouit. Leur pourpre esclatte bien d'auantage ; et vous deuez vous ressouuenir d'vn certain mot que vous dist vn iour Bautru; lorsque vous voyiez qu'il falsoit tant d'honneur à vn Conseiller des Enquestes et lui en deman- diez la raison, il vous dit qu'il flattoit le chien qui le pourroit mordre quelque iour". Pensez-vous qu'il soit Prophette? Il y a bien des chiens dans la meutte qui le prendront bien-tost aux fesses ; mais puisque nous som- mes sur ce propos, que pensez-vous que le Parlement fasse de vos Conseillers qui vous ont si bien conduit ? on peut bien dire que les oublieux vous ont conduit dans le pré- cipice, quelque bonne lanterne qu^ils ayent pu auoir ; mais ils se sauneront, ces matois; et vous, vous y périrez. Consultez maintenant vostre Conseil ; vous en auez autant besoin que iamais. L'Arrest du Parlement du 8 lanuier ^ n'est pas grande chose, à ce que vous dites; cassez-le par vn Arrest du Conseil d'en haut. Certaine- ment vn Guénégaud * en parchemin préuaudra sur vn Guyet^; mais on dit que ce n'est pas à présent; ou du moins sera t'il aussi bien exécuté que celuy qu'on publia 'Le Courrier du temps dit la sœur de Mazarin. * Talleraant dt'sRéaux a recueilli celte anecdote dans ses Historiettes ^ Qui ordonne au cardinal Mazarin de sortir du royaume. * Secrétaire d'Etat. ^ Greffier du parlement. 412 CHOIX à Poissy ces iours passez , portant défenses de vendre aucun bestial sur peine de la \\e\ Il est vray qu'il fust obëy en ce point; mais les marchands débitèrent leurs marchandises à la Chaussée; et par ainsi, Paris n'a point manqué de son ordinaire ; et vostre dessein de l'affamer n'a pas bien réussi. Sçauez-vous bien que i'ay désabusé beaucoup de personnes qui disoient que vous auiez plu- sieurs biens en France, et que la maison que vous auez derrière le Palais Cardinal, estoit de grand prix? il est vray qu'il y a du trauail pour de grandes sommes; et il est très-aisé d'acquérir du bien à ce prix-là. Celuy qui l'acheta de M. le Président de Duret - vous passa vn bail de six mil liures ; et pour faire quelques accomode- mens pour vous, il fit quelques auances dont il fit des parties ; et comme l'appétit vient en mangeant, vous ordonnastes vne gallerie à Pasques; en sorte que de toute la despense qui a esté faite, vous la deuez toute entière. Plusieurs marchands de cette ville ont esté pipez par ceux qui se meslent de vos affaires. Vous me direz que la plus- part des grands Seigneurs font de mesme. Il est vray, si c'est par cette action que vous voulez faire voir votre Eminence ; car ie ne voy en vous ny en vostre esprit rien d'éminent pour tout. On ne doute pas que quinze iours auant le despart du Roy, pour fauoriser la sortie de vos meubles hors de cette ville, vous fistes courir le ' « Le mesnio lour [8 janvier) les Boucliers estant à Poissy au mar- ché, leur fut signifié vn Arrest rendu par le Chancelier, par lequel défenses leur estoient faites d'achepter aucun bestial pour mener à Paris,... no- nobstant lesquelles défenses, la Ville ne laissa d'estre pourueue suffisam- ment. » Le Courrier françois [830], 1*' arrivée. "^ Duret de Chevrv, président au parlement de Paris. Il y a là une er- reur. La maison appartenait au président Tuheuf qui la vendit à Mazarin moyennant six cent mille livres. Voir Arrest delà cour de Parlement donné en faneur des créanciers du cardinal Mazarin, etc. [300] DE MAZARINADES. 413 bruit que le Cardinal Grimaldy alloit loger à Chaillot ; et soubs ce prétexte, ce que vous auiez de plus précieux à Paris, fut transporté de ce costé là, soit à Ruel ou plus loin ; mais on trouuera bien tout auec le temps. On scait bien que lors de la sortie de M. d'Emery de la Surinten- dance, vous empruntastes de tout le monde, iusques à Desbournais qui vous presta dix mil Hures. Les François ne sont point si dupes que de croire que vous ayez esté à cette extrémité ; et Torsque vous distes à Madame la Du- chesse d'Aiguillon que vostre père auoit emprunté douze mil liures pour les funérailles de votre frère le Prescheur \ il me souuient qu'elle vous fist response qu'il valoit mieux que l'on crust que vous auiez douze millions que d'auoir esté réduit à cette extrémité d'emprunter vne si modique somme. Cela seroit-il bien possible que cela fust? Si la coustume estoit en France de mettre les testes à prix, où dormiriez-vous en seureté? y a-t-il aucun de vos valets en qui vous vous puissiez confier? vous les auez si mal récompensez qu'il n'y en a aucun qui ne s'efforçast de l'auoir de cette sorte. Mais la France a des loix bien plus douces ; ses formes ne se changent point ; et le Parlement veut que son Arrest soit exécuté. Le Duc de Bouillon qui a tant souffert depuis qu'on luy pro- met de liquider son affaire de Sedan ; Monseigneur le Duc de Beaufort après vne prison si violente de tant d'années iniustement passées au bois de Vincen- nes ; le Mareschal de la Motte, dont l'on ne peut assez admirer la vertu après auoir receu vn si rude trai- tement de vostre Eminence, et tant d'autres braues gens que vous auez consommez de patience, en seront les exé- ' Pierre Mazarin, cardinal de Sainte-C(''cile. 414 CHOIX cuteurs ; ils feront la perquisition de vostre personne aux quatre coins et au milieu du Royaume ; et si vous les échappez, ie l'iray dire à Rome. Vous pensez estre en grande seureté proche la personne du Roy. Détrompez vous, ie vous prie; la France en Testât qu'elle est, a besoin d\n autre Ministre; et le Roy d'vne autre per- sonne pour veiller à son éducation. Combien auez-vous leurré de personnes de condition pour les engager au seruice de Féducation de Monsei- gneur, frère du Roy, ie m'en rapporte à Monsieur de Fontenay, que vous engageastes en l'Ambassade de Rome pour vn peu de temps, au braue comte de Cesy, qui en a receu mille lettres et qui en cette qualité a esté logé dans le chasteau de Fontainebleau. Pensez-vous auoir fait vn grand bien au Précepteur du Roy \ de luy auoir donné l'Euesché de Rhodez, pour le prieuré de Poissy que vous auez donné à l'abbé de la Mâchoire. Cela s'ap- pelle escroquer vn bénéfice. Toutes ces façons vous dé- crient fort en France. On ne trouue pas fort estrange que vous ayez bienné l'abbé de la Riuière du Chapeau de Cardinal ; cela s'appelle en langage Radaudois pain beny. le vous enuoye vn Rondeau qu'on a fait sur ce suiet, après que i'auray fmy ma lettre; car aussi bien depuis que son Altesse de Conty a fait donner les passeports pour les Messagers, i'auray beaucoup de lettres à faire pour les Semantes de Paris qui sont en peine de leurs bons amis les soldats des Gardes, que l'on dit que vous auez enuoyé à Saint-Denis pour estre noyez. Il est vray que l'argent que vous leur auez fait donner, ne les fera point couler à fond. * L'abbé de Beaumont de Péréfixe, DE MAZARINADES. 415 A la Riuicre auint cas fort nouueau, Et très fâcheux quand on luy dit : « tout beau, Vous n'estes pas encor du consistoire ; » Car pour sa teste vn Capelan doit croire, Qu'vn chapeau rouge est vn ti'op lourd fardeau. Vn prince veut en affubler sa peau; D'y résister vous passeriez pour veau ; Et comme vn asne on vous meneroit boire A la riuière Quoy vous ranger dans le sacré troupeau, Vous dont le père et le gris de bureau Dedans Montfort gauloit et pomme et poire ! Rentrez chez vous, pédant à robe noire ; Ou l'on renuoye et l'homme et le chapeau A la riuière. A trompeur, trompeur etdemy, Seigneur Iules. Puis- que vous auiez trouuë vue bonne place en France et que les peuples estoient accoutumez d'auoir vn Cardinal, vous vous y deuiez tenir et ne rien entreprendre. le vais dresser vn petit discours pour vous faire voir vos fautes, afin de vous donner moyen de faire vne bonne confession générale; car on dit que ce que vous auez de plus court, est la mémoire. Ressouuenez-vous du Proverbe de votre pays, Ché ben sta, no si moue. C'est assez vous dire vos fautes; mais prenez garde à vous; car les Arrests de la Cour du Parlement sont d'vn grand poids ; et très-difficile de les éuiter. Quoyque mon style soit de très-bas pris, néanmoins ie vous diray ce petit passage d'Horace : Raro antecedentem scelestum Deseruit pede pœna claudo. Monsieur, vostre seruiteur et bon aray, C. I. 416 CHOIX Les Triolets du temps ^ selon les 'visions dvn petit fils du grand No st r adamus , faits pour la consolation des bons François et dédiés au Parlement [3359] * . 4 mars 1649.) Parisiens, ne resuez pas tant. La défense est tousiours permise. En ce malheureux accident, Parisiens , ne resuez pas tant. Ça, ça, vite; il faut de l'argent. Donnons tout, iusqu'à la chemise. Parisiens, ne resuez pas tant. La défense est tousiours permise. Suiuons nostre illustre Pasteur '. On ne peut après luy mal faire. C'est \n maistre prédicateur. Suiuons nostre illustre Pasteur, Cet autre Paul , ce grand Docteur Que toute l'Eglise réuère. Suiuons nostre illustre Pasteur. On ne peut après luy mal faire. le veux moi mesme aller aux coups, Moi qui ne suis qu'homme d'estude. * On les atlriljue à Jean Duval , auteur du Parlement burlesque Je Pan- toise [2701]. * Jean François Paul de Gondy, archevêque de Corinthe et coadjuteur de Paris. DE MAZARINÂDE?;. 417 Pour donner bon exemple à tous, le veux moi mesme aller aux coups. S'il faut mourir, ie m'y resous , Encor que la mort soit bien rude. le veux moi mesme aller aux coups, Moi qui ne suis qu'homme d'estude. Qu'ils prient bien, nos ennemis, S'ils ont la piété dans l'âme. Ce saint deuoir leur est permis. Qu'ils prient bien , nos ennemis , Sainct Germain, Sainct Cloud, SainctDenys; Nous auons pour nous Nostre Dame. Qu'ils prient bien, nos ennemis, S'ils ont la piété dans l'âme. Nos greniers sont remplis de blé. Qu'on en fasse de la farine. ^ Le peuple a tort d'estre troublé. Nos greniers sont remplis de blé. On ne sçauroit estre accablé, D'vn an entier, de la famine. Nos greniers sont remplis de blé. Qu'on en fasse de la farine. Les cabarets sont tous ouuerts. Chascun y boit; chascun y mange. On y trouue des vins diuers. Les cabarets sont tous ouuerts. Et c'est là que i'ai fait ces vers Qui sentent la saulce à T orange. Les cabarets sont tous ouuerts. Chascun y boit; chascun y mange. 418 CHOIX Fourbisse Lirs, ne vous lassez pas. Armuriers, trauaillez sans cesse. C'est pour armer tous nos soldats. Fourbisseurs , ne vous lassez pas. Il faut couper iambes et bras A ceux qui nous tiennent Gonesse; Fourbisseurs , ne vous lassez pas. Armuriers, trauaillez sans cesse. Puisque c'est à nous les canons Auec les boulets et la poudre , Bourgeois, si mes conseils sont bons, Puisque c'est à nous les canons, Pour immortaliser vos noms, Allez partout porter la foudre , Puisque c'est à nous les canons Auec les boulets et la poudre. Aux armes! ils sont aux fauxbours! Laquais, mon pot et ma cuirasse. Qu'on fasse battre les tambours. Aux armes! ils sont aux fauxbours! Allons auec vn prompt secours Contre cette meschante race. Aux armes ! ils sont aux fauxbours ! Laquais, mon pot et ma cuirasse. Ne vous précipitez pas tant, Caualier de portes cochères. Vostre cheual est bien pesant. Ne vous précipitez pas tant. Gardez d'vn mauuais accident Qui pourroit gaster nos affaires. Ne vous précipitez pas tant, Caualier de portes cochères. DE MÀZARINADES. 419 Allons, puisque i'ai pris mon pot, Allons, qu'on s'auance et qu'on tue. Allons, auec ordre au grand trot; Allons, puisque i'ai pris mon pot. Allons frapper sans dire mot. Allons, la visière abattue. Allons, puisque i'ai pris mon pot. Allons, qu'on s'auance et qu'on tue. Hélas ! que de malheureux corps Dont la rage a fait vn parterre ! Que de blessés et que de morts ! Hélas! que de malheureux corps! Les foibles ont souffert des forts. Voilà les beaux fruits de la guerre. Hélas ! que de malheureux corps Dont la rage a fait vn parterre ! François qui combattez dehors, Pourquoi causer tant de misères? Songez en faisant vos efforts, François qui combattez dehors. Que vous auez dans ce giand corps Vos femmes, filles, sœurs et mères. François qui combattez dehors , Pourquoi causer tant de misères ? Si vous auez vos mesmes cœurs En cette funeste auenture, François , cruels persécuteurs , Si vous auez vos mesmes cœurs , Gardez y parmi vos rigueurs \n sentiment pour la nature, Si vous auez vos mesmes cœurs En cette funeste auenture. 4-20 CHOIX Courage ! Taccord s'en va fait. le viens de l'apprendre des astres. François , tout nous vient à souhait. Couraoe! l'accord s'en va fait. Vous en verrez bientost l'effet Par la fin de tous nos désastres. Courao^e ! l'accord s'en va fait. le viens de l'apprendre des astres. Il n'aura pas ce qu'il prétend, L'Espagnol qui cherche ses villes. C'est en vain qu'il est si content j Il n'aura pas ce qu'il prétend. Qu'il ne se chatouille pas tant Pendant nos discordes ciuiles. Il n'aura pas ce qu'il prétend, L'Espagnol qui cherche ses villes. Le E.oy sera bientost icy. Que chascun en saute de ioie! Ne nous mettons plus en soucy. Le Roy sera bientost icy. Il va reuenir, Dieu mercy ! C'est le ciel qui nous le renuoie. Le Roy sera bientost icy. Que chascun en saute de ioie ! Monsieur le prince de Conty Auec son zèle et sa prudence A bien soustenu son party, Monsieur le prince de Conty. L'Vniuers doit estre aduerty Qu'il a sauué la panure France, Monsieur le prince de Conty Auec son zèle et sa prudence. DE MAZARLNADES. 421 Il le faut louer hautement, Ce vaillant duc de Lono;ueuille. Bourgeois, Messieurs du Parlement, Il le faut louer hautement. Il a trau aillé puissamment Au bien de la cause ciuile. Il le faut louer hautement, Ce vaillant duc de Long^ueuille. Ce généreux duc de Beaufort Sera bien auant dans l'histoire. Dieu Ta tiré d vn cruel fort , Ce généreux duc de Beaufort , Pour seruir icy de renfort Et pour releuer nostre gloire. Ce généreux duc de Beaufort Sera bien auant dans l'histoire. Monsieur d'Elbeuf et ses enfans Ont fait tous quatre des merueilles. Qu'ils sont pompeux et triomphans , Monsieur d'Elbeuf et ses enfans ! On dira jusqu'à deux mille ans Comme des choses nompareilles : Monsieur d'Elbeuf et ses enfans Ont fait tous quatre des merueilles. Admirons Monsieur de Bouillon. C'est vn Mars quoiqu'il ait la goutte. Son conseil s'est trouué fort bon. Admirons Monsieur de Bouillon. Il est plus sage qu'vn Caton. On fait bien alors qu'on l'escoute. Admirons Monsieur de Bouillon. C'est vn ]\Iars quoiqu'il ait la goutte. 422 CHOIX Cet iniiincible mareschal * Qu'on a tenu dans Pierre Ancise, Après qu'il fut franc de ce mal , Cet inuincible mareschal, Il presta son bras martial Pour mettre Paris en franchise ; Cet inuincible maréchal Qu'on a tenu dans PieiTe Ancise. le ne puis tahe ce grand cœur* Que tout Paris vante et caresse; C'est ce marquis tousiours vainqueur. Je ne puis taire ce grand cœur. C'est le capitaine sans peur Qui trauaille et combat sans cesse. le ne puis taire ce grand cœur Que tout Paris vante et caresse. Viue, viue le Parlement Qui va mettre la paix en France î Qu'on chante solemnellement Viue , viue le Parlement ! Il oste tout dérèglement Pour nous oster toute souffrance. Viue , viue le Parlement Qui va mettre la paix en France î * Le maréchal de La Motte Houdancourt. * Le marquis de La Boulaye. DE MAZARINADES. 423 Svr la Conférence de Ruel en mars , njers bvrlesqiies du sieur S, [3734] * . (11 mars 1649.) Ma foy, nous en auons dans l'aile. Les Frondeurs nous la baillent belle. Maie peste de TViiion ! Le Bled ne vient plus qu'en charrette. Confession , communion , Nous allons mourir de disette. Qu'en dites vous, troupe Frondeuse; Moitié chauue, moitié morueuse? Où sont donc tous vos gens de main P Auec vos quatre cens mille hommes A peine trouuons nous du pain , Paimres affamez que nous sommes. Dans toute la France on s'estonne Que vostre intention si bonne Vous succède si pauurement. On y trouue beaucoup à mordre. Six semaines de Réalement Font pis que vingt ans de désordre. Dès les premières Barricades, Sans recommencer les Frondades, Il falloit mieux prendre son temps ; Et non pas comme des iocrisses , En soudrilles et Capitans Despenser toutes vos espices. ' Je ne vois pas de difficulté à ce que le sieur S. soit Scarron 424 CHOIX Tandis que le Prince nous bloque, Et prend bicoque sur bicoque Et la Riuière haut et bas , Nous ne nous occupons qu'à faire, Au lieu de sièges et combats, Des chansons sur 1ère lanière. Nos Chefs et nos braues cohortes N'ont pas plustost passé les portes Qu'ils les repassent vistement. Nous mettons nos gens en bataille. Le Polonois et l'Allemand Croquent cependant la volaille. Vsons bien de la Conférence. P^emettons la Paix dans la France , Où tout est, vous m'entendez bien. Finissons la guerre Ciuile ; Et que le pain quotidien Reuienne à Paris la grand' \ille ! DE MAZÂRINADES. 425 Maximes morales et direstiennes pour le repos des consciences dans les affaires présentes , pour seruir d'instruction aux curés, aux con- fesseurs ^ aux prédicateurs, dressées et en- uoyées de Saint Germain en Laye par vn théologien , fidèle officier du Roi, à Messieurs du Parlement [2427] ^ . (lo mars 1649.) I. La première maxime chrestienne qu'il faut poser dans cette conioncture, qui est comme la base et le fonde- ment de toutes les autres , et sans laquelle aucun ne se peut dire véritable chrestien, est Thonneur, la réuérence et le respect que l'on doit au Roy ; car i'authorité royale estant d'institution diuine , quoique plusieurs Roys ne soient que de celle des hommes, ce caractère de la ma- iesté de Dieu qu'ils portent auec tant d'esclat, exige né- cessairement de leurs subiets des respects conformes h cette grandeur; et cette îoy d'obligation d'honneur en- uers les Souuerains passe par proportion dans toute sorte d'inférieurs à l'endroit de tous ceux qui leur sont pré- posez; et ainsi les Magistrats sont vénérables par le ca- ractère de la puissance de Dieu qu'ils exercent sous I'authorité du Roy, quand d'ailleurs ils ne le seroient pas par le défaut de leur conduite particulière. ' Naudé range ce pamphlet parmi les pièces soutenues et raisonnJcs ; et il n'a pas tort. 426 CHOIX II. De cette première maxime vient la seconde qui est Tobeyssance que l'on doit au Roy, non pas aueugîe comme on voudroit le persuader faussement, mais con- forme aux lois de Dieu, aux règles de l'Éuangile et de TÉglise Catholique, Apostolique et Romaine; car comme les Roy s sont les Lieutenans de Dieu pour la conduite temporelle des hommes, c'est de luy et non pas d'eux mesmes qu'ils doiuent prendre les Loix et les Ordon- nances nécessaires pour leur conseruation ; et comme l'âme est plus précieuse que le corps, et l'intérest du salut préférable à celui de la fortune, les maximes de nostre Religion doiuent estre les règles de la Politique; si bien que, tant que les Roys commandent des choses qui ne choquent point le salut, les subiets sont tenus d'obéyr; mais dès lors qu'ils passent les bornes, Sainct Pierre nous apprend la response que nous deuons faire : qu'il n'y a point d'apparence de rendre de Tobéyssance aux hommes au préiudice de celle que nous deuons à Dieu. III. Cette obéyssance et les respects n'obligent point les peuples à l'endroit du conseil des Ministres et des Fauo- ris ; car c'est vne théologie inconnue de l'Antiquité qu'on nous a voulu faire passer depuis quelques années par les artifices du défunct Cardinal de Richelieu, de déclarer crimes de lèze maiesté les fautes commises à l'endroict des Fauoris et des Ministres qu'on appelle d'Estat. Nous ne trouuons pas cette maxime dans l'Éuangile; nul des Conciles ne l'a establie; aucun des Pères ne l'a en- seignée. Ce n'est que l'effect d'vn faste par trop or- DE MAZARINADES. 427 gueilleux. Autrement il faudroit dire qu'il y auroit plu- sieurs Roys dans vn Boyaume, si les mesmes deuoirs qu'on rend au Souuerain , estoient rendus à leurs Mi- nistres. IV. Ces mesmes deuoirs n'obligent point par égale obli- gation enuers les personnes préposées à la Régence de l'Estat durant la minorité des Roys; car encore que les Régents ou Régentes soient d'vne condition plus releuée et dans vn estât plus sublime que celuy des Ministres, ils sont tousiours néanmoins dans vn ordre extresmement inférieur à celui de la dignité Royale ; et tout ce qu'on leur doit dans cette qualité, n'est que la déférence que deuroit rendre vn seruiteur à celui qui seroit le tuteur de son maistre. C'est pourquoy ie remarqueray en passant le zèle indiscret, ou, pour mieux dire, ignorant, de quelques vns qui , au commencement de cette Régence, auoient fait adiouter dans l'oraison que l'on fait pour le Roy, après ces paroles : Pro rege nostro Ludo- uico^ ces autres : Et pro Annd Regind nostrd ; car le Royaume de France ne tombe point en quenouille; et sa Souueraineté ne se partage point en deux auec vn pou- uoir égal. V. Delà vient que les Régents et Régentes ny tout leur Conseil, Ministres et Fauoris, n'estant pas souuerains, ne peuuent point, durant leur Régence et la minorité des Roys, faire aucun changement ny establissement qui ait force de Loy ; car la puissance de faire des Loix est vn effect de l'autliorité absolue qui réside dans la seule per- sonne du Prince, et incommunicable à qui que ce soit; de manière que les Régents n'estant que tuteurs, à pro- 428 CHOIX prement parler, ils n'ont que le droit de conseruer non pas de destruire, de changer ou d'innouer; si bien qu'ils ne peuuent faire aucunes Loix ni Ordonnances, ni au- cune création d'Offices, qui sont toutes fonctions de Roy niaieur et indépendant. Et il y a lieu de s'estonner com- ment les Cours souueraines ont toléré des créations d'Of- fices durant la minorité du Roy, lesquels il pourra casser sans faire iniure à personne, estant deuenu maieur; puisque c'est faire le souuerain et entreprendre sur l'au- tliorité inséparable de sa personne que de mettre des nouueaux Officiers dans son Estât. Aussi la dernière Dé- claration, prononcée par le Parlement pour le soulage- ment du peuple et dont l'infraction est cause de tous ces mouuemens, n'est pas vne forme de Loy ni d'Ordon- nance nouuelle, mais vne correction des défauts et sup- pression des abus qui s'estoient glissez insensiblement contre les Loix et les Ordonnances au préiudice des subiels du Roy, par l'auarice et l'irréligion non seule- ment des Ministres d'Estat , mais encore d'vne infinité de petites sangsues qui ne se pouuoient saouler du sang de leurs frères. VII. Ensuite de l'obligation de prier qui est vne fonction du cœur, vient celle du corps et des biens de fortune par laquelle les subiets sont obligés d'employer l'vn et l'autre pour la conseruation de la personne du Roy et la manutention de son Estât. De cela, outre les raisons qui scruent d'appuy aux maximes précédentes, il y en a en- core deux particulières extresmement pressantes : l'vne que comme les enfants sont obligez par la loi de la na- DE MAZÂRlNADïlS. 429 tiire d'employer ce qu'ils ont de vie et de biens pour la protection de leur père et la conseruation de sa famille, personne ne peut rcuoquer en doute que cette mesme loy ne passe dans les peuples pour leur apprendre ce qu'ils doiuent à leur Prince et à TEstat, à moins que de renoncer au sens commun et dn^e que les Roys ne sont pas les pères de leurs subiects. L'autre raison regarde les intérests de cliaque particulier ; car, comme tout vn Estât n'est qu'vn Corps dont le Souuerain est le Chef, vne partie ne peut souffrir que l'autre ne participe à sa douleur; ainsi comme tous les peuples ont vne liaison auec le Prince dont les intérests ne se peuuent séparer, il n'y a personne dans l'Estat qui, par la considération de ses intérests propres, ne soit obligé d'employer corps et biens pour la conseruation de ceux du public dans les- quels tous les particuliers sont essentiellement engagez. II n'y a qu'vne cbose à obseruer en telle rencontre, qui est que l'assistance de corps et de biens qui se doit faire pour la personne du Roy ou le bien de l'Estat, doit estre selon la condition des personnes et au prorata de leurs facultez, au sol la liure, tous y estant également obligez ; de sorte que c'est vn abus déplorable et dont les confesseurs rendront compte à Dieu, ce que nous auons veu en France depuis vingt ans, que les vns, au lieu de contribuer aux frais de la guerre, se sont seruis de ces occasions funestes pour s'enricbir et se gorger de biens du sang de leurs frères X. Et comme la personne des Roys est la cbose la plus précieuse et la plus sacrée que les peuples puissent auoir, après celles de la Religion, aussi n'y a-t-il rien qu'ils ne 430 CHOIX soient obligez de faire et d'entreprendre pour les main- tenir dans la scureté de leur vie, dans la liberté souue- raine de leur indépendance, pour empescher qu'ils ne soient enleuez ou traduits en captiuité ou pour les en tirer si par quelqu'occasion ils y sont tombez. Cette maxime ne demande point de prcuue; elle est notoire par elle mesme. Ce n'est que l'extrait et l'esprit de toutes les autres; ou pour parler plus conformément à la raison, elle en est le premier mobile et le fondement; car s'd n'y auoit point d'obligation pour ce qui regarde la per- sonne du Prince, il y en auroit encore moins pour ce qui touclie les choses particulières de son Estât; et si celles là exigent par Justice et les personnes et les biens pour leur défense , ce n'est que comme par vne dépen- dance et suite nécessaire de ce qu'ils sont tenus de faire pour empescher ou destruire tout ce qui altère ou dimi- nue les prérogatiues essentiellement annexées à la per- sonne du Souuerain. Il y a donc plus d'obligation et de deuoir de s'vnir et de prendre les armes pour s'opposer à l'enlèuement d'vne personne si sacrée ou pour la retirer de cette violence qui est vne pure captiuité, qu'il n'y en a pas pour la défense de tout ce qu'on pourroit s'ima- giner au dessous d'elle. DE MÂZARINADES. 431 Demandes des Princes et Seigneurs qui ont pris les armes auec le Parlement et Peuple de Paris [997] ^ . (1S mars 1649.) Monsieur le Prince de Conty demande d'auoir entrée et place dans le Conseil du Roy ; vne Place forte dans son gouuernement de Champagne ; le retour de Ma- dame de Cheureuse'" ; qu'on fasse Duc et Pair le Marquis de Noirmoustier^; qu'on lui donne 42,000 liures; qu'on accorde le tabouret à la femme du Prince de Marsillac*; qu'on paie audit Prince 18,000 liures par an qu'on auoit accoustumé de leuer pour des Fuzeliers en Poitou, quoique lesdits Fuzeliers ne subsistent pas; qu'on donne la généralité des Galères au Duc de Ptetz ; qu'on fasse Cheualier de TOrdre le Comte de More; qu'on fasse Ma- reschal de Camp le sieur de Cresson ; qu'on paie les pen- * Les Mémoires de M™^ de Motteville contiennent cette pièce à peu près tout entière sous le titre de : Demandes particulières de messieurs les généraux et autres intéressés^ * Il y avait donc dès ce temps-là quelque chose entre le princf' et M"* de Chevreuse? ^ Louis de La Trémouille, marquis de Noirmoutier, a signe en 1649 le Serment de l\nion des princes et seigneurs^ etc. [3663J ; il a été chercher, pour le compte de la Fronde, des troupes de l'iacliiduc Léopold [Mani- feste pour M. le duc de Bouillon et messieurs les autres généraux, etc. [2402J et VÉtat de la marche et le lieu oh est à présent formée de rarchiduc Léo- pold, etc. [1290]). On le voit figurer dans le Salut de la France dans les armes de la ville de Paris [3o76]. Il est entré après 1649 dans la cabale du coadjuteur, qu'il a abandonnée en 1652. Voir la Véritable fronde des Pa- risiens, etc. [3934]. * Fils aîné du duc de La Rochefoucauld. 432 CHOÎX sions de Sainct Ybar, et qu'on les assigne doresenaiiant sur vne abbaye ; que tous les édifices appartenant et dé- pendant de l'abbaye de Sainct-Denys* et situés dans la ville soient remis en Testât qu'ils étoient auant le sixiesme Tanuier; que le Roy donne des commissions de Lieute- nans généraux, Mareschaux de Camp et Mareschaux de Bataille et autres commandemens à ceux qui les ont exercez dans l'armée de Paris et de Normandie ; et enfin que les troupes de Paris demeurent armées et soient payées des deniers du Roy, qui seront remis entre les mains du Parlement, iusqu'à l'entière exécution du traité et iusqu'à ce qu'on ait donné pleine et essentielle satisfaction aux demandes particulières tant de son Al- tesse que des autres personnes intéressées. Monsieur le Duc de Longueuille demande vne charge de la Couronne , vn Gouuernement de considération dans la Normandie- et la suruiuance de tous ses Gou- uernemens et Charges à celui de ses enfans qui le sur- uiura ; qu'on lui paie en assignations sur la Prouince tous les deniers qui lui sont deus pour pensions et auan- ces; qu'on fasse Duc et Pair Monsieur de Matignon ^ , et qu'on donne la suruiuance de sa Charge à son fils } ' Le prince de Conty était abbé de Saint-Denis, * On sait qu'une des causas pour lesquelles le prince de Condé se brouilla avec Mazarin en 1650, fut la fermeté du cardinal à refuser au duc de Longueville le gouvernement de Pont-de-l'Arche. Le prince de Condé prétendait que la promesse lui en avait été faite lors de la paix de Saint- Germain. * « Le Mardy (19 janvier) vinrent quelques hommes Disant qu'au bas pais des pommes Monsieur de Matignon leucit Toutes les trouppes qu'il pouuoit Pour Monseigneur de Longueuille, etc. » Le Courrier français [1830], 2" arrivée. DE MAZARINADES. 433 qu'on fasse aussi Duc et Pair le Marquis de Bcuuron* et qu'on donne la suruiuance de ses charges à son fils; qu'on fasse Cheualier de l'Ordre le Comte de Roisi, et qu'on lui donne la Lieutenance de Roy au Bailliage de Caen; et qu'on mette en liberté le sieur de Trassi. Monsieur le Duc de Beaufort demande le Gouuerne- ment de Bretagne pour Monsieur de Vendosme , son père ; son dédommagement des maisons et cbasteaux qui lui ont été razez en Bretagne du temps du feu Roy ; le paiement de tous les arrérages de ses pensions; le re- tour de Beaupuy et son rétablissement dans ses charges ; et l'abolition de ceux qui ont aidé à le faire sauner du Bois de Vincennes. Monsieur le Duc d'Elbeuf demande Montreuil'; le paiement de tout ce qui est deu à Madame sa femme; cent mille francs pour le Comte de Rieux', son second * Le marquis de Beuvron, en forçant à sortir dti Vieux Palais de Rouen le marquis de Saint-Luc qui s'y était glissé pour lâcher de surprendre la ville, contribua puissamment à maintenir l'autorité du duc de Longue- viile dans la capitale de la Normandie. - « Le mesme iour [îiA mars) la Cour délibéra sur la permission que Monsieur le Prince de Harcourt, fils aisné de M. le Duc d'Elbeuf, denian- doit de leuer des troupes dans le Territoire de Montreuil sur la mer.... et fut ordonné que mondit sieur le Duc d'Elbeuf, Gouuerneur de la Pro- uince de Picardie dont cette ville dépend, donneroit ordre à la seurelé de ladite Place, selon qu'il verroil en estre ])esoin. » Le Courrier français [830], 11' arrivéCr On peut voir les Remarques importantes sur les actions et la conduite de M. le duc d'Elbeuf, etc. [3267]. J'ai cité dans la Bibliographie des Mazarinndes sous le titre de Triolets de Saint-Germain [38oo], les fameux triolets intitulés M. d'Elbeuf et ses enfans. ^ Récit du duel déplorable entre messieurs les ducs de Beaufort et de Ne- mours^ ai-ec ce qui s"* est passé dans le Luxembourg entre M. le Prince et le comte de Rieux [2992]. L;^ comte avait donné un soufflet au prince de Condé qui soutenait contre lui le prince de Ta rente dans une question de pré- séance. I 28 434 CHOIX fils; cl récompense desseruices du Comte de Lillebonne, son cadet. ^lonsieur le Duc de Bouillon demande Sedan ou vne prompte récompense de ce qu'il vaut; qu'on oste le Gouuernement d'Auuergne au Duc de Chaune et qu'on le lui donne ; qu'on reconnoisse pour princes de France luy et tous ceux de sa maison; qu'on rende le comman- dement de l'armée d'Allemagne à Monsieur le Mares- chal de Turenne; qu'on donne audit Mareschal le Gou- uernement de la haute el basse Alsace^; qu'on lui donne encore en propre les domaines de Thone et d'Haguenau, et tous les autres que le Roy possède en Alsace; et qu'on lui donne le Gouuernement de Pliilisbourg. Monsieur le Mareschal de la Motte ^ demande la ré- compense du Gouuernement de Bellegarde et ses estais et reuenus depuis six ans; cent mille liures de la ran- çon du Marquis de Pouar; cinq cent mille liures pour la non iouissance pendant quatre ans du Duché de Car- done qu'il prétend lui appartenir; cent mille liures d'vn don que le feu Roy lui fit et dont il n'a pu rien toucher; toutes ses pensions, estats et appointemens pendant sa prison ; et qu'on lui redonne son régiment de Caualerie. r>Ionsieur le Duc de la Trimouille demande le Comté de Roussillon en propre à cause des droits de sa tri- saïeule; demande Amboise, Montrichard et Bléré qu'il dit lui appartenir, comme au seul héritier de la Maison d'Amboise; le Comté de Guines comme estant de l'an- cien domaine de la Maison de la Trimouille ; lettres de ' Il est assez remarquable que Turenne ait reçu plus tard de Louis XIV le gouvernement de cette province. * L'aLbé Henry de la Motlie Houdancourt, frère du niarécbal, a pulslié en 1649 cinq pampbkts pour la défense du général de la Fronde. Voir Premier factum ou Défense, etc. [28i9]. DE MAZARINADES. 435 distraction du Comté de I.aual, du présidial de Cbasteau Gontier; et que le contrat de vente qu'il fit auec feu Monsieur le Cardinal de Richelieu de la Baronnie de risle Bouchard soit rompu. Monsieur le Marquis de Vitry * demande des lettres de Duc et le tabouret pour sa femme. Monsieur le Duc de Luynes^ demande le retour de Madame de Cheureuse; vingt deux mille escus et la ré- paration des dommages qu'il a soufferts en sa Maison de Lësig""^ i^ny^ Monsieur le Comte de Fiesque* demande le tabouret pour sa femme. Monsieur le Marquis de la Boulaye^ la suruiuance de la Charge de Colonel des Cent Suisses qu'a Monsieur le Duc de Bouillon ^ * Harangue faite h messieurs du clergé par 31.' le marquis de Vltry....pour traiter auec eux du moyen de paruenir aux Estais généraux [1571]. 2 « L'on a tiré Cent hommes de chaque Colonnelle des Bourgeois de Paris pour composer \n Régiment , appelle le Régiment de Paris , qui a pour Mestre de Camp Monsieur le Duc de Luynes, pour estre prest aux occasions impréueues, etc. » Le Courrier français [830], 6< arrivée. On rappelait le régiment des jansénistes. Voir plus loin le Courrier burlesque de la guerre de Paris. ^ On peut voir plus haut sur les dommages de la maison de Lésigny U Lettre du père Michel à monseigneur le duc d^Jngoulesme, etc. * Il était de la compagnie du duc de Beaufort dans l'affaire du jardin Renard (la Soupe frondée [370^]). 11 était l'un des présidents de l'assem- blée de la noblesse en 1631 (Harangue faite par Monsieur le Comte de Fies- que.... à messieurs du clergé, etc. [160-4]). Il a signé en 1632 les articles et conditions dont Son altesse Royale et Monsieur le Prince sont conucnus pour C expulsion du Cardinal Mazarin, etc. [424]. Il était alors de la faction du prince de Condé. •'' La Déclaration du roi portant abolition générale de ce qui s est passé en la ville de Paris Vonziesme décembre dernier, 1649, etc. [921] le regarde. Il s'agit de la tentative d'assassinat faite sur le prince de Condé. V Entrée de Monsieur le Marquis de la Boulaye dans la ville du Mans^ etc. [1224]. ® Son beau-père. 436 CHOIX Monsieur le Comte de More demande quon reuoie le procès du Mareschal de Marillac, oncle de sa femme ; qu'on lui donne le Gouuernement de Verdun, la Lieute- nance de Roy des trois Éueschés et deux cent mille li- ures qu'il dit luy estre deus. Monsieur le Marquis d'Allui^ demande qu'à cause qu'il a eu dans sa Maison cent mille liures de reuenu en bé- néfices de toute ancienneté, qu'on oste le Gouuernement de Foix à Monsieur de Treuille pour le luy donner, ou qu'on luy accorde la suruiuance de la Charge du Mar- quis de Sourdis, son père, à Orléans. Monsieur le Marquis de Cugnac demande qu'on lui rende son régiment et qu'on le paie de tous les arrérages de ses pensions. Monsieur de Mata demande sept mille escus pour les arrérages de sa pension. Monsieur le Clieualier de Bruges demande de com- mander le régiment de caualerie de la Reyne et qu'on lui paie toutes ses pensions. * C'est contre lui que le prince de Condé a fait le triolet : « C'est un tigre affamé de sang, etc. » ; et Bachaumcnt ces deux : a Je suis d'auis de batailler, etc. Buffle à manches de velours, etc. » Triolets de Saint-Germain [38oo]. On lui attribue, en collaboration avec le président de Longueil, \es> Articles accordés entre Messieurs le Cardinal Mazarin^ le Garde des sceaux Chateauneuf, etc. [402]. * Il était de la cabale du duc de Beaufort. Saint- Julien lui a dédié !e Courrier burlesque de la guerre de Paris, etc., qu'on trouvera plus loin. DE MAZARINADES. 437 Manuel du bon citoyen ou Bouclier de défense légitime contre les assauts de l'ennemi [2406] \ (22 mars 1649.) le sçay bon gré à nos Prédicateurs de ne s'estre point encore ingérez d'animer le peuple à la iuste guerre où il s'est embarqué de lui mesme par vne légitime défensiue. Et de vérité il ne foloit pas de consultation ni d'exhor- tation, où il n'y auoit pas de doute. On me veut oster le pain et la vie; ie la conserue ; ie la défends : cela est na- turel. Les hommes et les bestes sont en possession de ce droict; il est escrit dans le cœur de tous les animaux auparauant le Décaiogue et la Loi des douze Tables. Mais parcequ'il y a des esprits dénaturez qui voudroient étouffer la lumière de cette vérité, et qui se sont iettez dans vn abbrutissement pire que celui de INabuchodono- sor, par Tauersion qu'ils ont de Dieu et de toute huma- nité, il faut empescher que leur contagion et leur exemple n'en attire d'autres qui ne sont pas encore totalement corrompus. Car par malheur nous sommes d'vne légère et inconstante nation, qui fait toutes choses par mode et par singerie, sans considérer ce qui est utile, ce qui est honneste et conuenable. Patience, si cet abus se ter- • Guy Patin veut que ce pamphlet soit réputé un des meilleurs. Naudé le classe parmi les pièces soutenues et raisonnées. Il loue surtout l'auteur « de n'auancer rien qui ne soit véritable. »MaiI!y au contraire signale \q Manuel comme le plus affreux de tous les libelles. Il y en a une suite qui est intitulée : Épilogue ou Dernier appareil du bon Citoyen sur les misères publiques [1264]; mais comme elle n'est qu'un dé- veloppement et une exagération des doctrine du pamphlétaire, je n'ai pas cru qu'il fût nécessaire de la donner. 438 CHOIX minoit aux habits et s'il n'auoit lieu que parmy la ieu- nesse de rAcadémie ou du Régiment des Gardes; mais bien nos vieillards mesmes, auxquels il siéroit de se tenir aux mœurs anciennes, se laissent emporter au torrent du temps présent , et changent leurs glands et leurs cordons de chapeau à l'appétit et à la mode des ieunes gens. Vn Barbier, vn Tailleur, vn maistre à danser vn peu entre- prenans et inuenlifs vont changer toute la face de la Cour en moins de huict iours, aussi facilement que Belle- rose^ fera la Scène de son Théâtre. Depuis trois iours les femmes ont pris les manches de nos chemises; il se trouuera bientost quelque efféminé qui prendra celles des femmes ; et à l'instant tous les gentils en feront de mesme. Ces choses semblent de peu d'importance; mais elles font conséquence et argument pour les plus grandes. Vn Blasphémateur du Marais du Temple ou de chez la B — n'a pas plustost inuenté vn nouueau reniement, qu'il se communique par tous les Berlands de la Ville et du faux- boura Sainct Germain et retentit en la bouche de tous les laquais. Les bons compagnons en partent huict iours plus tost pour en faire part dans les Prouinces. Il n'y a qu'en France que cet abominable abus se pratique. Car en quel autre endroit de la terre est-il sorty de la bouche d'vn homme ce vilain refrain de débauche : Pour inoy, par raison, ie hutte a cleuenir beste brutte? Cependant nous l'auons entendu chanter, et auons veu des Spiri- tuelles qui trouuoient que c'estoit vne belle rencontre. Quel aueuglement et quelle fureur? Comme aussi de vou- loir introduire parmv nous des abominations qui ne sont point du cru de nos Prouinces, qui sont contre le goust ' Il y amie Lettre de Bdleroze à Vabhê de la Riuière [1902]. DE MÀZÂRINADES. 439 et le gré de nos tempéramens, et qui ne i:oiis appartien- nent non plus que les flammes du Mont iEtna à celui de Montmartre? Cependant pour complaire à quelque cory- phée de volupté déprauée, nous voyons que de vilaines gens s'entretiendront de ces saletez et en feront suiet de vanité, qui d'ailleurs n'en ont pas mesme la tentation; ce qui ne vient que de cette conformité et mode mau- dite, par laquelle nous adhérons aux mauuais exemples. Dieu souuerain, quelle grande reformation vous feriez dans cet Estât, si vous luy vouliez donner vn bon Roy ? Nous n'aurions point affaire de Prédicateurs ny de Pas- teurs; nous pourrions fermer le liure de vos Escritures et de vostre Euangile; nous nous sanctifierions sur le modèle et le patron d'vn pieux et sage Prince. Donnez- le-nous tel, 6 grand Dieu! esleuez cettuy-cy dans la dis- cipline de vostre Loy ; inspirez-luy la pitié et la iustice, et ne souffrez pas qu'il prenne le mauuais air d'vne per- nicieuse éducation; chassez de bonne heure ce malheu- reux Démon qui possède sa Cour et sa personne; nous vous en prions au nom de nostre Seigneur lésus Christ, vostre fils, et y ioignons les vœux de tout ce grand Royaume. Après auoir mis Dieu de nostre costé par vne humble, feruente et confiante inuocation, essayons de ramener et de conuertir ces consciences confisquées qui s'opposent au bien public, et qui ont renoncé à l'huma- nité, et qui, par vne orgueilleuse opiniastreté nous veu- lent asseruir et assuiettir contre l'espérance de liberté que la Prouidence nous promet. Txîais est-il donc pos- sible qu'il y aye des hommes qui veuillent estre esclaues de leur consentement? Régulièrement il n'y en doit point auoir; il y en a néantmoins; et nous auons veu dans les Loix Romaines que des hommes libres se sont vendus 440 CHOIX et rendus esclaues à prix d'argent ; encore auiourd'huy nous en voyons qui s'obligent dans les Galères aux suié- tions de la peine et de la seruitude. Bien dauantage, il s'est trouué vn homme dans l'armëe du comte Maurice, pendant le dernier siège de Reiiibergue, lequel, moyen- nant vne somme de cent escus, s'offrit à estre pendu pour vn autre sur lequel le sort d'vne décimation estoit tombé. Son dessein estoit de laisser cette somme à sa femme ou à ses enfans, ne se voyant pas en estât de leur laisser rien du tout lorsqu'il mourroit, ou par maladie, ou par la fortune des armes. Ces pensées là sont horri- bles et monstrueuses; mais enfin il y a des testes assez creuses pour les former ; et il se trouue des hommes qui ont dépouillé l'humanité : des Timons, des Lycantropes, desquels on ne doit attendre ny religion vers Dieu, ny piété pour la patrie. Leur Dieu, c'est leur auarice; et cette auarice est la Métropole et l'Arsenal de tous les maux et de tous les crimes. C'est cette auarice qui a fait les flatteurs et les donneurs d'aduis; c'est elle qui a fait les Maleîostiers, les Fuseliers et les Intendans, Courons à cor et à cry cette monstrueuse beste , qui est pire que les Allemands et les Polaques, et plus pernicieuse à cet Estât que le Mazarin mesme. Elle est seule capable d'oc- cuper toutes nos forces ; tant elle est terrible , tant elle est opiniastre et acharnée! et ie ne scay si l'armée de Paris et celle de I^îonsieur de Longueuille seront suffi- santes pour la mettre à la raison. Voicy néantmoins deux aduis que ie tiens indubitables, si on les veut exé- cuter de bonne foy. C'est vne séuère Chambre de Justice contre les Maletostiers , leurs fauteurs et adhérans, et vne Loy sumptuaire. Par la Chambre de luslice on fera répétition et réparation de tous les larrecins du passé ; DE MÂZARINADES. 4il par vne Loy sumptiiaire, on préuiendra ceux de i'adut;- nir. Si quelcjuVii a quelque meilleur aduis à proposer, ie suis prest de l'entendre et d'y adhérer; car dans cette nécessité vrgente , si nous ne déposons toute sorte de ialousie et d'attachement à nostre propre sens, nous ne ferons rien qui vaille; et il nous arriuera comme aux consultations où Ton appelle les Médecins des deux Fa- cuîtez. Pendant qu'ils contestent du poinct d'honneur et refusent de passer à l'aduis les vns des autres, le malade meurt entre leurs mains. Ne vous souuenez-vous point des Estats de six cens quatorze? Leur députation cousta plusieurs millions aux Prouinces de France. Ils vindrent icy disputer de la Chappe à l'Euesque et de la puissance du Pape. Le Cardinal du Perron estalla ses belles co- gnoissances et trionfa de bien dire; le sieur Sauaron pro- duisit les fruits de ses longues et scauantes lectures: les Euesques de Montpellier, de Grenoble, du Belley firent des prédications très ingénieuses et très éloquentes; les marquis de Senecey et du Pont S. Pierre, Présidens de la Noblesse, et plusieurs autres grands Seigneurs y pro- testèrent vn grand zèle. En fin de compte, la France leur demeura redeuable de leur bonne volonté; et nulle réformation ne s'en ensuiuit^ Si au lieu de consommer le temps en préfaces et en émulations d'éloquence, ils fussent entrez en matière utile eî nécessaire, il en eust l'éussi quelque bon effet. Mais ces grandes et cérémo- nieuses conuocations, et qui sont faites par le choix des Fauoris qui gouuernent et qui tiennent la bourse, ne * Dans ses Remontrances tris humbles à la Reine mère, etc. [33-43], Nico- las Pasquierdit : « N'assembiez pas les Estats généraux. Ils ne réduiroient pas votre autorité, comme on le prétend, au contraire ; mais ils pourroient être vn instrument de diuision et de trouble. » 442 CHOIX produisent que du faste, de l'ambition et de la vanité. Des Estats libres et des députations légitimes faites par le libre choix des Ecclésiastiques , des Nobles et du Tiers Estât pourroient produire quelque important succez. Mais auant que cette assemblée se puisse faire seure- ment et légitimement, les années entières se passeront; et cependant on fera du feu de nos autres villages, ainsi que de Charenton. Mais pourquoy nous amuser à vne conuocation d'Estats Généraux? Chaque Prouince ne les peut-elle pas assembler sans frais et sans indiction? Cha- que Parlement n'est-il pas composé des mesmes per- sonnes qui composent les Estats? Messieurs les Euesques et la haute Noblesse n'y ont-ils pas entrée, séance et voix délibératiue? Et lorsqu'ils feront la première dé- marche pour procurer le bien du peuple, ne seront-ils pas secondez de ses vœux, prières et acclamations? Ne peuuent-ils pas concerter auec les notables Bourgeois et Marchands sur les occurrences diuerses par des assem- blées de ville, et par des accommodemens conuenables, sans s'arrester trop superstitieusement aux rangs et aux formalitez qui suffoquent la iustice? Que chaque Parle- ment recherche les cruautez et les exactions qui ont esté faites dans son destroit, et qu'il les punisse; cela se peut faire sans toucher aux droicts Royaux ny à l'authorité Royale : au contraire, c'est au nom de cette authorité et selon sa droicte intention qu'ils agiront. Que veulent donc dire nos aduersaires quand ils allèguent que la Ma- iesté Royale est offensée lorsque l'on crie au meurtre sur l'oppression d'vn Fuselier ou d'vn Gabeleur? Quelle parenté y a-t-il entre la Raiîlière et Catelan auec nos Roys, pour qualifier de rébellion la iuste résistance que l'on fait à leurs exactions ? Que veut dire cettuy-là qui a DE MAZARINADES. 443 mis dans son placart que TEsfat de France est le plus Monarchique du monde*? comment cela se peut-il en- tendre qu'à nostre honte et à la confusion de nos Roys ? Qu'il nous dise vn peu ce que c'est qu'vne Monarchie excessiue. Et quelle autre satisfaction prétendent ces gens-là, sinon qu'en réduisant leurs Concitoyens et Com- patriotes sous le pressoir et la torture, de s'ériger en sa- tellites et en confidens de cruautez, de voluptez et de toutes sortes de pernicieux conseils? Ils se distingueront peut-estre par emplois et par offices, comme ils ont desià fait : l'vn prendra l'intendance du Théâtre et des Comédies; l'autre des festins et de la bonne chère; l'au- tre des cartes et des dez; ils auront mesme l'impudence d'y faire attribuer des titres et des priuilèges; ce sera peu de chose de les dénommer comme ceux de Tibère ou de Caligula : A Volaptatihus^ a Tripudiis, à Prostibulis, 11 y aura vn grand Blasphémateur, vn grand Fuselier, vn grand Berlandier, vn maistre des impies, etc. Le pa- pier François résiste à l'escriture de cette infamie; et voilà à peu près le bref estât des Officiers de ton Mo- narque extraordinaire, dont Dieu nous préserue s'il luy plaist; car par sa diuine grâce, nous n'en auons point en- core veu en ce Royaume et dans cette zone tempérée de la France , qui ayent approché de ces excez. Et Louis XI, dont on parle tant, ne peut estre valable- ment accusé que de trop de morosité sur ses vieux ans, et de trop de ialousie de son successeur ; ce qui le ietta dans des terreurs qui le rendirent moins accessible et moins pitoyable aux nécessitez de son peuple, dont il a mérité le reproche et la malédiction iusques à nos * L'auteur de Lis et fais. Voir plus haut. 4U CHOIX iours; au lieu que nous adorons la bonté et la man- suétude de Louis XII , et que nous admirons la clé- mence de Henri IV^ pour auoir admis le Duc du Mayne à son étroite confidence et bienueillance, qui lui venoit de contester sa couronne, et pour s'estre sincèrement ré- concilié auec tous ses ennemis, et qui vouloit mesme par- donner au Mareschal de Biron, sans la résistance géné- reuse que lui firent le Chancelier de Bellièure et le Président de Harlay, dont la mémoire soit en éternelle bénédiction. C'estoit vn Roy celuy là; c'estoient des Ma- gistrats, dont les statues deuroient estre érigées au plus éminent lieu de la grand'Chambre du Parlement. Loin donc, impudent Escriuain , ton Monarque exorbitant. IN^ous en voulons vn régulier et modéré , et qui ne soit point empoisonné par tes pernicieuses instructions. Ne va donc point déclarer à notre icune Roy, ny à la Reyne, sa mère, ce qui se passa sous Charles VI, si tu ne leur expliques de bonne foi la vérité de cette histoire, et si tu ne leur fais aussi entendre les malheurs des Roys et des Reynes qui ont abusé de leur authorité. le m'estonne en cet endroit, et tous les gens de bien tombent dans la mesme pensée , d'où vient que nos Capucins qui n'ont rien ny à prétendre, ny à craindre, quand ils preschent (leuant les Roys, ne leur disent franchement les véritez nécessaires dont la connoissance et la pi'atique establi- roit leur condition, et leur gagneroit la bienueillance des peuples, au lieu que la flatterie et le mensonge les esblouit, et les fait chanceler et soulèue tout le monde contre leur gouuernement ? Est il iamais arriué qu'vne discrète et pieuse réprimande aye fait tort à vn Prince ? N'arriue- t-il pas tous les iours que les flatteries les perdent et les damnent? le ne veux pas néantmoins qu'on leur rompe DE MAZâUINADES. 445 la teste par vne longue narration des histoires passées, ny qu'on lasse leurs yeux par des lectures importunes. Qu'on les auertisse seulement de considérer ce qui se passe dans les Royaumes voisins. Qu'ils demandent à Renaudot ce qui s'est fait ces derniers mois à Constantinople^; car le cas d'Angleterre est trop odieux. Est il possible qu on les laisse dans l'ignorance de ces véritez? Est il possible qu'ils n'en sçachent pas faire l'application ? Cependant il n'est que trop certain qu'on leur cèle, ou qu'on leur déguise les plus importantes occurrences. le ne l'aurois pas creu si ie ne Fauois appris de très bonne part. Vue personne familière h Pdonsieur d'Engoulesme le coniu- rant de contribuer ses soins au bien de l'Estat dans les occasions présentes , et que tout dépendoit de l'éloigne- ment du Cardinal Mazarin, qu'il auoit qualité et autho- rité pour porter cette parole à la Reyne, il respondit qu'il n'osoit pas l'entreprendre. le sçay encore d'aussi bonne part, qu'vne autre personne s'entretenant , il y a quelques années, auec ce mesme prince sur le subiet du Cardinal de Richelieu, et qu'il ne deuoit pas lui rendre tant de déférence, il lui répliqua que ce n'estoit point à luy à s'opposer à cet important Ministre, et luy allégua pour toute excuse les respects que luy rendoit le feu Prince de Condé ; de sorte que si les personnes de cette qualité, de cette expérience et suffisance n'osent con- trarier vn Fauory ny proposer vn auis salutaire, quand * Tlîéophrastc Renaudot avait raconté clans sa Gazette la révolution qui avait coûté le trône et la vie au sultan Ibrahim en 1648 ; et il dirigeait l'imprimerie du roi à Saint-Germain. Cette révolution de Consîantinople a été l'occasion de deux pamphlets : VEntreuue du .utltan Hibraïm.... et du roi d'J ngleterre mu Champs Elysées [1261], et la Lettre de consolation enuoycc dans les Champs Elysées an sullan Hibraim, etc. [1924]. 446 CHOIX il n'est pas du goiit du Souuerain, nous ne deuons plus rien attendre, sinon du costé de Dieu ou de qiielqu'vn de ses Prophètes. A présent nëantmoins que la Piscine est esmeue, et qu'il se présente quelque espérance de guérison pour ce pauure Estât, qui est paralytique de la plus grande partie de ses membres, si nous sommes assez heureux pour y bien réussir, le voudrois qu'entre les bons régimes qui seront proposez pour l'aiienir, il y eut vn iour de la semaine auquel leurs Maiestez prissent la peine d'entendre les plaintes de leurs subiets; que pour cet effet, et pour leur adoucir ce trauail, ils eussent des Introducteurs, des Auditeurs et autres Officiers, comme sont les Prestaues de Septentrion , et les Chaoux d'O- rient; mais surtout de bons et fidèles Ecclésiastiques, tan- tost d'vn ordre et tantost d'vn autre, qui seroient por- teurs et rapporteurs des supplications du peuple vers le Prince, et des bienfaits du Prince vers le peuple, Hiiic precuni, hinc donorum ^ comme les bons génies des Philosophes Platoniques, ou , pour mieux dire , comme nos Anges Gardiens et Médiateurs ; ils en seroient bien plus sages et plus absolus, et leur authorité bien plus af- fermie par la bienueillance de leurs subiets. Mais vne chose pouuons nous dire sans flatterie et sans desguise- ment , que les Princes ne sont point tant coupables de nos maux, comme sont les flatteurs et les perfides Con- seillers ; et peut-être que le plus ferme d'entre nous, s'il étoit attaqué d'autant de tentations et de secousses qu'on leur baille, chancelleroit et succomberoit plus lourde- ment et dangereusement qu'ils ne font pas. C'est pour- quoi il faudroit faire vne instante et sérieuse poursuite contre ces faux Ministres qui les assiègent, les possèdent et les charment. Car puisque les Princes ne voyent et DE MAZARINADES. 447 n'entendent que par leurs organes artificieux, il est im- possible qu'ils soient informez de la vérité des choses, impossible qu'ils en iugent autrement que par l'informa- tion corrompue qu'ils en ont. Au reste les gens de bien, qui pourroient leur parler franchement et consciencieu- sement, leur sont descriez comme des fous et des extra- uagans; et comme leur propre modestie les retient, l'impudence des meschans les rebutte, et la calomnie les décrédite. Comment est-ce donc que les Roys sauront la vérité ? Peut-estre par les réuélations immédiates de Dieu; cela est fort rare. Ils la pourroient apprendre des Ministres de l'Église, si on leur en laissoit la liberté, et si leurs Fauoris ne les promenoient pas à tel auditoire qu'il leur plaist , et ne leur donnoient pas les impres- sions et les préuentions d'esprit pour leur faire haïr ceux cy ou ceux là. Ont ils pas descrié comme vn hérétique l'vn des plus zélez Prédicateurs qui aye paru de nos iours? En ont ils pas emprisonné vn autre? Ont ils pas formé ce scrupule, qu'il n'est pas expédient qu'vn mesme homme soit Confesseur et Prédicateur du Roy de peur de taxer en preschant les fautes qu'il auroit ouyes en Confession? Nous ne voulons pas faire les Roys de pire condition que les autres fidèles, en leur ostant le choix de leurs Confesseurs; mais si aurions nous grande raison de désirer qu'ils en changeassent quelquefois et en es- sayassent des plus capables qui fussent informez des désordres et des nécessitez publiques, et pourueus d'vne excellente vertu. Est il possible que ce vieux Cordelier Espagnol qui n'entend ny ne parle nostre langue et qui n'a commerce quelconque parmi nous, soit capable de diriger la conscience d'vne Reyne de France, préposée à vn si vaste Royaume, chargée et responsable du gouuer- 448 CHOIX nement de tant d'ames et de tant d'affaires? Il seroit donc d'vne extresme importance, que tandis que le Roy est en aage de receuoir instruction et correction, on luy pourueust pour Confesseur du plus sage et plus conscien- cieux Ecclésiastique de tout son Royaume, qui le nour- riroit aux maximes de l'Euangile, en la crainte de Dieu, au respect de sa mère et en l'amour de son peuple. Lors- qu'il sera en aage de discrétion, ce seroit vn excellent conseil de luy persuader d'en auoir plusieurs, et de leur commander en qualité de Roy, de lui bien commander en qualité de Pasteurs ; et après leur auoir fait ce com- mandement au nom de la Maiesté, de se sousmettre puis après à eux à titre de fragilité, d'humanité et de filiation. L'ancienne Théologie des Poètes étoit celle cy, que lu- piter, le Roy des hommes et des Dieux, auoit estably les Destinées, qu'après les auoir vne fois establies, il leur obéissoit tousiours. Semel iussit, semper par et. On condamne, et peut estre à bon droict, cette pompe exté- rieure et cette dignité esclatante des Prélats de l'Eglise ; mais si en retrenchant quelque chose de ce lustre, ils se maintenoient en la solide et légitime authorité de leurs prédécesseurs, ils remédieroient à beaucoup de crimes et d'inconuéniens où le Magistrat séculier n'ose pas s'inter- poser. Mais nous auons veu, hélas ! à la confusion d'vn Royaume Très chrestien, qu'vn généreux Prélat voulant faire le deu de sa charge , et se présentant pour apaiser vne effroyable sédition, est impudemment qualifié du nom de Tribun par des bouffons de cour, et est con- traint de s'en retourner sans effet, après de très pru- dentes, très sainctes et très charitables supplications^; et * Le coadjuteur, qui fut en effet très-mal reçu au Palais-Royal clans la journée des barricades. DE iMAZARINADES. 44'd qui sçalt si toute cette fascheuse suite n'a point esté la vengeance de ce mespris ? N'aigrissons point cet vlcère en le remaniant; mais rendons la louange à la mémoire des siècles passez. Ceux de la ville d'Antioche pendant vne sédition abbatirent les statues de l'Impératrice. L'Empereur Théodose venoit à main armée, pour venger cette iniure ; l'Éuesque Flauianus alla au deuant. Durant son voyage, toute la ville estoit en inquiétude et en appré- hension ; on fit des prières publiques dans l'Eglise ; et saint Chrysostome, qui estoit comme le Coadiuteur de cet éuesché par les bons offices qu'il y rendoit, montoit tous les iours en chaire, et les fournissoit de consolations et d'exhortations sur l'occurrence et la nécessité qui les pressoit ; et entre les autres , se fondant sur l'authorité et sur le charactère de ce sainct Euesque, il leur disoit : Comment est ce que celuy qui a pouuoir de remettre les crimes et les iniures qui sont commises contre Dieu , n'aura pas le crédit de composer de celles qui sont faites contre l'Empereur, qui n'est qu'vn homme ? Il en arriua selon la créance et la prédiction de saint Chrysos- tôme. Le saint Patriarche s'estant présenté à l'Empe- reur, les armes luy tombèrent des mains; et il se défit auec sincérité et générosité de tous ses ressentimens, sans aucune réserue de vengeance. Ce même Empereur, fort peu d'années après, ayant exercé quelque séuérité contre la ville de Tliessalonique, il souffrit auec patience la cor- rection et pénitence publique qui luy fut imposée par l'Archeuesque de Milan, sainct Ambroise. Ainsi en vsoient les anciens Princes Chrestiens ; ainsi en vseroient ceux de noslre siècle s'ils n'estoient pas ob- sédez de tant d'impies et perfides Courtisans. Mon aduis seroit, puisque nous en sommes sur l'article de la Reli- I 29 450 CHOIX gion, que dans le Formulaire des Prosnes on excommu- niast par chaque Dimanche tous Flatteurs et Fauoris indignes , ainsi que les Sorciers et les Noueurs d'esguil- lettes. Aussi bien a-t'on tousiours creu que ces violentes et incompréhensibles affections que les Princes tesmoi- gnent à ces damnables personnes, estoient conciliées par charactères et sortilèges. C'est assez de ce chef. Disons quelque chose de nos Magistrats séculiers , de leur pou- uoir en général, et de leur légitime procédure dans les affaires présentes. Les sieurs Mole, Yiole, Nouion, Ni- colaï^ sont citoyens de Paris, puisqu'ils y sont nez, bap- tisez et demeurans ; par conséquent obligez à toutes les fonctions de bons et fidèles habitans , et en communion de toutes sortes d'intérests auec les autres Bourgeois. Ce qui les distingue du commun des autres, ce sont les charges de Magistrature qu'ils y exercent , et pour les- quelles le peuple leur est obligé de respect et d'obéis- sance, à cause du rang qu'ils tiennent dans les Compa- gnies souueraines, auec lesquelles cognoissans et iugeans des différens des parties en la forme qu'il leur est pres- crite par les Loix, et au nombre compétent et limité par les mesmes Loix, ils font Arrest dont il n'y a point d'appel. D'où il s'ensuit qu'ils n'ont pas vne simple su- bordination à la Maiesté Royale, mais qu'ils en font por- tion en fait de iudicature , comme les Connestables et Généraux d'armées au fait des armes ; car c'est vne maxime qu'il faut tenir pour certaine, et les supposts de la domination violente ne la sçauroient destruire , que tout de mesme que l'âme raisonnable qui est répandue • Mole, premier président du parlement de Paris ; Viole et Potier de Novion, présidents au mortier; Nicolaï, premier président de la chambre des comptes. DE MAZARINADES. 451 dans vn corps, en ce membre ci, elle informe, et fait vn bras, en cet autre, vne iambe, vne cuisse , vne dent, vn doigt, et ainsi du reste ; tout de mesme en arriue-t'il dans le corps politique d'vn Estât, de quelque nom qu'il soit qualifié, soit Monarchique, Aristocratique ou Démo- cratique; c'est à sçauoir que l'authorité, le droict et la faculté qu'a ce peuple là de se gouuerner et de se main- tenir, se répand et se communique par tout le corps poli- tique; la teste duquel s'appelle vn Roy, vn Empereur ou vn Duc; les autres parties nobles et principales sont Conseillers, Ivlagistrats, Gouuerneurs, Capitaines, Con- suls, Escheuins ; celles d'au dessous sont Marchands, La- boureurs, Matelots, Artisans ; et enfin les plus basses sont Manœuures, Portefaix, Mendians et autres personnes qui composent la multitude. De la composition de tous ces membres réussit vn corps politique et moral, lequel ne sçauroit se bien porter, ny subsister, que par la parfaite correspondance, liaison et continuité de tous ses membres. Altérais sic altéra poscit opem res et coniiirat amicè. Or ceci n'est point vne chimère de spéculation; c'est vn discours fondé en l'Escriture saincte au chapitre dou- zième de la première Epistre aux Corinthiens, où il [est] démonstré que Dieu qui anime l'Eglise par son Sainct- Esprit , il le distribue non seulement au chef, mais en- core aux moindres membres, selon la proportion et l'v- sage de chacun d'iceux. Ainsi deuons nous dire de la Maiesté et du pouuoir qui appartient à chaque peuple pour se régir, maintenir et conseruer. Ils en ont donné la principale fonction à leurs chefs; mais ils ne s'en sont pas priuez totalement ; ils n'ont pas entendu se rendre esclaues ny deuenir stupides et insensibles comme des troncs de bois ; de sorte que nostre Seigneur lesus-Christ ^^52 CHOIX ne dédaignant pas de communiquer son Esprit au moin- dre fidèle, ny de se qualifier l'vn de ses membres , on ne fait point de tort au Prince quand on soustient que les j\Iagistrats, chacun dans leur compétence , ont vne par- ticipation de son authorité , plus ou moins glande, selon l'étendue et la dignité de leurs charges, et selon les di- uerses fortunes qui arriuent auSouuerain. Par exemple, quand nos Roys ont entrepris des voyages d'Outre mer, il est certain que les Magistrats auoient plus de pouuoir et plus d'empire que pendant leur présence et résidence actuelle. Le mesme arriue t'il dans les interrègnes; le mesme encore pendant les minoritez. Quand est de ce pouuoir absolu , infini , indépendant, et qui n'a point de bornes, il n'appartient qu'à Dieu seul, lequel ayant vne bonté, vne sagesse et vne puissance infinies, il n'en sçauroit mal vser. Et ceux qui veulent mettre la Maiesté à ce haut point transcendant et exorbitant , ils pèchent contre la propre seureté des Princes , et ne font rien pour eux mesmes; car nous voyons par les histoires qu'ils ont esté les premiers écrasez et chastiez par la ri- gueur de leurs propres aduis. Ce n'est pas que nous pré- tendions icy en fortifiant le party des Magistrats, affoi- blir l'authorité légitime du Prince ny rien innouer en l'Estat d'vne Monarchie de douze cens ans, sous laquelle nos prédécesseurs ont vescu. le veux croire que nul Pa- risien et nul François , en sa plus cruelle oppression , n'est pas capable de former cette pensée ; et la calomnie du placard n'est assistée d'aucune apparence, quand il dit que deux cens Conseillers du Parlement se veulent ériger en Tyrans, pour gourmander toute le reste de la France \ ' La pièce intitulée : Le Bandeau leiié de dessus les yeux des Parisiens, i\c . Voir plus haut. DE MAZARKSADES. 453 C'est bien mal entendre leur intention , veii qu'ils n'ont iamais prétendu autre chose que repurger cet Estât de la vermine des Partisans et de leurs fau- teurs; car quant à l'intërest et à l'honneur des Princes, ni mesme a leurs délices et à leurs pompes, le plus im- pudent calomniateur ne peut pas dire qu'on aie iamais fait la moindre proposition de leur rien retrancher. Au contraire on a trouué à dire que les pensions et autres dépenses de cette nature qu'il a plu à leurs Maiestez de faire à la Reyne d'Angleterre, ayent esté employées dans des comptans, comme des parties honteuses et indignes d'estre auouées et mises au iour. On n'a iamais trouué à redire à la magnificence de leurs Palais; bien au con- traire, le peuple en voyant le luxe des Fauoris et des Financiers a tousiours murmuré de ce qu'on n'acheuoit pas le bastiment du Louure. Tout ce grand appareil de Gardes Escossoises , Suisses , Françoises n'a iamais esté controllé ny du Parlement ny du peuple ; ouy bien celles qui ont esté vsurpées par le défunct Cardinal et par celui-cy. Les seules liurées du Roy , sur les espaules du moindre valet de pied, sont respectées et chéries par- tout. Encore dans ce temps malheureux, auquel on veut affamer Paris, les Pouruoyeurs de leurs Maiestez sont priuilegiez, et enlèuent tout ce qu'il leur plaist dans nos marchez; et dernièrement que par vn stratagème, qu'on ne peut honnestement nommer, on fit cesser l'ordinaire des Officiers du Roy, il n'y eust bon Bourgois qui n'en fust indigné, et qui ne fist offre de sa bourse pour répa- rer ce scandale. Mais comme cette affection est deûe au Roy et à la famille Pvoyale, c'est vn souslèuement de cœur et vne auersion générale que le Peuple, le Parlement, et tous les INobles ont contre les Fauoris, Flatteurs, et A64 CHOIX autres brigans publics ; et l'on s'estonne auec suiet par quelle fatalité la Reyne aime mieux voir triompher cette canaille , que de consentir à la Justice qu'on luy en de- mande depuis tant d'années. H y a quelque temps qu'il mourut vn Commis de finances nommé ■*'*^, qui n'auoit ny femme ny enfans et auoit peut estre plus de reuenu que tous les Ducs de Virtemberg ensemble. Ce bien là estoit acquis de sorte que son propre père fit conscience d'y vouloir participer. On proposa que le Roy s'en de- uoit emparer. Les Brigans Maiours s'v opposèrent et n'en voulurent pas permettre la conséquence. Mais posons que le bien de ce Financier fust très légitimement acquis; n'eust-il pas esté de plus iuste conqueste que la subsis- tance imposée sur cinquante villages, ou la taxe de cent aisez qui n'ont trempé ny dans les prests ny dans les au- tres vsures? 11 est sans doute. Or qui est ce qui empes- che nos Princes de comprendre ces véritez ? Les flatteurs, les bouffons, les impies. Qui les en pourroitbien esclair- cir? Les bons Conseillers de quelque robe qu'ils fus- sent ; car ce seroit grand pitié qu'il n'y eust de probité en France que sous la soustanne du bonhomme Brous- sel. Mais qu'on ne s'attache point simplement aux gens de la robbe ; il y a tant de bons gentilshommes dans les Prouinces, qui ont renoncé a la Cour et à toutes ses pompes, et qui ne seruent plus qu'à décider les différens de la chasse et de la primauté du pain bénit. Vne dou- zaine de ces gens là ne cousteroient pas tant à entrete- nir qu'vne trouppe de Comédiens d'Italie. Nous en auons de plus qualifiez qni ont veu plusieurs règnes, et qui ont pratiqué dans les Royaumes estrangers, comme vn bonhomme Bethune, vn Sainct-Chaumont^, et tant ' Le marquis de Saint-Cbaniond , et non Saint-Chaumont , est mort à DE MAZARINADES. 455 d'autres, que leur modestie retient dans leurs maisons. Il y a aussi de bons et saincts Euesques qu'il faudroit appeller, et chasser ceux qui sont de mauuais exemple. Ainsi on pourroit facilement paruenir à vne heureuse ré- formation, sans toutefois rien diminuer de la grandeur et de la Maiestë de nos Roys; car ie voudrois tousiours insister sur ce poinct et leur faire bien comprendre, que l'intention du peuple ne fut iamais de rien diminuer de leurs richesses, domaines, commoditez et magnificences; mais seulement de réformer le luxe et la tyrannie des Fauoris et des Maletostiers et de leurs adhérans Or ce légitime dessein ne peut estre pris pour vn retressis- sement de la grandeur et de l'amplitude Royale, puisque Dieu mesme tout puissant qu'il est, n'est pas moins grand pour estre dans l'impossibilité de mal faire. Cela estant ainsi, on ne peut pas iustement accuser ny le Parlement ny la ville de Paris d'auoir voulu tant soit peu effleurer la Maiesté Royale; au contraire, le vrai et vnique des- sein des gens de bien et des fidèles subiets du Roy, c'est de ne souffrir pas qu'il s'efflue vne Oligarchie dans l'Es- tat, et qu'vne centaine de brigans oppriment tout vn Royaume pour viure dans les superfluitez et dans les dé- lices. La iustice de ce bon dessein ne pouuant estre con- tredite, et la Reyne mesme la cognoissant assez en sa conscience, quelle difficulté peut elle faire de consentir à cette réformation? Les Maletostiers par leurs Placards forment deux obiections : la première est vn poinct d'honneur; ils ne veulent pas que cette réformation vienne de l'instinct et du chef de ceux du Parlement , Paris le 10 septembre 1649. Le sieur de Figuière, un de ses domestiques, a publié, la même année, Les dernières paroles de M. deSoinf'Chnmond,e\c. [103o]. 456 CHOIX iiy de Tinstance du peuple, ny qu'à leur appétit le Sou- uerain soit obligé d'éloigner aucun de ses Ministres \ Par cette raison dlionneur, il s'en suiura que ny Roy ny Prince j ny aucun homme de cœur ne deura point se défaire d'aucune mauuaise habitude dont son Confes- seur, ou son Curé, ou quelque domestique consciencieux luy aura donné l'aduis , de peur que cet aduis ne luy dérobe le mérite et la gloire de l'action. L'autre obiec- tion que l'on fait à Messieurs du Parlement, est qu'ils ne sont pas portez à poursuiure cette réformation par vne générosité et par vne iustice gratuite , mais par vn res- sentiment du refus de quelques prétentions qu'auoient aucuns d'entre eux. Hé bien , accordons que quelques vus estoient piquez de ce ressentiment; on en a nommé six ou sept; il en reste deux cens autres; que leur peut on reprocher ? Le droict annuel ? Ils l'ont mesprisé. Bien dauantage ; il y en a plusieurs qui sont parens et alliez des Partisans. Le sentiment néantmoins du vrai honneur les a tellement saisis qu'ils ont dit : périssent nos alliances et nos espérances, et que l'honneur de la Justice soit restably ! Secondement, et sans demeurer d'accord que ces dénommez ayent agy par esprit d'inté- rest et de vengeance , est-ce vne chose qui doiue sembler nouuelle ou estrange, que la Iustice se rende sur la poursuite des intéressez? On exécute au milieu d'vne place publique vn voleur de grands chemins sur la soli- cltation d'vne venue qui se plaint que son mari a esté détroussé et assassiné. La iustice qui s'en fait, est elle moins légitime, et ne réussit elle pas au bien du com- merce et à la seureté publique? Se fait-il quelque chose ' La pièce intitulée : Le roi rcu( (jne le parlement sorte de Paris, elcXoir plus haut. DE MAZARINADES. 457 en ce monde sans l'impulsion et le motif de l'intérest? N'est ce pas le premier mobile de toutes les amitiez et de toutes les haines ? Et sied il bien à des esclaucs de fa- ueur, à des idolâtres d'argent et à des âmes corrompues iusques dans le pépin de reprocher à ceux du Parlement ([ue quelque intérest les a esmeus à s'ëuertuer et à tra- uailler au soulagement du peuple? Depuis quand ces Epicuriens de la Yille-neufve^ sont ils deuenus Stoi- ques, pour prétendre, que la vertu n'a pas besoin de Fesguillon et de la chaleur des passions ? Vl iagulent homines, surgant de nocte latrones ; vt te ipsiim sentes, non expergisceris? Il n'y aura ny perfidie ny cruauté qu'ils n'exercent pour la conseruation de leurs prests usu- raires; et les bons Citoyens et les Magistrats légitimes ne s'opposeront pas à tous ces desbordemens, et ne s'es- ueilleront pas enfin sur l'inuasion et le pillage de ces bri- gans? Or ce n'est pas merueille qu'ils se soient ainsi ral- liez entr'eux et qu'ils employent toutes sortes d'artifices pour se maintenir dans leurs déprédations ; mais ce qui désole les gens de bien et qui désespère les affligez, c'est de voir qu'ils ont préoccupé les oreilles et les affections des Princes , auprès desquels ils ont décrié le peuple et calomnié les Magistrats. La troisième obiection qu'ils font au Parlement, c'est la ieunesse et l'inexpérience de quelques vns". Or c'est à Monsieur le Chancelier qui les a introduits, de garantir cet inconuénient; mais ce ne sont point ces ieunes-là qui se font escouter dans la Compagnie. Ce sont ceux du moyen aage qui sont hors de l'impétuosité de la ieunesse, et qui ne sont pas encore * Villeneuve en Gravois ; c'est aujourcriuii le quartier que traverse la rue Bourbon-Villeneuve. * Lis et fais. Voir plus haut. 458 CHOIX affoiblis par la décrépitude. Au reste, on ne conteste point qu'il n'y en puisse auoir parmi eux d'imparfaits et de défectueux; mais ce n'est pas en la veue et du costé que les ennemis de la Compagnie les considèrent ; le plus coupable et le plus meschant à leur gré, c'est ce- luy auquel nous venons d'ériger des statues et des ima- ges*; ils le tiennent pour vn séditieux et pour vn séduc- teur ; et nous le tenons pourvu homme iuste et innocent, qui a fait vue habitude de vertu par vne pratique de cinquante ans, depuis lesquels il a exercé l'Office de lu- dicature irréprochablement. Sous le règne de trois Roys, et sous deux Régences , sous la censure de six premiers Présidens, à la veue de mille Conseillers, en mille im- portantes affaires , ce sénateur a rendu des preuues de sa générosité, de sa piété et de son zèle; et à l'aage de soixante et quatorze ans, et sur i'aduis de Catelan ou de la Raillière , on le surprend , et on l'enlèue comme vn criminel; et à moins que du secours de quatre cent mil âmes qui se soulèuent en sa faueur, on ne sait pas à quelle fin on le destinoit. Voicy maintenant qu'à son su- iet tout ce grand peuple qui l'a secouru , est en pro- scription et en péril de mourir de faim. Cependant ou nous veut faire croire que ce n'est point au peuple à qui on en veut ^, mais seulement qu'on le veut obliger a se défaire du Parlement. Or ny le peuple n'est pas résolu de liurer le Parlement, ny de se laisser mourir de faim. Il y a deux mois qu'il demande à sortir, et à combattre; la seule prudence des généraux qui cherchent leurs me- sures, le retient; il est animé et persuadé de la bonté de * Le bonliomme Broussel : « Il n'y a point de rue où l'on ne voie son portrait. » .luis sincère aux bourgeois de Paris, etc. [b43J. * Lis et fois. DE MAZARINADES. 459 sa cause. C'est vne iuste défensiue. Les Théologiens en parleront à leur mode ; et chacun sçait ce que le Prouin- cial des Capucins en dist à la Reyne, huit iours après sa retraite de Paris; il n'auoit esté suborné de personne, ny pris autre instructiou que de l'esprit de Dieu. Mais voicy comme les lurisconsultes en discourent au titre De iustitiâ et iure : ils disent qu'il y a vn droict naturel comprenant tous les animaux et tous les hommes, qui leur fournit vn instinct pour leur propre conserua- tion, non seulement de l'indiuidu, mais mesme de l'es- pèce. C'est de là que vient la conionction du masle et de la femelle; de là vient le mariage, la procréation et l'éducation des enfans. Subordinément il y a vn droict des gens qui appartient seulement aux hommes; mais aussi comprend il tous les hommes, comme la Religion et la créance de Dieu, la piété vers les parens et la pa- trie, la résistance aux iniures et aux torts qu'on nous veut faire, que nous appelions légitime défense; et que comme ainsi soit que par la nature nous soyons tous al- liez et apparentez les vus auec les autres , il s'ensuit que c'est vne abomination quand vn homme dresse des em- busclies pour surprendre, pour tromper et pour offen- ser vn autre homme. Ils adioutent que par ce droict des gens, les guerres ont commencé, que les peuples se sont distinguez, recueillis et cantonnez, que les Royaumes se sont formez, et qu'on a estably des Roys. De cet endroit si notable, nos politiques qui ne recognoissent pomt d'Euangile, et qui n'admirent que la prudence humaine, pourroient prendre suffisante instruction et apprendre premièrement qu'il y avnDieu, par le consentement de toutes les nations, qui sont vniuersellement imbues de cette cognoissance; secondement qu'il faut aimer sa pa- 460 CHOIX trie et ses parens ; et le troisième précepte vniuersellement reçu, c'est la défense légitime. Ce sont trois grands luris- consultes qui nous font cette leçon , et qui estoient pour le moins aussi qualifiez que nos Chancelliers et premiers présidens. Et lustinian , Empereur de Fvne et l'autre Rome, prescriuant des Loix à toute la terre, commence son Digeste par ces trois capitales maximes, sur lesquelles et à propos du suiet que nous traitons, il y a lieu de louer ce grand Docteur de la France, lacques Cuias, lequel interprétant exactement et philosophiquement ces termes de Pomponius , Veluti ergà Deiim religio : çt parenti- hus et patriee pareamiis , il escrit ainsi : Ordo non pla- cet; nam prima officia dehenius Deo ; secunda Patriœ; iertia parentibus. Si la patrie marche en ce rang et immédiatement après Dieu, quelle est la peruersité, l'ini- quité et la scélératesse de ceux qui en abandonnent Tlion- neur, et ne se soucient pas de la voir réduire en seruitude? Aussi voyons-nous que ce sont des Siciliens, des Ange- uins et des Catelans qui ont résolu la destruction de cette grande Cité : et il est presque impossible d'imaginer qu'vn homme baptisé dans la Paroisse de S. Eustaclie ou de Sainct Méderic puisse contribuer ny consentir à la ruine de Paris. Il est pareillement véritable que ces mangeurs de Chrestiens, auparauant que d'en venir à ces extrémi- tez, il faut qu'ils ayent effacé le caractère de l'humanité auec celuy de leur Baptesme par vue longue habitude de mal faire et par vne résolution affectée de ne pas croire en Dieu, C'est sur ce fondement qu'ils n'ont pitié de personne, qu'ils en prennent de toutes parts, et qu'ils ne sont interrompus ny inquiétez dans leurs délices d'au- cun scrupule ny d'aucun remords. Quelqu'vn d'entr'eux qui n'est ])lus au monde, comme on l'aucrtissoit que du DE MAZARINÂDES. 461 temps du Chancelier de Sillery, on n'vsoit pas de si vio- lentes procédures, il respondit : De ce temps là, nous craignions tout; à présent, nous ne craignons rien. Pour paruenir à cette audace, il y a deux voies : la première et la plus battue, c'est vne mauuaise naissance, destituée d'instruction et de discipline; ils n'ont entendu ny Ca- téchisme ny préceptes ; on les a mis ieunes dans vn Ber- ian ou chez vn Financier, comme en conditions plus aduantageuses que celles d'vn Collège ou d'vn mestier légitime ; ils n'ont veu que des dez et des cartes; ils n'ont ouy ni veu que de mauuais commerces ; c'est par or et par argent que leurs Maistres ont acquis ces belles mai- sons et ces beaux meubles, et qu'ils ont marié leurs filles auec toute cette Noblesse; ils feront par conséquent sur ces exemples tout ce qui leur sera possible pour auoir de ^'or et de l'argent, qui est la monnoie de toutes les commoditez et de toutes les dignitez. L'autre chemin qui conduit à cette insolente cruauté, c'est celuy que tiennent les persones d'vne extraction ingénue, lesquels ayant esté bien instruits de ieunesse, et se trouuant dans les aises de la vie, ils s'y abandonnent si désordonnément, que pour en iouir plus pleinement et d'vne félicité pkis entière, par estude et par force d'esprit (ainsi qu'ils par- lent) , ils trauaillent à estouffer toutes les semences de vertu qui ont esté iettées dans leurs âmes , et ne veulent plus escouter ny les conseils des gens de bien ny les reproches de leurs consciences; c'est alors qu'ds font passer leurs crimes et leurs impiétez en aphorismes, qu'ils se mocquent des mœurs et des créances anciennes, et renoncent à toute piété vers Dieu et à toute piété vers les hommes. De ces deux espèces de gens sont composez tous ceux qui oppriment le Peuple , qui offusquent la 462 CHOIX Noblesse, et qui scandalisent l'Eglise. On s'estonnera icy, et à bon droict, et c'est ce qui rauit nos voisins en admiration, veu que ces gens-là ont coniuré contre le repos public et que ce sont les monstres et les pestes de la société humaine, d'où vient que par vn concours et à cry public on ne s'esleue pas contre eux, comme on fait à rencontre des loups et des sangliers qui rauagent la campagne. En voicy deux ou trois raisons; c'est qu'ils ont des Protecteurs et des Sauuegardes ; et tout de mesme que les cerfs et les sangliers ruinent impunément les moissons des laboureurs quand ils ont vn seigneur ou vn puissant voisin qui aime la chasse et qui défend d'auoir des chiens et de porter l'arquebuse ; ainsi en arriue-t'il quand le Prince ou le haut Magistrat entreprend la pro- tection du Partisan, et qu'il destine sa table et sa maison pour ses diuertissemens , et sa bourse pour les fonds de son espargne. Au temps passé, ainsi que nous l'auons appris des vieilles gens, l'alliance de ces gens-là estoit prise pour vne pollution et vue dérogation à ^'oblesse ; maintenant on en fait le soustien des maisons, et de leur argent on en répare les familles ruineuses et délabrées. Dieu sçait quelle postérité il en réussit! Allez puis après déférer en lustice vn Financier ou vn Traitant qui s'est fortifié de telles alliances ? L'autre raison , sous l'om- bre et le bénéfice de laquelle ces gens-là trouuent leur abry et leur éuasion c'est la formalité de lustice, la- quelle formalité , quand elle est sincèrement et fidèle- ment obseruée , est d'vn très grand et très nécessaire vsage; mais quand elle est trop superstitieusement ap- pliquée, elle deuient vn retardement et vn obstacle au bien public; comme aussi quand elle est malignement et frauduleusement administrée, elle dégénère en illusion DE MAZARINADES. 463 et en iniiistice ; et c'est dedans ces prestiges et parmi ces ombres que le cauteleux lusticier fauorise et fait échapper qui bon lui semble, contre la droite intention de laLoy. Telle estoit la iustice des anciens Pharisiens , contre la- quelle i'Euangile est tout plein de reproches et d'inuec- tiues. La manière d'Epaminondas estoit bien plus franche et plus brièue. Il enuoya vn homme de mérite, qui auoit bien serui en guerre, chez vn riche de Thèbes luy de- mander mil escus. Ceîuy cy vint tout à l'instant trouuer Epaminondas pour sçauoir de luy à quel tittre il le con- damnoit de bailler cette somme à ce Soldat : c'est, dit-il, parcequ'il a bien serui la République, et qu'il en a be- soin, et que tu es vne personne inutile, et qui en as plus que tu n'en mérites. Ce mandement fut exécuté, et n'ex- cita ny sédition ny murmure; il passa pour vne action de Iustice; et nous sommes si malheureux et si traistres à nostre bonheur, que pour mil francs qu'on aura im- posé sur vne femme qui a plus de dorures qu'vnc Reyne de Saba, on verra des familles en rumeur, qui crient au meurtre et qui se scandalisent de cette rigueur ; et ce- pendant ils ne firent iamais de conscience de la ruine de plusieurs milliers d'hommes, qui ont esté dépouillez par l'Exacteur qui a basty tous ces Palais et amassé vne mon- tagne d'or. Il y a quelques années qu'vn homme assez imaginatif nous surprit fort agréablement par vne vision qu'il nous raconta : il nous dit qu'il venoit de voir dans des chaudières et des marmites bouillantes des Elections toutes entières ; il sortoit de l'Église Nostre Dame ; ie crus que c'estoit que dans la méditation des quatre fîrs de l'homme, il auoit eu quelque forte imagination des peines d'Enfer. 11 nous expliqua enfin sa figure, en nous disant qu'il venoit d'vne maison du Cloistre où Ton at- 464 CHOIX tendoit Monsieur Deffiat à diner, et qu'il auoit veu des potages et des bisques de prix inestimable capables d'ab- sorber les Généraiitez de la Touraine et du Berry. C'est contre ce grand luxe que les gens de bien sont irritez, et contre ceux qui l'entretiennent. Si quelques Conseillers du Parlement de Paris ont pris à tasche de vouloir mettre des bornes à ces grands excez^ le Garde des Seaux de Marillac y auoit trauaillé de son temps; et si tous les Législateurs ont eu égard à ce désordre, escoutera-t-on des Bouffons de Cour et des Gourmands contre des in- tentions si louables ? N'est ce pas vue impudence capi- tale de présenter à la Reyne vue bouchée de pain et luy faire à croire qu'elle vaut vue pistolle à Paris^; et ces railleries sanglantes , iointes à l'histoire de Charles sixiesme, ne sont elles pas damnables ? Messieurs du Par- lement, Messieurs les Princes, et tous vous autres bons François qui voulez la réformation de TEstat et le sou- lagement du peuple, ne deschargez pas toute vostre in- dignation sur le Ministre Estranger; il n'en seroit iamais venu là , s'il n'y auoit esté porté par la trahison de quatre ou cinq domestiques, qui luy ont donné des aduis et luy ont déclaré le foible du Maistre et de la Mais- tresse. Ainsi conseillèrent ils Conchine; ainsi seruirent ils les Luynes; ainsi se prostituèrent ils au Cardinal de Richelieu; ainsi raillèrent ils la Reyne mère, qu'ils auoient tant idolâtrée. On les connoît; on sçait leurs malices ; on en sent le préiudice ; et on les épargne ! Permettez nous au moins de les nommer et d'en faire vn catalogue pul^lic , comme on fait des Interdits en l'Es- tude des Notaires. Cependant il n'y a ny Prince ny Ma- * Une note manuscrite de l'exemplaire de la bibliothèque de Sainte- Geneviève attribue cette impudence à Bautru. DE MAZÂRINADES. 4'.]5 gistrat, pour vaillant et innocent qu'il puisse estre, pour (iminent que soit le degré de sa naissance, ou de sa vertu, qui se puisse assurer d'estre hors des prises et des atteintes de leur insolence. Nous auons ouy dire de fort bonne part que le feu Roy ayant este trauaillé du- rant toute vne nuict d'vn songe qui luy représenta les détresses où estoit la Reyne sa mère, et les reproches qu'elle luy en faisoit , il s'esueilla en sueur et en fièure; dont son Médecin Bouuard ayant donné aduis au Cardi- nal de Richelieu, on attira les Bouffons, lesquels sur Taprès dinée entretenant ce trop crédule Prince de dif- férens suiets , l'vn d'entr'eux ayant voulu faire le récit d'vn songe qu'il feignoit d'auoir eu quelque nuict au- parauant, qui luy auoit donné de l'inquiétude, les autres l'entreprirent, le raillèrent, et le traitèrent de ridicule; ainsi pensèrent-ils éluder cette inspiration du Ciel. Le Roy néantmoins estonné de sa vision, s'en déclara au Cardinal, qui la sçauoit desià , lequel adroitement luy dit qu'il falloit donc rappeler la Reyne sa mère, mais qu'il falloit que ce fust honorablement et en payant les dettes qu'elle auoit contractées chez les Estrangers, et qu'il en feroit dresser Testât. Il n'est pas besoin d'en dire la suite; suffit de faire paroistre de quels artifices et de ([uels charmes ces pernicieuses gens là ensorcellent et damnent les Princes. Non, ny les luifs, ny les Ysuriers, ny les faux Monnoyeurs ne sont point si dangereux dans les Républiques. C'est néantmoins du milieu de ces gens là que nous attendons l'éducation de nostrc ieune Prince. Pensez, Messieurs du Parlement, si vous n'en deuez point faire vn article exprès de vostre Confé- rence; et voyez si le feu Prince de Condé a voulu que Messieurs ses enfans pendant leur ieunesse, et tant qu'il I 30 466 CHOIX a vescu, fussent halenez de ces pestes. Il se présente vn quatriesme obstacle contre les bons desseins de ce Party; c'est la ialousie de plusieurs Officiers, qui ont regret de voir accroistre l'autborité du Parlement et qui se con- fondent de leur paresse et de leurs lasclies conniuences ; car quant à ceux qui ont eu participation de profit auec les Traitans , ils sont gibier de Tournelle et de Chambre de lustlce; mais il y a de pacifiques Seigneurs, qui ver- roient toute la ville en feu et ne voudroient pas contri- buer vn verre d^'eau pour l'assoupir et pour l'esteindre, pourueu qu'ils eussent asseurance de n'en estre point endommagez. Du coin de leur feu, et derrière leurs pa- rauens ils preuoyent des conséquences ; ils appréhendent des changemens en l'Estat et en la Religion. Cependant ny eux ny ceux qui les conseillent, n'ont point le vrai zèle de l'Estat ny de la Religion; si ont bien celuy de leurs intérests. Priuatœ res seînper offecerunt , dit le grand Historien, officientqiie publicis consiliisj dit le grand Prophète Tite-Liue. Mais pour traiter dignement ce suiet, il y faudroit employer plusieurs Philippiques. Il reste de toucher vn mot de Tintérest du menu peuple de Paris , lequel se remettant à Messieurs les Princes et Magistrats d'auancer les propositions plus releuées et plus générales , il demande en son particulier la conti- nuation du Commerce et des manufactures pour le sous- tien de sa vie, et ne souhaite rien tant que le retour de leurs Maiestez auec l'ancienne Cour francoise ; car pour ce qui est du Ministre Estranger, il en a plus d'horreur que de la faim et'de la^guerre, ainsi qu'il l'a fait souuent entendre par ses cris et par le zèle de ses sorties , dont l'effet n'a esté retardé que par la prudence des généraux. Ainsi depuis deux mois , quelques secousses d'afflictions DE MAZÂRINADES. 467 et de tentations qu'on luy aye données, il n'a point fait iour pour se désunir. Et c'est vne manifeste prouidence de Dieu qu'vne si vaste ville si peu disciplinée, se soit si paisiblement conduite et maintenue. N'est-ce pas vne autre merueille que nous deuons adorer le ventre con- tre terre , que nonobstant la persécution de nos ennemis qui nous enuironnent de toutes parts, il se trouue du pain suffisamment pour nourrir tout ce grand peuple, chargé de plus de cinquante mil mendians. Il paroist bien par ce rayon de miséricorde que Dieu ne nous veut pas encore abolir pour ce coup et que le ieusne force conioint auec nos volontaires mortifications , produira bientost vn bon amendement à nos mœurs , et ensuite vne salutaire déliurance. C'est l'espérance que les gens de bien de ce Party conçoiuent; c'est à quoy ils exhor- tent de trauailler ceux de l'autre , s'il s'y trouuoit quel- que ame consciencieuse et généreuse. Mais est-il donc besoin d'vne vertu extraordinaire et héroïque pour por- ter vne parole de iustice à l'oreille d'vne Reyne et de deux Princes ? Est-ce vne médecine si amère et si dégous- tante que la proposition d'vn bon conseil? Ne s'est il peu rencontrer aucune créature parmy tant de dénotes, qui aie osé présenter cette potion, que la femme d'vn Apo- thicaire Espagnol ? Quoi ? il s'est trouué assez de zèle pour abattre de la chaire vn des plus grands prédica- teurs de l'Église par vn concert de femmes et par vne ialousie d'escole; et on redoutera de faire vne pieuse proposition pour vn bien public ? Pieuses âmes de l'vn et de l'autre sexe qui gouuernez cette princesse depuis tant d'années , et qui sauez si bien fleschir ses inclina- tions à la mesure de vos intérests , n'auriez vous aucun sentiment des misères publiques et de l'honneur de vos- 468 CHOIX tre Patrie? Abandonnez vous le salut de vostre mais- tresse? N'oserez-vous pas hazarder vn conseil Euangéli- que entre sa confession et sa communion? Elle en fait de si fréquentes. O Confessions ! O Communions fré- quentes ! Que ne vous iustifiez vous par vous mesmes ? Et pour quoy donnez-vous tant d'auantages à la Théolo- gie d'Arnault ? Sainctes religieuses du Val de Grâce, on ne vous exhorte poinct de prétendre aux Martyres des Saincte Agnès et Saincte Catherine ; faites seulement cet effort sur vous , de supplier la Reyne de pouruoir au Roy son fils d'vne bonne action. Qu'on sécularise le plus solitaire des Chartreux, le plus austère des Capucins pour habiter auec luy dans son Louure et pour l'informer en la crainte de Dieu, qui est le commencement de toute sapience; et que tous perfides Courtisans en soient pour iamais esloignez. Que si vous estes trop timides pour pro- poser ce conseil, et que les respects humains vous inter- disent la parole, nous nous adressons à vous, Sérénissime Infante, qui régnez dans les Cieux par le titre de vostre perséuérante vertu. Isabelle Claire Eugénie^, modèle parfait des saintes veuues et des sages Princesses , pre- nez soin d'Anne Marie Mauricette d'Autriche, vostre Niepce et nostre Reyne ; impétrez luy la grâce de nous gouuerner sur le patron de vos bons exemples. Et puis que les Princes auec tant de libéralitez et de bienfaits ne peuuent que rarement trouuer dans leurs Cours des Conseillers fidèles et généreux, enuoyez de l'autre monde quelque intelligence lumineuse qui instruise cette Prin- cesse de son deuoir, et qui la fasse fleschir sous la puis- * Fille de Philippe II, roi d'Espagne, et d'Elisabeth de France, gouver- nante des Pays-Bas. Elle était alors veuve d'Albert d'Autriche, fils de Maximilien II. DE MAZARINADES. 469 santé main de Dieu. Nous vous remettons librement et respectueusement ce poinct d'honneur et consentons très volontiers qu'elle tienne plustost cette grâce de vostre intercession et de la miséricorde de Dieu, que ny de la compassion de nos misères, ausquelles elle est endurcie , ny des remonstrances du Parlement qu'on luy fait mespriser , ny du secours de nos amis, ny de la ré- sistance de nos armées. La France parlant a Monsieur le Duc d* Orléans endormy [i43oj'. Avant la paix de Saint Germain. Gaston , Gaston , resueille toy ! Entends mes cris ; assiste moy Contre ces trois Tyrans dont ie suis deschirée; Ces trois Monstres cruels ont ma perte iurée. Fay pom' m'en garentir, de semblables efforts. le dors. Fils d'vn père si glorieux , Qui par des conseils généreux Me gouuerna, vingt ans, sans compagnon ny maistre! Dois-ie pas espérer que tu feras paroistre Des sentimens pareils à ceux qu'il eut pour lors? le dors. Sois touché des cris douloureux De tant de peuples malheureux. ' On y a publié une réponse sous ce titre : Le Prince esiieillc [2866] , mais avec peu de succès. 470 CHOIX Le pillage, le fer, le feu, la faim, la rage, Changent tout en déserts. Souffre tu cet outrage P Veux tu point arrester ces barbares efforts? le dors. Las! mon intérest est le tien. Nous nous prestons esgal soustien. Ta grandeur se perdra si l'on me peut destruire. Désille vn peu tes yeux; soulage mon martyre; Ou ie vay succomber sous de si grands efforts. le dors. Vn prince indigne de ce Rang * Veut par le fer et par le sang S'esleuer au sommet où son orgueil aspire. Tout obstacle est fascheux à qui veut vn Empire. Il n'y sçauroit monter sans te mettre dehors. le dors. Ces raisons ne te touchent pas. Quoy î s'il me réduit au trespas , Que deuiendra ton nom , ta grandeur, ta puissance ? Il ne t'en restera qu'vne vaine apparence. Tu seras son iouet; que deuiendras tu lors? le dors. Va, France, loin de moy gémir, Luy dit Gaston ; ie veux dormir, le nasquis en dormant. l'y veux passer ma vie. Jamais de m'esueiller il ne me prit enuie. Toy, ma Femme et ma Fille, y perdez vos efforts le dors. ' Le prince de Coudé. DE MAZARINADES. 471 Le burlesque remerciment des Imprimeurs et Colporteurs aux auteurs de ce temps [603]. Avant la paix de Saint Germain. Filles du ciel, gentilles Muses Qui n'estes laydes ni camuses , Obligez tant vos Imprimeurs Qu'ils puissent deuenir rimeurs; Faites qu'ils aient pour vue heure (Si c'est trop, pas tant n'y demeure) Non les béquilles ni le nom Du petit poëte Scarron , Mais l'esprit et l'humeur crotesque Auecques sa veine burlesque, Pour dresser ce remerciment Plus en François qu'en allemant. Vous y estes quasi tenues ; Car par nous vous estes connues ; Et si de vous n'auons secours , A d'autres nous aurons recours, l'inuoqueray Merlin Cocquaye Et sa dame Oliue la guaye , Afin qu'ils inspirent en nous Quelque compliment qui soit doux, Aussi chaussant qu'vn bas de laine Et qui guérisse la migraine De ceux à qui nous le dirons , Et mcsme à ceux qui le liront; Car nos auteurs qui ne sont bestes , Sont subiets à ces maux de testes. C'est vn mestier de grand tracas 472 CHOIX De composer tant de fracas , De fadaises, de «oo-ue nettes De bagatelles, de sornettes. Il est vray qu'ils se vendent mieux Que tous ces ouuragcs pieux Qu'on imprime , la Quarantaine , Dont l'on ne vend qu'vn par sepmaine. Sans tous ces petits rogatons , Sans les Coudés et les Gastons , Sans les pasquils et vaudeuilles Sans les écrits des plus habiles, Sans Riuière et sans Cardinal , Nous allions bien souffrir du mal. Sans le petit bossu en poche * Nostre ruine estoit bien proche; Et sans les riches curieux Ma femme eust bien chié des yeux. Les Libraires , la Librairie , Les Imprimeurs , la Confrérie , Les Relieurs et les Colporteurs Eussent souffert de grands malheurs. Enfin sans ces petits ouurages Les demy ceints , les pucellages , Les bagues et les beaux atours Eussent fait eschauffer les fours. Il eust fallu emprunter, vendre, Mourir de fiim ou s'aller pendre ; Mais grâce à tous ces lions esprits, ~ Nous ne sommes point là réduits. Les sols, les deniers pesle-mesie Tombent sur nous comme la oresle Quand quelque chose de nouueau ' Le prince de Conty, c'est-à-dire les pamphlets sur le prince de Conty; comme plus luuit les pamphlets sur les Condcs et sur les Gastons, sur La Rivière et sur le cardinal Ma/arin. DE MAZARINADES. 473 Vient de chez nous ou du Bureuu * ; Disons plustost : comme la neige Qui depuis cinq mois nous assiège. Mais en cherchant mon comphment le m'égare insensiblement. le ne sçay ce que ie veux dire; A grand peine le puis ie escrire. Les beaux mots , le raisonnement Manquent à mon remerciment. Hëlas! si i'estois fils d'apostre % Ma foy, i'en vaudrois bien vn autre ; Et ie n'aurois pas de tintoin A trouuer les mots au besoin. Bon chat , bon rat ; vaille que vaille ; Combattons d'estoc et de taille. Prenons la science au colet Ainsi que l'on fit Corolet^ Lorsqu'en habit de capitaine Il crioit à perte d'haleine Dans toute la cour du Palais Que le peuple vouloit la paix. Hélas ! ce grand homme de guerre Fut quasy renuersé par terre , Dont i'aurois eu mille remets , Parcequ'il nous vend des Arrests Et qu'il est le cocq des Libraires , Sans faire tort aux autres frères ; relais auec son gallon d'argent ' Le bureau craJresse où se vendait la Gazette. ^ Le père de Scarron était surnommé Scarron l'apôtre. ■' Pierre Rccollet, l'un des imprimeurs et libraires ordinaires du roi. Dans y État Je ta France pour Tannée 1660 qu'il a ajouté au Noin'eau théâtre du monde de Da,-itj, édition de i 661 , Antoine Estienne raconte que Louis XIV fit remettre à Roeollet une médaille d'or avec une chaîne du même métal pour ie récompenser de sa loyale et courageuse conduite pen- dant la Fronde. 474 CHOIX Il est bien mieux mis qu'vn sergent; Et s'il n'eust tost crié : Renguaine ! Il estoit mort, chose certaine. Mais reuenons à nos moutons. Graues autlieurs de rogatons De qui chacun fait grande estime, Soit pour la prose ou pour la rime , le crois que vous estiez cachés Aussi loing que nos vieux péchés Alors que toutes les maltotes Vouloient opprimer tous les hottes; Car en ce temps les sansonnets Comme poissons estoient muets. L'esclat de la rouge Calotte Vous donnoit à tous la menotte; Mais s'en allant à Sainct Germain, Il vous a délié la main. Vos escrits, l'encre, l'huile ou gi^aisse Ont bien fait cheminer la presse. Les partisans ou maltotiers Ont bien releué nos mestiers. Nous auions aussi triste mine Que le pain à la Mazarine, Quand la démangeaison a pris A tous vos excellents esprits. TS ous sommes huit cents , voire mille Qui tous les iours courons la ville , Depuis le matin iusqu'au soir, Offrant par vu humljle deuou Vos œuures à qui les demande ; Et si ne faut point qu'on marchande. Six deniers pour quatre feuillets Entrent dans mon gousset tout nets , L imprimeur payé de sa feuille. Que cela dure, Dieu le veuille ; DE MAZARÏNADES. 475 Car pourtant sans le Partisant Nous serions tous morts à présent, Au lieu que de tant de huées Nous restent les voix enrouées D'avoir crié haut et souuent. Foin! ie m'empestre trop auant. Pour faire vne action de grâce , Dedans vn filet ie m'enlasse Qui n'a commencement ni fin. Si i'estois vn homme latin, Faurois mis en quatre paroles Sans mentir et sans hyperboles : le vous remercie , Orateurs, Rares Esprits , braues Autheurs , Composeurs de rimes burlesques, Inuenteurs de tittres grotesques , Aduocats , Pédants , Escoliers , Qui fessiez si bien les cahiers. Vos ouurages faits à Fenuie Nous ont à tous sauué la vie. Si vous continuez tousiours A faire de pareils discours, Pourueu qu'on ne nous fasse niche, Chacun de nous deuiendra riche; Et ie diray comme dit on : Quelquefois le malheur est bon. Pour acquérir de la finance , Pourueu qu'on sauue la potence Et le fouet et la fleur de lys , Baste du reste. le finis, Après que pour nos compagnies le proteste à ces grands génies Que ce qui viendra de leur part, Sera si matin et si tard Crié par nous à voix si forte, CHOIX De rue en rue , de porte en porte , Qu'ils auront gTand contentement D'ouyr publier hautement La production de leur ceruelle. Bon soir; ie n'ay plus de chandelle. Contentez vous d'vn imprimeur Qui ne fut iamais grand rimeur, Qui ne sçait règle ni méthode , Mais qui fait des vers à sa mode Que l'on chante sur le Pont Neuf L'an mil six cent quarante neuf. Le voyage des I listes en Italie et autres lieux [4063]'. Avant la paix de Saint Germain. Où diable allez-vous nos lustes, lustes de nom, d'effet iniustes, De laisser sans secours vn peuple désole? Il ne faut pas courir si viste Pour arriuer à Rome au giste , Si vous n'auez dessein que d'estre au lubilé. Si l'on vous met en phantaisie Qu'ayant suruescu l'hérésie, Rome en attend de vous la satisfaction , Reiettez ces fausses alarmes; Car n'estant que sang et que larmes, Pourroit-elle augmenter vostre punition? ' On s.-îit que les premiers louis furent frappés en 1640 el I6il sDiisle règne de Louis XIII dont ils prirent le surnom de lustes. DE MAZARINADES. 477 Quoy, pas \n de vous ne m'écoute! Et suiuaiil tousionrs vostre route , Tout commerce entre nous sera donc interdit! N'est-ce point qu'estant pièces rondes , Vous cherchez , ainsi vagabondes , Vn heu où vous sçauez qu'ils sont fort en crédit. Non , non , vous n'estes point capables De sentimens si délectables; Mais gardez-vous aussi d'vn acte indécent (i"/c), Et que , desmentant vostre titre , Au pays où règne la mytre Les lustes à la fin ne perdent l'Innocent^. Adieu ; ie n'ay plus d'espérance De vous reuoir iamais en France. Voulans vous retenir, soudain vous écoulez. Vous passez les Monts et Marseille; Et ie pense qu'à la pareille , Vous qu'on vient de voler, à présent vous volez. l'entends desià que l'Italie Se mocque de nostre folie , Et fait d'estonnement mille signes de croix; Nommant la France ridicule , De laisser prendre par vn Iule Tant de médailles d'or de ses augustes Roys. D'ailleurs elle se formalise , Qu'estant au pays de l'Eglise , Vous soyez pris au corps par des banquiers actifs; Et la chose luy semble estrange Qu'vn Cardinal vous mette au change ; Car c'est liurer le luste vue autre fois aux luils. » Le pape était Innocent X : et les froudeurs accusaient Mazarin d'aa- pirer au souverain pontificat. 478 CHOIX le crois pourtant qu'vne partie De vous est seulement partie , Et que Iule à d'aucuns donne part au gasteau. Aussi dit- on qu'il se contente D'auoir vinot mille escus de rente o Pour le gouuernement qu'a laissé Pontchasteau. Il est vray que la médisance Fait la guerre à son Eminence , Et l'accuse de faire vn énorme péché, Disant qu'il vend les Bénéfices; IMais , malgré les mauuais offices , On sçait que, s'il les vend, il en fait bon marché. Toutesfois ses humeurs discrettes, Le portent à tenir secrètes Les libéralitez qu'il départ aux humains. Sa droite à sa gauche les cache; Et la peur qu'il a qu'on le sache, L'empesche de les faire en quantité de mains. Mais couraofe ! si la disette Du luste que Ton met en pochette. Retranche nos repas, et nous fait aller nuds, D'autres viennent à leur place, Qui réparent cette disgTace ; Car Messieurs de la Cour nous sont tous reuenus. Ces fascheuses harpies Le grand IVIaisti^e * et le Cardinal , Après auoir pris nos coppies , Ont enleué l'original. * Le maréchal de La Meilleraye, grand maître de l'artillerie et surinten- dant des finances. DE MAZARINADES. 479 Discours sur la députation du parlement à monsieur le prince de Coudé [ii47] \ (16 avril 1649.) l'auois eu de la peine à adiouster foy à la nouuelie qu'on m'auoit escrite de Paris , que le Parlement auoit député vers Monsieur le Prince pour lui tesmoigner la ioye que la Compagnie auoit de son retour et Tasseurer en mesme temps de ses soubmissions et de ses respects ; mais cette nouuelie m'ayant esté depuis confirmée , i'a- uoue que i'ay esté saisi d'estonnement et d'indignation tout ensemble d'apprendre que cette Compagnie autres- fois si Auguste et si Généreuse se soit abbaissée à vne si prodigieuse lâcbeté. Car sans parler qu'il n'y a point d'exemple dans les Registres que le Parlement de Paris ayt iamais fait en vne pareille occasion des semblables complimens vers des Princes du Sang, qui sont suiets du Roy aussi bien que Nous, qui sont sousmis aux mesmes loix qui nous lient, et n'ont autre aduantage que d'estre les premiers Gen- tils Hommes du Royaume, on ne pouuoit point d'ailleurs tirer en exemple la Députation qui auoit esté faite vers ' Ce pamphlet est de Paul Portail, conseiller au parlement de Paris, et de la cabale du coadjuteur. Un avocat au conseil privé, Bernard de Bau- tru, fut accusé, non pas de l'avoir écrit, mais de l'avoir fait imprimer. Il fut en conséquence successivement traduit devant le Chàtelet et devant le parlement, chambre de la Tournelle. La peine qui était requise contre lui, n'était rien moins que la mort, par la loi de famosis libelUs, par l'édit de Mantes, par l'ordonnance de Moulins et par l'édit de pacification de Henri III, 1577 -, mais il fut acquitté devant les deux juridictions. Voir le Factum pour M. Bernard de Bautru, etc. [1366J. 480 CHOIX rJonsiciir le Duc d'Orléans , lequel estant fils de France, Oncle du Roy et Lieutenant général de la Couronne, est infiniment esleuc au dessus d'vn Prince du San£î et mérite partant des honneurs singuliers; et le Parlement a fait sans doute vne iniure très-sensible à son Altesse Royale de luy auoir esgalc vn homme qui ne luy parle que le chapeau à la main. Mais quand ie fais réflexion sur les choses qui [se] sont passées depuis trois mois , quand ie me représente deuant les veux les Imacfes encore toutes fraisches des cruautez horribles que le Prince a fait exercer, quand ie me ressouuiens des récits funestes qu'on m'a faits des actes d'hostilité qu'il a commandées, de la désolation des Villes et des Villages , du violement des femmes et des filles , de la profanation des Eglises, sans respecter le Mystère adorable de nos Autels, quand ie trouue icy depuis tan- tost huict iours que i'y suis arriué, les marques des trai- temens Barbares que le Prince a fait souffrir à tant de personnes innocentes -, mais quand ie songe au dessein furieux qu'il auoit entrepris de faire périr par le fer et par le feu cette grande ville, la commune patrie de tous les François, ie ne puis supporter que le Parlement au- quel il doit conte de ses actions et de sa vie, le soit allé trouuer pour luy faire, auec vne bassesse indigne, vne espèce de remerciment des maux horribles qu'il a cau- sez, xS'estoit ce pas [assez] qu'il fust libre de reuenir à Paris et qu'on perdist le souuenir des mouuemens de haine et d'auersion c[u'on auoit conceu si iustement contre luy? Falloitil encore le receuoir auec pompe dans nos murailles et qu'il y soit entré plus glorieux que s'il y fust entré par la bresche ? Car qu'auroit-il fait autre chose dans vne victoire sanglante que de faire nager son DE MAZÂRINADES. 481 chenal, pour vser de ses termes, dans le sang des Pari- siens et triompher ainsi de nos vies, de nos hiens et de nos corps? Mais tontes ces choses estoient suiettes par leur condition à l'empire de la Fortune. Nous pouuons perdre auec courage les faux biens qui nous sont estran- gers; et quand Tiniustice ou la violence nous les ostent, nous ne perdons rien qui soit à nous , selon les senti- mens mesmes des Philosophes Payens. Il n'y a que l'amour de la Patrie et de la liberté au- quel il n'est pas permis aux gens de bien de pouuoir re- noncer. C'est vn bien qui nous appartient proprement , que l'vsurpation des Tyrans ne peut nous rauir et que la Nature et la raison , qui sont les deux puissances légi- times auxquelles nous deuons nos premiers respects, nous ont confirmé comme vn dépost sacré qu'elles nous obligent de garder et de deffendre iusques à la mort. Celui qui par foiblesse ou par intérest pert le désir de conseruer sa liberté , il manque en premier lieu par son pernicieux exemple contre le deuoir qui l'attache à la société ciuille; il se trahit soy mesme et efface en quel- que sorte ce rayon d'indépendance que Dieu a graué dans nos âmes en nous formant a son Image , de ne re- cognoistre point de Souuerain sur la terre en la conduite de nostre raison et de nos pensées. Mais quand ceux qui sont establis dans le Gouuerne- nement d'vn Estât, pour estre les protecteurs de la li- berté publique, s'abandonnent tous les premiers aux tyrans qui les veulent opprimer, quelle espérance peut- il rester de se pouuoir conseruer, si ceux qui en doiuent estre les plus fermes appuis, la vendent et la trahissent? Nous apprenons des Histoires que la puissance des Em- pereurs Pvomains ne serolt iamais montée au comhle de 31 482 CHOIX l'insolence où elle a esté , si la lâcheté du Sénat n'eust fortifié par ses complimens infâmes les progrez de la Tyrannie. Et sur quoy il est important que les Officiers du Parlement fassent vne sérieuse réflexion. Ils doiuent prendre garde que leur institution estant aussi ancienne que la Monarchie, ils sont les dépositaires des Loix fon- damentales de l'Estat et sont obligez en leurs consciences et par le deuoir de leurs Charges de s'opposer aux en- treprises des Ministres et des Fauoris et de renoncer plus tost à leurs dignitez que de souffrir que les loix soient violées. Il n'appartient pas à la vérité à des per- sonnes priuées d'examiner la conduite des Souuerains; mais pour ceux que la nécessité de leur employ engage de veiller à la seureté des peuples , qu'ils se souuiennent qu'ils répondront deuant Dieu de la négligence qu'ils y apportent, et que toutes les oppressions qui s'autorisent par leur tolérance criminelle , leur seront quelque iour imputées. Si le Parlement eust fait quelque reflexion sur ces deuoirs, il n'auroit pas sans doute député vers Mon- sieur le Prince; car puisque les marques d'honneur ne se rendent qu'à la qualité des personnes ou bien à leur vertu , il a esté désià obserué qu'il n'y auoit point d'exemple qui l'oblige à cette cérémonie , puisqu'on ne l'anoit iamais pratiquée enuers les Princes du Sang. D'ailleurs le traitement cruel que Paris a receu de ce Prince , ne luy auoit pas mérité cet honneur. Certes il n'estoit pas iuste qu'il receust des témoignages de nostre amour et de nostre estime pour auoir entrepris de per- dre la Ville Capitale du Royaume, que l'Histoire mar- quera sans doute comme vn reproche éternel contre sa mémoire. Ouy, ce dessein furieux flestrit cette haute ré- putation qu'il auoit acquise ; et comme la gloire des ba- DE ^ÏAZÂRINADES. ^83 tailles gagnées se partage auec la conduite des Chefs , la valeur des Soldats et auec la Fortune qui y préside le plus souuent, la Postérité iugera sans doute des moyens et des qualitez de ce Prince par l'action la plus remar- quable de sa vie. Et quand elle verra que pendant la mi- norité de son Roy il a voulu ruiner Paris, qui est non seulement l'ornement, mais l'abrégé de tout le Royaume, elle lira auec horreur vne entreprise si détestable et con- sidérera ce Prince comme vn Monstre né pour la ruine et la désolation de son Païs. Mais quelle honte sera ce au Parlement dont on sçait que le soing se doit employer à punir les violences publi- ques , d'auoir non seulement dissimulé par leur silence , ce qui seroit encor tolérable pour le bien de la Paix, mais d'auoir honoré l'Autheur de tant de maux d'vne Députation qui ne luy estoit point deue, quand il sei'oit mesme reuenu tout couuert de Lauriers gaignez sur les anciens Ennemis de celle Couronne? N'est-ce pas dé- cerner le Triomphe à celuy qui n'a pas esté le vainqueur -, mais le flambeau fatal d'vne guerre Ciuille qu'il avoit al- lumée ? Et cette prostitution ne marque-t-elle pas la foi- blesse d'vn corps qu'il falloit par prudence cacher à ceux qui ne cherchent que l'occasion d'abattre ce qui luy reste d'authorité? Les peuples voisins louoient autres fois le gouuerne- ment de la France parceque la puissance Royalle , di- soient ils, y est tempérée par l'authorité des Parlemens, lesquels encor bien qu'ils tirent leur pouuoir de celuy que le Roy leur communique, tout ainsi que les Astres empruntent leur lumière de celle du Soleil, néantmoins on peut dire que comme les Philosophes nous enseignent que les Astres ont vne lumière qui leur est propre, d'au- -i84 CHOIX tant que la lumière est vne qualité du Ciel , les Parle- mens aussi, et entre autres celuy de Paris a vne autliorité non participée, selon les loix fondamentales de la Monar- chie, soit parcequ'il a vn establissement aussi ancien que celuy de la Royauté, ainsi qu'il a esté desià obserué, soit enfui que les Roys luy ayent confié comme vn dépost le soin et la conseruation des loix, auxquelles ils ont bien voulu eux mesmes s'assuiettir à l'exemple de Dieu qui, dans la conduite de TVnivers, selon la pensée d'vn Père de l'Eglise, a commandé vne seule fois pour obéyr tousiours. Que si le Parlement doit apporter le tempérament si nécessaire aux entreprises continuelles des Ministres et des Fauoris qui abusent de la puissance Royalle, ne luy peut on pas faire à présent vn iuste reproche qu'il pert par sa faute vn aduantage si vtile au public et si glorieux à luy mesme? Car encor qu'on ne doiue pas, peut estre, approuuer tout ce qu'il a fait depuis vn an, puisque l'on en reçoit si peu de fruit, et qu'il soit_ assez manifeste par Téuénement et la lascheté honteuse de quelques vns que ceux qui ont fait le plus d'esclat dans la Compagnie , n'ont esté animez que par des intérests de Famille et par des mouuemens de caprice, sans aucun dessein du bien public , ceux qui estoient bien intentionnez , deuoient songer qu'il falloit tousiours faire vne retraite honora- ble et laisser la terreur et la crainte à ceux qui les auoient attaquez , que le Parlement n'auoit pas fait ses derniers efforts, afin de retenir et d'empescher les mi- nistres de ne rien entreprendre de nouueau à l'ad- uenir. Et tout au contraire, n'a-t-on pas veu des Conseillers de la Cour dans l'anti-chambre du Cardinal jMazarin se DI-: SÎAZAPJXADES. 485 presser en foule pour luv cîeniancler pardon des choses qui s'estoient passées, et kiy tesnioigner le desplaisir qu'il leur restoit d'auoir este gens de bien? le ne me plains pas tant de ces actions priuées qui montrent bien à la vérité la bassesse de quelques particuliers ; mais qu'il soit dit que le Parlement ait député vers Monsieur le Prince, que la Postérité lise que Monsieur le Prince a receu com- pliment pour auoir assiégé Paris , désolé la Campagne à dix lieues à la ronde , abandonné à l'insolence barbare des Soldats estrangers non seulement tant de femmes innocentes, mais le Sanctuaire mesme du Dieu viuant qu'on a propbané par des sacrilèges horribles, c'est ce que ie trouue insupportable à des François qui estant nais libres par leur condition deuroient plus tost mourir que commettre des lâchetez. Dauantage comme les Princes ne souffrent ordinaire- ment pour punition de leurs excez que la haine des peuples qu'ils affligent, qui est sans doute vne punition plus grande qu'ils ne pensent, s'ils y faisoient réflexion , estoit il iuste, mais estoit il à propos de rendre à Mon- sieur le Prince cet honneur qu'il ne méritoit point ? Ne falloit il pas qu'il reconnust la faute qu'il au oit com- mise, par les marques de nostre mespris et de nostre auer- sion? Mais qui ne sçait d'ailleurs les desseins ambitieux que l'esprit de ce Prince médite depuis quelque temps, et la demande qu'il auoit faite et qu'on luy auoit accordée , des places de Clermont, Stenay et lamets en souuerai- neté? Ne fait elle pas voir qu'il souffre auec quelque im- patience la qualité de Subiect? Tous les Princes, disoit vn de nos Roys , aspirent à l'indépendance ; de là naissent tant de remuemens et tant de guerres Ciuilles que nous 486 CHOIX esprouuons. Et c'est pourquoy il est important de les abaisser et qu'ils croyent qu'il leur est impossible de faire réussir leurs entreprises pernicieuses. Or comme le Parlement de Paris peut seul empescber les factions naissantes, il est de son deuoir principalement dans la minorité du Roy de ne plus souffrir qu'il s'élèue quel- qu'vn qui puisse faire vn party dans le Royaume ; et il doit employer ses soins d'en ruiner tous les prétextes et les causes mesme les plus esloignées : et par cette raison il est de la prudence du Parlement de tesmoigner cou- rage et fermeté à vn Prince qui a fait voir par cette der- nière entreprise que son esprit remuant n'en demeurera pas là et que c'est vn fléau que Dieu nous prépare pour affliger ce Royaume. Mais la dernière et la plus importante raison pour la- quelle le Parlement a eu tort de faire cette Députation, [est] que cet estrange abbaissement qui n'estoit pas d'ailleurs nécessaire, confirme en premier lie.u les senti- mens des Peuples dans le mauuais bruit qu'on a fait courir que les Députez du Parlement auoient esté cor- rompus dans les négociations de la Paix et qu'ils ont plié dans vn temps où il y auoit suiect d'espérer quelque soulagement dans les misères publiques, soit par l'ache- minement de la Paix générale qui nous estoit offerte^ soit par le changement du Ministériat qui estoit vn point [dans] lequel il semble qu'il ne falloit point conclure. Or comme la fin perpétuelle des Ministres a esté de désvnir les Peuples [d'auec] les Parlemens , ils ne man- quent pas sans doute de profiter de cette occasion; et comme ils se persuadent auoir suiect d'abbnttre hur aulliorllé et de rcs'ablir le rounerneniejit absolu qu'ils ont pratiqué dtpuis quelques années, ie ne doute pas DE MAZARlNÂDi:S. 487 qu'ils ne reprennent bientost leurs conseils vlolcns et que la bassesse de cœur qu'ils ont recognue par cette Deputation, ne leur donne espérance de pouuoir ruyner facilement cette Compagnie qui les auoit retenus iusques icy dans les bornes de quelque modération. II n'est pas très difficile de conceuoir ce qu'ils feront, par ce qu'ils ont desià entrepris. On a veu trois iours après la publication de la Paix vn Arrest du Conseil d'En haut éuoquer les appellations comme d'abus et casser vn Arrest du Parlement qui en auoit retenu la cognoissance. On a desià veu les Commissions Souue- raines de THostel restablies. On entend tous les iours les plaintes des cruautez horribles que les gens de Guerre commettent dans les pays du Maine et d'Aniou et aux enuirons de Sens pour s'estre déclarez en faueur de Paris et du Parlement ; ce qui est manifestement violer la dernière Déclaration \ Et cependant le Parlement est dans le silence et souffre [auec] vne extresme ingratitude qu'on maltraite ceux qui ont attiré sur eux les maux qu'on leur fait endurer, pour auoir embrassé sa querelle. Il permet que l'on viole h ses yeux les articles d'vne Paix si solennellement iurée ; et il se persuade cependant que la tempeste ne retombera pas dessus luy, comme si les Ministres ne conseruoient pas dans leur cœur vne haine enragée contre vne Compagnie qui est capable d'estre vn obstacle perpétuel à leur dessein et qui les auroit perdus en cette dernière occasion si elle en eust poussé auec vigueur le conseil qu'elle auoit si généreusement proietté. C'est d'ailleurs vn aueuglement prodigieux que de s'imaginer que quand la tyrannie des Ministres sera ' Déclaration du roi pour faire cesser les mouucmens et ré' ah Ur le repos et la tranquilité de son royaume, etc. [944]. 488 CHOIX establie, qu'ils ne se ressouuiennent plus que le Parle- ment a eu des Princes Généraux d'Armée qui ont com- mandé sous ses Ordres; car outre que s'il faut iuger de l'aduenir par le passé, nous auons veu que les Ministres ne sont pas si sages pour oublier leurs ressenti mens de vengeance , qu'ils ont desià de la peine de dissimuler (ce qui fait voir en passant la foiblesse de leur esprit et de leur conduite d'estre touchez des passions vulgaires dont celuy qui se mesle du Gouuernement, doit estre exempt selon les règles de la Politique). Mais quand les Ministres oublieroient le passé, ce que ie ne crois pas, c'est encor vue remarque fondée sur des exemples des histoires anciennes que le gouuernement violent et tyrannique exerce ses premiers efforts sur ceux qui luy sont plus proches et qui ont plus de droict et de pouuoir de luy résister. La raison est que cette sorte de gouuernement ne se peut establir parfaitement tant qu'il reste quelqu'vn qui a droict de résister au progrez du mal, parceque cette puissance illégitime est retardée ou par la pudeur ou par la crainte qu'il ne la destruise par des entreprises trop hardies. C'est donc pour cela qu'elle n'a point de suiet de souffrir qu'il y ait quelque obstacle qu'on puisse opposer à ses excez. Qui peut douter donc après cela qu'eu fort peu de temps le Parlement ne soit l'obiet de la persécution des Ministres et qu'ayant destaché les peuples, s'il leur est possible, de l'amour et de l'vnion parfaite qu'ils ont ius- ques icy gardée auec cet illustre Corps, qu'ils n'en abat- tent l'authorité ou par la proscription de tous les gens de bien , ou par quelque création nouuelle , comme on commence desià de nous en menacer. Que si cela arriue, qui ne voit qu'il ne restera plus de rempart pour la DE MAZARINADES. -^89 liberté publique? qu'il n'y aura plus d'azyle qui soit iti- uiolable pour conserucr les innoccns et les opprimez? que les Prouinces seront de nouueau exposées à Tauidité insatiable des Partisans? En vain on réclamera Tautlio- rite des loix; elles seront trop impuissantes pour secourir les foibles; et l'honneur des femmes, la pudicité des Vierges , nos biens et nos vies seront la proye du Tyran qui s'élèue, et des Complices qui fauorisent ses desseins. Il ne faut point douter que ces cboses n'arriuent si le Parlement est vne fois opprimé. Et quand ie songe à cette lâche Députation, il me semble desià qu'elles sont arriuées. Mais d'autre part, lorsque ie fais réflexion que cette Députation n'a pas esté l'ouurage de tout le Parle- ment, que le plus grand nombre y a contredit, et que la pluspart des Enquestes et des deux Chambres des Re- questes du Palais ont refusé généreusement de députer, quand ie me ressouuiens que ce n'a tant esté vne Dépu- tation du Parlement de Paris qu'vne Cabale formée de quelques particuliers corrompus, timides, esclaues et despendans de la Cour, ie sens mes espérances renaistre; et ie me fortifie dans cette créance qu'il reste encore des gens de bien dans la Compagnie , qui n'ont pas fléchi le genouil deuant Baal, et qu'on n'a pas veu à Sainct Ger- main aller à l'adoration infâme du Cardinal , que le plus grand nombre ayme le public et ne souffrira point que la liberté soit opprimée. On ne peut pas leur reprocher la Paix qu'ils ont consentie. Elle estoit en quelque façon nécessaire pour le bien de l'Estat et de Paris, et pour ne pas tomber dans la puissance de quelques Généraux qui ont trahy vne si bonne cause par les intelligences se- crettes qu'ils ont tousiours conseruécs auec la Cour, par le mauuais vsage, pour ne pas dire le honteux larcin de 490 CHOIX nos deniers , et par la lâcheté d'auoir laissé prendre tous nos postes sans résistance. Qu'on ne reproche donc point au Parlement vne Paix qu'il a creue nécessaire. Il faut que les peuples se con- fient à la protection de cette Compagnie Illustre qui est disposée plus que iamais de s'opposer auec vigueur aux entreprises des jMinistres, qui n'a autre but dans ses con- seils que le soulagement des peuples, et qui faisant gloire de mespriser ses piopres intérests, ne sera point diuertie d'vne si iuste résolution ny par la foiblesse des Chefs, ny par la corruption des pensionnaires, ny par la crainte de perdre leurs Charges et leurs emplois. C'est à quoy le Parlement se trouue engagé par le zèle du bien public, par la nécessité de son institution, par l'exemple de ses prédécesseurs, et par le deuoir de la dignité de la Com- pagnie qui se trouue si fort engagée. Et vous. Prince malheureux, qui estiez naguères Tob- iect de nos plus chères affections, et pour qui nous auons fait tant de vœux et tant de prières, et qui estes à pré- sent le suiect de nos haynes les plus mortelles, que nous regardons comme nostre ennemy irréconciliable , et comme le fléau dont Dieu menasse encor ce Royaume, ne tirez point de vanité, s'il vous plaist, de cette Dépu- tation qui vous flatte. Ce n'est point vne Députation du Parlement, puisqu'elle n'a esté ny délibérée ny arrestée par l'aduis de la Compagnie. C'est vne visite de quel- ques particuliers, et qui vous est plus iniurieuse qu'elle ne vous est honorable, puisque la plus saine partie du Parlement a résisté auec courage à vn abaissement si honteux. Mais sçachez que vous estes hay de tous les François, que vostre nom est en ai:)omi nation dans les Prouinces , et que les Parisiens ne vous voyent qu'auec DE MÂZARINADES. 491 mépris et vnc horreur secrette qui produira en temps et lieu des effets plus estranges que vous ne pensez pas. JN'est-ce point vne punition visible de Dieu sur les dés- ordres de vostre vie et les impiétés sacrilèges dont vous estes coupable, qu'ayant pu estre arbitre, a vostre retour de Flandre^, des différends du Parlement et du Minis- tériat , ayant pu décider glorieusement vne querelle si importante par l'autliorité que le succez de vos armes vous auoit acquise dans les esprits des vns et des autres, vous auez par vn aueuglement prodigieux choisi le plus mauuais party, et au lieu d'aspirer à la gloire du libéra- teur de la France, au lieu de vous maintenir dans l'amour du Peuple en procurant quelque addoucissement à leur misère, vous auez protégé vn Estranger, seruy d'instru- ment à sa vengeance et entrepris de ruyner vostre patrie, si Dieu n'eust dissipé par sa prouidence la rage et la fu- reur de vos Conseils. Mais prenez garde qu'il n'exerce encor sur vous des chastimens plus rigoureux. Le temps viendra sans doute que vous aurez besoin de réclamer la protection du Parlement que vous auez voulu oppri- mer; et le premier Fauory nous vengera des maux et des cruautez que vous auez causées^ Ce sera lorsque vous implorerez en vain l'ordonnance de la seureté pu- blique que vous auez violée^; et le Peuple innocent que vous auez voulu faire périr par la faim, se rira de vostre disgrâce et escoutera auec ioye ou tout au moins avec in- * Le Politique du temps touchant ce qui s'est passé depuis le 26 août lG-48, etc. [2812] a été écrit justement pour prouver que le prince de Condé avait en effet joué ce rôle d'arbitre à la satisfaction et pour l'avantage de tous. ^ On sait que ce temps commença en effet le 18 janvier ICoO. La pré- diction de Portail est assurément fort remarquable. * L'ordonnance du 22 octobre 1648. 492 CHOIX différence la nouuelle de vostre prison et le traitement rigoureux que l'on vous fera ressentir. La nocturne chasse du Lieutenant ciuil{^^'^'è\, (16 avril 1649.) Sollicité d'vn mouuement Qui depuis peu très viuement Pique ma verue et me conuie De contenter vn peu l'enuie D'vn imprimeur de mes amis Qu'vn destin fauorable a mis Du nombre de ceux qui se moquent Des faux confrères qui les choquent , Et qu'on a grandement loué N'auoir nom d'autheurs aduoué, Quoique défense très expresse De ne rien mettre sous la presse Qui des affaires de ce temps Fust au lecteur vn passe temps , le veux d'vn style magnifique De tout le Corps typographique Chanter la persécution, Pour mettre en exécution La burlesque et folle promesse Que ce matin après la messe Auec trois sermens de rimeur l'ay faite à ce rare imprimeur, Qui m'a sans aucun artifice Tracé le plan de l'édifice. Muse que semble posséder Scarron à qui ie voy céder DE MAZARINADES. 493 Tons ceux dont la philosophie Anionrd'huy se bnilesquefie, Guidant ma main et mon crayon, Fay briller vn petit rayon De ce feu sainct et poétique Qui fait dans vn corps tout étique Danser, comme Balzac escrit , La sarabande à son esprit. Dy moy, pour despeindre vn ouurage , Fatal au plus ferme courage, Quel grand subiect eut le pouuoir De le former et d'émouuoir Dans le pays latin vn trouble Qui de nuict en nuict se redouble, Et faire enleuer dans Paris, Non les femmes à leurs maris Par des Mazarinistes infâmes, Mais bien les maris à leurs femmes; Tesmoin nostre charmant Courrier* Qui , gissant partout sans fourrier, Très rarement chargé de baye. Pendant la fuite de La Haye^ Pour diuertir (foy de rimeur) La femme de son imprimeur, Tout seul, manque d'autre séquelle, Passoit doucement auec elle Loin de la lumière et du bruict Vne bonne partie de la nuict; l'entends, quoi que croire on en veuille, * Le Courrier françois, etc. [830], en prose. 2 Rollin de La Haye, rue d'Ecosse près le Puits-Certain. Il a imprimé les douze numéros du Courrier et même le Courrier extraordinaire appor- tant les nouuellrs de la réception de messieurs les gens du roi à Saint-Ger- main en Laye, etc. [827]. Je n'ai pas pu savoir à quelle occasion il a été contraint de se soustraire par la fuite aux poursuites de la justice. 494 CHOIX Non en personne mais en feuille , Couchant, dit-on, non dans le lict, (Car là iamais elle ne lict), Mais par vn sort insupportable Sur vn banc auprès de la table , Où mille fois multiplié , Encore humide et non plié , Comme vn bon soldat sur la dure, Puisque sa maistresse l'endure, Jusqu'à l'aurore le galand Attendoit maint et maint chaland; Dy moy, dis-ie, Muse folastre Dont mon esprit est idolastre , Pour quel crime et pour quel délict On alla prendre dans le lict , Sans respect de sa barbe blanche , Ce panure diable de TEclanche*, Ce charmant vieux fou de Roulin Qui mieux qu'asne rime à moulin , Chère Muse, enfin ce bonhomme Que Laurent Pre/ich ton veii^e on nomme. Lorsque, l'orage ayant creué, Nostre Roy nous fut enleué, A peine eusmes nous veu la perte Que nous en auons tous soufferte , Que par vn iuste mouuement. Que causoit son enlèuement, Vue démangeaison d'escrire, Prenant aux doigts de la Satire , Mit au vent, dit-on, dans Paris Tant de plumes et tant d'escrits A Muse panure et mercenaire ' Apparemment l'Eclanclie , Roulin et Laurent Prends ton verre étaient des crieurs , des colporteurs ; car je ne les vois point sur ma liste des im- primeurs et libraires. DE MAZARINADES. 495 Qu'vsaiit du prouerbc ordinaire, On pouuoit dire comme on dit Qu'ils auoient pissé tous au lit. A moins qu'on ne fust insensible, Il estoit alors impossible D'entendre partout sans frémir Mille et mille presses gémir Non de la peine coustumière Qu'elles ont de mettre en lumière, Depuis le soir iusqu'au matin, François , bébreu , grec et latin , Non, dis-ie, si dire ie Tose, De leur trauail , mais de sa cause. Estant mille fois en effect La cause pire que l'effect, Puisqu'enfm elle n'estoit autre Qne leur infortune et la nostre ; Grâce aux bons et mauuais autheurs Mille offices de colporteurs, Tous de création nouuelle, Faire braire à pleine ceruelle Et d'vn stentorique gosier. Chargés de boutiques d'osier, Dans vue publique disette Cent et cent marchands de gazette. Sages députés de Rouen Qui fistes, et non sans Hahen , A Sainct Germain tant de vacarme Pour n'auoir vu , non sans allarme , Croistre vostre grand Parlement Que de la moitié seulement, Et vous faisant tenir à quatre , Pour en faire vn peu trop rabattre , Auez peut-estre non sans fruit Si iustement fait tant de bruit , 495 CHOIX Qu'eussiez- vous fait si vostre nombre Qui ii'estoit à peine qu vne ombre De cil des porte-rogatons, L'eust esgalé, sages Gâtons? Vieux et nouueaux dans leur office , Tous à la fois en exercice, Crioient comme fous, l'vn : Voicy Des maux de France le récy; L'autre entonnoit dVn son grotesque La Lettre au Cardinal burlesque * ; Bref pour mille autres pièces tous Couroient les rues comme des fous. Tant que dans vn subiect de larmes Dura Finsolence des armes. Quoique ne pouuant Tendm^er, Nostre Parlement vit durer Celle des plumes occupées A battre, autant ou plus qu'espées, Chacune, par décret du ciel. Versant autant d'encre que de fiel; Et maint autlieur de bonne grâce , Sur le papier faisant main basse , Donnoit et de taille et d'estoc. Et tousiours ferme comme vn roc, Ne laschoit pied que sa furie Ne fondist dans Timprimerie ; Mais lorsque sans empeschement D'vn salutaire abouchement Paris vit naistre F espérance D'vne fourée conférence, On commença de réprimer Cette licence d'imprimer*. * Lettre à M. le cardinal burlesque : elle est plus haut. * On avait commencé auparavant ; car il y a, sous la date du îo janvier, DE MAZARINADES. 497 Lieutenant ciuil et Commissaires, A espionné bien leurs affaires; Pour empcscher de barbouiller, Chez les imprimeurs vont fouiller De nuict par cruauté extresme Jusqu'au fond de la caue mesme. Ce fut donc enuiron ce temps Que nous eusmes le passe temps De voir, ainsi qu'on le remarque , Sortir au iour sans nom ni marque De la presse de Variquet, De Preuetay, Sara et Cottinet, Qui ne se vend et ne s'achète Qu'entre chien et loup en cachette , De satyriques ouurages en vers , louxte sur exemplaires d'Anuers. Mais puisque l'imprimeur me presse De fournir le mien à sa presse, le fais iudicieusement Sa fin de son commencement, Amy lecteur, et te proteste Que tu verras bientost le reste. un Arrêt de la cour de pnrlcmerd portant défenses , à tous imprimeurs et col- porteurs ^ d'imprimer et exposer en vente aucun ouurage, etc. [232J. 32 498 CHOIX Reqvcste présentée à Monseigneur le Prince par les vignerons de son gouuernenient de Bour- gogne, en vers burlesques [3o0ij. (3 juin 1649.) Vous supplient très humblement Ceux de vostre Gouuernement Dont la main façonne la vigne , D'auoir audience bénigne. La grandeur que vous possédez , Fait que si vous nous accordez De parler auec hardiesse , Nous vous appellerons Altesse Et tous les autres plus beaux mots Qui peuuent rehausser vn los ; Disais que toute nostre troupe Qui ne met de l'eau qu'en sa soupe, Honoroit vostre géniteur, Qui Faymoit aussi de bon cœur, Puisqu'il chinquoit à tasse pleine , A longs traits et perte d'haleine , Dedans Paris et dans Dijon , Nostre vin qu'il trouuoit si bon; Que depuis la meschante guerre Que le Diable mit sur la terre Le matin d'après le Roy boit ^ Aucun batelier on ne voit Ramer pour Paris sur Yonne, Afin de luy vendre la tonne De nos vins plus délicieux Et rapporter des escus vieux. DE MAZARINADES. ^99 Que Bacclius, fasché contre vous, Nous fait ietter à vos genous ; Qu'il dit que iamais vostre père Contre luy ne fut en colère ; Qu'il n'empesclioit point ses bateaux De porter ylà ses tonneaux , Ny mesme sa douce moutarde Dont le Badault se papelarde Alors qu'il mange, le matin, De la saulcice ou du boudin. Ou bien quelque fameuse an douille, Faisant la nique à la patrouille ; Et de plus il estoit tant bon D'y porter du bois et charbon.... Qu'aussy nostre main libérale Dessous l'autorité Royale Luy payoit tousiours promptement Son plat et son appointement ; Que ce prince estoit politique ; Qu'il sçauoit mesme la pratique ; Qu'il estimoit les Parlemens ; Qu'il calmoit les soulèuemens; Qu'il estoit déuot à l'EsgUse Où Sainct Pierre a sa cliaii e mise ; Qu'il aymoit les religieux Et faisoit des actes pieux; Qu'il ne vuidoit point leur besace; Qu'il aymoit la dame Fricace Qui faisoit bieu les saupicquets; Qu'il liaïssoit les affiquets Et toutes les femmes infâmes; Qu'il prisoit les honnestes dames ; Que , sans iurer le nom de Dieu, Il iuroit seulement Mebieu; 500 CHOIX Qu'il payoit tousiours le salaire De monsieur son apothicaire, Estant encor sur le bassin , Aussi bien que son médecin; Qu'en son temps on voyoit nos filles, Belles , lionnestes et gentilles , Danser sous Forme à petits bonds Ainsi que de petits moutons; Que nos gars plus remplis d'audace Se faisoient sonnent la grimace , Estans l'vn de l'autre ialoux Qui seroit plustost leur époux; Qu'ils estoient en bonne posture Auec beaux gants , belle ceinture , Auec du volet au chapeau Et des toufets au renouueau; Que la fluste alloit en cadence ; Que si dans ou dehors la danse Quelqu'vn vouloit de son grouin Choquer le muzeau de Catin , L'ayeul y prenoit bientost garde , Encore mieux la mère moucharde Qui les contenoit dans l'honneur; Il vous PLA.ISE, braue Seigneur, Remettre la France en honneur Et dans Paris , la grande ville , Ramener nostre Roy pupille , Sa mère Régente et la Cour D'oster l'impost et le péage Qui ne sont de l'ancien vsage ; De prier Dieu soir et matin ; Ne point hanter le libertin ; Garder la loi que Dieu nous donne ; Honorer la triple Couronne ; DE MAZARlNADrS. 5oi Prendre le conseil des vieillars; Ecarter ces iennes raillars Qui ne sont propres qu'à la danse Et qui font vn Dieu de leur panse.... Le Branle-Mazarin dansé au souper de quelques vus de ce parti là chez monsieur Renard où monsieur de Beaufort donna le bal [605] ^ . (18 juin 1649.) L'affront en est encore vne fois demeuré aux Pertur- bateurs du repos public. le les nomme ainsi puisqu'au milieu du calme et de la paix ils recueillent par leurs insolences et leurs discours iniurieux vne querelle où ils n'ont eu et n'auront iamais que de la confusion. Monsieur de Beaufort, ce Dëmon Tr.télaire de Paris, ce Père du peuple, inaccessible aux offres aduantageuses, inesbranlable dans les périls et modéré dans les vic- toires; ce Prince, dis ie, qui a despouillé d'honneur les brouillons de l'Estat, en donnant du pain à Paris, vient de soustenir l'honneur de Paris en ostant le pain et quelque chose auec à ces brouillons. Mais ie voudrois bien demander à ces Messieurs là en * C'est le pam])hlet qu'Orner Talon et Mailly citent sous le titre inexact de le Branle des Mazarins, dans la maison de Renard et fait par M. le duc de Beaufort. Il y a sur le même sujet la Relation de ce qui s''est passe aux Tui- leries entre M. le duc Beaufort, etc. [3123], la Nappe renuersée chez Renard^ etc. [2o25], la Soupe frondée [3704], le Grand Gersay battu, etc. [lolO], la Déroute des cabalistes au iardin de Renard^ etc. [1048], le Combat géné- reux de Mgr le duc de Beaufort^ etc. [714]. / 502 CHOIX qiioy consiste l'honneur et la vertu, et quels Généraux sont dignes demespris, ou ceux de Paris, ou ceux de Sainct Germain. Si nous raisonnons en Chrestiens sur ce fondement que la Charité est la Reyne des vertus , et le niueau sur lequel tournent toutes les bonnes actions , nous trou- uerons que les Généraux de Paris en protégeant l'inno- cent et le foible , en donnant du pain à des millions de personnes , en deffendant les Autels et les Vierges contre l'insolence du soldat, méritent bien plus d'honneur et de louange que ceux de l'autre party, qui ont commis toutes les inhumanitez et toutes les barbaries. Si nous passons des vertus Chrestiennes aux Morales , y auoit il rien de plus lasche parmy les Payens que d'abandonner la Patrie à l'esclauage et à la Tyrannie ? y auoit il rien de plus honteux que de préférer son in- térest particulier au bien public ? et rien de plus infâme que de renoncer à sa conscience et à sa raison pour suiure aueuglément les passions d'autruy ? Mais pour iuger de la cause par les effects, qu'ont fait ces généraux de Sainct Germain ? Ils ont exposé Tau- thorité Royale ; ils ont conceu vue montagne et n'ont accouché que d'vne souris; ils ont pris Charenton et Brie; ils ont forcé les cabanes des pauures villageois et les Vierges désarmées^, et ont perdu tant d'honneur, qu'il ne leur en reste que ce que nous leur en auons voulu laisser. Les Généraux de Paris ont sauué l'authorité Royale, protégé les Autels et la Justice, soustenu aiiec de mau- uaises troupes tous les efforts d'vne armée Royale , et ' Ou peut \oir plus haut la Lettre du pure Michel, etc. DE MAZARINÂDES. 503 nourri Paris contre les espérances de nos enncniys mesmes. Nonobstant tout cela, il faut que ces Messieurs rail- lent, et que par vne lasche ingratitude ils mettent en compromis l'honneur de ceux qui leur ont sauué et l'hon- neur et la vie. Ignorent ils que c'est à la modération de nos Généraux et du Parlement qu'ils doiuent leur salut? et que s'ils eussent eu le moindre désir de vengeance , tout estoit perdu pour eux? Mais il est temps de venir à nostre histoire; et faisons voir comme la bonté a en- core vne fois triomphé de l'ingratitude, l'innocence de la calomnie, la modération de l'insolence et Paris de ses ennemys. 7\îonsieur de Beaufort ayant ouy dire que ces Mes- sieurs faisoient quelques petits discours de raillerie des Frondeurs de Paris , comme ils les appellent , qu'ils les mettoient sur le tapis dans leurs festins , et aiguisoient leurs beaux esprits auec la chaleur du vin à inuenter des termes picquants et railleurs pour contenter en quelque façon le despit qu'ils ont d'auoir chié dans leur bonnet; Monsieur de Beaufort, sans s'esmouuoir beaucoup sur le champ, apprit, quelques iours après, qu'ils deuoient souper splendidement chez Renard \ Faisant semblant d'aller au Cours (car la maison de Renard est scituée sur le chemin). Monsieur de Beaufort demande : Qui soupe céans ? On luy dit qu'il y auoit Monsieur de Can- dale, Monsieur de Souuray, Monsieur de Gerzé, Mon- sieur du Frottoir, Monsieur de Saint Maigrin, le Com- mandeur du lars , Monsieur Bautru et quelques autres ' La maîson de Renard était au bout du jardin des Tuileries, à peu près à l'endroit où se termine aujourd'liui la terrasse des Feuillants. 504 CHOIX qu'on ne pust nommera Monsieur de Beaufort ayant recognu que sa cabale estoit là , monte fort froidement accompagné de Monsieur le Duc de Retz, de Monsieur de La Motte Houdancourt et de quelques autres Seigneurs de marque-. Entrez qu'ils furent dans la chambre, Mon- sieur de Beaufort et les autres saluèrent la compagnie du costé qu'estoit assis Monsieur de Caudale ; et à l'autre on remarqua que quatre ou cinq ne se mirent pas dans leur deuoir. Cela ne fit pas mal au dessein de Monsieur de Beaufort que la ciuilité auroit peut estre destourné. Il dit d'abord , iettant premièrement les yeux sur ces quatre Messieurs qui auoient peur d'engraisser leurs cas- tors, et puis vers INÎonsieur de Caudale et les autres : c( Vous auez là quatre grands coquins à vostre table. » Ces paroles prononcées d'vn ton Martial et d'vn air me- naçant, ietta la glace dans les entrailles de toute la com- pagnie, quoyqu'échauffez de la bonne chère et du vin puissant. Chascun tascha de se saisir de son espée ; et ce qui fît rire Monsieur de Beaufort , fut l'empressement de du Frottoir qui se saisit d'vne espée , de mesme que s'il s'en pouuoit seruir. Monsieur de Beaufort l'enuisageant d'vn souris dédaigneux et mesprisant : « Ma foy, tu au- rais meilleure grâce à tenir vn cornet et piper le dé, comme tu fais tous les iours , qu'à te saisir d'vne espée dont ie crois que tu aurois peine à te seruir. » Monsieur de Beaufort à qui la présence d'esprit ne manque iamais, dit à Monsieur de LaMotte Houdancourt : u Monsieur, ie vous prie, ayez soin de mon Cousin ' L'auteur de la Soupe frondée nomme, avec Gersav, Caudale, Saint- Mcgrin, Vigueul,Manicamp, du Frétoy et Boutteville. ' La Motte Houdancourt , Brissac , Fontrailles et Fiesque [/a Soupe frondée) . DE MAZAKINADES. C05 (c'estoit le Duc de Candale). le suis marrv ({u'il s'est rencontré en si mauuaise Compagnie. Ce n'est pas à luv que nous en voulons. » Cela dit, il prit le coing de la nappe qu'il ne renuersa qu'à demy, soit qu'elle fust trop bien couuerte , ou que le Prince se contenta de témoi- gner médiocrement son mespris selon sa modération ordinaire. Pour mov, ie veux croire qu'ils doiuent beau- coup d'obligation à la présence de Monsieur de Candale. D'autres disent que Monsieur de Beaufort les railla assez plaisamment et qu'il dit à Monsieur de Candale et aux autres du partyciuil : (( Messieurs, ie m'estonnc que vous n'ayez pas icy les vingt-quatre violons. Vostre cbère n'est pas complète ; mais en voilà quatre ou cinq qui les valent bien. » le crois que ces Messieurs se fussent soubaité bien loin de là et qu'ils eussent voulu n'auoir jamais raillé les Frondeurs. Monsieur de Beaufort se contenta de leur auoir fait l'affront et leur dit en se retirant : « jNîessieurs, vous apprendrez vne autre fois à mieux parler. » Cela leur fit perdre l'appétit. Toutes les viandes leur semblèrent mal assaisonnées; et ils descbargèrent toute leur mauuaise humeur sur le cuisinier, à qui ils auoient donné des louanges au premier seruice. Il y en eut vn de la Com- pagnie qui dit qu'il n'y auoit pas de quoy rire et que ce n'estoit pas vn temps de s'ammuser à manger, que le procédé de Monsieur de Beaufort ne leur promcttoit rien de bon , que le peuple qui estudie ses sentimcns et qui espouse si ardemment ses intérests , pourroit cbanger la farce dans vne tragédie, si cela venoit à leurs oreilles et que Renard y pourroit bien perdre sa vaisselle d'argent et eux leurs oreilles. On approuua ce conseil; et ces Mes- sieurs, sans plus tarder, se retirèrent doucement chez 506 CHOIX eux et partirent le lendemain , quelques vns disent le soir mesme, pour la Cour, pour leur faire sçauoir que quoy que les vingt-quatre violons ne soient pas à Paris , on ne laisse pas d'y faire très bien danser la courante qu'on appelle la Mazarine, Monsieur de Beaufort alla coucher chez les Preu- d'hommes pour estaindre dans le bain la noble chaleur que toute sa vertu auoit eu peine de contenir à la pré- sence de ses ennemys. Toute la nuit, trois Mareschaux de France firent la patrouille par Paris, crainte qu'il n'arriuast quelque désordre; et le lendemain le Préuost des Marchands et quelques Escheuins furent chez Mon- sieur le Chancelier pour lui témoigner que les Bourgeois ne faisoient que se rire de cela , que là ou Monsieur de Beaufort auroit de l'aduantage , il ne faut rien craindre, mais qu'ils le prient de faire en sorte qu'on recommande bien à la Cour de ne point esueiller cette grosse beste qui commence désià à s'assoupir, en remonstrant que le moyen de la gagner, c'est de la caresser et non pas la picquoter à tous momens. DE MAZARINÂDES. 507 Le Courrier dv temps apportant ce qui se passe de plus secret en la cour des princes de ï Eu- rope [825] ^ . (17 juillet 1649.) De Dantzic du 23 iuîllet 1649. Nicolas Canasille, consul de la nation Françoise en ceste ville , a receu plusieurs ballots de draperies de laines et de soyes, castors et toilles fines qui lui ont esté enuoyées par le Cardinal Mazarini sous l'adresse du Comte de Bregi Flexelles, Ambassadeur près de sa jNIa- iesté Polonnoise, afin d'esuiter par l'adueu que cet Am- bassadeur en fait, le payement des droits de Tôle. Elles ont este bien vendues à des marcbands de Varsau , Cra- kau et Léopol. Ledit Nicolas Canasille a employé la plus grande partie de l'argent qui en est prouenu , en Martres Zibellines, Renards noirs et autres fourrures ex- quises et en vn seruice tout entier d'ambre blanc qu'il renvoyé audit sieur cardinal auec quelques autres raretez de ce pays, sur lesquelles il fera vn profit notable. L'E- vesquede Varmie, cydeuant Ambassadeur extraordinaire en France, en ayant esté aduerty, les a voulu faire saisir pour se rembourser de la somme de dix mille tallers (thalers) dont il fust trompé par le Cardinal Mazarini * Il est de Fouquet de Croissy, conseiller au parlement de Paris, ''un des p^nlpotentiaires fiançais à Muns'er , grand frondeur et partisan du prince fie Condé jusque chez l'Espagnol. Guy Patin avait un goût particulier pour ce pamphlet dont il parle en plusieurs endroits de ses Lettres. 508 CHOIX dans l'acliapt d'vne croix que son Éminence lui vendit pour donner de la part de Sa Maiesté Polonnoise à nostre Royne lors de ses fiançailles à Paris. Nostre Sénat n'a pas voulu que ce différend esclatast. De Rome du 26 iuillet 16i9. Nous auons appris par les dernières lettres de France quVne des sœurs de l'Eminentissime Cardinal Mazarin cstoit morte en cette ville. On ne sçait pas bien encore laquelle c'est des deux. Peut-estre qu'auec le temps on s'en esclaircira *. De Sainct Quentin du 10 août 16-19. A Parriuée du cardinal Mazarin en cette ville, Nostre Bourgeoisie s'est mise en armes ; et l'on a crié Viue le Roy ! sur la créance qu'on auoit que Sa Maiesté nous honoroit de sa présence ; mais nous auons esté surpris, voyant que les compagnies des Gardes, les Gendarmes et Cheuaux-Légers, commandez par Monsieur le Mareschal de Schomberg , ne venoient icy que pour escorter son Eminence, et que les Mareschaux Du Plessis et de Ville- roy auoient eu ordre de quitter la personne du roy et de Monsieur pour suiure ce Ministre. Il a beaucoup trauaillé icy à marchander luy mesme les bleds , les faire met- tre au moulin, faire cuire les pains de munition. C'es- toit sa principale occupation , si ce n'est qu'il se délas- sast quelquefois de ces grandes fatigues a quelques re- ' C'est l'original de l'anecdote racontée par le cardinal de Retz sur le père de Mazarin. DE xMAZAUINADES. 509 prises de hoc où il a monstre vne adresse mcruel lieuse au grand estonnement de tous les corps de cette ville. Ses trois tables seruies de mets les plus ex(juis et occu- pées par Messieurs de Vandosme et de Mercœur qui, comme ses cliers futurs alliez ^, estoient en toute luuni- lité assis au dessous de lui , trois Mareschaux de France, grand nombre de Ministres de l'Estat et de Mareschaux de Camp, Commandeurs et Cheualiers de Malthe, ont bien iustifié, à la honte de ses ennemis, sa Royale magni- ficence. Son buffet d'or massif et de mesmecaract que ce- luy de nos Louys tenoit toute la grande Salle de nostre maison de Ville. Ceux de sa suite respandoient icy en mesme temps plusieurs bruits pour tenir le peujjle en admiration de ses grands desseins — et en effet — il a veu les Erlacs -. Cette fierre nation s'est adoucie à sa présence, luy a fait hommage comme au distributeur et possesseur de toutes les finances de France. Les Géné- raux Oems et Flechenstein se sont enyurez pour l'amour de luy. Il a recogneu les caresses de ces braues estrangers ; et pour se les asseurer, il leur a fait vne ample distribu- tion de pièces de toille , chemises et rabats sans glans, coiffes de nuict, manchettes, gans de Cerf et de Daim a franges d'or et d'argent, baudriers en broderies, gardes d'espées, fourreaux de pistolets, le tout tiré de ses ]Maga- • On a fait un peu plus tard sur le projet de mariage du duc de Mercœur et delà nièce de Mazarin VJntinopcler , etc. [93], le Poulet ['^831]^ la Sauce du Poulet [3o97] , la Salade en réponse à la Sauce du poulet [3373], la Lettre de 31. le duc de Beaufort à M. le duc de Mercœur, etc. [20-21], la Réponse de M. le duc de Mercœur, etc. [3408], la Lettre de la prétendue M'-' de Mercœur, etc. [1941], enfin VEnlrelicn de M. le duc de T\n- dosme, etc. [1238]. 2 Le corps d'armée allemand du général Erlac qui s'était S'-paré de Tu- renne pendant le blocus de Paris et que la Fronde a tant maltraité dans se» pamphlets. 510 CHOIX zin-^ et eniiovo a son Einliience par ses Commis Tabbé MondinP et Tlieueiiini. Et puis dites que ce grand Iules ne vaut pas bien le grand Armand. De Paris du 15 août 1649. Le ieune Lescot ', Marchand louailler, est de retour de Lisbonne d'où il a apporté pour huit cent mil liures de diamans au cardinal INIazarini pour entretenir le com- merce qu'il en fait faire par le nommé Mondini et ses autres facteurs tant ecclésiastiques que séculiers. Le dixhuitiesme du mois d'Aoust Leurs Maiestez très Chrestiennes firent leur entrée en cette ville. Le peuple les receut avec des acclamations extraordinaires et témoi- gna tant de respect pour la personne du Roy qu'il dissi- mula en sa présence vue partie de la haine qu'il conserue tousiours pour le Cardinal Mazarini ^ La ieunesse de nostre Prince ne luy empesche pas de cognoistre la grande affection de ses bons suiets; et on remarque qu'il dit, es- tant arriué dans le Pallais Royal y accompagné des vœux et des cris de ioye des Habitans de sa bonne ville, qu'il n'auoit iamais receu tant de satisfaction, qu'on auoit eu grand tort de luy donner de mauuaises impressions de * L'abbé Mondini est nommé dans la Réponse au libelle intitulé : Bons auis sur plusieurs mauuais auis [3377]. * Voir la Lettre du secrétaire de saint Innocent, etc., qui précède. * Il n'y a pas moius de trente pampblets qui témoignent des sentiments du peuple. Je citerai seulement Y Entrée pompeuse et magnifique du roi Louis XIV en sa bonne ville de Paris ^ etc. [12:29]. Vers présentés au roi à son entrée, etc. [4019]. Vive le roi! des Parisiens, etc. [4044]. Le plus heureux iour de l'année par le retour de Leurs Maiestez , etc. [2803]. Le Roi triom- phant au milieu du peuple, elc [3bb7], Paris triomphant et consolé par T heu- reux retour de Leurs Maiestez, etc. [2698]. DE MAZÂRINADES. 611 Iciii' fiuôlitc et qirvnc aiiti'e fois il ne se l.-ussoroll pas cn- leuer pour leur faire la guerre. Le Cardinal Mazarini auoit riionneur d'estre dans le carrosse de Sa iMaiesté aucc toute la maison Iloyalle, à rexception de Monsieur le Prince de Conty qui se trouua le mesme iour indispose. Cette ioye si publique qui a continué plusieurs iours et plusieurs nuicts dans Paris, fait assez cognoistrc l'im- prudence de ce Ministre de s'estre si longtemps opposé au retour du Roy qui eust rétabli la confiance et em- pesclié les désordres qui sont suruenus dans les Pro- uinces pendant son absence ; mais il est difficile de vaincre la peur naturelle qui le saisit aux occasions les plus importantes. La bonté que la Royne a pour luy, la protection que Son Altesse Royalle lui promit en ce ren- contre, la valeur de Monsieur le Prince qui estoit à ses costés, nepeurent l'assurer. Il fallut encore négocier quel- ques iours auparauant auec les Bateliers et acbepter d'eux la paix. Encores ne fut-il pas satisfait de la promesse qu'ils firent d'oublier tout le passé pourueu qu'il voulust mieux viure à l'auenir. Il luy fallut des ostages et en nombre considérable qui luy furent présentez au Bourget. Ce ne fut pas encores assez. Il leur fit renouueller leur parolle en présence de Leurs Maiestez. Véritablement après vne déclaration si fauorable, son cœur se desserra. Il ne put contenir sa ioye; il les embrassa avec tendresse, leur frappa dans la main ; et pour gagner leur confiance et les préparer à la persuasion, il leur fit vne ample distri- bution de Louys d'or; puis les entretint d'affaires d'Estat, leur parla de ses négociations et les voulut faire iuges de sa conduite passée. Leur facilité à receuoir ses présents et le peu de contradiction qu'ils apportèrent à ses puissantes considérations politiques, appuyées d'vn raisonnement 512 ■ CHOIX esleue et confirmées par rauthorité de i\Iachiauel, cité très à propos à ces dignes auditeurs, luy fit espérer qu'il pourroit auec le temps les gagner et les mettre de son costé. Pour s'insinuer dauantage dans leurs esprits, il leur fit cognoistre auec beaucoup d'adresse de. quelle considération ils estoient à l'Estat pour l'vnion et les forces d'vn corps si considérable. Il s'enquist ensuite s'ils n'auoient point quelques intérests particuliers ; et appre- nant de leur boucbe leur grande contestation auec les Tonneliers, il déclara aussitôt qu'il s'en rendoit iuge, auec obligation de condamner ces derniers comme les plus foibles et les moins à craindre. Enfin il se sépara d'eux auec beaucoup de ciuilité, les reconduisit iusques hors de sa chambre, disant tout haut qu'ils estoient dé- putez d'vn corps auquel cet honneur estoit deu. Le 20 du mois, le Cardinal Mazarini mena le Roy à Challiot pour auoir le diuertissement du ieu de l'oye que les Bateliers luy donnèrent sur la riuière\ Sa Ma- iesté estoit sur les terrasses du dernier iardin qui regarde sur l'eau, et se faisoit admirer d'vn nombre infiny de peuples qui ne pouuoient se lasser de la contempler. Mais ils furent scandalisez et eurent peine de souffrir le Cardinal ?ilazarini proche de sa personne, appuyé sur le mesme balustre, faisant le beau, radoucissant son visage de rose, parlant couuertà son maistre, badinant auec luy, luy prenant ses mains Royalles et les meslant auec les siennes, villaines, impures et complices de ses ordures. Le corps des Tonneliers ayant sçeu la Déclaration que cet arbitre équitable auoit faite en faueur des Bateliers, par cette seule considération qu'ils estoient les plus forts ' On a publié sur cette fête VOiseau de riuiève ou le Tournoi naual, etc. [2587], et VOre royale tirée deuant leurs Maiestez, etc. [2o86]. DE MÂZARINADES. 513 et les plus entreprenans, a fait vnion aiiec les Croche- teurs et les Portechaircs. Ils firent leur reueue et se sont trouuës plus de douze mille, tous capables de iouer du pic et du crocq; ce qu'ils ont fait sçauoir au Cardinal Mazarini auparauant qu'il iugeast leur différent auec les Battelliers. L'on ne doute plus qu'il ne se déclare pour les premiers qui sont les plus forts , si ce n'est qu'à son ordinaire il veille négotier et se rendre médiateur entre des personnes si considérables h l'Estat. Le sieur Sainc- tot*, ambassadeur du Cardinal Mazarini au Royaume des Halles, y a été enuoyé pour faire vne alliance offensiue et deffensiue entre ces peuples et son Éminence. Il n'y a pas trouué la facilité qu'il s'estoit promise, n'ayant pu obtenir d'eux qu'vne trefue pendant quelques mois ; et encore ea esté à condition qu'on osteroit les taxes qu'on auoit mises sur les boutiques de leur Cité. D'Amsterdam, ce l'"" septeniLre 1649. Il est icy arriué, cette semaine, plusieurs vaisseaux des Indes. Entre les autres ricbesses dont le bon voilier estoit cbargé , il a apporté vne douzaine de singes les plus beaux et les plus rares qu'on aye encore veus en ces quartiers. La Cardinal Mazarin les a fait venir pour les mettre en sa garderobe et ses anticbambrcs, afin de di- uertir ceux qui luy font la cour et iuger par la ciuilité et ' Nicolas de Sainctot, maître des cérémonies. « 11 (le cardinal de Retz) a conférence.... lantost auec le mareschal de l'Hôpital et Sainctot, etc. ^■ La Véritable fronde des Parisiens, etc. [393i]. On peut consult.T d'ailleurs l'article delà Censure ou Réfutation du libelle intitulé : Soupirs français snr la paix italienne [674] et celui du Confiteor du Chancelier ^ etc. [Toll; dans la Bibliographie des Mazarinades . 3J 514 CHOIX le bon traitement qu'ils feront à ces animaux , fauoris de Son Éminence, de l'affection qu'ils ont pour son seruice. Triolets de ioie chantés par Paris pour chasser la mélancolie [z^oQ], (18 août 1649.) Il paroist enfin mon Soleil , Ce beau Louis qui me contente ! Ah ! que son visage est vermeil ! Il paroist enfin mon Soleil. Ah ! que ie le vois de bon œil Après vue si longue attente ! Il paroist enfin mon Soleil, Ce beau Louis qui me contente ! A l'aspect d'vn astre si beau Qui tout charme et que tout adore , Mes soins s'en vont dans le tombeau , A l'aspect d'vn astre si beau; Et saisi d'vn plaisir nouueau, le bénis sa diuine aurore , A l'aspect d'vn astre si beau Qui tout charme et que tout adore. Chantez partout : Viue le Fils ! Chantez partout : Viue la Bière ! Peuples qui viuez dans Paris , Chantez partout : Viue le Fils! Qu'on n'entende plus d'autres cris. On ne verra plus de misère. DE MAZÂRIN\DES. 515 Chantez partout : Viue le Fils ! Chantez partout : Viue la Mère ! Qu'on s'aille diuertir au Cours; Il vaut bien mieux qu'on se promène. Pour entretenir les amours , Qu'on s'aille diuertir au Cours. Qu'on passe doucement les ioui-s , S'il se peut toute la semaine. Qu'on s'aille diuertir au Cours; Il vaut bien mieux qu'on se promène. Que chascun cherche du plaisii- Au Luxembourg , aux Tuileries ; Autant qu'on aura du loisir, Que chascun cherche du plaisir. Galans, selon vostre désir, Débitez vos galanteries. Que chascun cherche du plaisir Au Luxembourg, aux Tuileries . Courage , réiouissez-vous , Il en est temps, belles Coquettes. Les voilà de retour, vos fous ! Courage, réiouissez-vous. Vous les verrez à vos genoux , Chargez de poudre et de fleurettes. Coiurage , réiouissez-vous , Il en est temps, belles Coquettes. Puisque mon cher prince est ici , Adieu, chagrin; adieu, tristesse. le ne veux plus estre en souci, Puisque mon cher prince est ici . Mes maux sont finis , Dieu merci ! Et ie reprends mon allégresse* 516 CHOIX Puisque mon cher prince est ici , Adieu, chagrin; adieu, tristesse. Mon nauire est en seuretë Plus que iamais dessus la Seine. Quoiqu'on m'ait tant persécuté , Mon nauire est en sem^eté. Louis a tout vent arresté Et m'a mis hors de toute peine. Mon nauire est en seureté Plus que iamais dessus la Seine. L'Archiduc n*a qu'à reuenh Pour m' endormir auec ses charmes. le l'ai bien dans mon souuenir. L'Archiduc n a qu'à reuenir. Paris méprise à l'aduenh Autant ses douceurs que ses armes. L'Archiduc n'a qu'à reuenir Pour m'endormir auec ses charmes. le ne crains aucun danger Puisqu'à présent le Roy me garde. Du François ni de l'Estranger le ne crains plus aucun danger. Et si quelqu'vn veut m'outrager, N'ai ie pas bonne sauuegarde.' le ne crains plus aucun danger Puisqu'à présent le Roy me garde. DE MAZARINADES. 517 Prompt et salutaire auis. Vive lésiis -Christ! ville le roi! François et tous ses bons suiets [2903]'. (Après h paix de Saint-Gormain.) Peuple de Paris, courez de iour à autre au Palais. Faites qu'au plustost Messieurs du Parlement, i'entends ceux qui sont recognus pour véritables François, s'as- semblent; qu'ils appellent des députez de chascun Par- lement de France, gens de bien et bons compatriotes; que sans s'amuser à certains ordres soupçonnez qui, sous prétexte de police, estouffent les meilleurs desseins, chas- cun quartier députe quelques habitans pour s'assembler en vne chambre du Palais et aduiser à ce qu'on voira bon estre ; et ainsi dans les autres communautez du Royaume qui auront leurs députez en celle-ci, gens re- cognus de nulle mauuaise intrigue et de probité. Que toute la populace etpauures contraignent les bien- faisans qu'on recognoistra qui se sont donnez à Dieu et au secours du prochain, s'assembler en vne chambre du Palais pour pouruoir aux nécessitez d'vn chascun sur le bien qu'on désignera estre propre pour cet effet ; ce qui profitera aussi à l'aduenir, tant pour toutes sortes de personnes incommo- dées, que nommément pour les pauures soldats estropiez ou non et leurs familles qui auront seruy le roy et l'Estat. * Ce nom de François jeté dans le titre me porte à croire que le pam- phlet est de François Davenne. On peut consulter sur ce fou célèbre i'article de V Ambassade de la bonne paix générale, etc. [68], dans la Bi- bliographie des Mazarinades. 518 CHOIX Et afin qu'on aye plus de facilité à faire cette iuste contrainte, voicy les adresses de quelques-vns : Le feu sieur baron de Ranty, ne pouuant ayder, si ce n'est par ses prières , profitera beaucoup si on va chez luy s'enquester de ceux qui estoient de sa pieuse intelli- gence, tant dans cette ville que dans les Prouinces, pour le soulagement des pauures principalement honteux. Sa maison est en la paroisse Saint Paul , rue Beautreillis , proche l'Arsenal ; Monsieur l'Euesque du Belley*; Le sieur Regnard , près les filles Saint Thomas , près le fauxbourg Montmartre ; Les sieurs de Chaumuel, le sieur abbé de Matha et autres aux Incurables ; Le sieur abbé Normand', près la porte Saint Michel ; le sieur de Couttayes, vers la Pitié, ioignant l'Image Saint Louys ; Les sieurs Curez de Saint Germain TAuxerrois, Saint Merry, Saint Nicolas du Chardonnet et autres zélez pour les pauures, entre lesquels ie ne nomme point leur chef. Monsieur le Coadiuteur de Paris, qui estendra aussi bien ses soins sur les pauures que sur le reste du public. Le sieur Camus , Fauxbourg Saint Jacques , aux Car- mélites , et ceux que feront cognoistre les charitables et nullement bigottes habitudes, comme en ont de certains à la mode qui d'vn costé adorent le Veau d'or de la Cour et ses diaboliques maximes, et de l'autre veulent couurir leur hypocrisie de quelqu'apparence de bien, ou pensent ' Jean-Pierre Camus, évêque de Bellay. Il était alors retiré aux Incu- rables de Paris. * Maître de chambre du cardinal Mazarin. L'auteur de V Enfer bur- lesque ^ etc. [1216] nomme l'abbé Le Normand qui ^ar/é" avec science de la Prouldence. DE MAZARINADES. 519 s'absoudre de leurs brigandages par quelques aumosnes d'vn bien qui ne leur appartient pas, et, en laschant cinq sols, croyent pouuoir en retenir douze mille.... Il ne faut se soucier des grands honneurs et moyens, seulement de la pureté d'intention ; et Dieu confond par la prière d'vn homme de bien et sa simplicité les con- seils des prudens du siècle ; ce qui me fait nommer en- suite le bon Pauure *, le Coustellier ^ rue de la Coustel- lerie à la Rose Blanche, le Mercier^ , Frère Michel vis à vis Saint Paul. Outre qu'entre ces personnages ci dessus désignez qui n'ont pas moins de iugement et de qualité que de piété , il s'en trouuera que la charité fera agir en ce que le soupçon d'ambition leur feroit fuir. Il faut demander pleine liberté d'escrire ou faire im- primer de bons aduis ou autres choses profitables au pu- blic, sauf à estre discutées ; et l'on verra en conséquence que l'Estat sera en asseurance ; les incendies , les vols, les sacrilèges et autres crimes et desseins énormes seront supprimez ; vn ordre certain empeschera la confusion que l'incertitude d'vn mal aussi certain, si on n'y pour- uolt , qu'est la mort naturelle , fortifie ; les honnestcs bourgeois riches ne seront appauuris ; les médioci-es ne seront réduits au néant ni les panures au désespoir, comme les pernicieux conseils prétendent. N'est-ce pas ' Lettre d\n bon pauure escrite à madame la Prifuesse douairière , etc. [Î851]. "* Jean Clément , coutelier. 11 fut l'un des collaborateurs laïques de M. OUier, curéde Saint-Sulpice, et du célèbre controversiste, le P. Vé- ron, dans l'œuvre delà conversion des protestants. \oir la Harangue pro- noncée aux pieds du roi et de la reine.... par M. Clément, etc. [IG08]. Un nommé Mittanour a publié, probablement en 1650, Y apothéose ou le Mé- morial de la vie partout célèbre miraculeuse du bienheureux maistrc Icnn Clément, etc. [136]. ^ Beaumais, compagnon de Clément. 520 CHOIX vne chose estrange que des athéismes , des mensonges exécrables, des flatteries et autres telles dangereuses pra- tiques peuuent estre ouuertement imprimez et qu'on n'ose parler d'vn bon aduis , de dire qu'en bien faisant et publiant des choses chrestiennes et profitables au pu- blic, on appréhende les Ministres de la Justice qui, forcez par la vérité , auoient iustement condamné ce qu'ils ont par après indignement approuué , sauf l'honneur des bons, partie par vne pusillanimité honteuse, partie par vne correspondance criminelle deuant Dieu et deuant les hommes; leuriniuste acquiescement ayant remis ou plus- tost entretenu dans ces monstres impitoyables la fureur et la rage pour l'exercer plus audacieusement. L Adieu et le désespoir des authears et escri- uains de la guerre ciuile, en vers burlesques (Après la paix de Saint Germain.) Hélas ! puisque la paix est faite , Il nous faut sonner la retraite? Nous ne pouuoiis plus dans Paris Faire rouller auec grands cris Les pièces que nostre génie Inuentoit pour la compagnie De messieurs les colleporteurs, Aussi bien que nous grands menteurs. Nos libelles estoyent en prose, Qui n'estoit pas trop bien esclose ; Car les périodes carrez Ne s'y trouuent pas mesurez. DE MAZAUINADES. 521 Quelquefois nos pièces Grotesques Estoyent faites eu vers l)urlesques, Et nos sérieuses aussi. Après, nous prenions grand souci De pouuoir trouuer des bons tiltres Afin de n'estre point belistres. Et de contenter les humeurs De tant de diuers Imprimeurs , Qui ne faisoient pas trop de conte De nos cayers. Lorsque sans honte Ils nous entendoient commancer Le discours de nous aduancer De Targent pour boire chopine, Ils nous faisoient fort froide minej Et après auec vn œil doux Ils nous disoient : « Voilà cinq sous. Sans doute vous aurez le reste , Croyez-le , l'on vous en proteste , Quand le papier sera vendu. •> Ayant leur propos entendu , Nous disions sans arrogance « Messieurs, nous aurons patience ! Hélas ! que nous serions contans , Et que nous passerions le temps , Si vous en vendiez quatre rames. Nous irions voir de ieuncs femmes ; Car nous en aurions quatre escus. En suite le gaillard Bacchus Nous mettroit en sa confrairie. Nous irions à la Boucherie Prendre des membres de Mouton ; Nous serions doux comme vn Caton ; Et nous passerions la semaine , Oîi sans nous mettre trop en peiiie De la paix et des bons accorcls , 552 CHOIX Nous nous traitterions bien le corps ! Ha ! que nous serions bien en presse Pour auoir du pain de Gonnesse Du ceruelat et du iambon. » Ils respondoient : « Ce seroit bon. Venez demain en diligence; Vous aurez vostre récompence. » Après ils nous disoient adieu; Ainsi nous sortions de leur lieu. Le lendemain l'heure arriuée , Que la pièce estoit acheuée , Nous estions prests pour aller voir, Comme c'estoit nostre deuoir, Si la pièce s' estoit vendue. Lors d'vne mine morfondue Ils nous disoient, qu'en vérité L'on n'en auoit pas achepté Vue rame du tout entière , Et qu'ainsi nous ne ganions guère; Et pour nous vu peu consoler. Ils commençoient à nous parler, Qu'ils croyoient mesme que les Pies Fissent comme nous des copies; Car plus de trente tous les iours , Toutes diuerses , auoyent cours. Mettant la main à la pochette , Ils nous disoient : « le vous regrette. Vostre peine mérite plus. » Après ces discours superflus. Ils nous donnoient quelque monnoye Pour nous mettre le cœur en ioye , Nous promettant qu'à l'aduenir, Afin de nous entretenir. Ils nous donneroient dauantage. Cela nous donnoit du courage. DE MAZARINADES. 52$ IVIaintenant que voilà la paix , Que nous sommes bien attrapés ! Nous ne sçauons filer ny coudre , Ny moins à quoy nous faut résoudre. Alors que la guerre reiguoit , Chacun de nous ne se pleignoit. Il faisoit tousiours bonne chère , Et se moquoit de la misère. Il se leuoit de grand matin Pour aller gouster du bon vin. Son cœur estoit plein de hesse Quand il auoit fait vue pièce Qu'il portoit à son Imprimeur, Aussi bien que luy bon Grumeur. Il trauailloit ainsi qu'en barbe Pour la copie de la barbe; C'est à dire pour vn festin Qui duroit depuis le matin lusque qu'il eust la rouge trogne Semblable à celle d'vn iurogne. Le lucre et la nécessité , Le plaisir et la volupté , Dans la passée conioncture , Nous ont contraints, ie vous asseure, De forcer nos corps et nos sens Pour faire trois mille cinq cens Odes, Poèmes, ou Libelles Qui remplissoient nos escarcelles D'argent que selon nos désirs Nous employons pour nos plaisirs! Las! il nous faut plier bagage; Ce qui nous fait mourir de rage. Nous voudrions bien pouuoir tousiours Faire de semblables discours; Mais puisque la guerre est finie, 524 CHOIX DE MAZARINADES. De mesme en nostre compagnie, Il nous faut prendre des bourdons Pour aller gaigner les pardons. Adieu donc, chère Imprimerie; Adieu, ce n'est pas raillerie. Il nous faut quitter tes supposts Qui nous faisoient vuider les pots. Nos escrits ne sont point en vogue. Voicy le dernier Epilogue Que nous faisons pour esmouuoir Les peuples à nous receiioir Dans leurs festins et leurs beuuettes. Nous leur seruirons d'interprètes; Nous leur expliquerons l'accord Qui nous cause ce grand remord. Le désespoir qui nous transporte , Nous force à parler de la sorte. Nous voudrions que le Paradis Gardast la Paix et ses Edits. Nous viurions ioyeux dans la guerre Auec le flacon et le verre. FIN DU PREMIER VOLUME. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. l'aies. 1 Agréable récit de ce qui s'est passé aux dernières barricades de Paris , etc i 2. Requeste des trois Estats présentée à Messieurs du Parle- ment 28 3. Requeste burlesque des partisans au Parlement [extrait) 3i 4. Contract de mariage du Parlement avec la ville de Paris. ... 39 5. Le passe-port et l'adieu de Mazarin, etc. ... , bO 6. Raisons d'Estat contre le ministère estranger b6 7. L'Anatlième et l'excommunication d'vn ministre d'Estat estran- ger 6b 8. Les souhaits de la France à monseigneur le duc d'Angou- lesme 82 9. Dialogue de deux Guépeins sur les affaires du temps 88 10. Lettre d'vn religieux enuoyée à monseigneur le prince de Condé, etc , 9:2 1 i . Vers burlesques enuoyez à monsieur Scarron sur l'arriuée du convoy à Paris 103 12. Catalogue des partisans, etc ^ 1 3 13. Diuerses pièces sur les colonnes et piliers des maltôtiers, etc. {extrait) 1 39 14. Inuentaire des merueilles du monde rencontrées dans le palais du cardinal Mazarin ^^^ 15. Lettre du cheualier Georges de Paris à monseigneur le prince de Condé 1^^ 16. Les logemens de la Cour à Saint-Germain en Layc 172 17. Coq à l'asne ou Lettre burlesque du sieur Voilure ressuscité au preux cheualier Guichens, etc ^ ''^ 18. Lis et fais ' '^ ^26 TABLE DES MATIÈRES. Pages. 19. A qui ayme la vérité 1 85 20. Le Roi veut que le Parlement sorte de Paris, etc 190 21. Taxes faites des maisons sises aux enuirons de Paris et ail- lexirs, etc 207 22. Ode sur dom Joseph de Illescas, prétendu enuoyé de l'archi- duc Léopold 223 23. Bandeau leué de dessus les yeux des Parisiens, etc 228 24. Décision de la question du temps, etc 246 23. Lettre du père Michel, religieux hermite de l'ordre des Camal- doli près Grosbois, à monseigneur le duc d'Angoulesme, etc. {extrait) 263 26. Plainte du carnaual et de la foire Saint-Germain, etc 268 27. Catéchisme des partisans, ou Résolutions théologiques touchant l'imposition, leuée et emploi des finances, etc. [extrait). . . 277 28. Remercîment des imprimeurs à monseigneur le Cardinal Mazarm. . , 289 29. Advis à la Reyne sur la conférence de Ruel 293 30. Lettre à monsieur le Cardinal, burlesque 295 31. Sommaire de la doctrine curieuse du cardinal Mazarin, etc. . . 314 32. Lettre iouiale à monsieur le marquis de La Boulaye, etc. . . . 348 33. Lettre d'avis à messieurs du Parlement de Paris, escrite par vn prouincial . - 358 34. Lettre d'vn secrétaire de saint Lmocent à Iules Mazarin 408 35. Les Triolets du temps, etc. {extrait). 416 36. Sur la Conférence de Ruel en mars, etc 423 37. Maximes morales et chrestiennes pour le repos des consciences dans les affaires présentes, etc. {extrait) 425 38. Demandes des princes et seigneurs qui ont pris les armes aiiec le Parlement et peuple de Paris 431 39. Le Manuel du bon citoyen , etc 437 40. La France parlant à monsieur le duc d'Orléans endormy. . . . 469 41. Le Burlesque remercîment des imprimeurs et colporteurs aux auteurs de ce temps 471 42. Le Voyage des lustes en Italie et autres lieux 476 43. Discours sur la députation du Parlement à monsieur le prince de Condé 479 44. La Noctuine chasse du 1 eutenant ciuil 492 45. Requeste présentée à monseigneur le Prince par les vignerons de son gouuerncment de Bourgogne, etc. {extrait) 498 46. Le Branle Mazarin dansé au souper de quelques- vns de ce parti là chez monsieur Renard, etc 501 TABLE DES MATIÈRES. 527 Vages. 47. Le Courrier du temps, etc. ( cxirait) Ji07 48. Triolets de ioie chantez par Paris pour chasser la mélancolie. 514 49. Prompt et salutaire auis. Vive Jésus-Christ! etc. [extrait) bl7 50. L'Adieu et le désespoir des autheurs et escriuains de la guerre ciuile, etc 520 Imprimerie de Ch. Lahure (ancienne maison Crapelet) rue de Vaugirard, 9, près de l'Odéon. :t.,^,'«^/- C^.<»<>. fi-, . *^>^^« c<. ' ce ^ c: ^:f.^ < . ai: 1 tî s^€^ ^^rMm m%--^^ ■^^ 'm^ ^^-..^^ ^S'A *i"9»*<- f 1